samedi 17 janvier 2009 :
Sodeb'O attendu avant midi à Brest
Ultime nuit en mer, ultimes dépassements
de soi et ultime bord pour boucler le tour du monde en solitaire en multicoque.
Thomas Coville et Sodeb'O ont marché à 21 noeuds de moyenne
cette nuit.
17/01-7h20 Le soleil va bientôt se lever en mer d'Iroise. Thomas
Coville et Sodeb'O sont à 76 milles du port de Brest. Ce samedi,
entre 11h30 et midi, il devrait couper la ligne d'arrivée, situé
entre le phare du Petit Minou et la bouée des Fillettes et boucler
son tour du monde en moins de 60 jours!
A peine une heure plus tard, il touchera terre au quai Malbert,
près du remorqueur Abeille Bourbon et de la goélette aviso
Recouvrance. Sur le podium, Thomas partagera avec le public venu l'accueillir
ses premières impressions.
Pendant toute la journée, retrouvez Thomas Coville et le Maxi Trimaran
Sodeb'O sur sodebo-voile.com: des films, des sons, des photos, des articles,
les réactions du skipper?
Sodeb'O a franchi la ligne !
Thomas Coville a franchi la ligne d'arrivée du record du tour du
monde en solitaire et en multicoque aujourd'hui, devant le phare du Petit
Minou à Brest, samedi 17 janvier 2009 à 11 heures, 41 minutes
et 57 secondes heure française.
Le marin et son Maxi Trimaran SodebO bouclent ce tour du globe en
59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes à la moyenne de
19,6 noeuds. Il est le troisième marin après Francis
Joyon et Ellen MacArthur à
réussir ce tour du monde sans escale. Lun et lautre
ainsi quOlivier de Kersauson saluent
le skipper SodebO et sa performance.
Un tour du monde en moins de 60 jours
Seul à bord dun bateau exigeant long de 32 mètres,
repoussant sans cesse les limites dune fatigue extrême, Thomas
Coville signe ce matin le 4e temps absolu autour du globe, derrière
les équipages de Bruno Peyron (2005)
et Steve Fossett (2004) et le solitaire Francis
Joyon (2008). Sil ne parvient pas à surpasser en rapidité
Francis Joyon, lors de ce tour du monde, Thomas Coville a battu le 7 décembre
2008 son propre record de distance parcourue en 24h : 628,5 milles (1164
km) avalés à 26,2 nuds (48,5 km/h) !
Francis avait parcouru lan dernier 26 400 milles à la
vitesse moyenne de 19,11 nuds. La route de Thomas Coville est certes
plus longue (28 125 milles) mais plus rapide (19,60 noeuds)
A lentrée du goulet de Brest, les creux de trois mètres
de la mer dIroise ont laissé place à une belle houle.
Sous grandvoile à un ris et Solent, au portant et avec un
vent de sud-ouest de 15-20 nuds, le Maxi Trimaran revient à
son point de départ quil avait quitté le 18 novembre
2008. Thomas a franchi la ligne debout à létrave de
la coque centrale et les mains dans les poches.
Francis Joyon : "Bravo Thomas, si la victoire
n'a pas été au rendez-vous, il s'en est fallu de peu, et
surtout, tu as su vaincre toutes les difficultés et tous les risques
qui font le charme d'un tour du monde en multicoque et en solitaire. C'est
en soi un vrai succès : bienvenue au club des fous de multi autour
de la planète sans escale : seulement 3 membres pour le moment
avec Ellen ! J'ai suivi ton trajet, sans jamais douter que tu pouvais
rattraper ton retard, car le détour que tu as dû faire à
la descente de l'Atlantique serait compensé par les vents contraires
que j'avais rencontrés à la remontée de celle-ci.
C'est passionnant de voir que sur un trajet aussi long, les moments météo
favorables se compensent et arrivent à s'équilibrer !
Amitiés
Francis Joyon »
Ellen MacArthur : « Seules trois personnes
au monde ont connu la brutalité et le stress d'un tour du monde
sans escale à bord d'un multicoque. L'un d'eux, un certain Monsieur
Thomas Coville, vient juste d'arriver à Brest. Pour la plupart
de ceux qui fêteront son arrivée, l'exploit inspirera admiration
et respect, et parmi ces admirateurs je serai sans doute la plus fervente.
J'ai connu cette épreuve, je l'ai vécue
mais Thomas
l'a fait tellement plus vite que moi, sur un bateau plus exigeant, et
se battant contre un chrono bien plus difficile à atteindre ! Thomas,
les mots ne peuvent décrire ce que tu viens de vivre, mais toi
tu sais
et tu sais que je sais. J'ai le plus grand respect qui soit
pour ce que tu viens de réaliser. Tu es un héros. »
Olivier de Kersauson aussi a tenu à saluer
la performance de son ancien équipier sur un Trophée Jules
Verne victorieux en 1997 : « Ce qui compte cest la valeur
des combats, les victoires, cest la cerise sur le gâteau.
Après cest le destin, il y a des choses contre lesquelles
on ne peut pas lutter. On ne peut pas lutter contre un système
météorologique hostile. Les multicoques sont des bateaux
stressants à piloter à grande vitesse. Il ny a pas
de repêchage. Si sur une erreur, on se met sur le toit, cest
vraiment fini. Vu le temps quil a fait sur le parcours avec la météo
quil a eue, il a vraiment donné ! Cest la noblesse
de ce sport. A limpossible, nul nest tenu ! Autant, je suis
pour lengagement et je trouve que partir en multicoque autour du
monde cest un truc formidable, risqué, casse-gueule, dangereux,
intelligent, agressif. A partir du moment où on a tout donné,
il ny a pas de tristesse à avoir. Ce que Thomas a fait sur
lAtlantique est le résultat dune vraie connaissance
et dune vraie maîtrise. Lui et le bateau ont vraiment le niveau
du record ; ils ont eu des météos vraiment défavorables.
Ce nest pas humiliant. Bien sûr, il faut recommencer. Mais
cest comme ça que ça saffine. Ça nempêche
pas de saluer avec intérêt sa belle navigation, surtout en
conditions hostiles. »
Tour des émotions d'un tour du monde
Samedi à 11h41, Thomas Coville et Sodeb'O achevaient
leur tour du monde en 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes.
Une heure et demi plus tard, ils touchaient terre. (voir
les photos)
Après 28 125 milles autour du monde en solitaire, en trimaran,
Thomas Coville amarre son oiseau de 32 m au port de commerce de Brest.
« J'ai ramené le bateau, » murmure-t-il, les yeux fermés
en serrant fort dans ses bras Joseph Bougro. « Tu as fait davantage
que ça, » lui assure le fondateur de Sodeb'O, son sponsor.
Sur le voilier, les yeux d'une fillette pétillent. Ils racontent
son admiration pour le marin. Pour son papa. Thomas Coville est revenu
d'un voyage aussi formidable que terrible. L'émerveillement de
l'enfant est celui de tous ceux qui ont suivi son périple.
"Tout donné"
Les micros se tendent vers le skipper aux yeux rougis par l'épuisement.
C'est déjà le moment où il faut livrer ses tripes,
résumer en quelques secondes deux mois passés en mer. «
J'ai tout donné, je n'ai pas lâché une minute, dit-il
avant qu'un noeud n'entrave sa gorge. J'étais parti pour le record
et ça, je n'ai pas réussi à le faire. »
Il faut déjà répondre à la question suivante.
Coule une larme. De ses mains cabossées, le marin finit par l'essuyer.
Peut-on lire sur les mains les efforts qu'il a dû consentir ? Simplement
une évocation. Quand aux embrassades avec les proches succèdent
les poignées de main, Thomas doit s'excuser : ses pognes sont tellement
amochées qu'il ne peut pas serrer fort.
Cabossés
Encore des questions. Pour répondre, Thomas ne regarde pas ses
congénères mais le ciel et son multicoque. « J'ai
vécu quelque chose de fort avec ce bateau, une osmose totale, c'est
rare. Il a été exceptionnel dans ses réactions, dans
son comportement. C'est inimaginable. Il est hyper sain au portant. J'ai
engagé dans l'eau jusqu'à la moitié du trampoline
et il est ressorti. Jamais il ne m'a déçu. » Le
skipper ne tarit pas d'éloges sur son alter ego et esquive adroitement
chaque compliment. « Je suis content de voir le bateau en bon
état, observe Benoît Cabaret, l'architecte de Sodeb'O, mais
c'est le bonhomme, plus que le bateau qui m'impressionne. »
Pourtant, Thomas sait que le trimaran a beaucoup encaissé, qu'il
y a des fissures à l'intérieur. « Le bateau est
cabossé, moi aussi. » De l'extérieur, on ne devine
rien. Jusqu'à la ligne d'arrivée, à l'entrée
du chenal de Brest, le skipper est resté concentré. «
C'est un endroit dangereux et très compliqué à gérer
en solitaire. La dernière nuit est très particulière.
J'avais à coeur de rester sous les 60 jours. Je ne pensais pas
aller aussi loin. A terre, on se fixe des limites qui n'existent pas.
»
Désormais Thomas Coville fait partie des trois seules personnes
qui ont bouclé le tour du monde en solitaire à bord d'un
multicoque sans escale. En 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes,
il a parcouru 28 125 milles à la vitesse de 19,6 noeuds. Alors,
effectivement, il boucle la boucle avec 2 jours, 7 heures
et 13 minutes de plus que Francis Joyon, mais ayant parcouru 1725 milles
de plus, Thomas Coville a été le plus rapide.
« Il faut qu'il en prenne conscience, insiste Patricia Brochard,
directrice de Sodeb'O. Ça me fait penser à ces grands explorateurs
qui partaient sans savoir ce qu'ils allaient découvrir. »
De retour de son périple, Thomas Coville sait qu'il lui reste
des découvertes à faire. Il a déjà sa feuille
de route. « Donnez-moi la sérénité d'accepter
les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses
que je peux changer et la sagesse de faire la différence, confiait
Thomas en citant Marc Aurèle. La sagesse, il va me falloir du temps
pour la trouver ».
vendredi 16 janvier 2009 :
LE MAG : Temps forts du tour !
Quatrième tour du monde de Thomas
Coville ! Déjà, la première fois, il naviguait
en solitaire et en monocoque sous les couleurs de Sodeb'O. C'était
il y a huit ans, lors du Vendée Globe. Converti au multicoque,
le Trinitain devient aujourd'hui le troisième marin après
Francis Joyon et Ellen MacArthur à avoir contourné le globe,
seul, en multicoque et sans escale. Retour sur ces 60 jours à cent
à l'heure.
Partir !
Brest, 18 novembre 2008, 9 heures. Les analyses météo confirment
que la fenêtre est la bonne. Il faut partir. Branle bas de combat.
Thomas passe au mode « course ». A quai, Olivier de Kersauson
salue son ancien équipier qui s'élance en solitaire. A 14h54,
Sodeb'O coupe la ligne devant le phare du Petit Minou.
L'Equateur en 7 jours
Ça démarre vite, très vite. Un vent de Nord-Nord
Ouest de 25 nuds (46 km/h), une mer plate, le bonheur ! Sodeb'O
avale les Canaries en trois jours, le Cap-Vert en cinq, et malgré
des grains à l'approche du Pot au Noir, l'objectif est rempli :
le trimaran franchit l'équateur en 7 jours et 8 minutes, à
une vitesse moyenne de 16,3 nuds (30 km/h). Nous sommes le 25 novembre.
Sainte-Hélène, priez pour eux...
Premier obstacle sur la route, l'anticyclone de Sainte-Hélène
garde les portes du Grand Sud. Impossible de couper au milieu, ni pour
Thomas, ni pour les marins du Vendée Globe que le skipper de Sodeb'O
rattrape un à un. Pourtant, un an plus tôt, Francis Joyon
avait filé tout droit. Il faut se résigner à faire
le grand tour par l'Ouest et descendre l'Atlantique Sud, au près,
face aux vagues. Ces rudes conditions n'empêchent pas Thomas d'aligner
les journées à plus de 22 nuds (40 km/h) de moyenne.
Le 30 novembre, Sodeb'O met enfin le clignotant à gauche. La température
baisse, les dépressions se font plus virulentes. Bienvenue dans
les Quarantièmes ! Le Maxi Trimaran fonce vers l'Est et coupe la
latitude du Cap de Bonne Espérance, le 5 décembre, après
16 jours, 13 heures et 31 minutes de course, à une vitesse moyenne
de 20,5 nuds (38 km/h). Le « tour de la paroisse » a
coûté 800 milles (1480 km) à Thomas. Il atteint l'Océan
Indien avec une journée et 6 heures de retard sur Francis Joyon.
Un nouveau record des 24 heures !
A l'entrée de l'Indien, le trimaran butte dans une bulle anticyclonique
qu'il esquive par le Nord. Embarqué dans ce train de sénateur,
le skipper perd du terrain. Mais il remet les gaz dès le lendemain.
A pleine puissance, en bordure d'une dépression à l'approche
des îles Kerguelen, Sodeb'O est sur des rails. Le 7 décembre,
le Trimaran à Grande Vitesse améliore de 10 milles (18 km)
son propre record de la distance absolue parcourue en solitaire, sur 24
heures : 628,5 milles (1164 km), à la moyenne ahurissante de 26,2
nuds (48,5 km/h) !
Un Indien mal léché
Alors qu'à Paris, la Fédération Française
de Voile récompense Thomas et Sodeb'O pour la traversée
record de l'Atlantique Nord en juillet, le marin encaisse dépression
sur dépression sur cet Océan Indien qu'il redoute tant.
Dans le Vendée Globe, le bateau de Loïck Peyron démâte
; Thomas écrit : « J'avance encore, mais je suis tellement
noué depuis plusieurs heures que je ne peux plus ni dormir, ni
manger et je retiens mon souffle toutes les dix secondes. »
Peu avant le Cap Leeuwin, au sud de l'Australie, surgit une information
à glacer le sang : on a repéré un iceberg long de
400 mètres sur la trajectoire de Sodeb'O. Thomas doit déserter
les Cinquantièmes et remonter dans des eaux plus sûres...
donc allonger la route. S'en suit une nouvelle transition météorologique
compliquée, puis une seconde, peu avant la Tasmanie. Thomas touche
l'océan Pacifique après 25 jours et 9 heures de mer. Son
retard sur IDEC s'est creusé à un peu plus de trois jours.
Pacifique...pas tant que ça !
Déjà un mois que Thomas et son trimaran ont quitté
Brest... 30 jours menés au rythme d'une transat. Trente jours sans
souffler, sans une minute, ni une seconde de silence. Trente jours sans
s'extraire de cette machine à laver dont le programme essorage
n'en finit pas.
Sous la Nouvelle-Zélande, le solitaire doit attaquer le Pacifique,
mais rien n'est idéal entre une dépression qui l'empêche
de descendre et les observations satellites signalant un immense champ
d'icebergs sur plusieurs centaines de kilomètres dans son Sud.
Soumis au même régime que les marins du Vendée Globe,
Sodeb'O est contraint à une route Nord, à hauteur des Quarantièmes...
quand un an plus tôt, au même endroit, IDEC profitait de conditions
plus favorables et taquinait déjà le 56e degré Sud.
Le 20 décembre, le retard du challenger est à son maximum
: 2154 milles (3990 km). Pourtant, Sodeb'O carbure. La veille du réveillon
de Noël, le Maxi Trimaran s'offre une journée à 623
milles (1154 km) à une moyenne de 26 nuds (48 km/h). En dépit
du froid, en dépit de la peur du chavirage ou celle d'une vilaine
rencontre avec la glace, Thomas n'écoute pas sa fatigue. «
Quand le bateau descend dans une vague, dans la nuit noire, tu as la sensation
de tomber dans un gouffre. A bord c'est invivable, tu es secoué,
ballotté. Tu heurtes des trucs et tu ne sais pas ce que c'est,
des paquets d'algues durs comme des troncs d'arbres, » confie-t-il
avant de vivre, peu avant le Cap Horn, ses pires heures depuis son départ.
Le Cap Dur !
A l'heure de la tournée du père Noël, alors que des
icebergs dérivent encore sur sa route, Thomas plonge au Sud pour
doubler le Cap Horn. De jour comme de nuit, il slalome entre les glaçons
; il essuie un terrible coup de chien et fait face à d'énormes
vagues ; l'épreuve dure 48 longues heures. Enfin, il renvoie de
la toile, mais une claque à 50 nuds (92 km/h) fouette la
grand voile de Sodeb'O. Bilan : quatre lattes brisées et sept heures
de travail en équilibre au bout de la bôme, pour changer
ces tiges de carbone longues de cinq à neuf mètres. Les
mains du skipper sont à la limite de l'engelure. Le 28 décembre,
encore sonné par cette fin de Pacifique qui n'en a que le nom,
Thomas enroule le Cap Horn, le troisième et dernier grand cap de
son parcours. Au quarantième jour de mer, le compteur indique 4
jours et 17 heures de retard sur Francis Joyon, mais l'écart s'est
réduit à 1 300 milles (2400 km).
Fusée Coville
Après le Horn, le virage à gauche est serré. Sodeb'O
coupe au plus court par le détroit de Le Maire et laisse à
tribord (à droite) l'Ile des Etats. Le long des côtes sud-américaines,
une activité dépressionnaire promet une remontée
express. Le 3 janvier, tous les espoirs sont permis, Thomas revient à
300 milles (555 km) de son adversaire virtuel ! Mais un petit bord vers
la côte, puis un alizé perturbé par des grains orageux
inversent la machine. En deux jours, le retard de Thomas triple à
nouveau.
Retour dans l'hémisphère Nord
L'effet yo-yo avec Francis Joyon continue. En franchissant l'équateur,
le 7 janvier, après 50 jours et 5 heures de mer, Sodeb'O a repris
du terrain ; l'écart n'est plus que de 574 milles (1063 km). Depuis
le Horn, Thomas a repris deux jours et demi. Si la météo
y met du sien, le record est jouable ! Certes, depuis le départ,
le skipper a parcouru 1400 milles (2593 km) supplémentaires pour
contourner les obstacles météo, mais avec une moyenne de
16,97 nuds (31,43 km/h), Sodeb'O surpasse les 16,6 nuds (30,74
km/h) du détenteur du record.
Enchaînement malheureux
Légèrement ralenti dans un Pot au Noir assez peu actif,
Thomas lutte pour remonter un alizé de Nord-Est ponctué
de grains violents. Sodeb'O progresse à rebrousse vagues, sans
franchement allonger la foulée. L'horloge tourne et les espoirs
de record s'envolent quand les Açores étalent leur anticyclone.
La dépression espérée gonfle, mais s'avance très
Nord dans l'Atlantique. Elle s'annonce musclée, et même très
musclée, levant une mer furieuse. Thomas bataille au près
et se rend à l'évidence : cette année, il ne battra
pas le record de Francis Joyon.
L'exploit est là
Cette année, à bord du Maxi Trimaran Sodeb'O, Thomas Coville
a fait le tour du monde en solitaire, sans escale. En ralliant Brest le
samedi 17 janvier, son voyage aura près de 60 jours. Déjà
recordman des 24 heures en solitaire, le skipper de Sodeb'O signe le quatrième
meilleur temps autour du globe, après IDEC (en solo) et les performances
d'Orange II et Cheyenne (en équipage). Les hommes et leurs bateaux
ont fait des pas de géants depuis l'époque où Olivier
de Kersauson arrivait à Brest, en héros, après avoir
tourné en solitaire autour du globe ; sa navigation avait duré
125 jours avec deux escales. C'était il y a 20 ans, c'était
au XXe siècle.
