Record du tour du monde en solitaire de Thomas Colville 2008
   

Sommaire

Retour Thomas Colville

Le récit de la tentative
Mise à jour :
18 janvier 2009
News  

samedi 17 janvier 2009 :
Sodeb'O attendu avant midi à Brest
Ultime nuit en mer, ultimes dépassements de soi et ultime bord pour boucler le tour du monde en solitaire en multicoque. Thomas Coville et Sodeb'O ont marché à 21 noeuds de moyenne cette nuit.
17/01-7h20 Le soleil va bientôt se lever en mer d'Iroise. Thomas Coville et Sodeb'O sont à 76 milles du port de Brest. Ce samedi, entre 11h30 et midi, il devrait couper la ligne d'arrivée, situé entre le phare du Petit Minou et la bouée des Fillettes et boucler son tour du monde en moins de 60 jours!
A peine une heure plus tard, il touchera terre au quai Malbert, près du remorqueur Abeille Bourbon et de la goélette aviso Recouvrance. Sur le podium, Thomas partagera avec le public venu l'accueillir ses premières impressions.
Pendant toute la journée, retrouvez Thomas Coville et le Maxi Trimaran Sodeb'O sur sodebo-voile.com: des films, des sons, des photos, des articles, les réactions du skipper?
Sodeb'O a franchi la ligne !
Thomas Coville a franchi la ligne d'arrivée du record du tour du monde en solitaire et en multicoque aujourd'hui, devant le phare du Petit Minou à Brest, samedi 17 janvier 2009 à 11 heures, 41 minutes et 57 secondes heure française.
Le marin et son Maxi Trimaran Sodeb’O bouclent ce tour du globe en 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes à la moyenne de 19,6 noeuds. Il est le troisième marin après Francis Joyon et Ellen MacArthur à réussir ce tour du monde sans escale. L’un et l’autre ainsi qu’Olivier de Kersauson saluent le skipper Sodeb’O et sa performance.
Un tour du monde en moins de 60 jours
Seul à bord d’un bateau exigeant long de 32 mètres, repoussant sans cesse les limites d’une fatigue extrême, Thomas Coville signe ce matin le 4e temps absolu autour du globe, derrière les équipages de Bruno Peyron (2005) et Steve Fossett (2004) et le solitaire Francis Joyon (2008). S’il ne parvient pas à surpasser en rapidité Francis Joyon, lors de ce tour du monde, Thomas Coville a battu le 7 décembre 2008 son propre record de distance parcourue en 24h : 628,5 milles (1164 km) avalés à 26,2 nœuds (48,5 km/h) !
Francis avait parcouru l’an dernier 26 400 milles à la vitesse moyenne de 19,11 nœuds. La route de Thomas Coville est certes plus longue (28 125 milles) mais plus rapide (19,60 noeuds)
A l’entrée du goulet de Brest, les creux de trois mètres de la mer d’Iroise ont laissé place à une belle houle. Sous grand’voile à un ris et Solent, au portant et avec un vent de sud-ouest de 15-20 nœuds, le Maxi Trimaran revient à son point de départ qu’il avait quitté le 18 novembre 2008. Thomas a franchi la ligne debout à l’étrave de la coque centrale et les mains dans les poches.
Francis Joyon : "Bravo Thomas, si la victoire n'a pas été au rendez-vous, il s'en est fallu de peu, et surtout, tu as su vaincre toutes les difficultés et tous les risques qui font le charme d'un tour du monde en multicoque et en solitaire. C'est en soi un vrai succès : bienvenue au club des fous de multi autour de la planète sans escale : seulement 3 membres pour le moment avec Ellen ! J'ai suivi ton trajet, sans jamais douter que tu pouvais rattraper ton retard, car le détour que tu as dû faire à la descente de l'Atlantique serait compensé par les vents contraires que j'avais rencontrés à la remontée de celle-ci. C'est passionnant de voir que sur un trajet aussi long, les moments météo favorables se compensent et arrivent à s'équilibrer !
Amitiés
Francis Joyon »
Ellen MacArthur : « Seules trois personnes au monde ont connu la brutalité et le stress d'un tour du monde sans escale à bord d'un multicoque. L'un d'eux, un certain Monsieur Thomas Coville, vient juste d'arriver à Brest. Pour la plupart de ceux qui fêteront son arrivée, l'exploit inspirera admiration et respect, et parmi ces admirateurs je serai sans doute la plus fervente. J'ai connu cette épreuve, je l'ai vécue… mais Thomas l'a fait tellement plus vite que moi, sur un bateau plus exigeant, et se battant contre un chrono bien plus difficile à atteindre ! Thomas, les mots ne peuvent décrire ce que tu viens de vivre, mais toi tu sais… et tu sais que je sais. J'ai le plus grand respect qui soit pour ce que tu viens de réaliser. Tu es un héros. »
Olivier de Kersauson aussi a tenu à saluer la performance de son ancien équipier sur un Trophée Jules Verne victorieux en 1997 : « Ce qui compte c’est la valeur des combats, les victoires, c’est la cerise sur le gâteau. Après c’est le destin, il y a des choses contre lesquelles on ne peut pas lutter. On ne peut pas lutter contre un système météorologique hostile. Les multicoques sont des bateaux stressants à piloter à grande vitesse. Il n’y a pas de repêchage. Si sur une erreur, on se met sur le toit, c’est vraiment fini. Vu le temps qu’il a fait sur le parcours avec la météo qu’il a eue, il a vraiment donné ! C’est la noblesse de ce sport. A l’impossible, nul n’est tenu ! Autant, je suis pour l’engagement et je trouve que partir en multicoque autour du monde c’est un truc formidable, risqué, casse-gueule, dangereux, intelligent, agressif. A partir du moment où on a tout donné, il n’y a pas de tristesse à avoir. Ce que Thomas a fait sur l’Atlantique est le résultat d’une vraie connaissance et d’une vraie maîtrise. Lui et le bateau ont vraiment le niveau du record ; ils ont eu des météos vraiment défavorables. Ce n’est pas humiliant. Bien sûr, il faut recommencer. Mais c’est comme ça que ça s’affine. Ça n’empêche pas de saluer avec intérêt sa belle navigation, surtout en conditions hostiles. »

Tour des émotions d'un tour du monde
Samedi à 11h41, Thomas Coville et Sodeb'O achevaient leur tour du monde en 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes. Une heure et demi plus tard, ils touchaient terre. (voir les photos)
Après 28 125 milles autour du monde en solitaire, en trimaran, Thomas Coville amarre son oiseau de 32 m au port de commerce de Brest. « J'ai ramené le bateau, » murmure-t-il, les yeux fermés en serrant fort dans ses bras Joseph Bougro. « Tu as fait davantage que ça, » lui assure le fondateur de Sodeb'O, son sponsor. Sur le voilier, les yeux d'une fillette pétillent. Ils racontent son admiration pour le marin. Pour son papa. Thomas Coville est revenu d'un voyage aussi formidable que terrible. L'émerveillement de l'enfant est celui de tous ceux qui ont suivi son périple.
"Tout donné"
Les micros se tendent vers le skipper aux yeux rougis par l'épuisement. C'est déjà le moment où il faut livrer ses tripes, résumer en quelques secondes deux mois passés en mer. « J'ai tout donné, je n'ai pas lâché une minute, dit-il avant qu'un noeud n'entrave sa gorge. J'étais parti pour le record et ça, je n'ai pas réussi à le faire. » Il faut déjà répondre à la question suivante. Coule une larme. De ses mains cabossées, le marin finit par l'essuyer. Peut-on lire sur les mains les efforts qu'il a dû consentir ? Simplement une évocation. Quand aux embrassades avec les proches succèdent les poignées de main, Thomas doit s'excuser : ses pognes sont tellement amochées qu'il ne peut pas serrer fort.
Cabossés
Encore des questions. Pour répondre, Thomas ne regarde pas ses congénères mais le ciel et son multicoque. « J'ai vécu quelque chose de fort avec ce bateau, une osmose totale, c'est rare. Il a été exceptionnel dans ses réactions, dans son comportement. C'est inimaginable. Il est hyper sain au portant. J'ai engagé dans l'eau jusqu'à la moitié du trampoline et il est ressorti. Jamais il ne m'a déçu. » Le skipper ne tarit pas d'éloges sur son alter ego et esquive adroitement chaque compliment. « Je suis content de voir le bateau en bon état, observe Benoît Cabaret, l'architecte de Sodeb'O, mais c'est le bonhomme, plus que le bateau qui m'impressionne. » Pourtant, Thomas sait que le trimaran a beaucoup encaissé, qu'il y a des fissures à l'intérieur. « Le bateau est cabossé, moi aussi. » De l'extérieur, on ne devine rien. Jusqu'à la ligne d'arrivée, à l'entrée du chenal de Brest, le skipper est resté concentré. « C'est un endroit dangereux et très compliqué à gérer en solitaire. La dernière nuit est très particulière. J'avais à coeur de rester sous les 60 jours. Je ne pensais pas aller aussi loin. A terre, on se fixe des limites qui n'existent pas. »
Désormais Thomas Coville fait partie des trois seules personnes qui ont bouclé le tour du monde en solitaire à bord d'un multicoque sans escale. En 59 jours, 20 heures, 47 minutes et 43 secondes, il a parcouru 28 125 milles à la vitesse de 19,6 noeuds. Alors, effectivement, il boucle la boucle avec 2 jours, 7 heures et 13 minutes de plus que Francis Joyon, mais ayant parcouru 1725 milles de plus, Thomas Coville a été le plus rapide. « Il faut qu'il en prenne conscience, insiste Patricia Brochard, directrice de Sodeb'O. Ça me fait penser à ces grands explorateurs qui partaient sans savoir ce qu'ils allaient découvrir. »
De retour de son périple, Thomas Coville sait qu'il lui reste des découvertes à faire. Il a déjà sa feuille de route. « Donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux changer et la sagesse de faire la différence, confiait Thomas en citant Marc Aurèle. La sagesse, il va me falloir du temps pour la trouver ».