RAPPEL DES TEMPS DE PASSAGES :
Brest Equateur (premier passage, descente de l'Atlantique)
IDEC en déc. 2007 : 6 jours 17 heures, 3 355 milles à 20,8
nds
SODEBO le 25/11/08 : 7 jours et 28 minutes, 3 404 milles à
20,2 nds
Ecart : 7 heures et 28 minutes
Brest Bonne Espérance
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles
à 20,12 nds
SODEBO le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles
à 20,50 nds
Ecart : 1 jour, 6 heures, 18 minutes
Brest Tasmanie
IDEC en déc. 2007 : 24 jours, 19 heures, 19 minutes
SODEBO le 16/12/08 : 27 jours, 23 heures, 59 minutes
Ecart : 3 jours, 4 heures, 40 minutes
Brest Cap Horn
IDEC en déc. 2007 : 35 jours, 12 heures et 36 minutes, 17 900 milles
à 21 nuds
SODEBO le 28/12/08 : 40 jours, 5 heures, 47 minutes, à 20,5
nuds
Ecart : 4 jours, 17 heures, 11 minutes
Brest Equateur (second passage, remontée de l'Atlantique)
IDEC en janv. 08 : 48 jours, 2 heures, 18 minutes, 22 625 milles à
19, 6 nuds
SODEBO le 07/01/09 : 50 jours, 5 heures, 39 minutes, 24 075 milles
à 19,97 nuds
Ecart : 2 jours, 3 heures, 18 minutes
RAPPEL DES RECORDS INTERMEDIAIRES :
Record de locéan Indien (Bonne Espérance - Tasmanie)
IDEC en déc. 2007 : 9 jours, 12 heures, 6 minutes, 5 182 milles
à 22,7 nuds
SODEBO 16/12/08 : 11 jours, 11 heures, 31 minutes, 5 575
milles à 20,2 nuds
Ecart : 1 jour, 23 heures, 25 minutes
Record du Pacifique (Tasmanie Cap Horn)
IDEC en déc. 2007 : 10 jours, 14 heures, 26 minutes, 5 245 milles
à 20,6 nds
SODEBO 28/12/08 : 12 jours, 4 heures et 46 minutes, 6 051milles
à 20,7 nds
Ecart : 1 jour, 14 heures, 20 minutes
Record équateur-équateur
IDEC en janv. 08 : 41 jours, 9 heures, 14 minutes, 19 265 milles à
19,4 nuds
SODEBO : 43 jours, 5 heures, 11 minutes, 20 671 milles à
19,9 noeuds
Ecart : 1 jour, 19 heures, 57 minutes
Le Maxi Trimaran SodebO a amélioré le 7 décembre
son propre record des 24 heures avec 628,5 milles parcourus à la
vitesse moyenne de 26,19 nuds (contre 619,3 en 2007)
jeudi 15 janvier 2009 :
Reprendre son souffle pour le dernier round
Combien de dépressions a-t-il affrontées
? Combien de grains a-t-il négociés ? Et combien de vagues,
grandes comme des immeubles, a-t-il escaladées ? Après un
tel tour du monde, quelle émotion de voir les étraves de
Sodeb'O pointer à moins de 750 milles du but !
La dépression dhier sest totalement évacuée.
Thomas navigue désormais dans un sas de décompréhension
: une transition a priori rapide entre les deux systèmes où
le vent ne devrait pas faiblir sous les 15 nuds.
Il grimpera cette nuit dans le prochain wagon : une ultime dépression
après plus de 23 300 milles dans le sillage !
Le flux de Sud-Ouest forcissant progressivement pour atteindre les 30
nuds promet au skipper une remontée directe vers Brest. Une
configuration qui serait impeccable sans cette forte houle résiduelle
orientée Ouest, c'est à dire travers à la route de
Sodeb'O.
Les routages donnent toujours une arrivée du Maxi Trimaran à
Brest dans la nuit de vendredi à samedi, avec une tendance pour
la seconde partie de la nuit.
Les records, une discipline à part entière
« Je m'efforce de gagner au Nord au maximum en attendant
le vent de Sud-Ouest qui va m'accompagner sur la dernière partie
du parcours, » explique ce soir le skipper de Sodeb'O qui arrive
à la latitude du Cap Finisterre.
Son arrivée à Brest se profile au petit matin samedi, selon
la progression et la force de cette ultime dépression que Thomas
attend : « Pour linstant, le vent a faibli et il reste
cette très grosse houle de travers. En fait, dans le creux des
vagues, il ny a pas de vent, et au sommet, il y a 20 nuds
pas
simple de toiler SodebO en conséquence. Je sens néanmoins
les prémices de la dépression. Elle entre doucement et je
vais pouvoir infléchir ma route pour faire route directe vers Brest.
»
Et comment celui qui vit seul depuis des semaines aborde-t-il cette
arrivée ? « Jessaie surtout dévacuer
ma déception en restant actif. Comme sur un bateau il y a toujours
mille choses à faire, et des choses physiques, javance et
je vis au jour le jour comme je mefforce de le faire depuis mon
départ. » Et mettre le pied à terre alors ? «
Je ny pense pas vraiment, je suis encore dans ma bulle. »
Le compétiteur quest Thomas a forcément du mal
à accepter que ses efforts ne soient pas cette fois-ci récompensés.
Et malgré tout, le skipper convient que "ces records, en solitaire,
comme en équipage, sont devenus terriblement exigeants. Même
si je pense que celui dOrange II (50 jours) est prenable comme celui
d'IDEC, les performances réalisées donnent toute leur valeur
sportive aux records. Techniquement, sportivement et mentalement, ils
sont des épreuves complètes. Les records sont une discipline
à part entière et demandent une parfaite préparation.
Ensuite, le facteur météo joue pour beaucoup. Cette donnée
que l'on ne maitrise pas donne aussi toute sa beauté et son intensité
à l'exercice."
mercredi 14 janvier 2009 :
Toujours musclé au Nord des Açores
Le trimaran avance vite dans du vent fort et
de la mer formée au Nord des Açores. « Je vis l'une
des journée la plus engagée depuis que je suis parti, l'une
des plus chaudes, des plus dangereuses....
«...Javance ce soir par 30 à 45 nuds
dans 8 à 9 mètres de creux, sous trois ris sans rien à
lavant » racontait en début de soirée Thomas
Coville alors que Brest nest bientôt plus quà
1100 milles devant lui.
« Le bateau va vite mais il souffre, il monte à la verticale
et là, il ny a pas derreurs possibles. Le flotteur
au vent est tellement exposé. Les filets avant se sont arrachés
avec la force des vagues. Cest plus violent que sur les fichiers,
» poursuivait le skipper du maxi-trimaran SodebO extenué
après ces presque huit semaines de mer en solo et en multicoque
autour du globe.
Les conditions devraient satténuer rapidement à lapproche
dune nouvelle dépression moins coriace que celle ci et avec
un angle au vent plus favorable qui devrait soulager le skipper et le
bateau. Thomas faisait cependant remarquer que « la mer mettra
du temps à se calmer. Quand le vent va baisser, je vais renvoyer
de la toile. Tu ne peux pas rester sous toilé. Tu es obligé
de suivre sinon tu te fais détruire par la mer formée ».
Le trimaran est toujours attendu à Brest vendredi dans la nuit.
mardi 13 janvier 2009 :
Ça décolle
Thomas commence à toucher du vent de
Sud-Ouest autour de 15 noeuds. Sodeb'O quitte l'anticyclone des Açores
et aborde une dépression dans laquelle le vent va virer Nord-Ouest
fraîchissant à plus de 30 noeuds.
Avec la fatigue du bateau et du bonhomme, le vent annoncé
est moins stressant que la mer qui doit grossir dheure en heure
jusquà lever des talus de 5 à 6 mètres, notamment
lorsque SodebO va approcher du plateau continental européen.
Au cours de cette traversée de l'anticyclone, lécart
avec Francis Joyon a plus que doublé en 48 heures et dépasse
les 800 milles ce matin.
A suivre, plus de précisions sur l'arrivée estimée
de SodebO à Brest.
Thomas Coville ne sera pas à l'heure à
Brest et pourtant quel exploit !
A ce jour, seuls Ellen
MacArthur et Francis Joyon ont réussi
à boucler le tour du monde en solitaire, en multicoque et sans
escale. Thomas sera-t-il le troisième ?
A 1600 milles du but autrement dit presque à
la hauteur des Açores, le skipper du Maxi Trimaran SodebO
prépare son arrivée à Brest mais se rend à
lévidence et ne cache pas sa déception de compétiteur
: il ne battra pas cette année le temps record de Francis Joyon
qui a mis, lan dernier à la même époque, 57
jours et 13 heures pour tourner seul autour de la planète.
Thomas est attendu à Brest à partir de vendredi, soit le
16 janvier dans la soirée ou dans la nuit. Il devrait mettre environ
deux jours de plus que Francis Joyon. Le skipper de SodebO, déjà
recordman des 24 heures en solitaire, signerait alors le quatrième
temps absolu après IDEC en solo et les performances dOrange
II et Cheyenne en équipage. Il y a 20 ans, cétait
au 20ème siècle, Olivier de Kersauson entrait à Brest
en héros après avoir tourné en solitaire autour du
globe en 125 jours et deux escales, soit deux fois plus de temps que les
marins de ce début du 21ème siècle.
Depuis la sortie du Pot au Noir où lespoir de battre le record
était mince mais bien là, lenchaînement météo
na pas été propice à la vitesse. La météo
des deux derniers jours a fini par anéantir tout espoir de victoire.
Lanticyclone des Açores sest étalé collant
les coques du Maxi Trimaran à la mer dans des vents erratiques.
Lhistoire nest pas terminée pour autant. Un dernier
corps à corps attend Thomas dès aujourdhui. SodebO
doit affronter lune des dépressions les plus violentes depuis
son départ. Des creux de six mètres annoncés, accompagnés
de vents de Sud-Ouest virant Nord-Ouest et forcissant au-delà de
30 nuds. « La rotation au Nord-Ouest va être très
rapide ce qui ne marrange pas. Pour faire du Nord, je vais devoir
serrer le vent au mieux dans des conditions qui seront éprouvantes
pour le bateau comme pour moi. »
Experts ou pas, marins ou non, impossible de rester de marbre face
à lépreuve globale que représente un tel voyage.
Thomas a souvent dit depuis son départ : « Dormir nest
pas compatible avec la vitesse. » Le stress du multicoque empêche
toute récupération et transforme les marins en machine à
faire des milles « presquen animal au service du bateau
». Il poursuit ce matin sa réflexion sur le solitaire
et le multicoque : « Tu penses partir avec des limites. Or, il
ny a de limites que celles que tu timposes. Celles que je
métais fixées ont volé en éclats. Jai
suivi pendant huit semaines le rythme que je métais imposé
sur le record de lAtlantique Nord qui a duré moins de six
jours. Sur un tour du monde, tu ne peux plus être conservateur.
Je pense quon peut aller encore plus vite. La performance viendra
de la vitesse ». Et pour tourner à ces vitesses là
seul autour du monde, il faut une sacrée expérience et le
skipper de SodebO reconnaît combien il a progressé.
« Je naurais pas pu concevoir ce bateau il y a 10 ans. Ma
progression et la connaissance du multicoque que jai accumulée
mont permis de réaliser ce que je navais pas envisagé.
Cest valorisant et très enthousiasmant. Ce trimaran de 32
mètres est le fruit de lexpérience ».
Les solitaires du Vendée Globe lont, eux aussi, constaté
: quelle fichue année pour faire le tour du monde !
Des trains de dépressions dans lOcéan Indien levant
tour à tour des mers chaotiques et croisées, des transitions
pas fluides pour un sou entre les systèmes qui ont arrêté
le bateau comme ces jours-ci au niveau de lanticyclone des Açores,
des glaces dérivant très Nord dans le Pacifique contraignant
les marins naviguant dans cette zone à remonter au-delà
de 47 ou 48 degrés Sud, quand lan dernier Francis descendait
sous le 53ème. Quelques jours avant le Cap Horn, Thomas qui, sans
prendre de risque, ne voulait pas trop rallonger sa route a malgré
tout slalomé pendant 48 heures au milieu dun champs dicebergs,
dans une mer monstrueuse, les mains gelées et la peur au ventre.
Et comme le dit le skipper : « ce nest pas toi qui commandes
les barrières quand elles sont fermées ! »
Sur ce projet, Thomas et SodebO avaient plusieurs objectifs
dont le premier : être au départ avec le meilleur bateau
qui soit. Thomas raconte « le plaisir du début à
la fin de concevoir, construire, fiabiliser et mettre au point ce prototype
à trois coques ». Le deuxième objectif est de
terminer. « Si je finis, jaurais rempli les deux premiers
buts fixés ». Par contre, poursuit-il ce matin : «
Si jai la satisfaction de terminer et notamment davoir construit
un bateau fiable, je naurais pas le record absolu en solitaire.
Je suis allé chercher la performance. Je fais un métier
où je mexpose, où je me mets en danger en permanence.
Pour la partie sportive, il faut un peu de réussite. Je suis comme
quelquun qui travaille dehors, un agriculteur, un vigneron avec
des années qui sont plus fastes que dautres. Il y a des années
avec de meilleurs crus que dautres. Jai limpression
davoir fait une mauvaise vendange » conclue-t-il.
SodebO a parcouru à ce jour 679 milles de plus que IDEC il
y a un an. Pourtant, il a été plus rapide 19,6 nuds
pour Thomas contre 19,1 pour Francis, soit un demi noeud de mieux. Une
moyenne remarquable qui a exigé des efforts surhumains et sollicité
un bateau exceptionnel qui va affronter pour ces quatre derniers jours
du mauvais temps, voir du très mauvais temps.
A Brest, la ligne d'arrivée du record est située devant
le phare du Petit Minou. Le Maxi Trimaran Sodeb'O doit ensuite rejoindre
le Quai Malbert et s'amarrer à côté du vieux gréement
La Recouvrance.
RECORDS EN MULTICOQUE EN ÉQUIPAGE
2005 mars - 50 jours 16h 20m 04s - Bruno Peyron - Orange II - Catamaran
- 14 personnes
2004 avril - 58 jours 09h 32m 45s - Steve Fossett - Cheyenne - Catamaran
- 12 personnes
2002 mai - 64 jours 08h 37m 24s - Bruno Peyron - Orange - Catamaran -
13 personnes
1997 mars - 71 jours 14h 18m 08s - Olivier de Kersauson - Sport-Elec -
Trimaran - 7 personnes
1994 janvier - 74 jours 22h 17m 22s - Blake/Johnston - Enza - Catamaran
- 6 personnes
1993 janvier - 79 jours 06h 15m 56s - Bruno Peyron - Commodore Explorer
- Catamaran - 5 personnes
RECORDS EN MULTICOQUE EN SOLITAIRE
2008 - 57 jours 13h 34m 06s - Francis Joyon - IDEC - Trimaran - Arrivée
le 19/01 - sans escales
2005 - 71 jours 14h 18m 33s - Ellen MacArthur - B&Q/Castorama - Trimaran
- Arrivée le 08/02 - sans escale
2004 - 72 jours 22h 54m 22s - Francis Joyon - IDEC - Trimaran - sans escale
1989 - 125 jours - Olivier de Kersauson - Un autre regard - Trimaran -
deux escales
1988 - 129 jours 19h 17m - Philippe Monnet - Kriter -Trimaran - deux escales
1973 - 169 jours - Alain Colas - Manureva - Trimaran - une escale
lundi 12 janvier 2009 :
Anticyclonique
Après de nouveaux efforts insensés
pour assécher entièrement les fonds de son bateau, Thomas
négocie actuellement un anticyclone des Açores positionné
en travers de sa route.
« Je viens de finir de vider le compartiment sous
la soute, ainsi que celui de devant où l'eau avait migré,
» explique le skipper de SodebO qui a minuit cette nuit
a réussi à recoller la trappe de « visite »
du puits de dérive qui sest arrachée dimanche, entraînant
linondation, entre autres, de la soute à voiles. Comme les
pompes de cale nont pas fonctionné, cest à la
force des bras que Thomas a dû en finir. « J'ai trouvé
cela très physique, notamment pour vider le compartiment avant
en sortant des seaux d'eau. Je pense que mes maux de tête sont aussi
dus aux vapeurs de gasoil que j'ai respirées toute la journée,
» poursuit-il.
« Jai encore deux bonnes heures de rangement et après
je vais essayer daller dormir un peu. Je suis exténué
mais content dêtre venu à bout de cette galère.
» Profitant encore de conditions météo estivales,
Thomas parlait même de prendre une dernière douche à
leau de mer aujourdhui afin de se rincer après des
heures de travaux dans la soute et le gasoil.
Tout est désormais en ordre à bord de SodebO bien
ralenti aujourdhui dans la traversée d'un anticyclone des
Açores, très étendu et en travers de sa route. Le
Maxi Trimaran continue de gagner au Nord à vitesse réduite
afin de rejoindre cette imposante dépression venue des Etats-Unis.
Dans les 24 prochaines heures, le vent va basculer du Nord-Est au Sud-Ouest
avec l'arrivée de cette dépression qui permettra à
Sodeb'O d'accélérer puis d'infléchir sa trajectoire
vers lEurope.
dimanche 11 janvier 2009 :
Travaux forcés
En début d'après-midi, la
trappe dite de « visite » du puits de dérive s'est
arrachée et plusieurs centaines de litres d'eau ont rempli la soute
à voiles.
Cette trappe d'un diamètre pouvant laisser passer
un bras, permet d'accéder en cas de besoin, au puits de dérive
depuis la soute. Décollée ou dévissée, impossible
de le dire, mais en tout cas, elle nétait plus en place lorsque
Thomas a constaté que la soute à voiles de Sodeb'O était
pleine deau.
Il ny a pas de voiles dans la soute en ce moment puisquelles
sont toutes sur le pont, mais le skipper y a entreposé ses poubelles.
Et comme, selon la formule, un problème narrive jamais seul,
lun des sacs sest séventré et des détritus
ont obstrué le trou dévacuation deau dont le
niveau est monté rapidement. D'autres sacs se sont ensuite ouverts
ainsi quun bidon de gasoil
Régler tout ça na pas été franchement
une partie de plaisir ; d'autant que Thomas n'en a pas tout à fait
terminé. Après avoir ramassé les déchets et
asséché le compartiment, il doit maintenant vérifier
que leau ne sest pas infiltrée dans les réservoirs
à gasoil accrochés dans le fond de la soute. Et puisque
la trappe est située derrière ces réservoirs, il
doit ensuite les démonter pour boucher lentrée deau.
Heureusement pour lui, son Maxi Trimaran sort des grains. Il entre dans
une zone anticyclonique de transition avant la forte dépression
annoncée. Le vent de Nord-Est de 15 nuds doit faiblir en
dessous des 10 nuds dans les prochaines heures.
samedi 10 janvier 2009 :
Capo Verde
Sodeb'O file plein Nord à la latitude
du Cap-Vert. Il navigue au près dans un alizé de Nord-Est
autour des 25 n?uds, ponctué de grains.
La vitesse moyenne sur 24 heures dépasse les 20 nuds
et lécart avec IDEC se réduit, petit à petit,
nétant plus ce matin qu'à 417 milles.
Course poursuite
« Je progresse toujours dans une mer de face qui abîme
et sollicite le bateau. A quelques jours de la fin dun tel tour
du monde, langoisse de la casse due à l'usure me taraude,
» confie le skipper après une énième nuit
blanche sur le pont. « Je guette le moindre bruit, la moindre
fissure, même mes filets tout à lavant ont fini par
sarracher avec les vagues. Je les ai sécurisés mais
cela donne une bonne indication des efforts que subit la machine depuis
des semaines. »
« Les alizés, tu es toujours content de les descendre au
portant, et moins content de les remonter au près, mais cest
la logique et après un premier tronçon bien musclé
le long du Brésil, nous sommes dans un second tronçon, pas
mal non plus ! » La mer devrait se ranger au fur et à
mesure que le Maxi Trimaran gagne au Nord, lui laissant le champs libre
pour accélérer. Limage sur la carte est assez insolite.
Thomas semble lancé en pleine course poursuite dans le sillage
dun adversaire dont la trace est imprimée dans locéan
depuis près dune année. En effet, dans cet alizé
de lhémisphère Nord, Francis, comme Thomas, a effectué
une route Nord très rectiligne avant damorcer lultime
virage à lEst vers les Açores.
Chaud froid
En Europe, le froid cinglant vit ses derniers jours puisquune dépression
actuellement très creuse au milieu de lAtlantique fonce vers
nos côtes, nous promettant un régime de vent de Sud - Sud
Ouest assez soutenu et un changement dambiance assuré avec
un ciel plus nuageux ainsi qu'un air plus chaud mais aussi plus humide
!
Pour le skipper de SodebO comme pour ses routeurs, le casse-tête
nen finit pas puisque les fichiers météo américains
et européens ne sont pas daccord quant au timing et langle
exact avec lesquels la dépression qui savance au Nord des
Açores, promulguera ce fameux vent de Sud-Ouest à Thomas.
Ce vent portant permettra au Trinitain den finir avec ce près
désagréable pour glisser enfin en route directe vers Brest.
Ces divergences entre les deux analyses météo sont courantes
et se rejoignent au fur et à mesure quapproche linstant
T.
En attendant que les prévisions se précisent, le Maxi Trimaran
na quune mission : faire du Nord, le plus vite possible !
vendredi 9 janvier 2009 :
Des grains, l'Alizé, un anticyclone
La question du jour est la suivante : le skipper
du maxi-trimaran Sodeb'O réussira-t -il à attraper au Sud-Ouest
des Açores la dépression qui pourrait l'emmener rapidement
jusqu'à Brest ?
Pendant la conférence météo matinale
avec le bateau, les spécialistes qui composent la cellule routage
nous ont expliqué que « Thomas va remonter au Nord pour
essayer d'accrocher le flux de vent de Sud-Ouest associé à
une dépression qui traverse l'Atlantique. Ce flux qui descend jusqu'au
Sud des Açores devrait repousser l'anticyclone vers l'Est durant
quelques heures et ainsi permettre à Thomas de le contourner plus
facilement. »
Aujourdhui, toute léquipe qui accompagne à terre
le maxi-trimaran depuis 52 jours, est rassurée : « Tom
doit garder son rythme actuel de 18 nuds de moyenne. Avec 17-20
nuds dalizés, cest réalisable ».
Dans les heures à venir, le skipper de SodebO devrait
rencontrer une mer denviron deux mètres et naviguer dans
des vents de Nord-Est de 15 à 20 nuds. Autrement dit, ça
tape mais ce sont des conditions habituelles pour cette région.
A noter de nombreux grains modérés, ce qui est également
fréquent au large des îles du Cap Vert.
jeudi 8 janvier 2009 :
LE MAG : un peu de compta matinale !
Si dans l'hémisphère sud, de
l'équateur à l'équateur, Sodeb'O a parcouru 1 400
milles de plus qu'IDEC mais a été en moyenne un demi noeud
plus vite !
RAPPEL DES TEMPS DE PASSAGES :
Brest Equateur (premier passage, descente de l'Atlantique)
IDEC en déc. 2007 : 6 jours 17 heures, 3 355 milles à 20,8
nds
SODEBO le 25/11/08 : 7 jours et 28 minutes, 3 404 milles à
20,2 nds
Ecart : 7 heures et 28 minutes
Brest Bonne Espérance
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles
à 20,12 nds
SODEBO le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles
à 20,50 nds
Ecart : 1 jour, 6 heures, 18 minutes
Brest Tasmanie
IDEC en déc. 2007 : 24 jours, 19 heures, 19 minutes
SODEBO le 16/12/08 : 27 jours, 23 heures, 59 minutes
Ecart : 3 jours, 4 heures, 40 minutes
Brest Cap Horn
IDEC en déc. 2007 : 35 jours, 12 heures et 36 minutes, 17 900 milles
à 21 nuds
SODEBO le 28/12/08 : 40 jours, 5 heures, 47 minutes, à 20,5
nuds
Ecart : 4 jours, 17 heures, 11 minutes
Brest Equateur (second passage, remontée de l'Atlantique)
IDEC en janv. 08 : 48 jours, 2 heures, 18 minutes, 22 625 milles à
19, 6 nuds
SODEBO le 07/01/09 : 50 jours, 5 heures, 39 minutes, 24 075 milles
à 19,97 nuds
Ecart : 2 jours, 3 heures, 18 minutes
RAPPEL DES RECORDS INTERMEDIAIRES :
Record de locéan Indien (Bonne Espérance - Tasmanie)
IDEC en déc. 2007 : 9 jours, 12 heures, 6 minutes, 5 182 milles
à 22,7 nuds
SODEBO 16/12/08 : 11 jours, 11 heures, 31 minutes, 5 575
milles à 20,2 nuds
Ecart : 1 jour, 23 heures, 25 minutes
Record du Pacifique (Tasmanie Cap Horn)
IDEC en déc. 2007 : 10 jours, 14 heures, 26 minutes, 5 245 milles
à 20,6 nds
SODEBO 28/12/08 : 12 jours, 4 heures et 46 minutes, 6 051milles
à 20,7 nds
Ecart : 1 jour, 14 heures, 20 minutes
Record équateur-équateur
IDEC en janv. 08 : 41 jours, 9 heures, 14 minutes, 19 265 milles à
19,4 nuds
SODEBO : 43 jours, 5 heures, 11 minutes, 20 671 milles à
19,9 noeuds
Ecart : 1 jour, 19 heures, 57 minutes
Le Maxi Trimaran SodebO a amélioré le 7 décembre
son propre record des 24 heures avec 628,5 milles parcourus à la
vitesse moyenne de 26,19 nuds (contre 619,3 en 2007)
Le Maxi Trimaran Sodeb'O traverse actuellement une zone de grains
particulièrement virulents. Fidèle à sa réputation
le Pot au Noir qui se montrait peu actif sur les observations satellites,
savère localement assez coriace.
En effet, les prises de ris et les lâchés de ris senchaînent
avec les variations du vent. Des efforts colossaux sont encore demandés
à Thomas dont la fatigue accumulée depuis plus de 50 jours
est déjà énorme.
Encore une chance de jouer le record
Plus rapide que son adversaire depuis
le départ - 19,60 nuds de moyenne pour IDEC contre 19,97
pour SodebO), Thomas a en revanche parcouru 1 450 milles de plus
afin de contourner des obstacles météo comme lanticyclone
de Sainte-Hélène (là où Francis avait pu couper
au milieu) ou encore cette immense zone de glaces dans le Pacifique. Ces
chiffres montrent toute la qualité du bateau SodebO qui,
au-delà de quelques signes de fatigue, aligne toujours les milles
à plein potentiel. Un décompte qui salue également
les efforts dingues que Thomas fournit depuis des semaines, ne sécoutant
pas et restant en permanence au service du bateau et de la vitesse. Alors
bien évidemment, il y a cette frustration du chrono qui file et
de ce retard de 588 milles à moins dune semaine de larrivée.
Thomas à propos de ce quil vit actuellement et de ses
chances pour le record :
"Je suis entouré de grains très actifs.
On avait prévu un Pot au Noir moins actif, mais il s'est réactivé
dans la nuit avec des grains à plus de 30 noeuds. (...) C'est physiquement
et nerveusement très compliqué car on peut chavirer à
ces endroits-là ou casser beaucoup de matériel. (...) Il
faut continuer à aller vite, à pédaler puisqu'on
est dans la dernière ligne droite et il me reste très peu
de temps et très peu de chances pour passer devant Francis Joyon.
Si on arrive à attraper la dépression qui passe dans les
Açores dans quatre jours, ça le fera peut-être de
quelques heures. Si on n'arrive pas à attraper ce front qui nous
emmènerait jusqu'à Brest, on raterait le record de quelques
heures. Cela se joue à pas grand chose, après un tour du
monde à courir derrière, il ne faut pas baisser les bras.(...)
Pour l'instant il y a eu un bon dosage du matériel, moi je suis
plus au service du bateau, je n'ai pas lâché une seule minute.
mercredi 7 janvier 2009 :
Plein Nord !
Thomas vient de réaliser une superbe
journée à plus de 22 noeuds de moyenne. Le Maxi Trimaran
a été rapide dans un alizé régulier mais aussi
parfaitement sur la route avec une trajectoire plein Nord.
SodebO nest plus ce matin quà 220
milles de léquateur quil doit franchir en fin de journée.
Le retard sur Francis ne cesse de réduire pour atteindre désormais
les 630 milles et Thomas pourrait bien gagner encore une centaine de milles
aujourdhui.
L'alizé de Sud-Est souffle actuellement entre 15 et 19 noeuds et
devrait adonner dans les prochaines heures.
mardi 6 janvier 2009 :
Dure année pour les tours du monde
Pendant que la France grelotte, Thomas se délecte dans des conditions
carrément tropicales à bord de Sodeb'O.
Il décroche la bouche pleine : « je suis
en train de petit déjeuner, » lance-t-il. Et alors, cest
quoi le menu dun solitaire après 48 jours de mer : «
comme tous les jours, des céréales, du lait de soja en poudre
et du miel. Oui, le soja est plus énergétique et surtout
plus digeste que le lait de vache. » Ok Thomas, bien noté.
En France, on a froid et toi ? : « Après des conditions
pas marrantes dans les grains ces derniers jours, javoue que là
cest très agréable. Entre le 20e degré Sud
et le 20e degré Nord, on est quand même dans la zone la plus
sympa du globe... Au début, les hommes ne vivaient quici
dailleurs, après ils se sont dispersés mais ils avaient
tout pour être parfaitement heureux dans les tropiques. »
Cest quand même pas les vacances ? «
Ah non ! Là, pendant que je parle, je suis à 22 nuds,
prêt à sortir pour choquer si besoin et même si jai
bien dormi cette nuit, je métonne encore davoir si
peu dormi depuis le départ. Je dois être autour de 3 heures
en moyenne par 24 heures
.cest peu et pourtant ça va,
je tiens. »
Tu nous rassures
on a failli être jaloux ! Tarrives
quand même à en profiter ? « Hier, jai enfin
enlevé mes bottes et retrouvé la sensation de marcher pieds
nus sur le pont. Et quel bonheur de ne plus être couvert comme un
oignon ! Je suis sorti torse nu pour la première fois depuis des
semaines et je me suis arrêté 15 secondes, juste pour apprécier
la sensation du vent chaud sur ma peau. Cest franchement jouissif
! »
.daccord, là, on te déteste carrément
!
Trêve de plaisanteries, où en sommes-nous avec ce tableau
de marche, tu regagnes du terrain sur Francis depuis ce matin ? «
Effectivement, IDEC avait pas mal ralenti la cadence dans le Pot au Noir
et avait eu aussi quelques pépins techniques. Moi, je grimpe pour
l'instant plein Nord en direction de l'équateur dans un alizé
enfin stable mais bon, cela sannonce très serré jusqu'à
Brest. »
Tu peux nous en dire plus ? « Je suis à 750
milles de léquateur (passage prévu dans la nuit du
7 au 8 janvier) et ensuite le Pot au Noir se montre jusqu'ici peu actif.
Je devrais reprendre encore du terrain mais on ne connaît pas précisément
les conditions qui suivront et si oui ou non, nous arriverons à
monter dans le train dune dépression qui nous emmènerait
d'une traite jusquà la maison....Alors, comme les modèles
météo se sont déjà pas mal trompés,
tout peu très bien tourner en notre faveur comme en notre défaveur
»
Tu restes philosophe ? « Oui, jy crois car sinon
tu plies boutique. Nous navons pas eu beaucoup de réussite
depuis le départ mais est-ce notre faute, celle de la météo,
de toute façon, cela ne sert à rien de cogiter, il faut
avancer. Il est certain que cest une année difficile pour
faire le tour du monde. »
Tu fais référence au Vendée
Globe ? « Pour eux aussi la mer a été dure,
les enchaînements ont été compliqués et ils
ont beaucoup souffert. Je pense surtout ce matin à Jean Le Cam
dont on attend des nouvelles avec impatience. Ces dernières années,
le grand sud s'était montré plus doux avec les marins mais
cet hiver, on en a tous beaucoup bavé. »
lundi 5 janvier 2009 :
Je vais me battre jusqu'au bout
La mécanique de l'élastique joue
cette fois-ci en faveur du détenteur. En ce 48e jour de mer, Francis
franchissait l'équateur à bonne vitesse alors que Thomas
peine à son tour dans cette zone très perturbée de
l'Atlantique Sud.
Le skipper dIDEC y avait lui aussi mangé son
pain noir, progressant difficilement face au vent et dans une mer «
casse bateau ». Trois jours avant de couper léquateur,
Joyon racontait : « J'ai eu toute la nuit des grains très
violents sous de sombres nuages, et l'allure du bateau était très
inconfortable, avec de très gros chocs dans les vagues.»
Une situation qui fait parfaitement écho à celle que
vit actuellement Thomas, pénalisé par des conditions «
très changeantes avec des alizés capricieux, perturbés
par des grains et ça cogne de partout dans les sessions au près.
»
SodebO et IDEC suivent désormais des routes parallèles
mais le déficit du « challenger » qui avait réduit
autour des 300 milles vient de tripler en 48 heures. Lécart
sélève désormais à 950 milles après
avoir perdu une dizaine dheures depuis hier dans une succession
de nuages orageux.
La tendance pourrait sinverser dès que Francis entrera dans
la zone « roulette russe » du Pot au Noir. Dans cette région
située au-dessus de léquateur où la météo
est imprévisible, le détenteur avait ralenti suite à
la rupture de sa drisse de grand voile et dun problème sur
un encrage du hauban tribord (câble qui tient le mât).
Pour linstant, le skipper de SodebO navigue toujours dans
le Sud de léquateur et traverse une nouvelle transition météo
complexe. En attendant que lalizé se stabilise, Thomas continue
de se tuer à la tache pour accrocher une performance « historique
».
Rappelons que Francis Joyon avait coupé léquateur
avec 12 jours davance sur le tableau de marche dEllen MacArthur,
enfonçant encore un peu plus le clou après un parcours qui
avait déjà estomaqué le grand public comme les spécialistes.
Un an plus tard, Thomas flirte, lui aussi, avec lexceptionnel, même
si « les records et notamment celui de Francis sont devenus si difficiles
à battre. » Si difficiles et pourtant le skipper se bat comme
un beau diable à 4 400 milles de larrivée.
Même si rien est simple et même si lenchaînement
météo se fait une fois encore aux forceps , le poursuivant
de Joyon na pas lintention de baisser les bras. «
Je vais me battre jusquau bout. Jai voulu faire ce trip et
vais continuer à me donner à fond pour exploiter les conditions
au mieux et garder le rythme. »
dimanche 4 janvier 2009 :
Jeu serré jusqu'à Brest
Cette semaine fut incroyable le long des côtes
de l'Argentine, de l'Uruguay puis du Brésil. Thomas a navigué
aux limites de l'épuisement, exploitant chaque grain orageux pour
finalement reprendre plus de quatre jours sur le temps du record.
Le Maxi Trimaran SodebO avance aujourdhui au
près serré dans des conditions très, très
inconfortables.
Le vent de Nord - force 6 à 7 soit 25 à 33 nuds de
vent - lève une mer abrupte et de face qui fait souffrir le marin
comme le bateau. Thomas Coville réalise en ce moment ce quon
appelle une « aile de mouette ». Il sagit depuis hier
de faire de lEst pour se positionner par rapport à lalizé.
Le skipper devrait virer en milieu de nuit prochaine et entamer une route
Nord qui pourra lui permettre de recommencer à grappiller des milles
sur le détenteur du record. Il faut se souvenir que dimanche dernier,
en passant le Cap Horn, SodebO avait presque cinq jours de retard
sur Francis Joyon.
Opportunistes, Thomas et sa cellule de routage nont pas tremblé
en franchissant le dernier cap de ce tour du monde en solitaire et en
multicoque. Ils ont carrément fait lintérieur en osant
passer à travers le détroit de Le Maire « ce qui nous
a permis denvisager une route plus courte à lOuest.
Nous pouvions ainsi bénéficier de deux systèmes météo
qui nous ont emmené presque sur un seul bord et surtout très
rapidement jusquaux portes de Rio » soulignait ce matin Richard
Silvani de Météo France. « Il faut maintenant se
recaler simplement dans lEst pour aller chercher le fameux alizé.
»
Progressivement, à partir de demain et en montant plein Nord,
Thomas devrait accélérer et reprendre des milles. Il pourra
débrider un peu et retrouver des allures plus confortables, plus
douces pour le marin comme pour le bateau.
Hier soir, le skipper a bricolé à cause dun moteur
récalcitrant qui refusait de démarrer. Il a passé
une bonne partie de la nuit la tête en bas et les mains dans le
cambouis dans des conditions peu enviables.
Les prévisions météo pour la semaine à venir
emmènent le Maxi SodebO à bonne vitesse jusquà
léquateur quil devrait franchir mercredi 7 janvier.
Quant au pot au noir, situé par 6 ou 7 degrés Nord, il ne
semble pas aujourdhui très actif. Mais cela peut évoluer
!
A noter quil y a toujours des incertitudes entre les deux modèles
américains et européens au niveau de lanticyclone
des Açores, la dernière phase de transition stratégique
de ce tour du monde express.
Rappelons enfin que pour battre le record établi par Francis
Joyon lan dernier, SodebO doit franchir la ligne à
Brest avant le 15 janvier 4h27 du matin (heure française).
Sous un grain après un peu de plongée
!
La vitesse du Maxi Trimaran a chuté en fin d'après-midi
en tombant sous l'influence d'un grain à l'Est du Brésil.
Un grain est un amas nuageux, plutôt très sombre, en dessous
duquel cest tout simplement lanarchie totale. Trop ou pas
assez, dans un sens comme dans lautre, le vent nen fait quà
sa tête.
Au menu de celui-ci : une brise de 25 nuds qui sest évanouie
en quelques minutes pour avoisiner les 5 à 8 nuds en passant
du Sud-Ouest à lEst !
Résultat des courses pour Sodeb'O, une cadence en dessous des 10
nuds pendant deux heures
Un phénomène courant
sous ces latitudes tropicales mais pas franchement tendre avec notre skipper
!
samedi 3 janvier 2009 :
Chaud Brésil !
Non, Thomas n'a pas décidé de
faire un « break » sur une plage brésilienne. Le skipper
de Sodeb'O n'a décidément pas une minute de répit
dans cette remontée infernale de l'Atlantique.
Actuellement propulsé par une dépression positionnée
dans son Sud-Ouest, le Maxi Trimaran tire vers la côte afin de profiter
au mieux dune bascule du vent vers la gauche.
Thomas est éreinté. Hier, le vent a soufflé toute
la journée entre 28 et 30 nuds et les conditions viennent
tout juste de mollir en prémisse de cette bascule.
En sapprochant de la côte, le skipper va pouvoir se protéger
de la mer pendant les trois prochaines heures dans la baie du Cap Sao
Tomé, au-dessus de Rio. Bien évidemment, dès quil
se dégagera de ce bouclier naturel, SodebO retrouvera les
affres de cette terrible mer de face.
Les côtes sont aussi synonymes de trafic maritime. Après
le stress de la glace dans le grand sud, celui des grains ces derniers
jours, le skipper se retrouve à nouveau en veille sur le pont pour
guetter la moindre embarcation ou le moindre obstacle qui pourrait stopper
net plus de 45 jours defforts. Afin de corser le tout, Thomas va
même slalomer aujourdhui au milieu d'un champs pétrolifère
!
Depuis le Cap Horn, le challenger Coville a réussi à réduire
de 1 000 milles lécart avec IDEC. En revanche, il va perdre
du terrain puisqu'il négocie à l'heure actuelle la transition
avec les alizés qu'il devrait toucher dimanche soir ou lundi matin
alors qu'au même moment, Francis Joyon avait déjà
accroché ces grands vents tropicaux.
vendredi 2 janvier 2009 :
A une journée de Francis !
Quelle remontée ! Une trajectoire rectiligne.
Un enchaînement météo parfait. Depuis le Cap Horn,
l'écart entre Sodeb'O et IDEC a littéralement fondu.
Aujourdhui, ce ne sont pas 200 mais bien 300 milles
que Thomas a rattrapés en lespace de 24 heures ! Le retard
avec le détenteur est désormais de 440 milles, soit une
journée de navigation à la vitesse de 18 nuds.
Rappelons que Thomas a viré le rocher du Horn dimanche dernier
avec 4 jours, 17 heures et 11 minutes de retard, il a donc réduit
de plus de trois jours son déficit en moins de cinq jours de mer.
Le scénario sest déroulé parfaitement
Avec ses routeurs, le skipper de SodebO a décidé
en sortant du grand sud de « faire lintérieur »,
cest à dire dexploiter un couloir de vent ascendant
au plus proche des côtes sud-américaines. Thomas avait alors
laissé lîle des Etats, puis les Malouines à
tribord.
Malgré un régime relativement orageux avec de nombreux grains,
le vent de secteur Sud a permis au Maxi Trimaran de tenir un cap et une
trajectoire efficaces depuis près de 2 000 milles. Une option bien
différente de celle choisie par Francis Joyon qui avait suivi une
trajectoire plus à Est et subi des conditions météo
beaucoup plus chaotiques sur ce tronçon.
Attention, la vie ne va pas sadoucir pour autant
Il pourrait savourer ce plaisir de voir son retard se réduire
à peau de chagrin, pourtant Thomas na pas conscience de cette
remontée incroyable depuis le Cap Horn. Il vit au jour le jour,
manoeuvre après manoeuvre et surtout actuellement, grain après
grain.
Il approche d'une dépression orageuse à la latitude de Rio
et sait que dès ce soir, il va commencer à payer le prix
de cette magnifique route proche des côtes brésiliennes.
Là où Francis, plus à l'Est, était remonté
travers à lalizé, le skipper de Sodeb'O va devoir
faire du près pendant environ trois jours. Le Maxi Trimaran est
performant à cette allure. C'est pourquoi cette option a été
prise, même si c'est l'une des allures les plus difficiles à
supporter en multicoque.