vendredi 16 janvier 2009 :
LE MAG : Temps forts du tour !
Quatrième tour du monde de Thomas Coville ! Déjà, la première fois, il naviguait en solitaire et en monocoque sous les couleurs de Sodeb'O. C'était il y a huit ans, lors du Vendée Globe. Converti au multicoque, le Trinitain devient aujourd'hui le troisième marin après Francis Joyon et Ellen MacArthur à avoir contourné le globe, seul, en multicoque et sans escale. Retour sur ces 60 jours à cent à l'heure.
Partir !
Brest, 18 novembre 2008, 9 heures. Les analyses météo confirment que la fenêtre est la bonne. Il faut partir. Branle bas de combat. Thomas passe au mode « course ». A quai, Olivier de Kersauson salue son ancien équipier qui s'élance en solitaire. A 14h54, Sodeb'O coupe la ligne devant le phare du Petit Minou.
L'Equateur en 7 jours
Ça démarre vite, très vite. Un vent de Nord-Nord Ouest de 25 nœuds (46 km/h), une mer plate, le bonheur ! Sodeb'O avale les Canaries en trois jours, le Cap-Vert en cinq, et malgré des grains à l'approche du Pot au Noir, l'objectif est rempli : le trimaran franchit l'équateur en 7 jours et 8 minutes, à une vitesse moyenne de 16,3 nœuds (30 km/h). Nous sommes le 25 novembre.
Sainte-Hélène, priez pour eux...
Premier obstacle sur la route, l'anticyclone de Sainte-Hélène garde les portes du Grand Sud. Impossible de couper au milieu, ni pour Thomas, ni pour les marins du Vendée Globe que le skipper de Sodeb'O rattrape un à un. Pourtant, un an plus tôt, Francis Joyon avait filé tout droit. Il faut se résigner à faire le grand tour par l'Ouest et descendre l'Atlantique Sud, au près, face aux vagues. Ces rudes conditions n'empêchent pas Thomas d'aligner les journées à plus de 22 nœuds (40 km/h) de moyenne.
Le 30 novembre, Sodeb'O met enfin le clignotant à gauche. La température baisse, les dépressions se font plus virulentes. Bienvenue dans les Quarantièmes ! Le Maxi Trimaran fonce vers l'Est et coupe la latitude du Cap de Bonne Espérance, le 5 décembre, après 16 jours, 13 heures et 31 minutes de course, à une vitesse moyenne de 20,5 nœuds (38 km/h). Le « tour de la paroisse » a coûté 800 milles (1480 km) à Thomas. Il atteint l'Océan Indien avec une journée et 6 heures de retard sur Francis Joyon.
Un nouveau record des 24 heures !
A l'entrée de l'Indien, le trimaran butte dans une bulle anticyclonique qu'il esquive par le Nord. Embarqué dans ce train de sénateur, le skipper perd du terrain. Mais il remet les gaz dès le lendemain. A pleine puissance, en bordure d'une dépression à l'approche des îles Kerguelen, Sodeb'O est sur des rails. Le 7 décembre, le Trimaran à Grande Vitesse améliore de 10 milles (18 km) son propre record de la distance absolue parcourue en solitaire, sur 24 heures : 628,5 milles (1164 km), à la moyenne ahurissante de 26,2 nœuds (48,5 km/h) !
Un Indien mal léché
Alors qu'à Paris, la Fédération Française de Voile récompense Thomas et Sodeb'O pour la traversée record de l'Atlantique Nord en juillet, le marin encaisse dépression sur dépression sur cet Océan Indien qu'il redoute tant. Dans le Vendée Globe, le bateau de Loïck Peyron démâte ; Thomas écrit : « J'avance encore, mais je suis tellement noué depuis plusieurs heures que je ne peux plus ni dormir, ni manger et je retiens mon souffle toutes les dix secondes. »
Peu avant le Cap Leeuwin, au sud de l'Australie, surgit une information à glacer le sang : on a repéré un iceberg long de 400 mètres sur la trajectoire de Sodeb'O. Thomas doit déserter les Cinquantièmes et remonter dans des eaux plus sûres... donc allonger la route. S'en suit une nouvelle transition météorologique compliquée, puis une seconde, peu avant la Tasmanie. Thomas touche l'océan Pacifique après 25 jours et 9 heures de mer. Son retard sur IDEC s'est creusé à un peu plus de trois jours.
Pacifique...pas tant que ça !
Déjà un mois que Thomas et son trimaran ont quitté Brest... 30 jours menés au rythme d'une transat. Trente jours sans souffler, sans une minute, ni une seconde de silence. Trente jours sans s'extraire de cette machine à laver dont le programme essorage n'en finit pas.
Sous la Nouvelle-Zélande, le solitaire doit attaquer le Pacifique, mais rien n'est idéal entre une dépression qui l'empêche de descendre et les observations satellites signalant un immense champ d'icebergs sur plusieurs centaines de kilomètres dans son Sud. Soumis au même régime que les marins du Vendée Globe, Sodeb'O est contraint à une route Nord, à hauteur des Quarantièmes... quand un an plus tôt, au même endroit, IDEC profitait de conditions plus favorables et taquinait déjà le 56e degré Sud.
Le 20 décembre, le retard du challenger est à son maximum : 2154 milles (3990 km). Pourtant, Sodeb'O carbure. La veille du réveillon de Noël, le Maxi Trimaran s'offre une journée à 623 milles (1154 km) à une moyenne de 26 nœuds (48 km/h). En dépit du froid, en dépit de la peur du chavirage ou celle d'une vilaine rencontre avec la glace, Thomas n'écoute pas sa fatigue. « Quand le bateau descend dans une vague, dans la nuit noire, tu as la sensation de tomber dans un gouffre. A bord c'est invivable, tu es secoué, ballotté. Tu heurtes des trucs et tu ne sais pas ce que c'est, des paquets d'algues durs comme des troncs d'arbres, » confie-t-il avant de vivre, peu avant le Cap Horn, ses pires heures depuis son départ.
Le Cap Dur !
A l'heure de la tournée du père Noël, alors que des icebergs dérivent encore sur sa route, Thomas plonge au Sud pour doubler le Cap Horn. De jour comme de nuit, il slalome entre les glaçons ; il essuie un terrible coup de chien et fait face à d'énormes vagues ; l'épreuve dure 48 longues heures. Enfin, il renvoie de la toile, mais une claque à 50 nœuds (92 km/h) fouette la grand voile de Sodeb'O. Bilan : quatre lattes brisées et sept heures de travail en équilibre au bout de la bôme, pour changer ces tiges de carbone longues de cinq à neuf mètres. Les mains du skipper sont à la limite de l'engelure. Le 28 décembre, encore sonné par cette fin de Pacifique qui n'en a que le nom, Thomas enroule le Cap Horn, le troisième et dernier grand cap de son parcours. Au quarantième jour de mer, le compteur indique 4 jours et 17 heures de retard sur Francis Joyon, mais l'écart s'est réduit à 1 300 milles (2400 km).
Fusée Coville
Après le Horn, le virage à gauche est serré. Sodeb'O coupe au plus court par le détroit de Le Maire et laisse à tribord (à droite) l'Ile des Etats. Le long des côtes sud-américaines, une activité dépressionnaire promet une remontée express. Le 3 janvier, tous les espoirs sont permis, Thomas revient à 300 milles (555 km) de son adversaire virtuel ! Mais un petit bord vers la côte, puis un alizé perturbé par des grains orageux inversent la machine. En deux jours, le retard de Thomas triple à nouveau.
Retour dans l'hémisphère Nord
L'effet yo-yo avec Francis Joyon continue. En franchissant l'équateur, le 7 janvier, après 50 jours et 5 heures de mer, Sodeb'O a repris du terrain ; l'écart n'est plus que de 574 milles (1063 km). Depuis le Horn, Thomas a repris deux jours et demi. Si la météo y met du sien, le record est jouable ! Certes, depuis le départ, le skipper a parcouru 1400 milles (2593 km) supplémentaires pour contourner les obstacles météo, mais avec une moyenne de 16,97 nœuds (31,43 km/h), Sodeb'O surpasse les 16,6 nœuds (30,74 km/h) du détenteur du record.
Enchaînement malheureux
Légèrement ralenti dans un Pot au Noir assez peu actif, Thomas lutte pour remonter un alizé de Nord-Est ponctué de grains violents. Sodeb'O progresse à rebrousse vagues, sans franchement allonger la foulée. L'horloge tourne et les espoirs de record s'envolent quand les Açores étalent leur anticyclone. La dépression espérée gonfle, mais s'avance très Nord dans l'Atlantique. Elle s'annonce musclée, et même très musclée, levant une mer furieuse. Thomas bataille au près et se rend à l'évidence : cette année, il ne battra pas le record de Francis Joyon.
L'exploit est là
Cette année, à bord du Maxi Trimaran Sodeb'O, Thomas Coville a fait le tour du monde en solitaire, sans escale. En ralliant Brest le samedi 17 janvier, son voyage aura près de 60 jours. Déjà recordman des 24 heures en solitaire, le skipper de Sodeb'O signe le quatrième meilleur temps autour du globe, après IDEC (en solo) et les performances d'Orange II et Cheyenne (en équipage). Les hommes et leurs bateaux ont fait des pas de géants depuis l'époque où Olivier de Kersauson arrivait à Brest, en héros, après avoir tourné en solitaire autour du globe ; sa navigation avait duré 125 jours avec deux escales. C'était il y a 20 ans, c'était au XXe siècle.

RAPPEL DES TEMPS DE PASSAGES :

Brest – Equateur (premier passage, descente de l'Atlantique)
IDEC en déc. 2007 : 6 jours 17 heures, 3 355 milles à 20,8 nds
SODEB’O le 25/11/08 : 7 jours et 28 minutes, 3 404 milles à 20,2 nds
Ecart : 7 heures et 28 minutes

Brest – Bonne Espérance
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEB’O le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à 20,50 nds
Ecart : 1 jour, 6 heures, 18 minutes

Brest – Tasmanie
IDEC en déc. 2007 : 24 jours, 19 heures, 19 minutes
SODEB’O le 16/12/08 : 27 jours, 23 heures, 59 minutes
Ecart : 3 jours, 4 heures, 40 minutes

Brest – Cap Horn
IDEC en déc. 2007 : 35 jours, 12 heures et 36 minutes, 17 900 milles à 21 nœuds
SODEB’O le 28/12/08 : 40 jours, 5 heures, 47 minutes, à 20,5 nœuds
Ecart : 4 jours, 17 heures, 11 minutes

Brest – Equateur (second passage, remontée de l'Atlantique)
IDEC en janv. 08 : 48 jours, 2 heures, 18 minutes, 22 625 milles à 19, 6 nœuds
SODEB’O le 07/01/09 : 50 jours, 5 heures, 39 minutes, 24 075 milles à 19,97 nœuds
Ecart : 2 jours, 3 heures, 18 minutes

RAPPEL DES RECORDS INTERMEDIAIRES :

Record de l’océan Indien (Bonne Espérance - Tasmanie)
IDEC en déc. 2007 : 9 jours, 12 heures, 6 minutes, 5 182 milles à 22,7 nœuds
SODEB’O – 16/12/08 : 11 jours, 11 heures, 31 minutes, 5 575 milles à 20,2 nœuds
Ecart : 1 jour, 23 heures, 25 minutes

Record du Pacifique (Tasmanie – Cap Horn)
IDEC en déc. 2007 : 10 jours, 14 heures, 26 minutes, 5 245 milles à 20,6 nds
SODEB’O – 28/12/08 : 12 jours, 4 heures et 46 minutes, 6 051milles à 20,7 nds
Ecart : 1 jour, 14 heures, 20 minutes

Record équateur-équateur
IDEC en janv. 08 : 41 jours, 9 heures, 14 minutes, 19 265 milles à 19,4 nœuds
SODEB’O : 43 jours, 5 heures, 11 minutes, 20 671 milles à 19,9 noeuds
Ecart : 1 jour, 19 heures, 57 minutes

Le Maxi Trimaran Sodeb’O a amélioré le 7 décembre son propre record des 24 heures avec 628,5 milles parcourus à la vitesse moyenne de 26,19 nœuds (contre 619,3 en 2007)

jeudi 15 janvier 2009 :
Reprendre son souffle pour le dernier round
Combien de dépressions a-t-il affrontées ? Combien de grains a-t-il négociés ? Et combien de vagues, grandes comme des immeubles, a-t-il escaladées ? Après un tel tour du monde, quelle émotion de voir les étraves de Sodeb'O pointer à moins de 750 milles du but !
La dépression d’hier s’est totalement évacuée. Thomas navigue désormais dans un sas de décompréhension : une transition a priori rapide entre les deux systèmes où le vent ne devrait pas faiblir sous les 15 nœuds.
Il grimpera cette nuit dans le prochain wagon : une ultime dépression après plus de 23 300 milles dans le sillage !
Le flux de Sud-Ouest forcissant progressivement pour atteindre les 30 nœuds promet au skipper une remontée directe vers Brest. Une configuration qui serait impeccable sans cette forte houle résiduelle orientée Ouest, c'est à dire travers à la route de Sodeb'O.
Les routages donnent toujours une arrivée du Maxi Trimaran à Brest dans la nuit de vendredi à samedi, avec une tendance pour la seconde partie de la nuit.
Les records, une discipline à part entière
« Je m'efforce de gagner au Nord au maximum en attendant le vent de Sud-Ouest qui va m'accompagner sur la dernière partie du parcours, » explique ce soir le skipper de Sodeb'O qui arrive à la latitude du Cap Finisterre.
Son arrivée à Brest se profile au petit matin samedi, selon la progression et la force de cette ultime dépression que Thomas attend : « Pour l’instant, le vent a faibli et il reste cette très grosse houle de travers. En fait, dans le creux des vagues, il n’y a pas de vent, et au sommet, il y a 20 nœuds…pas simple de toiler Sodeb’O en conséquence. Je sens néanmoins les prémices de la dépression. Elle entre doucement et je vais pouvoir infléchir ma route pour faire route directe vers Brest. »
Et comment celui qui vit seul depuis des semaines aborde-t-il cette arrivée ? « J’essaie surtout d’évacuer ma déception en restant actif. Comme sur un bateau il y a toujours mille choses à faire, et des choses physiques, j’avance et je vis au jour le jour comme je m’efforce de le faire depuis mon départ. » Et mettre le pied à terre alors ? « Je n’y pense pas vraiment, je suis encore dans ma bulle. »
Le compétiteur qu’est Thomas a forcément du mal à accepter que ses efforts ne soient pas cette fois-ci récompensés. Et malgré tout, le skipper convient que "ces records, en solitaire, comme en équipage, sont devenus terriblement exigeants. Même si je pense que celui d’Orange II (50 jours) est prenable comme celui d'IDEC, les performances réalisées donnent toute leur valeur sportive aux records. Techniquement, sportivement et mentalement, ils sont des épreuves complètes. Les records sont une discipline à part entière et demandent une parfaite préparation. Ensuite, le facteur météo joue pour beaucoup. Cette donnée que l'on ne maitrise pas donne aussi toute sa beauté et son intensité à l'exercice."