Au près dans de la mer, le bateau se cabre à chaque vague
et retombe dans un tremblement qui résonne jusque dans le squelette
du capitaine. « Quand le bateau souffre, je souffre, » nous
disait récemment Thomas. Et il va falloir souffrir. Le skipper
sait que tout réside dans sa capacité à mener vite
ce bateau dans de telles conditions.
Derrière l'alizé, ce sera déjà léquateur
où les prévisions météo savèrent
optimistes comme les routages. Suivra ensuite le Pot au Noir, avec une
transition se présentant a priori de manière assez fluide.
Quel beau suspense en perspective !
jeudi 1er janvier 2009 :
Encore 200 milles gagnés !
Le réveillon de Tom, c'était moins
bulles de champagne et cotillons que des manoeuvres incessantes dans un
vent particulièrement instable, en force comme en direction.
Le long de lUruguay, le skipper commence néanmoins
lannée 2009 avec panache puisque ces 24 dernières
heures, il a encore réduit de 200 milles son retard sur IDEC !
Cela monte à près de 600, le nombre de milles gagnés
par Sodeb'O depuis le Cap Horn.
Seulement 700 milles séparent désormais la fusée
rouge de Francis Joyon du coursier tout aussi rouge de Thomas
Coville. Une distance quun multicoque de cette taille peut parcourir
en plus ou moins deux jours, en fonction de la météo.
Pour le moment, un régime anticyclonique pousse dans le sillage
du Maxi Trimaran. Cela affaiblit légèrement le flux de Sud-Sud-Est
qui plafonne autour des 15 nuds et narrive pas à se
stabiliser.
Thomas n'a pas beaucoup fermé l'oeil cette nuit. Il se bat pour
faire accélérer son bateau dans les grains et une mer encore
très perturbée. SodebO maintient une vitesse moyenne
autour des 17 nuds et grapille son retard sur le détenteur
du record.
Buenos Aires, Montevideo, Rio...quel beau périple. Le rivage doit
être tellement beau et la mer à parfaite température.
Malgré ses 44 jours de solitude, dont la plus de moitié
passés dans le froid et la grisaille, Thomas ne peut qu'imaginer
les côtes qu'ils longent. Son voyage continue inlassablement. Il
reste encore 10 000 kilomètres à parcourir. Comme le Trinitain
le confiait à la veille du réveillon, l'année 2008
ne s'achèvera pour lui qu'une fois ce tour du monde bouclé.
Pour l'instant, la préoccupation est une petite dépression
en formation sur Rio. Selon lévolution du système
et le tempo avec lequel Thomas labordera, Sodeb'O se hissera plus
ou moins rapidement jusquaux alizés qui soufflent à
quelques centaines de kilomètres au Nord.
mercredi 31 décembre 2008 :
Le réveillon à bord de Sodeb'O
... pain frais et huile d'olive !
Incroyable direct ce matin avec Thomas qui nous
a fait partager en images son quotidien au large de l'Argentine !
Le Maxi Trimaran Sodeb'O remonte rapidement le long des
côtes argentines poussé par un bon vent de sud - sud ouest
mais avec une houle de face qui use le skipper comme le bateau.
Ces conditions de navigation devraient cependant s'améliorer rapidement
et permettre à Thomas Coville de réduire encore son retard
sur Francis Joyon. Depuis dimanche soir et le passage du cap Horn, Sodeb'O
a en effet repris près de 400 milles sur Idec et ne comptabilise
aujourd'hui 31 décembre 2008 que 900 milles de retard, soit deux
à trois jours de navigation selon les vents.
Thomas avouait ce matin une certaine fatigue voir lassitude après
une dizaine de jours particulièrement éprouvants dans un
Pacifique Sud hostile « où tu n'es pas le bienvenu et
où malgré la beauté brutale et violente, tu es content
d'en sortir ». Vivant dans un autre monde depuis 43 jours, le
skipper de Sodeb'O reconnaît qu'il ne mesure pas encore qu'il est
un des rares marins à avoir réalisé le tour de l'Antarctique
en multicoque et en solitaire.
A propos de la nouvelle année, Thomas est conscient de la chance
qui lui est offerte de réaliser ses rêves, de faire ce qu'il
a décidé et souhaite pouvoir continuer à vivre dans
cet état d'esprit. Pour lui, l'année 2008 se terminera avec
l'arrivée à Brest. Pour battre le record, Thomas Coville
doit franchir la ligne avant le 15 janvier prochain à 4 heures
27 minutes et 20'' (heure française).
Thomas, à propos du réveillon du 31 décembre à
bord de Sodeb'O :
"Pour moi l'année 2008 se terminera uniquement quand
j'arriverai. Je ne pense pas pouvoir me poser. Je vais peut être
faire un petite bouffe dans mon carré, assis par terre, en mangeant
du pain frais de Sodeb'O avec un peu d'huile d'olive et un morceau de
saucisson et je ferai un bilan de ce que j'ai fait dans cette année
comme tout le monde avec ce qu'il y avait de bien et de moins bien. Je
vais faire mon petit bilan personnel.
Je pense avoir au téléphone quelques potes et ma famille
pour converser très simplement. Mais je suis dans une ambiance
particulière où pour moi l'année terminera quand
j'arriverai à Brest. J'ai pas tellement l'impression que l'année
est finie, j'ai commencé quelque chose en 2008 et ce n'est pas
terminé pour l'instant"
Les conditions de navigation après le Cap Horn :
"La nuit n'a pas été facile du tout. Je suis entre
deux systèmes et deux trains de houles qui sont très perturbants
et très difficiles à négocier. J'essaye de porter
un maximum de toile, donc forcément il y a des moments où
c'est très scabreux et chaud. J'essaye de rester dans ce flux de
Sud - Sud Ouest qui nous porte et nous fait longer l'Argentine. La mer
est hachée et très formée, ça fait bouger
beaucoup le bateau qui a du mal à se stabiliser.
Il fait assez beau, il y a du soleil et les températures ont nettement
augmentées depuis deux jours, c'est un point qui a son importance
car j'ai arrêté de lutter contre le froid. Il y a quelques
jours j'ai passé le Horn et je ne m'en suis pas rendu compte parce
que j'étais dans le feu de l'action. J'ai réalisé
que 24 heures après que j'avais dépassé ce fameux
caillou avec toute la délivrance que ça peut représenter.
Je me suis réveillé et d'un seul coup j'ai réalisé
que je n'avais plus l'angoisse de la glace, des icebergs et du froid (...)
L'anticyclone de Ste Hélène qui nous a fait tellement de
mal à l'aller, on essaye de le négocier avec une configuration
un petit peu meilleure. Si on arrive à accrocher ce système,
on reviendrait à l'Équateur à quelques encablures
de Francis ce qui peut très bien nous remettre en selle pour la
suite du record."
mardi 30 décembre 2008 :
330 milles gagnés en deux jours !
Thomas effectue une remontée exemplaire
le long des côtes de l'Argentine. Sodeb'O a pris un ascenseur génial,
propulsé par un vent de Sud-Ouest autour des 20 noeuds. Depuis
dimanche matin, le challenger Coville a gagné un peu plus de 330
milles sur le détenteur.
Vol direct pour Rio
Ce qui est pris, est pris. Même si devant les étraves du
Maxi Trimaran une petite « molle » savance pour aujourdhui,
Sodeb'O a gagné du terrain dans ce tronçon après
le Horn qui avait été moins favorable à IDEC. Suite
à la bascule cette nuit du vent du Nord-Ouest au Sud-Ouest, Thomas
a une houle résiduelle de travers qui va se ranger progressivement.
« Pour linstant, je saute sur les vagues, mais cela devrait
satténuer et saméliorer pour que je puisse encore
accélérer, » explique le marin.
La petite perturbation qui sest immiscée au large de lArgentine
doit se dégager rapidement dans lEst, laissant ainsi la route
libre à Thomas qui ne devrait ralentir que quelques heures. Après,
le vent rentre à nouveau avec un flux de 20 à 25 nuds.
« On doit accrocher un système au-dessus de nous qui devrait
nous permettre de monter jusquà Rio. On va continuer de longer
les cotes pour aller chercher la transition avec lalizé.
»
Pas ouvert un bouquin
Le skipper explique aussi que depuis son départ fin novembre de
Brest « il n'y a pas de dosage possible : si tu nes pas
dessus, tu perds du terrain. Tu es à disposition pour régler
le bateau comme si tu étais entre trois bouées. »
Dans un record, on ne navigue pas bord à bord avec son adversaire,
dun côté, il y a la trace du détenteur qui donne
la performance à battre, et de lautre, ce sablier qui sécoule
inéluctablement. Vous ajoutez la météo, la forme
du bateau et la vôtre, et ya plus quà !
« Tu reprends un peu de chariot (de grand voile), de solent,
de gennaker (voiles davant), tu es dessus en permanence. Je nai
pas ouvert un bouquin depuis le début ; jai écouté
de la musique deux fois pour ne plus entendre les voiles claquer dans
le petit temps, » confie-t-il avant dajouter : "
parfois, la compétition rationnelle me manque. Quand ça
marche, cest plus valorisant de se battre contre un adversaire qui
a les mêmes conditions que toi, cela te récompense de tes
efforts."
Ça use
Et de conclure par des nouvelles de ce physique qui nest pas franchement
épargné depuis près de 42 jours de mer : «
Je vais arrêter de lutter contre le froid. Je suis à cours
de vêtements car jai beaucoup transpiré dans les manuvres.
Jai aussi un peu mal au rein car jai du mal à boire.
Mes doigts vont mieux mais avec la circulation qui revient, ça
pique fort. Même si jai bien tenu le coup, je commence à
me sentir usé. »
lundi 29 décembre 2008 :
Stratégique Atlantique
Nous y sommes. Le skipper de Sodeb'O entame
la dernière partie de son périple avec cette remontée
de l'Atlantique où va se jouer son record.
SodebO a franchi le Cap Horn, hier dimanche 28 décembre
à 20h42 (heure française) après exactement 40 jours,
5 heures, 47 minutes et 46 secondes de mer. Thomas a tenu une vitesse
moyenne de 20,5 nuds depuis son départ de Brest le 18 novembre.
Une vitesse inouïe pour un homme seul à bord dun trimaran
de 32 mètres !
Tenir encore
Malgré les efforts colossaux imposés par cette vie sur le
fil et malgré les conditions de survie de ces derniers jours à
l'approche Cap Horn, le retard de Thomas est de 1 300 milles à
l'entrée de l'Atlantique. Dici Brest, la marge de manuvre
est mince mais elle existe.
Ces jours-ci, il va falloir être fin stratège et penser au
mieux la trajectoire dans cette météo complexe de lAtlantique
Sud. Il va falloir aussi être opportuniste et exploiter la moindre
risée, le moindre grain, jouer au gagne petit et se donner toutes
les chances de se refaire. Ce duo incroyable de Thomas avec son trimaran
SodebO doit aussi tenir et se surpasser malgré lusure
des dernières semaines dans le grand sud.
Lambiance a totalement changé à bord. Les déferlantes
ont laissé place cette nuit à une mer tout juste clapoteuse
le long des côtes de la Terre de feu. Néanmoins, Thomas a
peu dormi. La tension à bord perciste. Elle est inérante
à la vie en multicoque.
Leffet élastique
IDEC avait ralenti après lIle des Etats et surtout à
lapproche des Malouines. Il avait ensuite perdu du temps à
mi-chemin entre le Horn et léquateur, coincé dans
un vent erratique entre deux anticyclones et une dépression. Et
enfin, après une nuit passée dans les grains du Pot au Noir,
Francis Joyon avait découvert la rupture de sa drisse de grand
voile et un problème dans le mât, au niveau du point dencrage
du hauban tribord.
En fonction des performances du Maxi Trimaran SodebO à chacun
de ces passages, lécart avec IDEC va, comme un élastique,
augmenter ou se réduire. Cest pourquoi la stratégie
et la conjoncture météo des prochains jours ont toute leur
importance.
Avec ses routeurs, Thomas a tout dabord décidé daller
chercher au plus vite un vent de Sud-Ouest attendu derrière une
bascule annoncée en fin de journée. Ce flux devrait forcir
de 25 à 30 nuds, permettant à SodebO de longer
rapidement la route orthodromique (la plus courte).
La stratégie à moyen terme consiste elle à profiter
des régimes dépressionnaires qui senchaînent
le long des côtes de lAmérique du Sud. Ainsi, juste
après son passage du rocher du Horn, le Maxi Trimaran a tourné
à gauche et est passé entre la côte et lIle
des Etats afin de pouvoir laisser ensuite les Malouines à tribord.
dimanche 28 décembre 2008 :
Le Horn aujourd'hui
Les marins l'ont surnommé le Cap Dur
ou le Cap des Tempêtes en raison de la météo souvent
déplorable qui y règne. Le skipper de Sodeb'O s'apprête
à franchir le Cap Horn alors qu'il se démène dans
une mer atroce.
« Les conditions sont très difficiles ces
jours-ci. Thomas est au « turbin » dans un vent de Sud-Ouest
particulièrement variable avec des rafales à 52 nuds,
accompagnées de neige et de grêle, » explique Thierry
Douillard, membre de la cellule de routage de SodebO. «
Il fait très froid à bord et la mer est vraiment dure. La
houle doit se calmer un peu aujourdhui et le vent faiblir de 22
à 28 nuds avec toujours des rafales à plus de 35.
»
Il y a deux jours, le pilote automatique a décroché
et le Maxi Trimaran est parti à labattée. Rien de
dramatique mais une grosse dose dadrénaline pour son skipper
qui a dépensé beaucoup dénergie afin de remettre
son bateau en ordre de marche.
En fin daprès-midi, SodebO doit quitter le grand sud
en passant aux pieds du plus majestueux des trois caps. Cette falaise,
haute de plus de 400 mètres, plonge à pic dans leau
à la croisée des océans Pacifique et Atlantique.
Thomas passe ici le Cap Horn pour la 6e fois depuis le Trophée
Jules Verne 97 avec Olivier de Kersauson. Il se pourrait même bien
que le skipper navigue suffisamment près de la terre pour pouvoir
admirer le spectacle.
Le skipper dIDEC avait franchi ce cap dans sa 35e journée
alors que SodebO sera dans sa 40e. En revanche, l'écart en
milles continue de se réduire avec 1348 milles de retard à
la mi- journée.
Le Cap Horn est situé à l'extrémité Sud
de l'archipel chilien de la Terre de Feu. Il est considéré
comme le point le plus au Sud de l'Amérique du Sud.
Il est aussi le plus sud des trois grands caps (Bonne Espérance,
Leeuwin, Horn). Pendant de nombreuses années, il est un point de
passage crucial des routes commerciales entre lEurope et lAsie.
Elles sont alors empruntées par les voiliers de transport de marchandises,
malgré le fait que les eaux autour du cap présentent de
nombreux dangers : tempêtes très fréquentes, vagues
immenses et présence possible dicebergs. Ces dangers et lextrême
difficulté de son franchissement ont donné au Cap Horn son
caractère légendaire. Il est parfois surnommé le
Cap Dur ou le Cap des Tempêtes.
A 20h42, heure française, (19h42 TU), le Maxi Trimaran Sodeb'O
a coupé la longitude du Cap Horn (située par 67 16' W).
Cest avec de la neige glacée sur le pont et une carence
de sommeil au-delà de limaginable que Thomas sextirpe
des griffes dun océan Pacifique tyrannique.
Le skipper ne bat pas lactuel record de la traversée du Pacifique,
détenu par Francis Joyon en 10 jours, 14 heures et 26 minutes.
Depuis son passage au Sud de la Tasmanie le 16 décembre, SodebO
a mis 12 jours, 4 heures et 46 minutes, soit 1 jour, 14 heures, 20 minutes
de plus quIDEC.
Exactement comme les concurrents du Vendée Globe, Thomas a été
contraint dallonger sa route au Nord dans le Pacifique, afin de
contourner une importante zone de glaces. Il passe le Cap Horn avec un
peu moins de 5 jours de retard sur le temps de Francis Joyon. L'écart
en nombre de milles continue de se réduire. Il est à l'heure
actuelle de 1 316 milles.
samedi 27 décembre 2008 :
Après la « dep » !
Cette nuit, le Maxi Trimaran s'est fait malmener
dans un vent supérieur à 45 noeuds. Le skipper de Sodeb'O
a traversé son ultime dépression du grand sud avant de contourner
demain le rocher du Horn.
Dans une mer très forte, Thomas a malgré tout
poursuivi une descente efficace vers le Sud-Est, progressant à
des vitesses moyennes comprises entre 18 et 20 nuds. Il a également
grappillé encore de précieux milles sur Francis Joyon, le
retard de SodebO sur IDEC étant à lheure actuelle
de 1547 milles, soit plus ou moins trois jours de mer à plus de
20 nuds.
Le skipper semble satisfait de sa position en ce samedi matin. Toujours
positionné sur un bord direct pour franchir ce troisième
cap, il va progressivement retrouver des conditions de vent plus maniables,
avec une mer qui restera néanmoins toujours très formée.
SodebO franchira le Cap Horn demain dans la journée.
vendredi 26 décembre 2008 :
Droit sur le Horn
La bascule du vent au Sud-Ouest s'est effectuée
comme prévu. Sodeb'O tire désormais une belle trajectoire
au Sud-Est en direction du Cap Horn.
Soulagé, Thomas a laissé dans son sillage
limmense zone de glaces. Il peut maintenant descendre plus franchement
au Sud et navigue déjà ce midi en dessous du 53e parallèle.
Le flux de Sud-Ouest se renforce dheure en heure pour atteindre
rapidement les 30 nuds. Des conditions musclées mais maniables
pour le skipper qui vit ici ses derniers instants de grand sud.
jeudi 25 décembre 2008 :
Noël au charbon !
Thomas vient de s'offrir un retour de 315 milles
en 48 heures sur Francis Joyon et fait route directe vers le Cap Horn.
Dans une vidéo tournée à bord de SodebO
cette nuit (le jour pour lui), le skipper nous parle de cette trêve
de Noël qui na pas lieu d'être au milieu du Pacifique.
En plus de guetter la présence eventuelle d'icebergs, Thomas vient
d'enchaîner deux empannages en quelques heures.
Le skipper sest ainsi recalé dans le Sud - passant du 48e
au 51e parallèle - à la fois pour laisser dans son Nord
les icebergs repérés sur sa route ces jours-ci et également
pour se placer en perspective dune transition météo
qui lattend aujourdhui.
En effet, le vent de Nord-Ouest bascule bientôt au Sud-Ouest, permettant
ainsi à SodebO de tirer un seul bord jusquau Cap Horn.
Ce troisième et dernier grand cap de son épopée n'est
plus qu'à 1500 milles et Sodeb'O doit le franchir le 27 décembre.
Lors de ce 36e jour de mer, IDEC était déjà entré
dans lAtlantique et avait fortement ralenti. Dans cette région,
limmense masse montagneuse des Andes qui se poursuit jusquau
rocher du Horn forme une frontière naturelle et perturbe lenchaînement
entre les systèmes météo des deux océans.
Francis Joyon en avait payé le prix il y a un an, perdant du terrain
dans cette remontée le long des côtes argentines.
Cest en partie la raison pour laquelle SodebO reprend des
milles sur le détenteur du record. Avec 1795 milles de retard en
ce jour de Noël, le Maxi Trimaran vient donc de gagner 315 milles
en 48 heures. Une tendance qui devrait se poursuivre jusquà
son arrivée au Horn...voir plus, puisque la météo
derrière le cap savère, à lheure actuelle,
encourageante pour le passage du Maxi Trimaran.
Avant cela, Thomas quittera la zone des glaces dans 300 milles. Particulièrement
en forme ce matin, le skipper ne relâche pas pour autant son attention.
La température de leau est toujours aussi froide, entre 3
et 4 degrés, et le vent de Sud-Ouest annoncé va contribuer
à refroidir encore latmosphère autour du skipper qui
commence, malgré tout, à entrevoir la porte de sortie du
grand sud.
mercredi 24 décembre 2008 :
Invités givrés au réveillon
Il ne les a pas vus mais il sait qu'ils sont
là. A la vacation de ce matin, Thomas ne pouvait cacher son angoisse.
En effet, son trimaran approche actuellement d'une zone
où des icebergs ont été repérés
par satellites.
Positionné très au Nord, un peu en dessous
du 48e parallèle (justement pour contourner cette région
à risques) le skipper de SodebO témoigne néanmoins
dune température de leau de 3 à 4 degrés
et de givre installé sur les hublots. Des signes que la glace nest
peut-être pas loin.
Ces derniers hivers, les informations nétaient pas aussi
précises et les navigateurs avançaient sans connaître
réellement la probabilité de faire ce type de mauvaises
rencontres dans le Pacifique Sud.
« Je suis moins concentré sur le réveillon que
sur ces invités dont je me serais bien passé, » confie-t-il.
Même sil va parler avec ses proches, grâce à
ce téléphone qui réduit quelques instants les distances,
Thomas ne sera pas serein. Nouveau détour par le Nord, radar en
marche et veille permanente sur le pont, ce Noël 2008 aura une saveur
particulière pour celui qui vit « une réalité
tout autre. Une plaque de banquise, grande comme la Corse, sest
décrochée de la banquise. En dérivant vers le Nord-Nord
Est, elle sest aussi brisée, formant des centaines dicebergs,
dont certains ont été repérés sur ma route.
»
Malgré tout, le skipper compte se préparer un repas
spécial à bord de SodebO, composé de risotto
et jambon cru, agrémenté des cadeaux cachés par sa
famille et ses amis dans le bateau. « Noël est une fête
de famille, très importante pour les enfants, un instant où
lon se retrouve, où l'on renoue avec les siens. Cest
un moment damitié et damour à partager. Moi
je suis seul et cest comme ça. »
Le skipper commente également son retard actuel de 2 000 milles
sur le record de Francis Joyon : « Nous avons le maximum de retard
que ce que nous nous étions fixé. A moi, de tout faire pour
ne pas laccroître mais en ce moment, nous sommes obligés
de parcourir beaucoup plus de route que Francis, en raison de cette trajectoire
Nord. Cest terriblement frustrant mais il faut faire avec, cest
lexercice même de ce record autour du monde, je dois faire
au mieux avec ce qui mest donné. De ce point de vue, je nai
rien à regretter, j'ai au moins cette satisfaction de savoir que
je minvestis à fond depuis le départ, que je ne lâche
rien. »
Dailleurs, Thomas mets tous les jours en pratique cette logique
implacable disant que lorsque le physique va, le moral suit. «
Je dors 3 heures par jour depuis 35 jours et je tiens. Je mange aussi
correctement. Je suis content de la manière dont mon corps endurent
les manuvres, le froid, la fatigue et cela influence directement
mon moral. »
mardi 23 décembre 2008 :
Ma plus belle bagarre
"Depuis mon passage de la Nouvelle-Zélande
où, une nouvelle fois, la transition entre les deux océans,
Indien et Pacifique, ne s'est pas faite facilement, je lutte pour rester
devant un flux de Nord-Ouest.
Je livre une nouvelle bagarre pour exploiter cette météo
si peu clémente depuis le début.
A cela vient s'ajouter une deuxième contrainte majeure :
la présence de glaces très étendues sur toute une
partie du Pacifique. Ces glaces dérivantes résultent du
décrochement d'une partie de la banquise et de sa dérive
vers le Nord. Une collision avec l'un de ces morceaux et c'est la destruction
totale du bateau qui ne résisterait pas à la vitesse où
je navigue. Dans cette région, l'eau à 3° et la survie
est une question de minutes.
C'est pourquoi, même si cette décision nous impose
de perdre de nouveau du temps, il n'était pas envisageable de prendre
cette route optimale vers le Sud. Toutefois, je sais que dans deux jours
je rentre dans une nouvelle zone d'icebergs que je ne peux éviter
cette fois ci. Nous avons pour la première fois des données
repérées par satellite qui nous aident à prévoir
certaines d'entre elles. Malheureusement pas toutes et celles-ci dérivent,
se déplacent au gré des courants et des vents dominants.
Mais hier soir, cette nuit et toute cette journée, j'ai
livré lune de mes plus belles batailles depuis le début
de ce long voyage.
Le vent de Nord-Ouest a très vite fraîchi et j'ai
réduit ma voilure, manoeuvrant au plus juste avec la force du vent.
Le début est plaisant avant que la mer ne se forme, avec 623 milles
dans la journée, après une superbe cession de glisse à
26 noeuds de moyenne, soit les compteurs souvent au-dessus de 30 noeuds.
Le vent ne cesse pour autant de monter et c'est surtout la mer
qui devient grosse, à très grosse. La brise prévue
de 30 nuds est plus près des 35/40. La mer se forme et cela
est très vite limite. Elle est légèrement de travers
et je ne peux pas l'éviter. Elle vient heurter mon flotteur bâbord
violemment et cela devient vite très difficile à négocier.
Ne pas laisser la mer détruire et s'acharner sur ce flotteur nécessite
d'appuyer le bateau sur son autre flotteur, sans être pour autant
trop toilé. Voilà toute la difficulté de s'adapter
à la moindre variation de vent, en force et en direction.
Changer de voile à l'avant, passer du foc de brise à
la trinquette, implique d'aller devant pour le faire descendre et le monter.
Le ranger proprement après chaque manoeuvre est épuisant.
La plage avant du bateau est très exposée et les vagues
rendent la tache encore plus difficile. Le froid saisit vite les doigts.
Le pont se dérobe à chaque mouvement. Travailler sur le
filet est harassant tant l'équilibre y est presque impossible.
Ma lumière frontale éclaire mal de son faible halo, tout
se fait à l'instinct. Revenir derrière, dans le cockpit,
pour dérouler la trinquette demande, en quelques minutes, l'effort
d'un véritable sprint. Sous le ciré, le corps transpire
et donne tout, il ne reste plus de marge ou de réserve, tout est
là. Le bateau reprend de la vitesse, les mouvements sont de nouveau
très saccadés. La mer tape la coque et des gerbes d'eau
énormes viennent s'écraser dans le cockpit. Je me glisse
sous mon abri, regardant vers l'arrière. Je reprends mon souffle.
Le sillage est visible sur quelques dizaines de mètres, avant de
disparaître dans la nuit, et il me donne le relief de la prochaine
vague. Celle-là est grosse, je m'accroche ; le bateau part d'un
seul coup, les compteurs s'affolent et les étraves plongent dans
la nuit jusqu'à taper le bas de la vague suivante. Dans ces accélérations,
il est impossible d'être détaché et complètement
serin. Si le pilote fait une erreur ou si le choc est trop brutal en bas
de la vague, tout peut arriver.
Je joue à ce jeu depuis plusieurs heures. Le plus harassant
est de prendre et de renvoyer un ris dans la grand voile : 45 minutes
d'efforts non-stop pour y arriver, dans un sens, comme dans l'autre, au
risque de casser toutes les lattes de la grand voile. J'ai effectué
cette manuvre trois fois dans nuit. J'ai en effet cru que le vent
mollissait enfin et qu'il était temps de renvoyer de la toile pour
garder cette fameuse vitesse et ce vent portant. Malgré cette mer
forte, à très forte, j'étais focalisé sur
le fait de rater cette opportunité, de rester devant cette dépression.
Quelle erreur ! Ici, chaque erreur se paie et coûte très
chère.
J'ai en effet renvoyé trop tôt ce deuxième ris. Le
vent était retombé comme prévu et j'étais
sûr de moi. J'avais à peine fini, je rangeais chaque cordage
dans son logement, quand une rafale, plus forte que toutes les autres,
est rentrée et a propulsé le bateau comme une fusée.
Le pilote a mal réagi et, en poussant la barre, il est venu mettre
le bateau travers à la prochaine vague. Du fait d'être surtoilé,
SodebO était déjà sur un seul flotteur et la
vague nous a soulevés.
Je me suis précipité sur le winch de « traveller
» (chariot de grand voile) pour relâcher la tension dans la
voile. Pendant quelques instants, le temps s'arrête et vous voyez
la scène future. Si je chavire, je n'ai pas d'autre issue que d'être
à l'intérieur, alors je recule de quelques pas, pour amorcer
ma retraite, le bateau retombe, il se tend et résiste. Tel un guerrier,
il se redresse et part dans un surf incroyable, tout vibre et le vent
hurle en même temps que les coques produisent un bruit assourdissant.
Un bruit sourd se fait alors entendre et un sifflement suit immédiatement,
une pièce du « traveller » que j'avais dans les mains
il y a quelques instants, a fait fusible et vient de traverser le cockpit,
décapitant les deux barres à roue. J'y étais, il
y a quelques secondes et mes jambes n'auraient pas résisté.
J'analyse tout de suite la situation. J'ordonne au pilote de changer de
cap par quelques impulsions sur le clavier électronique à
ma droite et me précipite sur la drisse de grand voile. Je défais
ce que je viens de finir à l'instant et je recommence à
l'inverse la manuvre. Je vois, sous mes yeux, les dégâts
causés et je réfléchis déjà comment
y remédier. J'ai encore le palpitant à fond et je suis furieux
contre moi-même mais je suis encore là et j'avance.
Le jour commence à pointer. Le blanc du pont ressort comme
sil était fluorescent. Le sillage ressort de plus en plus
loin derrière et la mer quitte l'étreinte du ciel. Je découvre
avec une certaine stupeur la taille et la force des vagues qui m'entourent.
Quelle bagarre et quelle nuit dans ce Pacifique Sud !
La pièce qui a cassé est en plastique très dur
et sert à guider le bout (cordage) du chariot de grand voile dans
sa course circulaire autour du cockpit. En cassant, le bout, libéré
de ce guide, est venu casser deux des trois rayons en carbone, à
lintérieur de chacune des deux barres à roues. Thomas
a remplacé la pièce en plastique par une poulie ouvrante
et dautres cordages. Il a également remplacé les quatre
rayons brisés par des morceaux de lattes de grand voile, elles
aussi en carbone, scotchées avec du grey tape (scotch hyper résistant).
Ces petites avaries déjà réparées nont
aucune incidence sur la marche du bateau.
lundi 22 décembre 2008 :
Du ski de bosses les yeux bandés
Voilà la vie de Thomas en ce moment.
Dans la nuit noire, au beau milieu de l'océan Pacifique où
il n'y a pas un chat, le skipper de Sodeb'O descend tout schuss des talus
hauts de 4 à 5 mètres.
Propulsé depuis dimanche par un vent de Nord-Ouest
de 32 à 35 nuds, le Maxi Trimaran amasse les milles. A minuit
heure française, il a bouclé une très belle journée
avec 623 milles parcourus, de quoi remonter le moral des troupes !
Mais forcément, dans ces conditions, les nerfs sont à vif.
Thomas barre beaucoup afin dharmoniser les mouvements de son trimaran
avec celui des vagues. Sous 3 ris trinquette hier, il est passé
sous ORC, il y a quelques heures, une plus petite voile davant qui
lui permet de mieux maîtriser la bête lorsquelle semballe
dans les rafales.
De jour comme de nuit, il faut cavaler avec régularité,
même si tout est noir devant les étraves. Il faut aussi manuvrer,
accepter de saventurer sur la plage avant et de se prendre ces paquets
de mer quon ne voit pas arriver et vous trempent jusquaux
os.
Pour les terriens, agglutinés dans les magasins en quête
des derniers achats de Noël, ce quotidien du marin solitaire paraît
bien loin. Totalement irréel. Un autre monde. Et pourtant, il est
bien celui de Thomas depuis son départ de Brest fin novembre.
Puis le jour se lève sur le Pacifique, alors quil se couche
chez nous. La mer en couleurs paraît peut-être moins grosse,
moins mauvaise que celle de la nuit. Par 47° sud, Thomas ne souffre
pas du froid. La température de leau ne descend pas en dessous
des 12/13 degrés. Un point positif de ce détour par le nord
imposé pour éviter les icebergs, repérés quelques
kilomètres plus au sud.
Cest autour du 114° Est que le skipper de SodebO pourra
plonger à nouveau vers les cinquantièmes. Le prochain point
de passage est le Cap Horn. Il est par 55 degrés sud, alors il
va falloir descendre, se rapprocher du froid, de lAntarctique, pour
un dernier hommage aux Albatros avant de retrouver un océan Atlantique
plus familier.
Bien avant cela, Thomas doit cravacher pour garder cette dépression
le plus longtemps possible, avant qu'elle ne laisse sa place à
une autre, puis à une autre, et ainsi de suite, ainsi va la vie
des skieurs du grand sud.
dimanche 21 décembre 2008 :
Une vie sur le fil
Avançant au milieu du Pacifique - autrement
dit au milieu de nulle part- , Thomas Coville a retrouvé une allure
supersonique grâce à un bon vent de nord ouest qui devrait
rester établi à 25/30 noeuds pendant 3 jours.
Glissant dans la nuit noire à plus de 34 nuds,
sous deux ris trinquette, le skipper de SodebO nous confiait ce
matin : « A ces vitesses là, tu vis comme un animal, tu
deviens comme une machine. Tu te blindes aux chocs et à la résonance
; tu nas plus les mêmes références quà
terre. Dans laction, jai des chiffres en tête, des réactions,
des sensations. Quand le bateau sarrête, le psychologique
reprend le dessus. Tu te mets à penser. Cest un comportement
un peu spécial. A cause de la vitesse et de la prise de risques,
je ne suis jamais allé aussi loin dans la relation entre le psychologique
et le physique. Quand le bateau descend dans une vague, dans la nuit noire,
tu as la sensation de tomber dans un gouffre. A bord cest invivable,
tu es secoué et balloté en permanence. Tu heurtes des trucs
et tu ne sais pas ce que cest, des paquets dalgues durs comme
des troncs darbres, ou encore des phoques. Cette vie sur un multicoque
et à ces vitesses là, cest inimaginable pour un terrien
et je ne me limaginais pas. Tu ne peux pas tendormir. Tu técroules.
Impossible de maîtriser lendormissement quelque soit la méthode
».
Depuis lan dernier, les repères de distance et de vitesse
ont carrément changé. Francis Joyon
a enregistré de telles moyennes que Thomas Coville na
pas le choix. Si SodebO semble aller plus vite intrinsèquement,
la météo ne lui a pas fait de cadeau. " On na
pas eu de transitions faciles. Depuis lEquateur, il faut aller chercher
les situations, les attraper, les contourner. Heureusement que le bateau
est génial. Il endure. Il est vaillant, capable de sadapter
à des situations difficiles. Jai bien cassé deux ou
trois trucs qui montrent quon lui tire bien dessus. Ce bateau, cest
une satisfaction au quotidien."
Thomas devrait arriver au Cap Horn dans la journée du 27 décembre,
avec plus ou moins 4 jours de retard sur Francis Joyon et cest à
peu près le temps que le skipper de IDEC avait perdu dans sa remontée
de lAtlantique. Tout est donc encore possible.
samedi 20 décembre 2008 :
Sur la route
Sodeb'O a traversé une nouvelle zone
de transition pour attraper une dépression venue de Nouvelle-zélande.
Le flux de Nord-Ouest, établi autour de 15 nuds,
lui permet de reprendre de la vitesse et de gagner à nouveau dans
l'Est. Faire de lEst, cest enfin progresser dans la bonne
direction, ce que le Maxi Trimaran na pas pu faire depuis 48 heures.
En effet, après le passage, jeudi, de lIle dAuckland,
Thomas a été contraint de remonter au Nord, à la
fois pour traverser le plus vite possible cette zone de transition météo
dans laquelle le vent a faibli autour de 10 nuds, ainsi que pour
contourner ce fameux champ dicebergs.
La dérive de certains de ces colosses de glace avoisine les 48/49ème
degrés Sud, cest à dire une latitude très Nord
dans cette région pour un parcours de tour du monde. Néanmoins,
comme lécrit le routeur Richard Silvani dans son bulletin
météo du jour : « une vaste zone d'icebergs dérivants,
dont les plus gros font 35 milles de long (63 km), interdit tout passage
au Sud du 49ème degré Sud, entre les longitudes 156 et 112
Ouest, » .
A noter que la présence de cet immense terrain "à ne
pas mettre un marin dehors" a également poussé les
organisateurs du Vendée Globe à remonter leur 8e porte des
glaces qui est désormais positionnée au 48° Sud, entre
le 170° Ouest et le 160° Ouest.
Maintenant qu'il a retrouvé une route « efficace »,
le retard de Thomas sur Francis Joyon qui dépassé les 2130
milles devrait se stabiliser, voir même se réduire. Le Maxi
Trimaran devrait faire route directe pendant plusieurs jours, bien calé
dans cette dépression où le vent doit forcir entre 25 et
30 nuds.
vendredi 19 décembre 2008 :
Par la face Nord
Le Grand Sud ne se laisse pas dompter comme
ça, juste parce qu'on ose s'y aventurer. Là bas, le train
des dépressions donne la cadence et les icebergs, comme des vigies,
indiquent aux marins les limites à ne pas dépasser.
Celles dictées à l'heure actuelle au Maxi
Trimaran sont claires. Il navigue par 48 degrés Sud et les cinquantièmes
devront attendre. Pour linstant, Thomas glisse sur la bordure Nord
dune dépression où le vent dOuest souffle autour
de 35 nuds. Plus on se rapproche de son centre et plus la tempête
sintensifie. SodebO doit garder le bon équilibre et
éviter de se faire piéger dans des conditions qui ne seraient
plus maniables et donc pénalisantes pour la vitesse.
Même le coup de vent passé, le skipper ne pourra pas plonger
au Sud en toute liberté. Un immense champs dicebergs lui
barre la route. Thomas a décidé avec ses routeurs déviter
de descendre, dans les prochains jours, au-delà du 49ème
parallèle.
Bien évidemment, la logique comptable veut que la route la plus
courte soit la plus Sud. Il y a un an, Francis Joyon avait traversé
un terrain miné le soir de Noël, croisant quatre immenses
morceaux de glace de plusieurs centaines de mètres.
IDEC naviguait alors par 56 degrés Sud mais comme le précise
Thomas, « lorsque lon sait, comme nous cette année,
et que les satellites donnent des informations avec la position précise
des icebergs, cest même manquer de sens marin que de les ignorer
et dy aller en fermant les yeux. » Alors le choix simpose
de lui-même et même si le chrono en prend un coup, cela vaut
mieux que de sexposer ouvertement à de tels risques.
jeudi 18 décembre 2008 :
Un mois de mer
Déjà 30 jours que Thomas et son
trimaran ont quitté Brest. Trente jours menés au rythme
d'une transat. Trente jours sans souffler, sans silence et sans s'extraire
de cette machine à laver dont le programme essorage n'en fini pas.
Depuis mercredi matin, le skipper de SodebO a dépassé
la moitié de la distance à parcourir ; il avance donc désormais
sur le chemin du retour.
En un mois, Thomas a traversé deux océans, lAtlantique
et lIndien. Il a changé trois fois de saison en passant de
lautomne en Bretagne, à lété vers léquateur
pour entrer finalement dans lhiver glacial du Grand Sud.
Trente jours de bleu, celui de la mer et du ciel, et de blanc, des nuages
et de quelques compagnons à plumes. Son paysage bicolore a été
émaillé seulement deux fois de couleurs terrestes : au passage
du Cap Vert fin novembre, et il y a quelques heures, en longeant lIle
dAuckland, cette petite terre située au Sud de la Nouvelle-zélande.
En un mois, le trimaran a engrangé 22 700 kilomètres et
seule une latte de grand voile sest brisée depuis le départ.
Une excellente nouvelle pour celui qui ne se dépassionne pas pour
ce que vivent les marins du Vendée Globe et leurs bateaux.
Et enfin, depuis trente jours, Thomas donne le meilleur de lui-même
pour garder le pied au plancher dans une météo qui nest
pas tous les jours très conciliante. Il a aujourd'hui 1700 milles
de retard sur Francis Joyon.
Menu du jour encore plus pimenté que celui d'hier
La Maxi Trimaran se fait ballotter dans 5 à 6 mètres de
creux en bordure d'une dépression où le vent souffle en
ce moment de 35 à 40 nuds. « Depuis le départ,
cest la première fois que Thomas traverse une zone où
nous avons autant de vent affiché sur les fichiers. Plus au Sud,
la dépression est encore plus creuse et la mer dépasse les
8 mètres, » explique le routeur, Richard Silvani. «
Sodeb'O est passé au Sud de lIle dAuckland où
la profondeur passe de 3000 mètres à 500, ce qui lève
d'autant plus la mer, même si ce phénomène est encore
plus marqué au Nord de lîle où la profondeur
remonte jusqu'à 100 mètres. »
« Nous prenons aussi en compte la densité impressionnante
dicebergs recensée au Sud de la position actuelle du trimaran.