mercredi 14 janvier 2009 :
Toujours musclé au Nord des Açores
Le trimaran avance vite dans du vent fort et de la mer formée au Nord des Açores. « Je vis l'une des journée la plus engagée depuis que je suis parti, l'une des plus chaudes, des plus dangereuses....
«...J’avance ce soir par 30 à 45 nœuds dans 8 à 9 mètres de creux, sous trois ris sans rien à l’avant » racontait en début de soirée Thomas Coville alors que Brest n’est bientôt plus qu’à 1100 milles devant lui.
« Le bateau va vite mais il souffre, il monte à la verticale et là, il n’y a pas d’erreurs possibles. Le flotteur au vent est tellement exposé. Les filets avant se sont arrachés avec la force des vagues. C’est plus violent que sur les fichiers, » poursuivait le skipper du maxi-trimaran Sodeb’O extenué après ces presque huit semaines de mer en solo et en multicoque autour du globe.
Les conditions devraient s’atténuer rapidement à l’approche d’une nouvelle dépression moins coriace que celle ci et avec un angle au vent plus favorable qui devrait soulager le skipper et le bateau. Thomas faisait cependant remarquer que « la mer mettra du temps à se calmer. Quand le vent va baisser, je vais renvoyer de la toile. Tu ne peux pas rester sous toilé. Tu es obligé de suivre sinon tu te fais détruire par la mer formée ».
Le trimaran est toujours attendu à Brest vendredi dans la nuit.

mardi 13 janvier 2009 :
Ça décolle
Thomas commence à toucher du vent de Sud-Ouest autour de 15 noeuds. Sodeb'O quitte l'anticyclone des Açores et aborde une dépression dans laquelle le vent va virer Nord-Ouest fraîchissant à plus de 30 noeuds.
Avec la fatigue du bateau et du bonhomme, le vent annoncé est moins stressant que la mer qui doit grossir d’heure en heure jusqu’à lever des talus de 5 à 6 mètres, notamment lorsque Sodeb’O va approcher du plateau continental européen.
Au cours de cette traversée de l'anticyclone, l’écart avec Francis Joyon a plus que doublé en 48 heures et dépasse les 800 milles ce matin.
A suivre, plus de précisions sur l'arrivée estimée de Sodeb’O à Brest.
Thomas Coville ne sera pas à l'heure à Brest et pourtant quel exploit !
A ce jour, seuls Ellen MacArthur et Francis Joyon ont réussi à boucler le tour du monde en solitaire, en multicoque et sans escale. Thomas sera-t-il le troisième ?
A 1600 milles du but autrement dit presque à la hauteur des Açores, le skipper du Maxi Trimaran Sodeb’O prépare son arrivée à Brest mais se rend à l’évidence et ne cache pas sa déception de compétiteur : il ne battra pas cette année le temps record de Francis Joyon qui a mis, l’an dernier à la même époque, 57 jours et 13 heures pour tourner seul autour de la planète.
Thomas est attendu à Brest à partir de vendredi, soit le 16 janvier dans la soirée ou dans la nuit. Il devrait mettre environ deux jours de plus que Francis Joyon. Le skipper de Sodeb’O, déjà recordman des 24 heures en solitaire, signerait alors le quatrième temps absolu après IDEC en solo et les performances d’Orange II et Cheyenne en équipage. Il y a 20 ans, c’était au 20ème siècle, Olivier de Kersauson entrait à Brest en héros après avoir tourné en solitaire autour du globe en 125 jours et deux escales, soit deux fois plus de temps que les marins de ce début du 21ème siècle.
Depuis la sortie du Pot au Noir où l’espoir de battre le record était mince mais bien là, l’enchaînement météo n’a pas été propice à la vitesse. La météo des deux derniers jours a fini par anéantir tout espoir de victoire. L’anticyclone des Açores s’est étalé collant les coques du Maxi Trimaran à la mer dans des vents erratiques. L’histoire n’est pas terminée pour autant. Un dernier corps à corps attend Thomas dès aujourd’hui. Sodeb’O doit affronter l’une des dépressions les plus violentes depuis son départ. Des creux de six mètres annoncés, accompagnés de vents de Sud-Ouest virant Nord-Ouest et forcissant au-delà de 30 nœuds. « La rotation au Nord-Ouest va être très rapide ce qui ne m’arrange pas. Pour faire du Nord, je vais devoir serrer le vent au mieux dans des conditions qui seront éprouvantes pour le bateau comme pour moi. »
Experts ou pas, marins ou non, impossible de rester de marbre face à l’épreuve globale que représente un tel voyage. Thomas a souvent dit depuis son départ : « Dormir n’est pas compatible avec la vitesse. » Le stress du multicoque empêche toute récupération et transforme les marins en machine à faire des milles « presqu’en animal au service du bateau ». Il poursuit ce matin sa réflexion sur le solitaire et le multicoque : « Tu penses partir avec des limites. Or, il n’y a de limites que celles que tu t’imposes. Celles que je m’étais fixées ont volé en éclats. J’ai suivi pendant huit semaines le rythme que je m’étais imposé sur le record de l’Atlantique Nord qui a duré moins de six jours. Sur un tour du monde, tu ne peux plus être conservateur. Je pense qu’on peut aller encore plus vite. La performance viendra de la vitesse ». Et pour tourner à ces vitesses là seul autour du monde, il faut une sacrée expérience et le skipper de Sodeb’O reconnaît combien il a progressé. « Je n’aurais pas pu concevoir ce bateau il y a 10 ans. Ma progression et la connaissance du multicoque que j’ai accumulée m’ont permis de réaliser ce que je n’avais pas envisagé. C’est valorisant et très enthousiasmant. Ce trimaran de 32 mètres est le fruit de l’expérience ».
Les solitaires du Vendée Globe l’ont, eux aussi, constaté : quelle fichue année pour faire le tour du monde !
Des trains de dépressions dans l’Océan Indien levant tour à tour des mers chaotiques et croisées, des transitions pas fluides pour un sou entre les systèmes qui ont arrêté le bateau comme ces jours-ci au niveau de l’anticyclone des Açores, des glaces dérivant très Nord dans le Pacifique contraignant les marins naviguant dans cette zone à remonter au-delà de 47 ou 48 degrés Sud, quand l’an dernier Francis descendait sous le 53ème. Quelques jours avant le Cap Horn, Thomas qui, sans prendre de risque, ne voulait pas trop rallonger sa route a malgré tout slalomé pendant 48 heures au milieu d’un champs d’icebergs, dans une mer monstrueuse, les mains gelées et la peur au ventre. Et comme le dit le skipper : « ce n’est pas toi qui commandes les barrières quand elles sont fermées ! »
Sur ce projet, Thomas et Sodeb’O avaient plusieurs objectifs dont le premier : être au départ avec le meilleur bateau qui soit. Thomas raconte « le plaisir du début à la fin de concevoir, construire, fiabiliser et mettre au point ce prototype à trois coques ». Le deuxième objectif est de terminer. « Si je finis, j’aurais rempli les deux premiers buts fixés ». Par contre, poursuit-il ce matin : « Si j’ai la satisfaction de terminer et notamment d’avoir construit un bateau fiable, je n’aurais pas le record absolu en solitaire. Je suis allé chercher la performance. Je fais un métier où je m’expose, où je me mets en danger en permanence. Pour la partie sportive, il faut un peu de réussite. Je suis comme quelqu’un qui travaille dehors, un agriculteur, un vigneron avec des années qui sont plus fastes que d’autres. Il y a des années avec de meilleurs crus que d’autres. J’ai l’impression d’avoir fait une mauvaise vendange » conclue-t-il.
Sodeb’O a parcouru à ce jour 679 milles de plus que IDEC il y a un an. Pourtant, il a été plus rapide – 19,6 nœuds pour Thomas contre 19,1 pour Francis, soit un demi noeud de mieux. Une moyenne remarquable qui a exigé des efforts surhumains et sollicité un bateau exceptionnel qui va affronter pour ces quatre derniers jours du mauvais temps, voir du très mauvais temps.
A Brest, la ligne d'arrivée du record est située devant le phare du Petit Minou. Le Maxi Trimaran Sodeb'O doit ensuite rejoindre le Quai Malbert et s'amarrer à côté du vieux gréement La Recouvrance.

RECORDS EN MULTICOQUE EN ÉQUIPAGE
2005 mars - 50 jours 16h 20m 04s - Bruno Peyron - Orange II - Catamaran - 14 personnes
2004 avril - 58 jours 09h 32m 45s - Steve Fossett - Cheyenne - Catamaran - 12 personnes
2002 mai - 64 jours 08h 37m 24s - Bruno Peyron - Orange - Catamaran - 13 personnes
1997 mars - 71 jours 14h 18m 08s - Olivier de Kersauson - Sport-Elec - Trimaran - 7 personnes
1994 janvier - 74 jours 22h 17m 22s - Blake/Johnston - Enza - Catamaran - 6 personnes
1993 janvier - 79 jours 06h 15m 56s - Bruno Peyron - Commodore Explorer - Catamaran - 5 personnes

RECORDS EN MULTICOQUE EN SOLITAIRE
2008 - 57 jours 13h 34m 06s - Francis Joyon - IDEC - Trimaran - Arrivée le 19/01 - sans escales
2005 - 71 jours 14h 18m 33s - Ellen MacArthur - B&Q/Castorama - Trimaran - Arrivée le 08/02 - sans escale
2004 - 72 jours 22h 54m 22s - Francis Joyon - IDEC - Trimaran - sans escale
1989 - 125 jours - Olivier de Kersauson - Un autre regard - Trimaran - deux escales
1988 - 129 jours 19h 17m - Philippe Monnet - Kriter -Trimaran - deux escales
1973 - 169 jours - Alain Colas - Manureva - Trimaran - une escale

lundi 12 janvier 2009 :
Anticyclonique
Après de nouveaux efforts insensés pour assécher entièrement les fonds de son bateau, Thomas négocie actuellement un anticyclone des Açores positionné en travers de sa route.
« Je viens de finir de vider le compartiment sous la soute, ainsi que celui de devant où l'eau avait migré, » explique le skipper de Sodeb’O qui a minuit cette nuit a réussi à recoller la trappe de « visite » du puits de dérive qui s’est arrachée dimanche, entraînant l’inondation, entre autres, de la soute à voiles. Comme les pompes de cale n’ont pas fonctionné, c’est à la force des bras que Thomas a dû en finir. « J'ai trouvé cela très physique, notamment pour vider le compartiment avant en sortant des seaux d'eau. Je pense que mes maux de tête sont aussi dus aux vapeurs de gasoil que j'ai respirées toute la journée, » poursuit-il.
« J’ai encore deux bonnes heures de rangement et après je vais essayer d’aller dormir un peu. Je suis exténué mais content d’être venu à bout de cette galère. » Profitant encore de conditions météo estivales, Thomas parlait même de prendre une dernière douche à l’eau de mer aujourd’hui afin de se rincer après des heures de travaux dans la soute et le gasoil.
Tout est désormais en ordre à bord de Sodeb’O bien ralenti aujourd’hui dans la traversée d'un anticyclone des Açores, très étendu et en travers de sa route. Le Maxi Trimaran continue de gagner au Nord à vitesse réduite afin de rejoindre cette imposante dépression venue des Etats-Unis.
Dans les 24 prochaines heures, le vent va basculer du Nord-Est au Sud-Ouest avec l'arrivée de cette dépression qui permettra à Sodeb'O d'accélérer puis d'infléchir sa trajectoire vers l’Europe.

dimanche 11 janvier 2009 :
Travaux forcés
En début d'après-midi, la trappe dite de « visite » du puits de dérive s'est arrachée et plusieurs centaines de litres d'eau ont rempli la soute à voiles.
Cette trappe d'un diamètre pouvant laisser passer un bras, permet d'accéder en cas de besoin, au puits de dérive depuis la soute. Décollée ou dévissée, impossible de le dire, mais en tout cas, elle n’était plus en place lorsque Thomas a constaté que la soute à voiles de Sodeb'O était pleine d’eau.
Il n’y a pas de voiles dans la soute en ce moment puisqu’elles sont toutes sur le pont, mais le skipper y a entreposé ses poubelles. Et comme, selon la formule, un problème n’arrive jamais seul, l’un des sacs s’est s’éventré et des détritus ont obstrué le trou d’évacuation d’eau dont le niveau est monté rapidement. D'autres sacs se sont ensuite ouverts ainsi qu’un bidon de gasoil…
Régler tout ça n’a pas été franchement une partie de plaisir ; d'autant que Thomas n'en a pas tout à fait terminé. Après avoir ramassé les déchets et asséché le compartiment, il doit maintenant vérifier que l’eau ne s’est pas infiltrée dans les réservoirs à gasoil accrochés dans le fond de la soute. Et puisque la trappe est située derrière ces réservoirs, il doit ensuite les démonter pour boucher l’entrée d’eau.
Heureusement pour lui, son Maxi Trimaran sort des grains. Il entre dans une zone anticyclonique de transition avant la forte dépression annoncée. Le vent de Nord-Est de 15 nœuds doit faiblir en dessous des 10 nœuds dans les prochaines heures.