Lensemble de ces icebergs ont la même origine qui remonte
au décrochage, il y a un an, dune plaque de banquise dans
la Mer de Ross en Antarctique. Cette masse de glace de plusieurs kilomètres
de long se disloque depuis et des morceaux de très grande taille
dérivent, » poursuit le prévisionniste de Météo
France qui dispose des précieuses données du CLS (Collecte
Localisation Satellite), observatoire des océans et notamment de
la dérivation des glaces par satellites. " Par mesure de sécurité,,
nous avons l'objectif de ne pas faire desendre Sodeb'O, dans les prochains
jours, au-delà du 49e degré Sud."
mercredi 17 décembre 2008 :
Viril !
Le Maxi Trimaran poursuit sa ruée vers
l'Est avec un vent particulièrement instable et une mer courte
de 4 à 5 mètres.
Du sprint ou du marathon, ce que réalise actuellement
Thomas Coville à bord de son trimaran tient finalement autant des
deux. Aller vite, très vite, pendant près de deux mois,
en solitaire, en multicoque et sans escale, un exercice que seuls Ellen
MacArthur et Francis Joyon ont réussi dans toute lhistoire
de la navigation à voile.
Rivé à la barre une bonne partie de la journée (la
nuit dernière pour nous), Thomas tire le maximum de son bateau
dans des conditions peu maniables.
« Cette nuit, le vent est passé de 20 à 44 nuds
en lespace dun quart dheure, » explique Thierry
Briend, Boat Captain de SodebO. « Ce sont des conditions
viriles et musclées qui vont encore accompagner Thomas pendant
plusieurs jours. »
En effet, la dépression quil suit actuellement va sessouffler
demain, avant de reprendre de la vigueur vendredi. « Le trimaran
approche de la longitude dune importante concentration de glaces,
située dans le Sud-Sud Est de la Nouvelle-zélande. Notre
objectif est de passer au-dessus de la zone à risques, tout en
gardant cette dépression le plus longtemps possible. »
SodebO a franchi la longitude de la pointe Est de lIle
de la Tasmanie hier, mardi 16 décembre, à 15h56 (heure française)
après 28 jours de mer. Thomas a mis 11 jours, 11 heures et 31 minutes
pour traverser lOcéan Indien depuis le Cap de Bonne Espérance.
Il ne bat pas la performance de Francis Joyon réalisée le
18 décembre 2007. A la barre du trimaran IDEC, le futur détenteur
du chrono autour du monde avait mis 9 jours, 12 heures et 6 minutes pour
parcourir lOcéan Indien, améliorant ainsi de plus
de 3 jours le temps dEllen MacArthur.
Le skipper de SodebO a donc passé 1 journée, 23 heures
et 25 minutes de plus dans cet océan et attaque le Pacifique avec
un peu plus de 3 jours de retard sur son prédécesseur.
mardi 16 décembre 2008 :
Thomas entre dans le Pacifique
Seul sur son multicoque, le skipper de Sodeb'O
court contre la montre et sort du tunnel indien.
Le Maxi Trimaran SodebO quitte aujourdhui un
Océan Indien mal pavé où la nature brise les marins
et leurs bateaux. Les dépêches du Vendée Globe dressent
un dur portrait de cette région avec le démâtage ce
matin de Mike Golding qui fait suite aux
abandons de Loïck Peyron,
Dominique Wavre, Bernard
Stamm, Jean-Baptiste Dejeanty
ou encore à lavarie de safran du bateau de Jean-Pierre
Dick.
Le skipper de SodebO arrive à mi-parcours (distante à
15h de 350 milles). Il entre dans locéan Pacifique avec une
route assez Nord, autour du 47e parallèle. Le Trinitain sest
positionné à lavant dune dépression qui
lui promet des vents supérieurs à 30 nuds et surveille
une zone de glaces, située sous la Nouvelle-Zélande. Encouragé
par Olivier de Kersauson,
soutenu par son partenaire et son équipe, le nouveau détenteur
du record de la distance parcourue en 24 heures* sait que ce record autour
du monde est jouable mais quil ne lui sera jamais apporté
sur un plateau.
Extraits de la vacation radio enregistrée à la mi-journée
:
Ta réaction suite à lannonce du démâtage
de Mike Golding dans le Vendée Globe ?
« Nous vivons tous avec langoisse de la casse. Je sens
que mon bateau souffre, je suis forcément tendu en me demandant
ce qui va finir par lâcher. La voile est un sport mécanique
avant tout. Savoir quand tu es juste à la limite et quand tu la
dépasses est très délicat."
Ton analyse de la remontée saisissante de Michel Desjoyeaux ?
:
« Un Michel Desjoyeaux agacé et vexé en vaut deux
! Pour avoir été déjà bord à bord avec
lui, cest difficile de le garder derrière. Il a été
malin et a bénéficié de conditions météo
très favorables. Il arrive à être au-dessus de la
moyenne et sur la durée. Il sait être une machine et avancer
sans se poser de question. Pour moi, cest souvent une référence
de ce point de vue. »
Pourquoi conserves-tu une trajectoire aussi Nord ?
« Lannée dernière, une énorme plaque
de banquise de plusieurs kilomètres de long sest décrochée
de lAntarctique vers le Pacifique et elle sest morcelée
depuis. Nous ne sommes pas des gladiateurs, on ne fait pas les jeux du
cirque et lorsque nous avons des informations sur une zone à risques
nous cherchons à léviter, cest lune des
raisons pour lesquelles je fais une route plus Nord que celle de Francis
actuellement. »
Tu es bientôt à mi-parcours, comment abordes-tu cette seconde
partie de tour du monde ?
« Comme elle vient, avec ce retard. On savait que la trajectoire
de Francis jusquici a été exceptionnelle et la seconde
moitié est celle où il faut que je revienne. Le Pacifique
sans doute assez peu mais cest sur la remontée de lAtlantique
où jai une chance de reprendre mon retard. Nous estimons
quil y a entre 3 et 4 jours à gagner sur cette partie. Il
faudra que le bateau soit en parfait état et que je sois suffisamment
en forme pour un tirer le maximum. »
Dans quel état psychologique es-tu ?
« On a eu tendance à dire parfois quil suffisait
de tenter les records pour les réussir et la performance à
battre aujourdhui donne aussi toute la valeur sportive de ce record.
Ellen et Francis avaient beaucoup davance à ce stade. Ils
nont pas eu comme moi à se battre avec du retard ce qui me
fait aujourdhui beaucoup travailler sur moi-même pour continuer
à avoir autant la niaque. Avoir la force de caractère de
revenir est le signe des grands champions et je me dis que cela vaut le
coup de saccrocher, de serrer les dents. »
Comment va ton bateau avant dentrer dans le Pacifique ?
« SodebO est ma satisfaction première. Je me sens
très bien à bord. Plus ça va et plus on fait corps.
Nous sommes devenus deux potes qui ont envie de finir ce tour ensemble
! On est tous les deux en bon état malgré cette mer chaotique.
Jéprouve un vrai plaisir à avoir fait naître
ce bateau avec toute léquipe.»
* 628,5 milles parcourus par le Maxi Trimaran SodebO à
la vitesse moyenne de 26,19 nuds le 7 décembre dernier dans
lOcéan Indien (en attente dhomologation par le WSSRC).
lundi 15 décembre 2008 :
Ça pulse aux antipodes
La dépression qui propulse actuellement
Sodeb'O à plus de 22 noeuds dans l'Est s'annonce corsée.
Déjà les rafales dépassent les
30 nuds mais le vent va encore prendre de la vigueur demain, puis
dans le courant de la semaine pour flirter avec les 35/40 nuds.
Thomas sest donc reposé en conséquence même
si les conditions de navigation ne sont pas des plus commodes.
« Cette dépression nous amène un vent « rafaleux
», glacial et sournois qui lève le bateau sans prévenir,
» explique-t-il mais il faut l'exploiter à 100% et avancer.
La porte de sortie de lOcéan Indien approche. Demain, Thomas
franchira la longitude de la Tasmanie. Ce triangle de terre, à
la pointe orientale de lAustralie ouvre vers lavenir ; vers
lOcéan Pacifique et ce nouveau désert liquide où
tout est possible.
Dans lIndien, le skipper de SodebO a gagné un nouveau
record, celui de la distance absolue parcourue en 24 heures (628,5 milles),
mais a aussi perdu deux jours, « scotché » lors de
deux transitions météo où le vent sest évanoui.
Dans le Pacifique, il va donc falloir composer au mieux avec Dame Nature
et cravacher encore et encore pour refaire ce retard sur Francis Joyon.
Le passage de lIndien dans le Pacifique se fera, lui, sans transition
avec cette dépression qui accompagnera le Maxi Trimaran jusquen
Nouvelle-zélande. SodebO suit actuellement une route plus
Nord que celle de son prédécesseur : « nous sommes
actuellement plus conservateurs que ne la été Francis
dans cette région (IDEC était par 52° S et SodebO
est par 49,4°S), à la fois pour des questions de météo
où le vent est actuellement plus favorable au Nord et aussi puisquil
y a une zone de glaces observée au Sud de la Nouvelle-zélande.
»
Au bout du monde
Cest simple, d'Europe, il nexiste pas de destinations plus
lointaines que lAustralie et la Nouvelle-zélande. Là
bas, il fait nuit quand il fait jour ici, et chacun se prépare
à passer Noël en plein été.
Sauf que bien évidemment, à la latitude à laquelle
se déplace le Spoutnik SodebO, il fait aussi froid qu'en
Europe. Comme l'eau, lair ne dépasse pas les 4 degrés
et pourtant cela ne gène pas Thomas : « le corps shabitue
au froid, vraiment. Cela ne me fait pas souffrir, même avec cette
humidité permanente. » Hummm, gla, gla
.
LAustralie est le pays que le skipper a choisi avec son équipe
pour donner naissance à ce trimaran de records, le plus grand jamais
construit pour ce type de défis. En 2007, à une centaine
de kilomètres au Nord de Sydney, les ouvriers du chantier Boat
Speed ont collaboré avec les architectes, Nigel Irens et Benoît
Cabaret, ainsi qu'avec le Team SodebO pour fabriquer ce trimaran
à propos duquel son skipper ne tarit pas déloges.
dimanche 14 décembre 2008 :
Foutu Indien !
« La pluie glaciale tombe depuis des
heures, ni mes cris, ni mes larmes n'y changent rien. Soudain, elle s'arrête.
Le bateau s'immobilise. Les compteurs restés rouges s'affolent,
le vent rentre du Sud. C'est lui qu'on attend !
Ce vent qui vient directement de la banquise et qui
pince les doigts mouillés. Je cours vers l'avant, passe cette voile
immense du bon coté des étais, retourne derrière
à la manuvre et borde comme si tout en dépendait.
Soudain, le bateau revit. Tu le sens se dresser et renaître. Tu
reconnais ce comportement, le vent apparent créé par la
vitesse te gifle la joue. C'est reparti ! Il faut y croire de nouveau.
Le vent est bien rentré et je me suis offert un vol de plusieurs
minutes, coque centrale complètement sortie appuyée en bout
de dérive. Haut, très haut comme si j'avais été
en baie de Quiberon mais je suis par 49° Sud et 96° Est. Un seul
instant magique pour effacer lardoise et réécrire
mon sillage ».
Thomas Coville ne cache pas sa hâte de sortir de ce foutu Indien
qui lui a toujours fait des misères. Et il nest pas le seul
à le maudire. Dans les parages des Iles Kerguelen, un monde de
« creux et de bosses », quelques skippers du Vendée
Globe viennent de payer comptant la brutalité des vagues. Pour
Olivier de Kersauson, « lIndien a toujours mis au supplice
les marins », « La mer est froide et dure », «
Une auberge à punaises », « Une vraie souillon »,
« lindien est un océan coléreux qui demande
aux marins des prix daudace et de vertu ». Et ce nest
pas le skipper de SodebO, ex équipier de Kersauson sur un
Jules Verne victorieux, qui va dire le contraire.
Encore quelques milles jusquà la Tasmanie et Thomas quittera
sans regret lIndien, un Indien qui la meurtri. Il a perdu
du temps et le temps dans un record, il ny a que cela qui compte.
Cest après lui et lui seul que court le marin. Le Maxi Trimaran
a franchi cette nuit, à minuit, la longitude du Cap Leeuwin, après
25 jours et 9 heures de mer et avec un retard de 2 jours et 18 heures
sur le temps de Francis Joyon. Pas dramatique mais tellement vexant dautant
plus que le skipper de SodebO avait travaillé dur et rattrapé
une partie de son retard en milieu de semaine. Même sil se
sait rapide, voir très rapide, même sil a une confiance
absolue dans son trimaran de 32 mètres, il se sait impuissant face
au temps à propos duquel il ressent « une fois de plus cette
rage de compétiteur avec la vanité quelle comporte
de savoir que le temps s'échappe et que l'on ne maitrise pas tout.
Cette prétention toute masculine de croire que l'on peut tout prévoir,
anticiper et comprendre, tout mettre dans des cases et des boîtes
». Dès lentrée dans lIndien, un anticyclone
malveillant lavait rappelé à lordre lui barrant
la route. Puis ce fut un long run magnifique, quelques belles journées
de glisse stoppées net juste avant le cap Leeuwin par une phase
de transition assassine entre deux dépressions « ces zones
où rien ne se décide et où tout se subit, des zones
de cauchemar qui mettent les nerfs des marins à vifs ». Thomas
aura perdu un jour et demi entre Bonne Espérance et la pointe sud
de lAustralie. Il se trouve ce soir à moins de 800 milles
de la Tasmanie qui signe la fin de lIndien et lentrée
dans le Pacifique quil devrait attendre dici deux jours.
samedi 13 décembre 2008 :
Leeuwin dans la nuit
Sodeb'O est actuellement à 140 milles
de la longitude du Cap Leeuwin, situé à la pointe occidentale
de l'Australie.
Le Maxi Trimaran progresse entre 15 et 16 nuds et
devrait franchir ce second Cap dans 8 à 9 heures.
Le vent soufflant actuellement au Sud-Sud Est à la force de 13/15
nuds va adonner dans les heures à venir, cest à
dire basculer progressivement au Sud-Ouest, en se renforçant jusquà
une vingtaine de nuds.
Rappelons que lannée dernière, Francis Joyon avait
mis 22 jours, 15 heures, 28 minutes pour rallier Brest au Cap Leeuwin
et 7 jours, 8 heures, 12 minutes depuis Bonne Espérance. Thomas
aura autour de trois jours de retard sur le détenteur du record.
vendredi 12 décembre 2008 :
Un iceberg de 400 mètres de long !
Un glaçon grand comme quatre terrains de
football dérive à 300 kilomètres dans le Sud-Est
du Maxi Trimaran Sodeb'O.
Glace droit devant
Liceberg a été photographié par satellite il
y a 36 heures. Positionné alors à 51.41 Sud et 105.30 Est,
sa dérive est estimée à 2 nuds sur une trajectoire
Est-Nord Est. « Nous pouvons supposer quun iceberg de cette
taille est accompagné de plus petits. Des morceaux de glace qui
ne sont pas aussi facilement repérables par satellite mais qui
sont tout aussi dangereux, » explique Richard Silvani, prévisionniste
chez Météo France et membre de la cellule de routage de
SodebO. « Nous disposons de relativement peu dinformations
sur la présence et la dérive des icebergs en général,
mais lorsque nous en avons comme ici, il faut agir en conséquence.
Cest en partie pour cela que Thomas est remonté au Nord ces
dernières heures, ».
Aller aussi chercher le vent au Nord
Par ailleurs, "le Maxi Trimaran traverse une zone de transition avant
larrivée samedi dune nouvelle dépression dans
son Nord", explique Thierry Briend, boat cap'tain de Sodeb'O. "En
restant au-dessus des 50èmes, Thomas compte attraper en arrière
de cette dépression, un vent dOuest de 20 à 25 nuds
qui basculera ensuite au Sud-Ouest."
En attendant, le vent dans cette zone de transition a faibli autour des
10 nuds depuis le milieu de la nuit. La vitesse de SodebO
est descendue provisoirement en dessous des 20 nuds de moyenne mais
cest le prix à payer, dune part, par mesure de sécurité,
afin déviter la zone des glaces et dautre part, pour
bénéficier prochainement dun vent soutenu pendant
plusieurs jours.
Zones à risques
Il y a 24 heures, alors qu'il approchait des Kerguelen, Michel Desjoyeaux
a croisé un bloc de glace denviron 30 à 40 mètres
de haut qui dérivait à moins dun mille de son bateau.
Même si Thomas est bien plus à lEst désormais
que les concurrents du Vendée Globe, il partage cette même
angoisse de la rencontre avec des icebergs. Sachant que souvent les théories
volent en éclat. Comme ici par exemple, où statistiquement
le risque de glaces est plus élevé au niveau de la Nouvelle
Zélande que dans la zone traversée actuellement par Sodeb'O.
Gelé
Comme leau, la température extérieure ne dépasse
pas les 4 degrés. Le froid se renforce avec ce flux de Sud-Ouest,
en provenance de lAntarctique. Une sensation qui s'amplifie également
lorsque le vent fouette le visage de Thomas. « Un froid qui pince
et l'eau givre sur le pare-brise » comme l'explique le skipper qui
a enfin eu " 20 minutes de soleil, les seules depuis 15 jours en
fait".
Et de deux !
SodebO franchira demain le Cap Leeuwin. Situé à la
pointe Sud-Ouest de lAustralie, il est le second des trois grands
caps jalonnant ce tour du monde, après Bonne Espérance et
avant le Cap Horn. Il sonne aussi la sortie proche de lOcéan
Indien, avec le passage, quelques jours plus tard, de lIle de Tasmanie,
ouvrant la porte du Pacifique.
jeudi 11 décembre
2008 :
En pensant à Loïck
Thomas se confie, comme il sait si bien le faire.
Le skipper de Sodeb'O traduit en quelques mots les sentiments qui l'animent
durant la traversée de cet Océan Indien qu'il redoute tant.
Il partage aussi la dureté de lépreuve
vécue par Loïck Peyron
dont le Gitana Eighty a démâté hier, après
31 jours de course dans le Vendée Globe.
« 50° 46 Sud 88° 12 Est,
J'avance encore mais je suis tellement noué depuis plusieurs
heures que je ne peux plus ni dormir, ni manger et je retiens mon souffle
toutes les dix secondes. J'ai deux poids énormes qui me pressent
les tempes et me serrent le ventre :
Je traverse une zone de transition qui, sur la carte, parait si simple
et si courte à la vue de tout le parcours et pourtant je ne vis
plus depuis que je heurte à chaque vague ce train de houle qui
vient face à moi. Le bateau va vite, l'angle au vent est parfait,
le ralentir est devenu difficile tant un rien l'emporte dans cette configuration.
Alors, il se soulève et retombe de tout son élan et de tout
son poids. Le bruit est indescriptible et la résonance se propage
jusque dans mes membres. Je serre les dents, à chaque fois plus
fort, et je me tends comme un arc. Jusqu'à la prochaine et comme
cela, pendant des heures et depuis des heures. C'est lancinant et usant
mais il faut avancer alors on avance comme dit la chanson.
Trop sensible me direz vous ! Certains le pensent, c'est peut-être
vrai mais cet épisode serait banal sans l'émotion qui s'y
est greffée hier en apprenant le démâtage de Gitana
80 au large des Iles Crozet.
Cette nouvelle résonne depuis dans ma tête. Tout d'abord,
parce qu'elle me rappelle ce que je vis en ce moment et je ne peux m'empêcher
de me poser la question : suis-je le prochain sur la liste ? Vous regardez
la carte et vous imaginez alors la scène. Autour de vous, ce désert
hostile. Vous êtes tombé où il ne fallait pas et revenir
va être long, difficile et peut être périlleux. C'est
cette réalité que l'on vit tous ici au quotidien et cela
narrive pas qu'aux autres !
Passé ce moment égoïste, je me retourne comme si je
pouvais le voir sortir de la brume éternelle dans cette région
et je pense à lui. A loïck qui contemple l'ampleur des dégâts
avec cette lucidité qui est la sienne. Très vite il sait,
il va faire l'inventaire de ce qu'il reste et faire en sorte de s'en sortir.
Si vous êtes à son arrivée, vous verrez, même
son gréement de fortune sera une oeuvre d'ingéniosité.
Mais là, viennent de s'effondrer des années et des années
d'efforts, d'expérience, de savoir. Personne d'autre que lui (hormis
toute son équipe) ne peut imaginer, la somme didées
cumulées et les détails qui étaient embarqués
à bord. Une mine d'or de réflexion et de génie naviguait
encore il y a quelques heures. Gitana 80 (comme Fujifilm) était
sans aucun doute, lun des bateaux, les plus aboutis de cette flotte
du Vendée Globe. Des heures et des années de compétences
cumulées pour être aux avant-postes de cette course ultime.
C'est cette boule au ventre que j'ai au fond de moi et qui crie cette
colère face à cette injustice. Voici finalement à
quoi tiennent nos rêves de tour du monde. Ephémère
et si irrationnel alors que toute une vie parfois y est dévouée.
Sil est un prix à payer pour être libre et chérir
la mer, il est parfois trop lourd pour un seul homme.
J'avance et je continue.
J'ai cette boule au fond de moi qui, à chaque vague, se soulève
en pensant à Loïck
mercredi 10 décembre 2008 :
Plongée plein Sud
Après le passage des Iles Kerguelen,
la trajectoire du Maxi Trimaran Sodeb'O s'est infléchie vers le
Sud.
Si lon résonne froidement : à ces latitudes,
la route la plus Sud est forcément la plus courte. Il ne faut pas
oublier que SodebO tourne autour de lAntarctique, un peu comme
si vous étiez en voiture à Paris, Place de lEtoile.
Vous avez la possibilité de traverser le trafic pour venir tourner
au plus près de lArc de Triomphe et raccourci ainsi votre
chemin ou bien de rester en périphérie pour faire le grand
tour.
En mer, le choix dépend des risques que vous être prêt
à prendre. En effet, plus un bateau se rapproche du Pôle
Sud, plus il fait froid, plus il est isolé et plus il augmente
les probabilités de croiser la route d'un iceberg.
Cest afin déviter ce type de mauvaises rencontres que
les organisateurs du Vendée Globe ont dailleurs positionné
des « portes des glaces », sortent de lignes horizontales,
tracées virtuellement entre deux points que chaque concurrent doit
couper au moins une fois, lobligeant ainsi à rester dans
des latitudes relativement « Nord ».
Après les Kerguelen, Francis Joyon avait plongé au-delà
du 52ème degré Sud. Avec son équipe de routage, Thomas
définit lui-même les limites qu'il veut se fixer. Selon les
observations satellites et la température de leau, le skipper
de SodebO peut avoir une idée de la présence éventuelle
dicebergs, même si en matière de dérive des
glaces, il n'y a jamais de certitude.
Toujours rapide, le Maxi Trimaran bénéficie actuellement
d'une météo très coopérative avec un vent
soutenu mais stable, et une mer qui sest aplanie.
En descendant dans le Sud, il accompagne dune part la rotation du
vent vers le Nord et se positionne également pour monter dans le
train de la prochaine dépression, attendue dans deux jours, au
niveau du Cap Leeuwin.
mardi 9 décembre 2008 :
Les Kerguelen aujourd'hui
Thomas tient bon en avant d'une dépression
qui le propulse dans l'Est depuis trois jours.
Un vent de Nord, soufflant entre 25 et 28 nuds,
avec des rafales à plus de 30, donne le tempo à bord de
SodebO qui a avalé 526 milles ces dernières 24 heures
(environ 950 km).
Le Maxi Trimaran coupera la longitude de larchipel des Kerguelen
dans laprès-midi. Il devrait infléchir ensuite sa
route vers le Sud, suivant la trajectoire de cette même dépression
Une mer de travers, avec 4 à 5 mètres de creux, continue
de secouer le bateau et les nerfs du skipper. Thomas temporise en permanence
les mouvements du trimaran qui se lève au passage de chaque vague.
Campé plus que jamais sur le pont, il est dévoué
corps et âme à la marche de son bateau.
lundi 8 décembre 2008 :
628,5 milles en 24 heures !
Telle est la performance réalisée
dimanche soir à 21h45 (heure française) par Thomas Coville
à bord de Sodeb'O.
Après avoir battu une première fois son
propre record hier à 19h15 avec 620,80 milles parcourus en solitaire
et en multicoque - contre 619 le 6 janvier 2008 - le skipper a pu continuer
dallonger la foulée dans un vent forcissant.
Il a donc amélioré son nouveau record jusquà
atteindre à 21h45, heure française, les 628,5 milles parcourus,
à la vitesse moyenne de 26,19 nuds !
Ce record est en attente dhomologation officielle par lorganisme
régissant les records à la voile dans le monde : le WSSRC.
Le Maxi Trimaran progresse toujours plein Est, propulsé par une
dépression qui laccompagne vers les Kerguelen.
La cadence a depuis légèrement ralenti même si le
speedo de SodebO affichait 23,5 nuds en vitesse instantanée
à 8 heures ce matin !
Thomas avance sans filet dans le sud de l'Océan Indien, l'une
des zones les plus hostiles du globe, avec cette sensation d'être
seulement « toléré » par les éléments
comme il aime le rappeler.
" Ce sont des vitesses complètement démentes
! Pour tenir une moyenne de 26,19 noeuds, il faut être régulièrement
à plus de 30 noeuds, c'est à dire être extrêmement
rapide tout le temps ! Sodeb'O va vite. Il aime ces conditions et moi
aussi ! Je suis très content de ce record pour toutes les personnes
qui m'accompagnent dans cet effort, " commente le skipper, faisant
référence à cette journée de dingue, hier,
où il a établi un nouveau record avec 628,5 milles parcourus
en 24 heures !
Tordre le cou à ses démons
Il y a un an, au 20e jour de course comme celui quil entame aujourdhui,
Thomas avait été contraint dabandonner. Quelques minutes
après avoir repris le record des 24 heures à IDEC, le Maxi
Trimaran SodebO avait perdu un morceau détrave, obligeant
son skipper à se dérouter vers Cape Town. Un growler, morceau
de glace dérivant, avait donc eu raison du défi entrepris.
« J'étais un peu angoissé quand Christian (Dumard,
routeur de Sodeb'O) m'a dit que nous pouvions accrocher le record des
24 heures parce que l'année dernière, je l'ai battu pas
très loin d'ici et quelques minutes après, le voyage s'était
arrêté là. » Thomas vit forcément
avec ce fantôme à lesprit, mais les observations satellites
ne montrent aucune trace de glace dans la zone, même si cela n'est
jamais fiable à 100%. SodebO doit aussi garder une trajectoire
relativement Nord, au-dessus du 45ème parallèle, pour bénéficier
au mieux dune dépression qui laccompagne aux Iles Kerguelen.
Se faire mal
"Je pense que je fais de l'addiction à la vitesse, elle
est devenue mon quotidien." Difficile pour nous, bien au chaud
devant lordinateur, dimaginer lénergie que peuvent
demander ces jours et ces nuits de sprint pour un homme seul en multicoque.
Le skipper de Sodeb'O se trouve « lent » lorsquil descend
en dessous de 25 nuds (proche de 50km/h) une cadence inimaginable
pour un voilier, il y a quelques décennies.
Et forcément, ces performances ont un prix. Pour le physique dabord
et Thomas avoue ne sêtre allongé que trois fois dans
sa bannette depuis son départ, préférant dormir dans
le cockpit pour être prêt à réagir en cas de
besoin.
Et bien évidemment pour le mental, poussé dans ses retranchements,
au-delà de limaginable : « On ne peut pas se préparer
à ce que l'on va rencontrer dans un tel voyage. C'est de toutes
façons plus difficile que ce que l'on a envisagé. Ellen
(MacArthur, marraine du Maxi Trimaran Sodeb'O, qui a réalisé
ce même tour du monde en 2005) m'avait prévenu que malgré
la meilleure préparation possible, on ne serait jamais prêt
à vivre, avec ce record autour du monde, un exercice aussi éprouvant
physiquement que moralement. »
dimanche 7 décembre 2008 :
Sodeb'O : Trimaran à Grande Vitesse !
Attention, chaud devant. Après avoir
ralenti dans une bulle anticyclonique à l'entrée de l'Océan
Indien, le Maxi Trimaran Sodeb'O renoue franchement avec la vitesse. Actuellement
en route directe vers les Kerguelen, Thomas s'est fait flasher, ce matin,
à 35 noeuds par ses routeurs.
Pied au plancher
SodebO surfe actuellement en bordure dune dépression
qui génère un vent de Nord-Nord Ouest de 24/25 nuds.
Avec une houle correcte qui ondule dans le sens du vent, le « TGV
» des mers est sur des rails. Cependant, le skipper ne quitte pas
le pont comme lexplique Christian Dumard, routeur de SodebO
: « A ces allures, légèrement travers au vent,
si le bateau est surtoilé, il lève tout de suite et cela
devient dangereux. Thomas manuvre donc en permanence que ce soit
la grand voile ou ses voiles davant pour garder la meilleure vitesse
et un bateau le plus stable possible. »
Le principe est exactement le même que sur un petit catamaran
de plage qui décolle avec la moindre risée sauf quici,
lengin mesure 35 mètres, qu'il pèse 12 tonnes et qu'il
ny a pas âme qui vive à plusieurs centaines de kilomètres
à la ronde. Une situation aussi stressante que grisante pour un
dingue de vitesse comme Thomas. « Cest une nouvelle fois
très physique. Il dort peu, mange peu, il est au taquet comme on
dit. Et ça marche, puisque ce matin SodebO a fait une pointe
à 35 nuds ! »
Perdre, gagner
Il y a 24 heures, lambiance à bord avait moins de charme,
avec cette bulle anticyclonique dans laquelle SodebO a ralenti pendant
près dune journée, concédant du temps et des
milles à IDEC. « Aujourdhui, Thomas a inversé
la tendance. Il a stabilisé son retard et commence même à
reprendre des milles à Francis, » poursuit Christian.
« Evidemment, nous aurions préféré être
dans une autre situation mais la météo en a décidé
ainsi. Jusquau Cap Horn, nous savons quIDEC a été
très rapide mais la remontée de lAtlantique fut plus
compliquée pour lui et pendant plusieurs jours. Tout est ouvert
et ce nest pas le moment de douter. »
La région des records
Le skipper du maxi trimaran doit garder le même tempo que la dépression
grâce à laquelle il accélère en ce moment.
« SodebO fait route directe pour passer au Nord des Iles
Kerguelen dans environ deux jours. Il y a ensuite une transition délicate
avec une seconde dépression venant du Nord qui rejoint la première,
» explique enfin Christian avant de conclure : « Thomas
entame son 19e jour de mer et IDEC avait battu le record des 24 heures
dans ce même 19e jour. Nous étions le 12 décembre
et Francis avait parcouru 613,5 milles, à la vitesse moyenne de
25,56 nuds. Thomas lui avait ensuite repris le 6 janvier, alors
quil était dans sa 20e journée, en parcourant 619
milles à 25,80 nuds. Nous surveillons donc bien évidemment
tout cela de très près puisquun nouveau record nest
pas exclu. »
samedi 6 décembre 2008 :
ça repart !
Thomas s'extirpe des griffes d'une zone anticyclonique
dans laquelle son trimaran a buté vendredi soir. Le skipper est
allé chercher la porte de sortie en plongeant vers le Sud. Il navigue
ce soir à plus de 24 noeuds.
Redouté pour son caractère vigoureux qui sonne
traditionnellement en grande pompe lentrée dans le grand
sud, lOcéan Indien a bien failli à sa réputation.
Le skipper de SodebO a été accueilli par une bulle
anticyclonique, plus étendue et qui sest déplacé
plus rapidement que ce que montraient les images satellites.
Les marins du Vendée Globe ont également traversé
cette zone « mais finalement cette bulle anticyclonique na
pas longtemps pénalisé la flotte, en revanche, elle sest
ensuite regonflée en arrivant à la longitude de SodebO,
» explique Richard Silvani de Météo France.
Après les affres de lanticyclone de Sainte-Hélène
dans lAtlantique Sud, Dame Nature a donc décidé de
mettre notre « tourdumondiste » une nouvelle fois à
lépreuve. Et pourtant, il met tout ce quil a dans cette
course poursuite contre le temps. Là encore, son prédécesseur,
Francis Joyon, était passé « comme une fleur »
dans cette région il y a un an, avalant les milles sur une trajectoire
dune efficacité redoutable.
La météo est laléatoire avec lequel il faut
composer et Thomas saccroche. Si la technique joue un rôle
évident dans ce type de défis, le mental est la sève
de lendurance.
Avec 1200 milles de retard sur IDEC, lheure nest de toute
façon pas à lapitoiement à bord de SodebO.
Une nouvelle dépression savance pour cette nuit et Thomas
a du pain sur la planche. Il doit se caler au meilleur endroit pour que
ce vent laccompagne le plus longtemps possible. La route est encore
bien longue devant les étraves du maxi trimaran et la tache relevée.
vendredi 5 décembre 2008 :
Entrée dans l'INDIEN
Parti le mardi 18 novembre de Brest, Thomas
a laissé cette nuit derrière lui l'Atlantique.
Le maxi-SodebO a en effet franchi à 3h20 (HF)
le Cap de Bonne-Espérance, pointe sud de lAfrique, après
16 jours 12 heures et 23 minutes de mer et avec un peu plus dune
journée de retard sur Francis Joyon.
Comme le souligne ce matin Christian Dumard, « Thomas est passé
très nord vers 42 degrés sud pour éviter le gros
de la dépression qui est sur lui actuellement. Cest cette
dépression qui a propulsé les coureurs du Vendée
globe dans la nuit. Thomas navigue actuellement dans 30 nuds de
vent avec des rafales aux alentours de 40 nuds. La situation devrait
se calmer dans la matinée et permettre au skipper dempanner
».
Lentrée dans lIndien signifie pour tous les marins
des mers croisées levées par des dépressions qui
se succèdent sans interruption. Thomas doit arriver au Horn dans
une vingtaine de jours.
jeudi 4 décembre
2008 :
LE MAG : Y'a foule dans l'hémisphère
sud !
Sur une ou trois coques, en course et en record,
les solitaires sont nombreux à sillonner les quarantièmes.
Mais ça y'est, Thomas a dépassé la tête de
la flotte du Vendée Globe. Il a doublé mercredi, Sébastien
Josse, le skipper de BT qui mène toujours la danse à
l'approche de Bonne Espérance.
Allo du bateau !
Le Maxi Trimaran SodebO navigue, par définition, beaucoup
plus vite quun monocoque IMOCA. Il ne se bat pas contre une flotte
de concurrents mais a été taillé pour s'attaquer
à des records de vitesse en solitaire.
Parti neuf jours plus tard, non pas des Sables dOlonne, mais de
Brest, il a désormais dépassé les 25 concurrents
du Vendée Globe et ouvre seul la marche vers Bonne Espérance
et l'Océan Indien.
Mais il y a quelques jours, Thomas naviguait au milieu de la flotte et
a même échangé par téléphone avec langlais
Brian Thompson (Pindar),
son ami Yann Eliès
(Generali) ou encore le Suisse Dominique Wavre
(Téménos). « Jai appelé Dominique, »
a-t-il confié mercredi, lors de la visioconférence réalisée
en direct sur le site sodebo-voile.com. « Cétait
vraiment sympa de se parler. Même si nous échangeons beaucoup
avec la terre, lorsque nous nous parlons entre nous, il y a ce plaisir
de se comprendre vraiment, de savoir exactement ce que vit lautre.
»
Le skipper de Téménos a eu la bonne idée de filmer
la conversation avec Thomas. Ce moment bluffant est à découvrir
dans la section vidéo de notre site, en cliquant sur la séquence
: « Avec les copains du Vendée Globe »
Thomas, carrément incollable
Pourtant déjà bien occupé avec son bateau, le Trinitain
ne perd pas une miette de ce qui se passe à quelques milles de
lui : « Avant de passer devant, cela m'a été très
utile d'observer la flotte du Vendée Globe puisque leur route me
donnait beaucoup dinformations sur les conditions météo
quils rencontraient et sur ce qui m'attendait. Puis, il y a l'intérêt
de la course en tant que telle, avec les psychologies des uns et des autres
qui se révèlent. »
Le skipper suit aussi plus particulièrement le parcours de
certains, comme Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac)
avec lequel il collabore toute lannée et qui est devenu aujourd'hui
son ami. "La course de Jean-Pierre m'impressionne beaucoup. Il
montre qu'il est hyper endurant et prouve à quel point il connaît
bien son bateau après sa victoire dans la Barcelona World Race.
Bravo à lui et à son équipe pour ce super travail."
Et enfin, Thomas puise même dans le suivi de cette course un
soutien moral dans sa manière de faire face à son propre
record : « Cest vrai que la performance actuelle de Michel
Desjoyeaux me fait du bien. Si lui peut remonter comme
cela sur ses adversaires alors quil a les mêmes conditions
météo, j'arriverai bien à me refaire sur Francis
(Joyon) en ayant une météo différente ! »
Il ne cache pas non plus la confiance quil met dans les capacités
du skipper de Foncia : « Attention, car un Michel Desjoyeaux
énervé en vaut deux ! »
mercredi 3 décembre 2008 :
Passage à l'Est
Depuis 7h15 TU ce matin, le maxi trimaran a
franchi la longitude du 0 degré Est et a dépassé
aussi il y a quelques heures Sébastien Josse,
le leader de la flotte du Vendée Globe.
Tout ce petit monde file toujours à vers la pointe
de lAfrique du Sud. Thomas, seul en multicoque, continue de cravacher
plus vite que le vent, cavalant entre 20 et 24 nuds sous gennaker,
dans un flux d'Ouest-Nord-Ouest de 15/20 nuds.
Suivant sa stratégie, le skipper de SodebO a empanné
en fin de journée hier afin dexploiter au mieux ce couloir
de vent dans lequel il progresse depuis maintenant deux jours. Il devrait
atteindre le Cap de Bonne Espérance vendredi.
Quelle magie ces visioconférences en direct du large au niveau
des 40èmes! Cet après-midi, Thomas nous a transporté
à bord de son Maxi Trimaran Sodeb'O. Il nous a fait surfer une
vague à 33 noeuds, marcher en équilibre sur le trampoline
au-dessus de la mer et papoter avec lui dans le cockpit pendant qu'il
pilotait son bolide.
Le skipper est passé à lEst ce matin, en franchissant
la longitude du degré zéro au lever du jour. Il a aussi
dépassé Sébastien Josse, le leader de la flotte du
Vendée Globe. Il se retrouve désormais seul à ouvrir
la marche dans le désert du grand sud. Le marin négocie
une houle dOuest annonciatrice dune dépression quil
touchera demain. Le vent basculera alors au Nord-Ouest et forcira autour
de 30/35 nuds. Autant dire que ce sera le premier « coup de
chien » des 40èmes pour Thomas qui doit franchir le Cap de
Bonne Espérance vendredi.
mardi 2 décembre 2008 :
Au pays des damiers
La « pizza » volante, comme l'appelle
M'sieur Desjoyeaux dans ses mails à
la terre*, poursuit son grand saut vers le Cap de Bonne Espérance.
Toujours au-dessus du 40ème parallèle, Thomas Coville replongera
ce soir dans le Sud, pour se positionner en avant d'une dépression
qui l'emmènera jusque dans l'Océan Indien...
Du charbon à volonté
Le Maxi Trimaran na donc pas croisé à vue le monocoque
Foncia de Michel Desjoyaux dont la remontée dans la flotte du Vendée
Globe force ladmiration : « je regarde Mich revenir
à fond sur les autres et cela maide aussi en quelque sorte.
Rien est fini pour lui, au contraire, et je me dis que même si aujourdhui
jai du retard sur Francis, il me reste encore beaucoup de cartes
à jouer, » confie le skipper de Sodeb'O qui entame son
14e jour de mer avec 555 milles avalés en 24 heures, à 23
nuds de moyenne. « Jai décidé de me
donner à fond, tous les jours, et on fera les comptes à
l'arrivée. »
lundi 1er décembre 2008 :
Physique...
Thomas déplace des montagnes à
bord de Sodeb'O. Hier après-midi, il a joué les équilibristes
en bout de bôme pour changer une latte de grand voile et depuis,
il enchaîne les empannages, avec plus de 500 m² de voiles à
passer d'un bord sur l'autre. Physique...
Dimanche sous adrénaline
Sil est volubile sur la vidéo quil nous a envoyée
ce matin, le mail reçu dimanche à 19h était lui plus
laconique mais très explicite :
« Latte Ok, Bateau en route, Gennaker trinquette, grand voile
Bateau de nouveau à 100%, Fatigué mais content de l'avoir
fait !
A+ Tom »
Thomas a effectivement surmonté hier avec succès une
épreuve délicate. Celle du changement dune latte de
grand voile, impliquant de se hisser seul au bout de la bôme, dextirper,
malgré lhumidité et le sel, la tige de 9 mètres
en carbone endommagée, puis de réinsérer la nouvelle
latte à lintérieur de la voile. Le tout en équilibre
instable à plusieurs mètres au-dessus du pont. Franchement,
on a vu plus reposant comme dimanche !