samedi 10 janvier 2009 :
Capo Verde
Sodeb'O file plein Nord à la latitude du Cap-Vert. Il navigue au près dans un alizé de Nord-Est autour des 25 n?uds, ponctué de grains.
La vitesse moyenne sur 24 heures dépasse les 20 nœuds et l’écart avec IDEC se réduit, petit à petit, n’étant plus ce matin qu'à 417 milles.
Course poursuite
« Je progresse toujours dans une mer de face qui abîme et sollicite le bateau. A quelques jours de la fin d’un tel tour du monde, l’angoisse de la casse due à l'usure me taraude, » confie le skipper après une énième nuit blanche sur le pont. « Je guette le moindre bruit, la moindre fissure, même mes filets tout à l’avant ont fini par s’arracher avec les vagues. Je les ai sécurisés mais cela donne une bonne indication des efforts que subit la machine depuis des semaines. »
« Les alizés, tu es toujours content de les descendre au portant, et moins content de les remonter au près, mais c’est la logique et après un premier tronçon bien musclé le long du Brésil, nous sommes dans un second tronçon, pas mal non plus ! »
La mer devrait se ranger au fur et à mesure que le Maxi Trimaran gagne au Nord, lui laissant le champs libre pour accélérer. L’image sur la carte est assez insolite. Thomas semble lancé en pleine course poursuite dans le sillage d’un adversaire dont la trace est imprimée dans l’océan depuis près d’une année. En effet, dans cet alizé de l’hémisphère Nord, Francis, comme Thomas, a effectué une route Nord très rectiligne avant d’amorcer l’ultime virage à l’Est vers les Açores.
Chaud froid
En Europe, le froid cinglant vit ses derniers jours puisqu’une dépression actuellement très creuse au milieu de l’Atlantique fonce vers nos côtes, nous promettant un régime de vent de Sud - Sud Ouest assez soutenu et un changement d’ambiance assuré avec un ciel plus nuageux ainsi qu'un air plus chaud mais aussi plus humide !
Pour le skipper de Sodeb’O comme pour ses routeurs, le casse-tête n’en finit pas puisque les fichiers météo américains et européens ne sont pas d’accord quant au timing et l’angle exact avec lesquels la dépression qui s’avance au Nord des Açores, promulguera ce fameux vent de Sud-Ouest à Thomas.
Ce vent portant permettra au Trinitain d’en finir avec ce près désagréable pour glisser enfin en route directe vers Brest. Ces divergences entre les deux analyses météo sont courantes et se rejoignent au fur et à mesure qu’approche l’instant T.
En attendant que les prévisions se précisent, le Maxi Trimaran n’a qu’une mission : faire du Nord, le plus vite possible !

vendredi 9 janvier 2009 :
Des grains, l'Alizé, un anticyclone
La question du jour est la suivante : le skipper du maxi-trimaran Sodeb'O réussira-t -il à attraper au Sud-Ouest des Açores la dépression qui pourrait l'emmener rapidement jusqu'à Brest ?
Pendant la conférence météo matinale avec le bateau, les spécialistes qui composent la cellule routage nous ont expliqué que « Thomas va remonter au Nord pour essayer d'accrocher le flux de vent de Sud-Ouest associé à une dépression qui traverse l'Atlantique. Ce flux qui descend jusqu'au Sud des Açores devrait repousser l'anticyclone vers l'Est durant quelques heures et ainsi permettre à Thomas de le contourner plus facilement. »
Aujourd’hui, toute l’équipe qui accompagne à terre le maxi-trimaran depuis 52 jours, est rassurée : « Tom doit garder son rythme actuel de 18 nœuds de moyenne. Avec 17-20 nœuds d’alizés, c’est réalisable ».
Dans les heures à venir, le skipper de Sodeb’O devrait rencontrer une mer d’environ deux mètres et naviguer dans des vents de Nord-Est de 15 à 20 nœuds. Autrement dit, ça tape mais ce sont des conditions habituelles pour cette région. A noter de nombreux grains modérés, ce qui est également fréquent au large des îles du Cap Vert.

jeudi 8 janvier 2009 :
LE MAG : un peu de compta matinale !
Si dans l'hémisphère sud, de l'équateur à l'équateur, Sodeb'O a parcouru 1 400 milles de plus qu'IDEC mais a été en moyenne un demi noeud plus vite !

RAPPEL DES TEMPS DE PASSAGES :

Brest – Equateur (premier passage, descente de l'Atlantique)
IDEC en déc. 2007 : 6 jours 17 heures, 3 355 milles à 20,8 nds
SODEB’O le 25/11/08 : 7 jours et 28 minutes, 3 404 milles à 20,2 nds
Ecart : 7 heures et 28 minutes

Brest – Bonne Espérance
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEB’O le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à 20,50 nds
Ecart : 1 jour, 6 heures, 18 minutes

Brest – Tasmanie
IDEC en déc. 2007 : 24 jours, 19 heures, 19 minutes
SODEB’O le 16/12/08 : 27 jours, 23 heures, 59 minutes
Ecart : 3 jours, 4 heures, 40 minutes

Brest – Cap Horn
IDEC en déc. 2007 : 35 jours, 12 heures et 36 minutes, 17 900 milles à 21 nœuds
SODEB’O le 28/12/08 : 40 jours, 5 heures, 47 minutes, à 20,5 nœuds
Ecart : 4 jours, 17 heures, 11 minutes

Brest – Equateur (second passage, remontée de l'Atlantique)
IDEC en janv. 08 : 48 jours, 2 heures, 18 minutes, 22 625 milles à 19, 6 nœuds
SODEB’O le 07/01/09 : 50 jours, 5 heures, 39 minutes, 24 075 milles à 19,97 nœuds
Ecart : 2 jours, 3 heures, 18 minutes

RAPPEL DES RECORDS INTERMEDIAIRES :

Record de l’océan Indien (Bonne Espérance - Tasmanie)
IDEC en déc. 2007 : 9 jours, 12 heures, 6 minutes, 5 182 milles à 22,7 nœuds
SODEB’O – 16/12/08 : 11 jours, 11 heures, 31 minutes, 5 575 milles à 20,2 nœuds
Ecart : 1 jour, 23 heures, 25 minutes

Record du Pacifique (Tasmanie – Cap Horn)
IDEC en déc. 2007 : 10 jours, 14 heures, 26 minutes, 5 245 milles à 20,6 nds
SODEB’O – 28/12/08 : 12 jours, 4 heures et 46 minutes, 6 051milles à 20,7 nds
Ecart : 1 jour, 14 heures, 20 minutes

Record équateur-équateur
IDEC en janv. 08 : 41 jours, 9 heures, 14 minutes, 19 265 milles à 19,4 nœuds
SODEB’O : 43 jours, 5 heures, 11 minutes, 20 671 milles à 19,9 noeuds
Ecart : 1 jour, 19 heures, 57 minutes

Le Maxi Trimaran Sodeb’O a amélioré le 7 décembre son propre record des 24 heures avec 628,5 milles parcourus à la vitesse moyenne de 26,19 nœuds (contre 619,3 en 2007)
Le Maxi Trimaran Sodeb'O traverse actuellement une zone de grains particulièrement virulents. Fidèle à sa réputation le Pot au Noir qui se montrait peu actif sur les observations satellites, s’avère localement assez coriace.
En effet, les prises de ris et les lâchés de ris s’enchaînent avec les variations du vent. Des efforts colossaux sont encore demandés à Thomas dont la fatigue accumulée depuis plus de 50 jours est déjà énorme.
Encore une chance de jouer le record
Plus rapide que son adversaire depuis le départ - 19,60 nœuds de moyenne pour IDEC contre 19,97 pour Sodeb’O), Thomas a en revanche parcouru 1 450 milles de plus afin de contourner des obstacles météo comme l’anticyclone de Sainte-Hélène (là où Francis avait pu couper au milieu) ou encore cette immense zone de glaces dans le Pacifique. Ces chiffres montrent toute la qualité du bateau Sodeb’O qui, au-delà de quelques signes de fatigue, aligne toujours les milles à plein potentiel. Un décompte qui salue également les efforts dingues que Thomas fournit depuis des semaines, ne s’écoutant pas et restant en permanence au service du bateau et de la vitesse. Alors bien évidemment, il y a cette frustration du chrono qui file et de ce retard de 588 milles à moins d’une semaine de l’arrivée.
Thomas à propos de ce qu’il vit actuellement et de ses chances pour le record :
"Je suis entouré de grains très actifs. On avait prévu un Pot au Noir moins actif, mais il s'est réactivé dans la nuit avec des grains à plus de 30 noeuds. (...) C'est physiquement et nerveusement très compliqué car on peut chavirer à ces endroits-là ou casser beaucoup de matériel. (...) Il faut continuer à aller vite, à pédaler puisqu'on est dans la dernière ligne droite et il me reste très peu de temps et très peu de chances pour passer devant Francis Joyon. Si on arrive à attraper la dépression qui passe dans les Açores dans quatre jours, ça le fera peut-être de quelques heures. Si on n'arrive pas à attraper ce front qui nous emmènerait jusqu'à Brest, on raterait le record de quelques heures. Cela se joue à pas grand chose, après un tour du monde à courir derrière, il ne faut pas baisser les bras.(...) Pour l'instant il y a eu un bon dosage du matériel, moi je suis plus au service du bateau, je n'ai pas lâché une seule minute.

mercredi 7 janvier 2009 :
Plein Nord !
Thomas vient de réaliser une superbe journée à plus de 22 noeuds de moyenne. Le Maxi Trimaran a été rapide dans un alizé régulier mais aussi parfaitement sur la route avec une trajectoire plein Nord.
Sodeb’O n’est plus ce matin qu’à 220 milles de l’équateur qu’il doit franchir en fin de journée. Le retard sur Francis ne cesse de réduire pour atteindre désormais les 630 milles et Thomas pourrait bien gagner encore une centaine de milles aujourd’hui.
L'alizé de Sud-Est souffle actuellement entre 15 et 19 noeuds et devrait adonner dans les prochaines heures.

mardi 6 janvier 2009 :
Dure année pour les tours du monde
Pendant que la France grelotte, Thomas se délecte dans des conditions carrément tropicales à bord de Sodeb'O.
Il décroche la bouche pleine : « je suis en train de petit déjeuner, » lance-t-il. Et alors, c’est quoi le menu d’un solitaire après 48 jours de mer : « comme tous les jours, des céréales, du lait de soja en poudre et du miel. Oui, le soja est plus énergétique et surtout plus digeste que le lait de vache. » Ok Thomas, bien noté.
En France, on a froid et toi ? : « Après des conditions pas marrantes dans les grains ces derniers jours, j’avoue que là c’est très agréable. Entre le 20e degré Sud et le 20e degré Nord, on est quand même dans la zone la plus sympa du globe... Au début, les hommes ne vivaient qu’ici d’ailleurs, après ils se sont dispersés mais ils avaient tout pour être parfaitement heureux dans les tropiques. »
C’est quand même pas les vacances ? « Ah non ! Là, pendant que je parle, je suis à 22 nœuds, prêt à sortir pour choquer si besoin et même si j’ai bien dormi cette nuit, je m’étonne encore d’avoir si peu dormi depuis le départ. Je dois être autour de 3 heures en moyenne par 24 heures….c’est peu et pourtant ça va, je tiens. »
Tu nous rassures…on a failli être jaloux ! T’arrives quand même à en profiter ? « Hier, j’ai enfin enlevé mes bottes et retrouvé la sensation de marcher pieds nus sur le pont. Et quel bonheur de ne plus être couvert comme un oignon ! Je suis sorti torse nu pour la première fois depuis des semaines et je me suis arrêté 15 secondes, juste pour apprécier la sensation du vent chaud sur ma peau. C’est franchement jouissif ! »….d’accord, là, on te déteste carrément !
Trêve de plaisanteries, où en sommes-nous avec ce tableau de marche, tu regagnes du terrain sur Francis depuis ce matin ? « Effectivement, IDEC avait pas mal ralenti la cadence dans le Pot au Noir et avait eu aussi quelques pépins techniques. Moi, je grimpe pour l'instant plein Nord en direction de l'équateur dans un alizé enfin stable mais bon, cela s’annonce très serré jusqu'à Brest. »
Tu peux nous en dire plus ? « Je suis à 750 milles de l’équateur (passage prévu dans la nuit du 7 au 8 janvier) et ensuite le Pot au Noir se montre jusqu'ici peu actif. Je devrais reprendre encore du terrain mais on ne connaît pas précisément les conditions qui suivront et si oui ou non, nous arriverons à monter dans le train d’une dépression qui nous emmènerait d'une traite jusqu’à la maison....Alors, comme les modèles météo se sont déjà pas mal trompés, tout peu très bien tourner en notre faveur comme en notre défaveur… »
Tu restes philosophe ? « Oui, j’y crois car sinon tu plies boutique. Nous n’avons pas eu beaucoup de réussite depuis le départ mais est-ce notre faute, celle de la météo, de toute façon, cela ne sert à rien de cogiter, il faut avancer. Il est certain que c’est une année difficile pour faire le tour du monde. »
Tu fais référence au Vendée Globe ? « Pour eux aussi la mer a été dure, les enchaînements ont été compliqués et ils ont beaucoup souffert. Je pense surtout ce matin à Jean Le Cam dont on attend des nouvelles avec impatience. Ces dernières années, le grand sud s'était montré plus doux avec les marins mais cet hiver, on en a tous beaucoup bavé. »

lundi 5 janvier 2009 :
Je vais me battre jusqu'au bout
La mécanique de l'élastique joue cette fois-ci en faveur du détenteur. En ce 48e jour de mer, Francis franchissait l'équateur à bonne vitesse alors que Thomas peine à son tour dans cette zone très perturbée de l'Atlantique Sud.
Le skipper d’IDEC y avait lui aussi mangé son pain noir, progressant difficilement face au vent et dans une mer « casse bateau ». Trois jours avant de couper l’équateur, Joyon racontait : « J'ai eu toute la nuit des grains très violents sous de sombres nuages, et l'allure du bateau était très inconfortable, avec de très gros chocs dans les vagues.»
Une situation qui fait parfaitement écho à celle que vit actuellement Thomas, pénalisé par des conditions « très changeantes avec des alizés capricieux, perturbés par des grains et ça cogne de partout dans les sessions au près. »
Sodeb’O et IDEC suivent désormais des routes parallèles mais le déficit du « challenger » qui avait réduit autour des 300 milles vient de tripler en 48 heures. L’écart s’élève désormais à 950 milles après avoir perdu une dizaine d’heures depuis hier dans une succession de nuages orageux.
La tendance pourrait s’inverser dès que Francis entrera dans la zone « roulette russe » du Pot au Noir. Dans cette région située au-dessus de l’équateur où la météo est imprévisible, le détenteur avait ralenti suite à la rupture de sa drisse de grand voile et d’un problème sur un encrage du hauban tribord (câble qui tient le mât).
Pour l’instant, le skipper de Sodeb’O navigue toujours dans le Sud de l’équateur et traverse une nouvelle transition météo complexe. En attendant que l’alizé se stabilise, Thomas continue de se tuer à la tache pour accrocher une performance « historique ».
Rappelons que Francis Joyon avait coupé l’équateur avec 12 jours d’avance sur le tableau de marche d’Ellen MacArthur, enfonçant encore un peu plus le clou après un parcours qui avait déjà estomaqué le grand public comme les spécialistes.
Un an plus tard, Thomas flirte, lui aussi, avec l’exceptionnel, même si « les records et notamment celui de Francis sont devenus si difficiles à battre. » Si difficiles et pourtant le skipper se bat comme un beau diable à 4 400 milles de l’arrivée.
Même si rien est simple et même si l’enchaînement météo se fait une fois encore aux forceps , le poursuivant de Joyon n’a pas l’intention de baisser les bras. « Je vais me battre jusqu’au bout. J’ai voulu faire ce trip et vais continuer à me donner à fond pour exploiter les conditions au mieux et garder le rythme. »

dimanche 4 janvier 2009 :
Jeu serré jusqu'à Brest
Cette semaine fut incroyable le long des côtes de l'Argentine, de l'Uruguay puis du Brésil. Thomas a navigué aux limites de l'épuisement, exploitant chaque grain orageux pour finalement reprendre plus de quatre jours sur le temps du record.
Le Maxi Trimaran Sodeb’O avance aujourd’hui au près serré dans des conditions très, très inconfortables.
Le vent de Nord - force 6 à 7 soit 25 à 33 nœuds de vent - lève une mer abrupte et de face qui fait souffrir le marin comme le bateau. Thomas Coville réalise en ce moment ce qu’on appelle une « aile de mouette ». Il s’agit depuis hier de faire de l’Est pour se positionner par rapport à l’alizé.
Le skipper devrait virer en milieu de nuit prochaine et entamer une route Nord qui pourra lui permettre de recommencer à grappiller des milles sur le détenteur du record. Il faut se souvenir que dimanche dernier, en passant le Cap Horn, Sodeb’O avait presque cinq jours de retard sur Francis Joyon.
Opportunistes, Thomas et sa cellule de routage n’ont pas tremblé en franchissant le dernier cap de ce tour du monde en solitaire et en multicoque. Ils ont carrément fait l’intérieur en osant passer à travers le détroit de Le Maire « ce qui nous a permis d’envisager une route plus courte à l’Ouest. Nous pouvions ainsi bénéficier de deux systèmes météo qui nous ont emmené presque sur un seul bord et surtout très rapidement jusqu’aux portes de Rio » soulignait ce matin Richard Silvani de Météo France. « Il faut maintenant se recaler simplement dans l’Est pour aller chercher le fameux alizé. »
Progressivement, à partir de demain et en montant plein Nord, Thomas devrait accélérer et reprendre des milles. Il pourra débrider un peu et retrouver des allures plus confortables, plus douces pour le marin comme pour le bateau.
Hier soir, le skipper a bricolé à cause d’un moteur récalcitrant qui refusait de démarrer. Il a passé une bonne partie de la nuit la tête en bas et les mains dans le cambouis dans des conditions peu enviables.
Les prévisions météo pour la semaine à venir emmènent le Maxi Sodeb’O à bonne vitesse jusqu’à l’équateur qu’il devrait franchir mercredi 7 janvier. Quant au pot au noir, situé par 6 ou 7 degrés Nord, il ne semble pas aujourd’hui très actif. Mais cela peut évoluer !
A noter qu’il y a toujours des incertitudes entre les deux modèles américains et européens au niveau de l’anticyclone des Açores, la dernière phase de transition stratégique de ce tour du monde express.
Rappelons enfin que pour battre le record établi par Francis Joyon l’an dernier, Sodeb’O doit franchir la ligne à Brest avant le 15 janvier 4h27 du matin (heure française).
Sous un grain après un peu de plongée !
La vitesse du Maxi Trimaran a chuté en fin d'après-midi en tombant sous l'influence d'un grain à l'Est du Brésil.
Un grain est un amas nuageux, plutôt très sombre, en dessous duquel c’est tout simplement l’anarchie totale. Trop ou pas assez, dans un sens comme dans l’autre, le vent n’en fait qu’à sa tête.
Au menu de celui-ci : une brise de 25 nœuds qui s’est évanouie en quelques minutes pour avoisiner les 5 à 8 nœuds en passant du Sud-Ouest à l’Est !
Résultat des courses pour Sodeb'O, une cadence en dessous des 10 nœuds pendant deux heures…Un phénomène courant sous ces latitudes tropicales mais pas franchement tendre avec notre skipper !

samedi 3 janvier 2009 :
Chaud Brésil !
Non, Thomas n'a pas décidé de faire un « break » sur une plage brésilienne. Le skipper de Sodeb'O n'a décidément pas une minute de répit dans cette remontée infernale de l'Atlantique.
Actuellement propulsé par une dépression positionnée dans son Sud-Ouest, le Maxi Trimaran tire vers la côte afin de profiter au mieux d’une bascule du vent vers la gauche.
Thomas est éreinté. Hier, le vent a soufflé toute la journée entre 28 et 30 nœuds et les conditions viennent tout juste de mollir en prémisse de cette bascule.
En s’approchant de la côte, le skipper va pouvoir se protéger de la mer pendant les trois prochaines heures dans la baie du Cap Sao Tomé, au-dessus de Rio. Bien évidemment, dès qu’il se dégagera de ce bouclier naturel, Sodeb’O retrouvera les affres de cette terrible mer de face.
Les côtes sont aussi synonymes de trafic maritime. Après le stress de la glace dans le grand sud, celui des grains ces derniers jours, le skipper se retrouve à nouveau en veille sur le pont pour guetter la moindre embarcation ou le moindre obstacle qui pourrait stopper net plus de 45 jours d’efforts. Afin de corser le tout, Thomas va même slalomer aujourd’hui au milieu d'un champs pétrolifère !
Depuis le Cap Horn, le challenger Coville a réussi à réduire de 1 000 milles l’écart avec IDEC. En revanche, il va perdre du terrain puisqu'il négocie à l'heure actuelle la transition avec les alizés qu'il devrait toucher dimanche soir ou lundi matin alors qu'au même moment, Francis Joyon avait déjà accroché ces grands vents tropicaux.

vendredi 2 janvier 2009 :
A une journée de Francis !
Quelle remontée ! Une trajectoire rectiligne. Un enchaînement météo parfait. Depuis le Cap Horn, l'écart entre Sodeb'O et IDEC a littéralement fondu.
Aujourd’hui, ce ne sont pas 200 mais bien 300 milles que Thomas a rattrapés en l’espace de 24 heures ! Le retard avec le détenteur est désormais de 440 milles, soit une journée de navigation à la vitesse de 18 nœuds.
Rappelons que Thomas a viré le rocher du Horn dimanche dernier avec 4 jours, 17 heures et 11 minutes de retard, il a donc réduit de plus de trois jours son déficit en moins de cinq jours de mer.
Le scénario s’est déroulé parfaitement
Avec ses routeurs, le skipper de Sodeb’O a décidé en sortant du grand sud de « faire l’intérieur », c’est à dire d’exploiter un couloir de vent ascendant au plus proche des côtes sud-américaines. Thomas avait alors laissé l’île des Etats, puis les Malouines à tribord.
Malgré un régime relativement orageux avec de nombreux grains, le vent de secteur Sud a permis au Maxi Trimaran de tenir un cap et une trajectoire efficaces depuis près de 2 000 milles. Une option bien différente de celle choisie par Francis Joyon qui avait suivi une trajectoire plus à Est et subi des conditions météo beaucoup plus chaotiques sur ce tronçon.
Attention, la vie ne va pas s’adoucir pour autant
Il pourrait savourer ce plaisir de voir son retard se réduire à peau de chagrin, pourtant Thomas n’a pas conscience de cette remontée incroyable depuis le Cap Horn. Il vit au jour le jour, manoeuvre après manoeuvre et surtout actuellement, grain après grain.
Il approche d'une dépression orageuse à la latitude de Rio et sait que dès ce soir, il va commencer à payer le prix de cette magnifique route proche des côtes brésiliennes.
Là où Francis, plus à l'Est, était remonté travers à l’alizé, le skipper de Sodeb'O va devoir faire du près pendant environ trois jours. Le Maxi Trimaran est performant à cette allure. C'est pourquoi cette option a été prise, même si c'est l'une des allures les plus difficiles à supporter en multicoque.
Au près dans de la mer, le bateau se cabre à chaque vague et retombe dans un tremblement qui résonne jusque dans le squelette du capitaine. « Quand le bateau souffre, je souffre, » nous disait récemment Thomas. Et il va falloir souffrir. Le skipper sait que tout réside dans sa capacité à mener vite ce bateau dans de telles conditions.
Derrière l'alizé, ce sera déjà l’équateur où les prévisions météo s’avèrent optimistes comme les routages. Suivra ensuite le Pot au Noir, avec une transition se présentant a priori de manière assez fluide.
Quel beau suspense en perspective !

jeudi 1er janvier 2009 :
Encore 200 milles gagnés !
Le réveillon de Tom, c'était moins bulles de champagne et cotillons que des manoeuvres incessantes dans un vent particulièrement instable, en force comme en direction.
Le long de l’Uruguay, le skipper commence néanmoins l’année 2009 avec panache puisque ces 24 dernières heures, il a encore réduit de 200 milles son retard sur IDEC !
Cela monte à près de 600, le nombre de milles gagnés par Sodeb'O depuis le Cap Horn.
Seulement 700 milles séparent désormais la fusée rouge de Francis Joyon du coursier – tout aussi rouge – de Thomas Coville. Une distance qu’un multicoque de cette taille peut parcourir en plus ou moins deux jours, en fonction de la météo.
Pour le moment, un régime anticyclonique pousse dans le sillage du Maxi Trimaran. Cela affaiblit légèrement le flux de Sud-Sud-Est qui plafonne autour des 15 nœuds et n’arrive pas à se stabiliser.
Thomas n'a pas beaucoup fermé l'oeil cette nuit. Il se bat pour faire accélérer son bateau dans les grains et une mer encore très perturbée. Sodeb’O maintient une vitesse moyenne autour des 17 nœuds et grapille son retard sur le détenteur du record.
Buenos Aires, Montevideo, Rio...quel beau périple. Le rivage doit être tellement beau et la mer à parfaite température. Malgré ses 44 jours de solitude, dont la plus de moitié passés dans le froid et la grisaille, Thomas ne peut qu'imaginer les côtes qu'ils longent. Son voyage continue inlassablement. Il reste encore 10 000 kilomètres à parcourir. Comme le Trinitain le confiait à la veille du réveillon, l'année 2008 ne s'achèvera pour lui qu'une fois ce tour du monde bouclé.
Pour l'instant, la préoccupation est une petite dépression en formation sur Rio. Selon l’évolution du système et le tempo avec lequel Thomas l’abordera, Sodeb'O se hissera plus ou moins rapidement jusqu’aux alizés qui soufflent à quelques centaines de kilomètres au Nord.