1,2,3...4 empannages
Mais cest fait et bien fait, et le maxi trimaran fille désormais
vers Bonne Espérance. Le vent dOuest-Nord-Ouest souffle pile
poil dans laxe de la route et Thomas doit maintenant tirer des bords.
Après deux empannages cette nuit, le skipper en a effectué
un troisième à 10 heures ce matin et il empannera à
nouveau dans quelques heures.
Autant dire que le skipper ne se ménage pas. Chaque manuvre
demande de longues minutes de travail sur le pont pour préparer
les écoutes, le mât, basculer la bôme, régler
les voiles sur la nouvelle amure, tout ranger dans le cockpit
Bref,
un travail de titan pour un solitaire qui ne sais plus si nous sommes
le jour ou la nuit, la semaine ou le week-end et pour qui la vie sorganise
autour de quelques degrés de latitudes et de longitudes
et
ce nest pas fini !
Avec les « Vendée globistes »
La stratégie consiste à rester dans une veine de vent assez
étroite autour du 40ème degré Sud dans lattente
dune dépression que Thomas touchera mercredi et qui doit
lemmener au-delà du Cap de Bonne Espérance.
Pour linstant lécart avec Francis Joyon continue de
se creuser. SodebO a parcouru 268 milles de plus quIDEC et
cela doit encore croître dans les jours à venir puisque la
météo ne permet pas pour linstant au challenger de
faire une route aussi directe que le détenteur.
Thomas navigue actuellement au milieu de la flotte des concurrents du
Vendée Globe. Il a croisé hier la route de Brian
Thompson avec lequel il a échangé quelques
mots et progressait ce matin à une vingtaine de mille seulement
de Michel Desjoyeaux.
Incroyable scénario. Dans un désert liquide comme cette
région de lAtlantique Sud, il y a foule. Déjà
trois semaines de mer pour ceux qui ont quitté les Sables dOlonne
le 9 novembre et qui se livrent encore une régate au contact dune
intensité exceptionnelle, et déjà 13 jours de sprint
pour Thomas qui lui a quitté Brest le 18, et partage ici encore
un peu de convivialité avant la solitude du grand sud.
dimanche 30 novembre 2008 :
Cap à l'Est
Ses routeurs lui avaient annoncé il y
a quelques jours qu'il n'avait pas de temps à perdre s'il ne voulait
pas voir la porte de Sainte-Hélène se fermer devant lui.
Bon petit soldat, le skipper de SodebO a obéit
laissant ses trois coques lancées à pleine balle sur un
océan qui tenait plus du Paris-Dakar que du circuit de formule
1.
Il faut savoir que ce genre de navigation représente des heures
et des heures de stress à se demander ce qui va exploser en premier
du bonhomme ou du bateau. Il suffisait de lire hier soir les mails des
coureurs du Vendée Globe pour comprendre ce que subissaient tous
les marins qui naviguaient dans cette partie de lAtlantique sud
située au large du Brésil.
Lancé à plus de 20 nuds, Thomas racontait hier en
fin de journée quil ne pouvait même pas écrire
: « Levée par un alizé frais et perturbé,
la mer est tellement courte et forte que le bateau décolle en permanence
jarrive pas à cliquer sur la souris
je minterdis
de ralentir même travers au vent face à la mer
à
chaque minute, tu penses à la casse
tu y penses tout le temps
tu nas pas le droit davoir des états dâmes
ça durera ce que ça durera ».
Bien au chaud calé dans un fauteuil, on est en droit de se
demander ce qui pousse ces filles et ces garçons à passer
systématiquement depuis une vingtaine dannées à
louest de Sainte Hélène, ce qui leur rallonge sacrément
la route et ne leur garantit pas du portant comme on peut le voir.
Il faut avouer quils nont pas trop le choix avec leurs engins
de compétition à une ou plusieurs coques qui planent tellement
bien aux allures portantes que ce serait dommage de passer plus à
lest pour se retrouver, sinon au louvoyage, du moins au près
serré dans des vents faibles. Certes la route est plus courte,
plus de 1000 milles, mais elle risque dêtre tellement plus
lente quelle est tout simplement inenvisageable. Il y en a cependant
qui sont plus chanceux que dautres, ce sont ceux qui sont au bon
moment, au bon endroit.
Et cest ce qui est arrivé à Francis Joyon lan
dernier à la même époque quand il a pu couper le fromage
avec une facilité déconcertante voir énervante pour
ceux qui passent derrière. La descente express de Francis Joyon
quasi unique dans lhistoire des tours du monde est non seulement
un des éléments essentiels de son record en 57 jours mais
également une performance sur la première partie du parcours
qui donne tout son prix à son record.
Après 12 jours de mer et une descente de lAtlantique Sud
aussi physique que stressante, le maxi trimaran SodebO a prouvé
une fois de plus sa puissance et sa vélocité. A première
vue, le skipper ne déplore, après tous ces jours de rodéo,
quune latte cassée. Depuis ce matin, Thomas Coville a pu
mettre de lEst dans sa route. Il va profiter de conditions de plus
en plus maniables pour effectuer un check approfondi du bateau et changer
cette fameuse tige en carbone de neuf mètres de long. Puis ce sera
lentrée dans les quarantièmes. Et ça cest
une autre histoire.
samedi 29 novembre 2008 :
Dans quelques heures...
La route est encore bosselée sous les coques du Trimaran Sodeb'O
qui continue son rodéo au près, dans une mer hachée.
Mais, bonne nouvelle, Thomas en a bientôt terminé avec cette
descente éprouvante de l'Atlantique Sud.
L'anticyclone de Sainte-Hélène continue de se décaler
dans l'Est et le skipper devrait avoir fini de le contourner dimanche
au petit matin.
Rappelons que le skipper enroule par lOuest cette grande bulle anticyclonique
afin de pouvoir enfin plonger vers le Cap de Bonne Espérance. «
Thomas devrait empanner en fin de nuit » explique Richard Silvani,
prévisionniste de Météo France. « De bâbord
amure, comme il lest actuellement, il va effectuer un bord dune
journée en tribord avant dempanner à nouveau pour
faire route directe sur Bonne Espérance et les mers du Sud. »
vendredi 28 novembre 2008 :
Le tour de la paroisse
Joint au téléphone ce matin
par son équipe, le skipper de Sodeb'O raconte ce scénario
météo complexe à l'approche de l'anticyclone de Sainte-Hélène.
Comme les concurrents du Vendée Globe qu'il dépasse les
uns après les autres (Arnaud Boissières et Dee Caffari aujourd'hui),
Thomas Coville attend le bon moment pour tourner enfin à gauche,
et gagner vers l'Est, cap sur Bonne Espérance.
Naviguant au près depuis cinq jours dans un alizé du Sud-Est
de 15 à 20 nuds, le maxi trimaran réalise de belles
vitesses moyennes autour de 20 nds et parcourt entre 450 et 490 milles
par jour. A la différence des solitaires du Vendée Globle
qui régatent en flotte, Thomas se bat contre le temps et la trajectoire
de Francis Joyon qui, lan dernier, avait bifurqué dans lEst
très tôt, au niveau du 20ème degré Sud.
Lors de sa première tentative de lhiver 2007-2008, le skipper
de SodebO avait été contraint de descendre au-delà
du 45ème, ce qui lavait pénalisé au passage
de Bonne Espérance. Le Trinitain entrevoit cette fois-ci la porte
de sortie dans à peu près deux jours, grâce à
une perturbation salvatrice autour du 35ème Sud. Dici là,
il faut solliciter le bateau au maximum et Thomas passe tout son temps
sur le pont, à régler les voiles et à surveiller
les grains, toujours nombreux autour de SodebO.
jeudi 27 novembre 2008 :
Le Maxi avance toujours
Le bateau rencontre quelques soucis avec la balise émettant ses
positions, Thomas s'efforce de réparer au plus vite le matériel.
C'est pourquoi le bateau ne semble plus avancer sur la cartographie mais
rassurez-vous, Thomas poursuit bien son parcours.
mercredi 26 novembre 2008 :
A rebrousse vagues
Pourquoi ces marins qui descendent l'Atlantique vers Bonne Espérance
arrondissent autant le virage ? Demandez à Sainte-Hélène
dont l'anticyclone barre tout simplement la route.
Capricieuse sur les bords, elle oblige les candidats au tour du monde
à descendre face à lalizé de Sud-Est et contre
la mer, en attendant quune dépression leur permettre de mettre
enfin le clignotant à gauche.
Paré à choquer ?
Depuis son passage de léquateur hier, Thomas Coville mène
donc son trimaran SodebO au près, dans 18 à 20 nuds
de vent, face à une houle de 2,5 mètres. Ça tape
fort. Des conditions de navigations éprouvantes pour lhomme
et la machine. « Jen ai pour deux à trois jours
de punition, » confiait-il avant dattaquer. Plus que jamais,
la vigilance sur le pont est totale comme lexplique le météorologue
Richard Silvani : « Dès que le bateau lève trop, il
faut aller choquer un peu. » Exactement comme le ferait tout
bon marin le week-end en croisière, sauf que là, ce sont
227 m² de grand-voile quil faut reprendre, à la force
des bras sur la colonne de winch.
mardi 25 novembre 2008 :
L'équateur aujourd'hui
Encore une nuit sans sommeil pour le skipper de Sodeb'O. Le maxi trimaran
a traversé la zone de convergence intertropicale, subissant les
traditionnelles variations de l'alizé qui bascule, à cet
endroit, de Nord-Est à Sud-Est en quelques heures.
« Même si tu as des pilotes automatiques, dans ce genre
de situation où le vent varie sans arrêt, tu dois les régler
en permanence, comme les voiles, et il nest pas facile de fermer
lil," explique ce matin Thierry Briend, de la cellule
routage de SodebO. « Thomas est en train de sextraire
de cette zone compliquée puisquil a retrouvé un vent
de Sud-Est plus stable et que cet alizé doit forcir au fur et à
mesure que le trimaran gagnera dans le Sud. »
dimanche 23 novembre 2008 :
Comme un pot au noir avant l'heure
Le maxi trimaran vient de traverser une zone perturbée au sud des
îles du Cap-Vert. Des grains se sont formés hier soir sans
prévenir et ont tué l'alizé ralentissant pendant
quelques heures la descente plein sud du trimaran Sodeb'O.
« Cétait comme un pot au noir avant lheure »
confiait cet après-midi Christian Dumard ancien navigateur qui
fait partie de léquipe de routage de ce tour du monde en
solitaire et en multicoque. Si le passage des Iles du Cap-Vert sest
déroulé comme prévu, cest à dire facilement
avec une navigation entre les îles sans jamais être déventé,
la suite a été surprenante.
vendredi 21 novembre 2008 :
Surfer les isobares
En ce troisième jour, Sodeb'O a parcouru 562,5 milles à
la vitesse moyenne de 23,4 noeuds. Une belle moyenne pour le trimaran
qui a actuellement une avance de 91 milles sur IDEC. Depuis ce matin,
Thomas a donc repris une trentaine de milles à Francis
Joyon.
Mais attention, devant les étraves du plan Irens-Cabaret, lalizé
sessouffle un peu. Jusquau Cap Vert, les fichiers météo
annoncent un vent entre 13 et 17 nuds. A limage du surfeur
qui ondule pour rester sur la vague, le skipper de SodebO cherche
le meilleur angle avec le vent en longeant la bordure de l'anticyclone
pour gagner dans le Sud.
mercredi 19 novembre 2008 :
Près de 500 milles sur les premières
24 heures !
Thomas aime dire que pour marcher dans les pas d'un grand monsieur comme
Francis Joyon, il faut faire de grands pas. Et le skipper du Maxi Trimaran
Sodeb'O passe déjà à l'acte avec 499 milles parcourus
en 24 heures depuis son départ hier de Brest.
Quelle entrée en matière !
Le tempo est rapide. La moyenne du trimaran sur la première journée
est de 20,8 nuds et SodebO est régulièrement
au-dessus de 25 nuds en vitesse instantanée. Le Golfe de
Gascogne et le Cap Finisterre sont déjà des souvenirs puisque
Thomas longe actuellement les côtes portugaises et sera demain matin
à la latitude de Lisbonne. SodebO a ce soir 60 milles davance
sur IDEC.
mardi 18 novembre 2008 :
Top départ pour Sodeb'O !
Le Maxi Trimaran Sodeb'O a coupé la ligne à 13heures, 54
minutes et 14 secondes TU, c'est à dire à 14h54'14'' heure
française, devant le Phare du Petit Minou à la sortie du
goulet de Brest. Il est parti avec un vent de Nord de 15/17 n?uds, grand
voile avec un ris et trinquette.
Au large de sein, le vent doit forcir à 25 nuds et le soleil
fait des superbes percées. Pour battre le record de Francis Joyon,
Thomas Coville doit couper la ligne darrivée à Brest
le 15 janvier prochain à 3h2720 TU (4h2720
heure française). Ce temps prend déjà en compte une
avance dune minute sur le record de Idec qui est le minimum pour
que le record soit bien homologué par le WSSRC.
lundi 17 novembre 2008 :
Thomas Coville prêt à partir
mardi à l'aube Avec ses routeurs et son équipe,
le skipper du Maxi Trimaran Sodeb'O observe depuis plusieurs jours l'évolution
d'une fenêtre météo favorable. Il pourrait partir
de Brest dans quelques heures pour sa tentative de record autour du monde
en solitaire et en multicoque.
Les conditions météo permettent denvisager une descente
en moins de 7 jours jusquà lEquateur mais un doute
persiste quant à la force du vent entre les Canaries et le Cap
Vert. Léquipe se laisse encore la journée pour affiner
lheure du départ qui pourrait avoir lieu à partir
de mardi matin à laube. La décision sera prise ce
soir, autour de 22 heures, après analyse des derniers fichiers
météo.
La situation sur le début de parcours savère idéale.
Après un départ de Brest dans un flux de Nord-Ouest, SodebO
irait chercher un point dempannage dans lanticyclone des Açores
qui est positionné très au Nord et génère
ensuite un alizé soutenu orienté Est permettant à
Thomas deffectuer une trajectoire directe vers le Cap Vert et le
Pot au Noir.
vendredi 7 novembre 2008 :
« Sacré bonhomme » s'exclamait
Thomas Coville dans la matinée en commentant le record dont vient
de s'emparer Francis Joyon sur le parcours de la
Route de la Découverte entre Cadix et San Salvador.
Un record que Thomas avait établi en 2005 sur le trimaran SodebO
de 60 pieds (18m50). « Je salue la capacité de Francis à
avoir enchaîné le tour du monde et cette longue transat qui
représente un vrai effort avec beaucoup de manuvres ».
« Cela mintéressait de voir ce que donnait un grand
bateau sur une transat » poursuit il. « Je constate quon
a plus de vélocité et de capacité sur un maxi que
sur un 60 pieds. Cest un avant goût de ce que peut donner
la Route du Rhum ».
Et comme le souligne le skipper de SodebO : « Puisque tous
les records sont faits pour être battus, cela nous donne lopportunité
daller le battre à nouveau, cette fois avec le maxi SodebO
».
mercredi 29 octobre 2008 :
Thomas Coville et son équipage ont
rallié mercredi soir à 18h30 le port de Brest
où le trimaran restera amarré en attendant la fenêtre
météo optimale.
" Aujourd'hui le maxi Sodeb'O est prêt pour repartir autour
du monde, nous avons donc décidé de l'emmener au plus près
de la ligne de départ. L'objectif est d'être le plus réactif
possible si des conditions météo favorables à un
départ se précisent. Il ne nous restera alors plus qu'à
embarquer le frais" expliquait hier Thierry Briend, le boat capitain
de Sodeb'O.
Ce mercredi, les conditions météo ont offert à Thomas
et à son équipage des conditions de navigation parfaites.
Le trimaran est amarré au port de la Recouvrance, Quai Malbert,
près du vieux gréement La Recouvrance.
vendredi 24 octobre 2008 :
Tom en confiance
Cette semaine,
Thomas a passé une nuit en mer à bord de Sodeb'O. Si le
Maxi Trimaran avait déjà effectué plusieurs sorties
techniques en équipage, son skipper avait besoin de « rentrer
dans ses meubles en solitaire ».
mercredi 15 octobre 2008 :
Respectant à la lettre le planning fixé, Thomas
Coville et l'équipe du Maxi Trimaran Sodeb'O entrent officiellement
aujourd'hui en stand by pour le record du tour du monde en
solitaire et en multicoque. Mis à leau le 6 octobre après
un mois de chantier, le trimaran de 105 pieds effectue quelques sorties
techniques en baie de la Trinité sur Mer pour les derniers calages,
notamment des nouvelles voiles et des pilotes automatiques.
Wait and see
Etre en stand by, cest attendre la fenêtre météo
qui permettra de sélancer dans les meilleures conditions
possibles « comme le sauteur à ski attend le créneau
parfait en haut de la rampe de lancement » samuse souvent
à comparer le skipper de SodebO. Les outils actuels permettent
deffectuer une prévision fiable des conditions météo
jusquà lEquateur, ce qui à léchelle
dun tour du monde en solitaire à bord dun tel trimaran
correspond à une semaine de mer. Rappelons quen 2007, Francis
Joyon était parti « comme une balle » le 23 novembre
et avait franchi lEquateur en seulement 6 jours et 17 heures ! Avec
ses routeurs, Richad Silvani et Christian Dumard, Thomas analyse quotidiennement
les fichiers météo afin de « sauter » dans le
bon tempo pour rallier au plus vite l'Equateur. La météo
décidera ensuite au fil des semaines de la cadence sur le reste
du parcours.
La saison des tours du monde est ouverte !
La Volvo Ocean Race, course autour du monde en monocoque (70 pieds), en
équipage et avec escales est partie dAlicante (Espagne) samedi
11 octobre pour la 1ère étape vers lAfrique du Sud.
Le skipper de SodebO sétait dailleurs rendu au
départ. Le lendemain au Portugal, six monocoques Class 40
ont pris le départ du Portimao Global Challenge, épreuve
destinée à des coureurs en solitaire ou en double. Et aux
Sables dOlonne, déjà six des 30 concurrents du Vendée
Globe (départ le 9 novembre) ont rejoint Port Olona. Désormais,
Thomas Coville peut quitter la Trinité sur Mer dun moment
à lautre pour rallier la ligne de départ du record
autour du monde au large de Brest.
Un hiver 2008-2009 résolument placé sous le signe de laventure
humaine comme du défi sportif et qui témoigne de la richesse
de la course au large daujourdhui.
lundi 6 octobre 2008 :
Thomas Coville et son équipe ont remis
à l'eau le Maxi Trimaran Sodeb'O (105 pieds), en chantier depuis
un mois à Lorient.
Les Sodeboys ont travaillé ces dernières semaines à
loptimisation du trimaran pour le record du tour du monde en solitaire
que Thomas tentera de battre cet hiver. " Ce chantier est une étape
importante puisque cest la dernière occasion dadapter
sur le bateau tout ce que nous avons appris depuis un an de navigations
à bord de SodebO ", explique le skipper, avant de détailler
: " Outre la dérive et les voiles, nous avons optimisé
léquilibre de barre, un point capital pour le solitaire,
comme le travail que nous menons en permanence sur les pilotes automatiques.
Mon espace de vie a été rendu encore plus fonctionnel et
dans le cockpit, un hublot a été percé dans la casquette
pour me permettre de surveiller les voiles tout en restant abrité.
" Thomas sait que son bateau est rapide et totalement adapté
à lexercice du solitaire. En un peu plus dun an, il
a déjà parcouru léquivalent dun tour
du monde et demi et remporté le record de vitesse sur 24 heures.
Il est aussi le nouveau détenteur du record de la traversée
de lAtlantique Nord. "J'ai vraiment pris un immense plaisir
sur le record de lAtlantique qui a valorisé le travail accompli
jusque là. Nous sommes dans une spirale positive et je regarde
devant moi avec sérénité. Jai confiance en
mon bateau et je me sens aujourd'hui fin prêt à repartir
dans les meilleures conditions possibles." Cette semaine, le skipper
effectuera quelques sorties techniques pour tester les dernières
modifications et dès le 15 octobre, il
entrera en stand by à La Trinité sur Mer, dans lattente
de conditions météo favorables pour sélancer
autour du monde. "Bientôt, je vais arrêter de penser
technique pour entrer dans la peau du marin et attendre le moment de passer
à laction. Jaime cette attente où tout est du
domaine du rêve, où tout est encore envisageable. "
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