mercredi 31 décembre 2008 :
Le réveillon à bord de Sodeb'O ... pain frais et huile d'olive !
Incroyable direct ce matin avec Thomas qui nous a fait partager en images son quotidien au large de l'Argentine !
Le Maxi Trimaran Sodeb'O remonte rapidement le long des côtes argentines poussé par un bon vent de sud - sud ouest mais avec une houle de face qui use le skipper comme le bateau.
Ces conditions de navigation devraient cependant s'améliorer rapidement et permettre à Thomas Coville de réduire encore son retard sur Francis Joyon. Depuis dimanche soir et le passage du cap Horn, Sodeb'O a en effet repris près de 400 milles sur Idec et ne comptabilise aujourd'hui 31 décembre 2008 que 900 milles de retard, soit deux à trois jours de navigation selon les vents.
Thomas avouait ce matin une certaine fatigue voir lassitude après une dizaine de jours particulièrement éprouvants dans un Pacifique Sud hostile « où tu n'es pas le bienvenu et où malgré la beauté brutale et violente, tu es content d'en sortir ». Vivant dans un autre monde depuis 43 jours, le skipper de Sodeb'O reconnaît qu'il ne mesure pas encore qu'il est un des rares marins à avoir réalisé le tour de l'Antarctique en multicoque et en solitaire.
A propos de la nouvelle année, Thomas est conscient de la chance qui lui est offerte de réaliser ses rêves, de faire ce qu'il a décidé et souhaite pouvoir continuer à vivre dans cet état d'esprit. Pour lui, l'année 2008 se terminera avec l'arrivée à Brest. Pour battre le record, Thomas Coville doit franchir la ligne avant le 15 janvier prochain à 4 heures 27 minutes et 20'' (heure française).
Thomas, à propos du réveillon du 31 décembre à bord de Sodeb'O :
"Pour moi l'année 2008 se terminera uniquement quand j'arriverai. Je ne pense pas pouvoir me poser. Je vais peut être faire un petite bouffe dans mon carré, assis par terre, en mangeant du pain frais de Sodeb'O avec un peu d'huile d'olive et un morceau de saucisson et je ferai un bilan de ce que j'ai fait dans cette année comme tout le monde avec ce qu'il y avait de bien et de moins bien. Je vais faire mon petit bilan personnel.
Je pense avoir au téléphone quelques potes et ma famille pour converser très simplement. Mais je suis dans une ambiance particulière où pour moi l'année terminera quand j'arriverai à Brest. J'ai pas tellement l'impression que l'année est finie, j'ai commencé quelque chose en 2008 et ce n'est pas terminé pour l'instant"
Les conditions de navigation après le Cap Horn :
"La nuit n'a pas été facile du tout. Je suis entre deux systèmes et deux trains de houles qui sont très perturbants et très difficiles à négocier. J'essaye de porter un maximum de toile, donc forcément il y a des moments où c'est très scabreux et chaud. J'essaye de rester dans ce flux de Sud - Sud Ouest qui nous porte et nous fait longer l'Argentine. La mer est hachée et très formée, ça fait bouger beaucoup le bateau qui a du mal à se stabiliser.
Il fait assez beau, il y a du soleil et les températures ont nettement augmentées depuis deux jours, c'est un point qui a son importance car j'ai arrêté de lutter contre le froid. Il y a quelques jours j'ai passé le Horn et je ne m'en suis pas rendu compte parce que j'étais dans le feu de l'action. J'ai réalisé que 24 heures après que j'avais dépassé ce fameux caillou avec toute la délivrance que ça peut représenter. Je me suis réveillé et d'un seul coup j'ai réalisé que je n'avais plus l'angoisse de la glace, des icebergs et du froid (...)
L'anticyclone de Ste Hélène qui nous a fait tellement de mal à l'aller, on essaye de le négocier avec une configuration un petit peu meilleure. Si on arrive à accrocher ce système, on reviendrait à l'Équateur à quelques encablures de Francis ce qui peut très bien nous remettre en selle pour la suite du record."

mardi 30 décembre 2008 :
330 milles gagnés en deux jours !
Thomas effectue une remontée exemplaire le long des côtes de l'Argentine. Sodeb'O a pris un ascenseur génial, propulsé par un vent de Sud-Ouest autour des 20 noeuds. Depuis dimanche matin, le challenger Coville a gagné un peu plus de 330 milles sur le détenteur.
Vol direct pour Rio
Ce qui est pris, est pris. Même si devant les étraves du Maxi Trimaran une petite « molle » s’avance pour aujourd’hui, Sodeb'O a gagné du terrain dans ce tronçon après le Horn qui avait été moins favorable à IDEC. Suite à la bascule cette nuit du vent du Nord-Ouest au Sud-Ouest, Thomas a une houle résiduelle de travers qui va se ranger progressivement. « Pour l’instant, je saute sur les vagues, mais cela devrait s’atténuer et s’améliorer pour que je puisse encore accélérer, » explique le marin.
La petite perturbation qui s’est immiscée au large de l’Argentine doit se dégager rapidement dans l’Est, laissant ainsi la route libre à Thomas qui ne devrait ralentir que quelques heures. Après, le vent rentre à nouveau avec un flux de 20 à 25 nœuds. « On doit accrocher un système au-dessus de nous qui devrait nous permettre de monter jusqu’à Rio. On va continuer de longer les cotes pour aller chercher la transition avec l’alizé. »
Pas ouvert un bouquin
Le skipper explique aussi que depuis son départ fin novembre de Brest « il n'y a pas de dosage possible : si tu n’es pas dessus, tu perds du terrain. Tu es à disposition pour régler le bateau comme si tu étais entre trois bouées. »
Dans un record, on ne navigue pas bord à bord avec son adversaire, d’un côté, il y a la trace du détenteur qui donne la performance à battre, et de l’autre, ce sablier qui s’écoule inéluctablement. Vous ajoutez la météo, la forme du bateau et la vôtre, et y’a plus qu’à !
« Tu reprends un peu de chariot (de grand voile), de solent, de gennaker (voiles d’avant), tu es dessus en permanence. Je n’ai pas ouvert un bouquin depuis le début ; j’ai écouté de la musique deux fois pour ne plus entendre les voiles claquer dans le petit temps, » confie-t-il avant d’ajouter : " parfois, la compétition rationnelle me manque. Quand ça marche, c’est plus valorisant de se battre contre un adversaire qui a les mêmes conditions que toi, cela te récompense de tes efforts."
Ça use
Et de conclure par des nouvelles de ce physique qui n’est pas franchement épargné depuis près de 42 jours de mer : « Je vais arrêter de lutter contre le froid. Je suis à cours de vêtements car j’ai beaucoup transpiré dans les manœuvres. J’ai aussi un peu mal au rein car j’ai du mal à boire. Mes doigts vont mieux mais avec la circulation qui revient, ça pique fort. Même si j’ai bien tenu le coup, je commence à me sentir usé. »

lundi 29 décembre 2008 :
Stratégique Atlantique
Nous y sommes. Le skipper de Sodeb'O entame la dernière partie de son périple avec cette remontée de l'Atlantique où va se jouer son record.
Sodeb’O a franchi le Cap Horn, hier dimanche 28 décembre à 20h42 (heure française) après exactement 40 jours, 5 heures, 47 minutes et 46 secondes de mer. Thomas a tenu une vitesse moyenne de 20,5 nœuds depuis son départ de Brest le 18 novembre. Une vitesse inouïe pour un homme seul à bord d’un trimaran de 32 mètres !
Tenir encore
Malgré les efforts colossaux imposés par cette vie sur le fil et malgré les conditions de survie de ces derniers jours à l'approche Cap Horn, le retard de Thomas est de 1 300 milles à l'entrée de l'Atlantique. D’ici Brest, la marge de manœuvre est mince mais elle existe.
Ces jours-ci, il va falloir être fin stratège et penser au mieux la trajectoire dans cette météo complexe de l’Atlantique Sud. Il va falloir aussi être opportuniste et exploiter la moindre risée, le moindre grain, jouer au gagne petit et se donner toutes les chances de se refaire. Ce duo incroyable de Thomas avec son trimaran Sodeb’O doit aussi tenir et se surpasser malgré l’usure des dernières semaines dans le grand sud.
L’ambiance a totalement changé à bord. Les déferlantes ont laissé place cette nuit à une mer tout juste clapoteuse le long des côtes de la Terre de feu. Néanmoins, Thomas a peu dormi. La tension à bord perciste. Elle est inérante à la vie en multicoque.
L’effet élastique
IDEC avait ralenti après l’Ile des Etats et surtout à l’approche des Malouines. Il avait ensuite perdu du temps à mi-chemin entre le Horn et l’équateur, coincé dans un vent erratique entre deux anticyclones et une dépression. Et enfin, après une nuit passée dans les grains du Pot au Noir, Francis Joyon avait découvert la rupture de sa drisse de grand voile et un problème dans le mât, au niveau du point d’encrage du hauban tribord.
En fonction des performances du Maxi Trimaran Sodeb’O à chacun de ces passages, l’écart avec IDEC va, comme un élastique, augmenter ou se réduire. C’est pourquoi la stratégie et la conjoncture météo des prochains jours ont toute leur importance.
Avec ses routeurs, Thomas a tout d’abord décidé d’aller chercher au plus vite un vent de Sud-Ouest attendu derrière une bascule annoncée en fin de journée. Ce flux devrait forcir de 25 à 30 nœuds, permettant à Sodeb’O de longer rapidement la route orthodromique (la plus courte).
La stratégie à moyen terme consiste elle à profiter des régimes dépressionnaires qui s’enchaînent le long des côtes de l’Amérique du Sud. Ainsi, juste après son passage du rocher du Horn, le Maxi Trimaran a tourné à gauche et est passé entre la côte et l’Ile des Etats afin de pouvoir laisser ensuite les Malouines à tribord.

dimanche 28 décembre 2008 :
Le Horn aujourd'hui
Les marins l'ont surnommé le Cap Dur ou le Cap des Tempêtes en raison de la météo souvent déplorable qui y règne. Le skipper de Sodeb'O s'apprête à franchir le Cap Horn alors qu'il se démène dans une mer atroce.
« Les conditions sont très difficiles ces jours-ci. Thomas est au « turbin » dans un vent de Sud-Ouest particulièrement variable avec des rafales à 52 nœuds, accompagnées de neige et de grêle, » explique Thierry Douillard, membre de la cellule de routage de Sodeb’O. « Il fait très froid à bord et la mer est vraiment dure. La houle doit se calmer un peu aujourd’hui et le vent faiblir de 22 à 28 nœuds avec toujours des rafales à plus de 35. »
Il y a deux jours, le pilote automatique a décroché et le Maxi Trimaran est parti à l’abattée. Rien de dramatique mais une grosse dose d’adrénaline pour son skipper qui a dépensé beaucoup d’énergie afin de remettre son bateau en ordre de marche.
En fin d’après-midi, Sodeb’O doit quitter le grand sud en passant aux pieds du plus majestueux des trois caps. Cette falaise, haute de plus de 400 mètres, plonge à pic dans l’eau à la croisée des océans Pacifique et Atlantique.
Thomas passe ici le Cap Horn pour la 6e fois depuis le Trophée Jules Verne 97 avec Olivier de Kersauson. Il se pourrait même bien que le skipper navigue suffisamment près de la terre pour pouvoir admirer le spectacle.
Le skipper d’IDEC avait franchi ce cap dans sa 35e journée alors que Sodeb’O sera dans sa 40e. En revanche, l'écart en milles continue de se réduire avec 1348 milles de retard à la mi- journée.
Le Cap Horn est situé à l'extrémité Sud de l'archipel chilien de la Terre de Feu. Il est considéré comme le point le plus au Sud de l'Amérique du Sud.
Il est aussi le plus sud des trois grands caps (Bonne Espérance, Leeuwin, Horn). Pendant de nombreuses années, il est un point de passage crucial des routes commerciales entre l’Europe et l’Asie.
Elles sont alors empruntées par les voiliers de transport de marchandises, malgré le fait que les eaux autour du cap présentent de nombreux dangers : tempêtes très fréquentes, vagues immenses et présence possible d’icebergs. Ces dangers et l’extrême difficulté de son franchissement ont donné au Cap Horn son caractère légendaire. Il est parfois surnommé le Cap Dur ou le Cap des Tempêtes.
A 20h42, heure française, (19h42 TU), le Maxi Trimaran Sodeb'O a coupé la longitude du Cap Horn (située par 67 16' W).
C’est avec de la neige glacée sur le pont et une carence de sommeil au-delà de l’imaginable que Thomas s’extirpe des griffes d’un océan Pacifique tyrannique.
Le skipper ne bat pas l’actuel record de la traversée du Pacifique, détenu par Francis Joyon en 10 jours, 14 heures et 26 minutes. Depuis son passage au Sud de la Tasmanie le 16 décembre, Sodeb’O a mis 12 jours, 4 heures et 46 minutes, soit 1 jour, 14 heures, 20 minutes de plus qu’IDEC.
Exactement comme les concurrents du Vendée Globe, Thomas a été contraint d’allonger sa route au Nord dans le Pacifique, afin de contourner une importante zone de glaces. Il passe le Cap Horn avec un peu moins de 5 jours de retard sur le temps de Francis Joyon. L'écart en nombre de milles continue de se réduire. Il est à l'heure actuelle de 1 316 milles.

samedi 27 décembre 2008 :
Après la « dep » !
Cette nuit, le Maxi Trimaran s'est fait malmener dans un vent supérieur à 45 noeuds. Le skipper de Sodeb'O a traversé son ultime dépression du grand sud avant de contourner demain le rocher du Horn.
Dans une mer très forte, Thomas a malgré tout poursuivi une descente efficace vers le Sud-Est, progressant à des vitesses moyennes comprises entre 18 et 20 nœuds. Il a également grappillé encore de précieux milles sur Francis Joyon, le retard de Sodeb’O sur IDEC étant à l’heure actuelle de 1547 milles, soit plus ou moins trois jours de mer à plus de 20 nœuds.
Le skipper semble satisfait de sa position en ce samedi matin. Toujours positionné sur un bord direct pour franchir ce troisième cap, il va progressivement retrouver des conditions de vent plus maniables, avec une mer qui restera néanmoins toujours très formée. Sodeb’O franchira le Cap Horn demain dans la journée.

vendredi 26 décembre 2008 :
Droit sur le Horn
La bascule du vent au Sud-Ouest s'est effectuée comme prévu. Sodeb'O tire désormais une belle trajectoire au Sud-Est en direction du Cap Horn.
Soulagé, Thomas a laissé dans son sillage l’immense zone de glaces. Il peut maintenant descendre plus franchement au Sud et navigue déjà ce midi en dessous du 53e parallèle.
Le flux de Sud-Ouest se renforce d’heure en heure pour atteindre rapidement les 30 nœuds. Des conditions musclées mais maniables pour le skipper qui vit ici ses derniers instants de grand sud.

jeudi 25 décembre 2008 :
Noël au charbon !
Thomas vient de s'offrir un retour de 315 milles en 48 heures sur Francis Joyon et fait route directe vers le Cap Horn.
Dans une vidéo tournée à bord de Sodeb’O cette nuit (le jour pour lui), le skipper nous parle de cette trêve de Noël qui n’a pas lieu d'être au milieu du Pacifique. En plus de guetter la présence eventuelle d'icebergs, Thomas vient d'enchaîner deux empannages en quelques heures.
Le skipper s’est ainsi recalé dans le Sud - passant du 48e au 51e parallèle - à la fois pour laisser dans son Nord les icebergs repérés sur sa route ces jours-ci et également pour se placer en perspective d’une transition météo qui l’attend aujourd’hui.
En effet, le vent de Nord-Ouest bascule bientôt au Sud-Ouest, permettant ainsi à Sodeb’O de tirer un seul bord jusqu’au Cap Horn. Ce troisième et dernier grand cap de son épopée n'est plus qu'à 1500 milles et Sodeb'O doit le franchir le 27 décembre.
Lors de ce 36e jour de mer, IDEC était déjà entré dans l’Atlantique et avait fortement ralenti. Dans cette région, l’immense masse montagneuse des Andes qui se poursuit jusqu’au rocher du Horn forme une frontière naturelle et perturbe l’enchaînement entre les systèmes météo des deux océans. Francis Joyon en avait payé le prix il y a un an, perdant du terrain dans cette remontée le long des côtes argentines.
C’est en partie la raison pour laquelle Sodeb’O reprend des milles sur le détenteur du record. Avec 1795 milles de retard en ce jour de Noël, le Maxi Trimaran vient donc de gagner 315 milles en 48 heures. Une tendance qui devrait se poursuivre jusqu’à son arrivée au Horn...voir plus, puisque la météo derrière le cap s’avère, à l’heure actuelle, encourageante pour le passage du Maxi Trimaran.
Avant cela, Thomas quittera la zone des glaces dans 300 milles. Particulièrement en forme ce matin, le skipper ne relâche pas pour autant son attention. La température de l’eau est toujours aussi froide, entre 3 et 4 degrés, et le vent de Sud-Ouest annoncé va contribuer à refroidir encore l’atmosphère autour du skipper qui commence, malgré tout, à entrevoir la porte de sortie du grand sud.

mercredi 24 décembre 2008 :
Invités givrés au réveillon
Il ne les a pas vus mais il sait qu'ils sont là. A la vacation de ce matin, Thomas ne pouvait cacher son angoisse. En effet, son trimaran approche actuellement d'une zone où des icebergs ont été repérés par satellites.
Positionné très au Nord, un peu en dessous du 48e parallèle (justement pour contourner cette région à risques) le skipper de Sodeb’O témoigne néanmoins d’une température de l’eau de 3 à 4 degrés et de givre installé sur les hublots. Des signes que la glace n’est peut-être pas loin.
Ces derniers hivers, les informations n’étaient pas aussi précises et les navigateurs avançaient sans connaître réellement la probabilité de faire ce type de mauvaises rencontres dans le Pacifique Sud.
« Je suis moins concentré sur le réveillon que sur ces invités dont je me serais bien passé, » confie-t-il. Même s’il va parler avec ses proches, grâce à ce téléphone qui réduit quelques instants les distances, Thomas ne sera pas serein. Nouveau détour par le Nord, radar en marche et veille permanente sur le pont, ce Noël 2008 aura une saveur particulière pour celui qui vit « une réalité tout autre. Une plaque de banquise, grande comme la Corse, s’est décrochée de la banquise. En dérivant vers le Nord-Nord Est, elle s’est aussi brisée, formant des centaines d’icebergs, dont certains ont été repérés sur ma route. »
Malgré tout, le skipper compte se préparer un repas spécial à bord de Sodeb’O, composé de risotto et jambon cru, agrémenté des cadeaux cachés par sa famille et ses amis dans le bateau. « Noël est une fête de famille, très importante pour les enfants, un instant où l’on se retrouve, où l'on renoue avec les siens. C’est un moment d’amitié et d’amour à partager. Moi je suis seul et c’est comme ça. »
Le skipper commente également son retard actuel de 2 000 milles sur le record de Francis Joyon : « Nous avons le maximum de retard que ce que nous nous étions fixé. A moi, de tout faire pour ne pas l’accroître mais en ce moment, nous sommes obligés de parcourir beaucoup plus de route que Francis, en raison de cette trajectoire Nord. C’est terriblement frustrant mais il faut faire avec, c’est l’exercice même de ce record autour du monde, je dois faire au mieux avec ce qui m’est donné. De ce point de vue, je n’ai rien à regretter, j'ai au moins cette satisfaction de savoir que je m’investis à fond depuis le départ, que je ne lâche rien. »
D’ailleurs, Thomas mets tous les jours en pratique cette logique implacable disant que lorsque le physique va, le moral suit. « Je dors 3 heures par jour depuis 35 jours et je tiens. Je mange aussi correctement. Je suis content de la manière dont mon corps endurent les manœuvres, le froid, la fatigue et cela influence directement mon moral. »

mardi 23 décembre 2008 :
Ma plus belle bagarre
"Depuis mon passage de la Nouvelle-Zélande où, une nouvelle fois, la transition entre les deux océans, Indien et Pacifique, ne s'est pas faite facilement, je lutte pour rester devant un flux de Nord-Ouest.
Je livre une nouvelle bagarre pour exploiter cette météo si peu clémente depuis le début.
A cela vient s'ajouter une deuxième contrainte majeure : la présence de glaces très étendues sur toute une partie du Pacifique. Ces glaces dérivantes résultent du décrochement d'une partie de la banquise et de sa dérive vers le Nord. Une collision avec l'un de ces morceaux et c'est la destruction totale du bateau qui ne résisterait pas à la vitesse où je navigue. Dans cette région, l'eau à 3° et la survie est une question de minutes.
C'est pourquoi, même si cette décision nous impose de perdre de nouveau du temps, il n'était pas envisageable de prendre cette route optimale vers le Sud. Toutefois, je sais que dans deux jours je rentre dans une nouvelle zone d'icebergs que je ne peux éviter cette fois ci. Nous avons pour la première fois des données repérées par satellite qui nous aident à prévoir certaines d'entre elles. Malheureusement pas toutes et celles-ci dérivent, se déplacent au gré des courants et des vents dominants.
Mais hier soir, cette nuit et toute cette journée, j'ai livré l’une de mes plus belles batailles depuis le début de ce long voyage.
Le vent de Nord-Ouest a très vite fraîchi et j'ai réduit ma voilure, manoeuvrant au plus juste avec la force du vent. Le début est plaisant avant que la mer ne se forme, avec 623 milles dans la journée, après une superbe cession de glisse à 26 noeuds de moyenne, soit les compteurs souvent au-dessus de 30 noeuds.
Le vent ne cesse pour autant de monter et c'est surtout la mer qui devient grosse, à très grosse. La brise prévue de 30 nœuds est plus près des 35/40. La mer se forme et cela est très vite limite. Elle est légèrement de travers et je ne peux pas l'éviter. Elle vient heurter mon flotteur bâbord violemment et cela devient vite très difficile à négocier. Ne pas laisser la mer détruire et s'acharner sur ce flotteur nécessite d'appuyer le bateau sur son autre flotteur, sans être pour autant trop toilé. Voilà toute la difficulté de s'adapter à la moindre variation de vent, en force et en direction.
Changer de voile à l'avant, passer du foc de brise à la trinquette, implique d'aller devant pour le faire descendre et le monter. Le ranger proprement après chaque manoeuvre est épuisant. La plage avant du bateau est très exposée et les vagues rendent la tache encore plus difficile. Le froid saisit vite les doigts. Le pont se dérobe à chaque mouvement. Travailler sur le filet est harassant tant l'équilibre y est presque impossible. Ma lumière frontale éclaire mal de son faible halo, tout se fait à l'instinct. Revenir derrière, dans le cockpit, pour dérouler la trinquette demande, en quelques minutes, l'effort d'un véritable sprint. Sous le ciré, le corps transpire et donne tout, il ne reste plus de marge ou de réserve, tout est là. Le bateau reprend de la vitesse, les mouvements sont de nouveau très saccadés. La mer tape la coque et des gerbes d'eau énormes viennent s'écraser dans le cockpit. Je me glisse sous mon abri, regardant vers l'arrière. Je reprends mon souffle. Le sillage est visible sur quelques dizaines de mètres, avant de disparaître dans la nuit, et il me donne le relief de la prochaine vague. Celle-là est grosse, je m'accroche ; le bateau part d'un seul coup, les compteurs s'affolent et les étraves plongent dans la nuit jusqu'à taper le bas de la vague suivante. Dans ces accélérations, il est impossible d'être détaché et complètement serin. Si le pilote fait une erreur ou si le choc est trop brutal en bas de la vague, tout peut arriver.
Je joue à ce jeu depuis plusieurs heures. Le plus harassant est de prendre et de renvoyer un ris dans la grand voile : 45 minutes d'efforts non-stop pour y arriver, dans un sens, comme dans l'autre, au risque de casser toutes les lattes de la grand voile. J'ai effectué cette manœuvre trois fois dans nuit. J'ai en effet cru que le vent mollissait enfin et qu'il était temps de renvoyer de la toile pour garder cette fameuse vitesse et ce vent portant. Malgré cette mer forte, à très forte, j'étais focalisé sur le fait de rater cette opportunité, de rester devant cette dépression. Quelle erreur ! Ici, chaque erreur se paie et coûte très chère.
J'ai en effet renvoyé trop tôt ce deuxième ris. Le vent était retombé comme prévu et j'étais sûr de moi. J'avais à peine fini, je rangeais chaque cordage dans son logement, quand une rafale, plus forte que toutes les autres, est rentrée et a propulsé le bateau comme une fusée. Le pilote a mal réagi et, en poussant la barre, il est venu mettre le bateau travers à la prochaine vague. Du fait d'être surtoilé, Sodeb’O était déjà sur un seul flotteur et la vague nous a soulevés.
Je me suis précipité sur le winch de « traveller » (chariot de grand voile) pour relâcher la tension dans la voile. Pendant quelques instants, le temps s'arrête et vous voyez la scène future. Si je chavire, je n'ai pas d'autre issue que d'être à l'intérieur, alors je recule de quelques pas, pour amorcer ma retraite, le bateau retombe, il se tend et résiste. Tel un guerrier, il se redresse et part dans un surf incroyable, tout vibre et le vent hurle en même temps que les coques produisent un bruit assourdissant. Un bruit sourd se fait alors entendre et un sifflement suit immédiatement, une pièce du « traveller » que j'avais dans les mains il y a quelques instants, a fait fusible et vient de traverser le cockpit, décapitant les deux barres à roue. J'y étais, il y a quelques secondes et mes jambes n'auraient pas résisté. J'analyse tout de suite la situation. J'ordonne au pilote de changer de cap par quelques impulsions sur le clavier électronique à ma droite et me précipite sur la drisse de grand voile. Je défais ce que je viens de finir à l'instant et je recommence à l'inverse la manœuvre. Je vois, sous mes yeux, les dégâts causés et je réfléchis déjà comment y remédier. J'ai encore le palpitant à fond et je suis furieux contre moi-même mais je suis encore là et j'avance.
Le jour commence à pointer. Le blanc du pont ressort comme s’il était fluorescent. Le sillage ressort de plus en plus loin derrière et la mer quitte l'étreinte du ciel. Je découvre avec une certaine stupeur la taille et la force des vagues qui m'entourent. Quelle bagarre et quelle nuit dans ce Pacifique Sud !

La pièce qui a cassé est en plastique très dur et sert à guider le bout (cordage) du chariot de grand voile dans sa course circulaire autour du cockpit. En cassant, le bout, libéré de ce guide, est venu casser deux des trois rayons en carbone, à l’intérieur de chacune des deux barres à roues. Thomas a remplacé la pièce en plastique par une poulie ouvrante et d’autres cordages. Il a également remplacé les quatre rayons brisés par des morceaux de lattes de grand voile, elles aussi en carbone, scotchées avec du grey tape (scotch hyper résistant). Ces petites avaries déjà réparées n’ont aucune incidence sur la marche du bateau.

lundi 22 décembre 2008 :
Du ski de bosses les yeux bandés
Voilà la vie de Thomas en ce moment. Dans la nuit noire, au beau milieu de l'océan Pacifique où il n'y a pas un chat, le skipper de Sodeb'O descend tout schuss des talus hauts de 4 à 5 mètres.
Propulsé depuis dimanche par un vent de Nord-Ouest de 32 à 35 nœuds, le Maxi Trimaran amasse les milles. A minuit heure française, il a bouclé une très belle journée avec 623 milles parcourus, de quoi remonter le moral des troupes !
Mais forcément, dans ces conditions, les nerfs sont à vif. Thomas barre beaucoup afin d’harmoniser les mouvements de son trimaran avec celui des vagues. Sous 3 ris trinquette hier, il est passé sous ORC, il y a quelques heures, une plus petite voile d’avant qui lui permet de mieux maîtriser la bête lorsqu’elle s’emballe dans les rafales.
De jour comme de nuit, il faut cavaler avec régularité, même si tout est noir devant les étraves. Il faut aussi manœuvrer, accepter de s’aventurer sur la plage avant et de se prendre ces paquets de mer qu’on ne voit pas arriver et vous trempent jusqu’aux os.
Pour les terriens, agglutinés dans les magasins en quête des derniers achats de Noël, ce quotidien du marin solitaire paraît bien loin. Totalement irréel. Un autre monde. Et pourtant, il est bien celui de Thomas depuis son départ de Brest fin novembre.
Puis le jour se lève sur le Pacifique, alors qu’il se couche chez nous. La mer en couleurs paraît peut-être moins grosse, moins mauvaise que celle de la nuit. Par 47° sud, Thomas ne souffre pas du froid. La température de l’eau ne descend pas en dessous des 12/13 degrés. Un point positif de ce détour par le nord imposé pour éviter les icebergs, repérés quelques kilomètres plus au sud.
C’est autour du 114° Est que le skipper de Sodeb’O pourra plonger à nouveau vers les cinquantièmes. Le prochain point de passage est le Cap Horn. Il est par 55 degrés sud, alors il va falloir descendre, se rapprocher du froid, de l’Antarctique, pour un dernier hommage aux Albatros avant de retrouver un océan Atlantique plus familier.
Bien avant cela, Thomas doit cravacher pour garder cette dépression le plus longtemps possible, avant qu'elle ne laisse sa place à une autre, puis à une autre, et ainsi de suite, ainsi va la vie des skieurs du grand sud.

dimanche 21 décembre 2008 :
Une vie sur le fil
Avançant au milieu du Pacifique - autrement dit au milieu de nulle part- , Thomas Coville a retrouvé une allure supersonique grâce à un bon vent de nord ouest qui devrait rester établi à 25/30 noeuds pendant 3 jours.
Glissant dans la nuit noire à plus de 34 nœuds, sous deux ris trinquette, le skipper de Sodeb’O nous confiait ce matin : « A ces vitesses là, tu vis comme un animal, tu deviens comme une machine. Tu te blindes aux chocs et à la résonance ; tu n’as plus les mêmes références qu’à terre. Dans l’action, j’ai des chiffres en tête, des réactions, des sensations. Quand le bateau s’arrête, le psychologique reprend le dessus. Tu te mets à penser. C’est un comportement un peu spécial. A cause de la vitesse et de la prise de risques, je ne suis jamais allé aussi loin dans la relation entre le psychologique et le physique. Quand le bateau descend dans une vague, dans la nuit noire, tu as la sensation de tomber dans un gouffre. A bord c’est invivable, tu es secoué et balloté en permanence. Tu heurtes des trucs et tu ne sais pas ce que c’est, des paquets d’algues durs comme des troncs d’arbres, ou encore des phoques. Cette vie sur un multicoque et à ces vitesses là, c’est inimaginable pour un terrien et je ne me l’imaginais pas. Tu ne peux pas t’endormir. Tu t’écroules. Impossible de maîtriser l’endormissement quelque soit la méthode ».
Depuis l’an dernier, les repères de distance et de vitesse ont carrément changé. Francis Joyon a enregistré de telles moyennes que Thomas Coville n’a pas le choix. Si Sodeb’O semble aller plus vite intrinsèquement, la météo ne lui a pas fait de cadeau. " On n’a pas eu de transitions faciles. Depuis l’Equateur, il faut aller chercher les situations, les attraper, les contourner. Heureusement que le bateau est génial. Il endure. Il est vaillant, capable de s’adapter à des situations difficiles. J’ai bien cassé deux ou trois trucs qui montrent qu’on lui tire bien dessus. Ce bateau, c’est une satisfaction au quotidien."
Thomas devrait arriver au Cap Horn dans la journée du 27 décembre, avec plus ou moins 4 jours de retard sur Francis Joyon et c’est à peu près le temps que le skipper de IDEC avait perdu dans sa remontée de l’Atlantique. Tout est donc encore possible.

samedi 20 décembre 2008 :
Sur la route
Sodeb'O a traversé une nouvelle zone de transition pour attraper une dépression venue de Nouvelle-zélande.
Le flux de Nord-Ouest, établi autour de 15 nœuds, lui permet de reprendre de la vitesse et de gagner à nouveau dans l'Est. Faire de l’Est, c’est enfin progresser dans la bonne direction, ce que le Maxi Trimaran n’a pas pu faire depuis 48 heures.
En effet, après le passage, jeudi, de l’Ile d’Auckland, Thomas a été contraint de remonter au Nord, à la fois pour traverser le plus vite possible cette zone de transition météo dans laquelle le vent a faibli autour de 10 nœuds, ainsi que pour contourner ce fameux champ d’icebergs.
La dérive de certains de ces colosses de glace avoisine les 48/49ème degrés Sud, c’est à dire une latitude très Nord dans cette région pour un parcours de tour du monde. Néanmoins, comme l’écrit le routeur Richard Silvani dans son bulletin météo du jour : « une vaste zone d'icebergs dérivants, dont les plus gros font 35 milles de long (63 km), interdit tout passage au Sud du 49ème degré Sud, entre les longitudes 156 et 112 Ouest, » .
A noter que la présence de cet immense terrain "à ne pas mettre un marin dehors" a également poussé les organisateurs du Vendée Globe à remonter leur 8e porte des glaces qui est désormais positionnée au 48° Sud, entre le 170° Ouest et le 160° Ouest.
Maintenant qu'il a retrouvé une route « efficace », le retard de Thomas sur Francis Joyon qui dépassé les 2130 milles devrait se stabiliser, voir même se réduire. Le Maxi Trimaran devrait faire route directe pendant plusieurs jours, bien calé dans cette dépression où le vent doit forcir entre 25 et 30 nœuds.

vendredi 19 décembre 2008 :
Par la face Nord
Le Grand Sud ne se laisse pas dompter comme ça, juste parce qu'on ose s'y aventurer. Là bas, le train des dépressions donne la cadence et les icebergs, comme des vigies, indiquent aux marins les limites à ne pas dépasser.
Celles dictées à l'heure actuelle au Maxi Trimaran sont claires. Il navigue par 48 degrés Sud et les cinquantièmes devront attendre. Pour l’instant, Thomas glisse sur la bordure Nord d’une dépression où le vent d’Ouest souffle autour de 35 nœuds. Plus on se rapproche de son centre et plus la tempête s’intensifie. Sodeb’O doit garder le bon équilibre et éviter de se faire piéger dans des conditions qui ne seraient plus maniables et donc pénalisantes pour la vitesse.
Même le coup de vent passé, le skipper ne pourra pas plonger au Sud en toute liberté. Un immense champs d’icebergs lui barre la route. Thomas a décidé avec ses routeurs d’éviter de descendre, dans les prochains jours, au-delà du 49ème parallèle.
Bien évidemment, la logique comptable veut que la route la plus courte soit la plus Sud. Il y a un an, Francis Joyon avait traversé un terrain miné le soir de Noël, croisant quatre immenses morceaux de glace de plusieurs centaines de mètres.
IDEC naviguait alors par 56 degrés Sud mais comme le précise Thomas, « lorsque l’on sait, comme nous cette année, et que les satellites donnent des informations avec la position précise des icebergs, c’est même manquer de sens marin que de les ignorer et d’y aller en fermant les yeux. » Alors le choix s’impose de lui-même et même si le chrono en prend un coup, cela vaut mieux que de s’exposer ouvertement à de tels risques.

jeudi 18 décembre 2008 :
Un mois de mer
Déjà 30 jours que Thomas et son trimaran ont quitté Brest. Trente jours menés au rythme d'une transat. Trente jours sans souffler, sans silence et sans s'extraire de cette machine à laver dont le programme essorage n'en fini pas.
Depuis mercredi matin, le skipper de Sodeb’O a dépassé la moitié de la distance à parcourir ; il avance donc désormais sur le chemin du retour.
En un mois, Thomas a traversé deux océans, l’Atlantique et l’Indien. Il a changé trois fois de saison en passant de l’automne en Bretagne, à l’été vers l’équateur pour entrer finalement dans l’hiver glacial du Grand Sud.
Trente jours de bleu, celui de la mer et du ciel, et de blanc, des nuages et de quelques compagnons à plumes. Son paysage bicolore a été émaillé seulement deux fois de couleurs terrestes : au passage du Cap Vert fin novembre, et il y a quelques heures, en longeant l’Ile d’Auckland, cette petite terre située au Sud de la Nouvelle-zélande.
En un mois, le trimaran a engrangé 22 700 kilomètres et seule une latte de grand voile s’est brisée depuis le départ. Une excellente nouvelle pour celui qui ne se dépassionne pas pour ce que vivent les marins du Vendée Globe et leurs bateaux.
Et enfin, depuis trente jours, Thomas donne le meilleur de lui-même pour garder le pied au plancher dans une météo qui n’est pas tous les jours très conciliante. Il a aujourd'hui 1700 milles de retard sur Francis Joyon.
Menu du jour encore plus pimenté que celui d'hier
La Maxi Trimaran se fait ballotter dans 5 à 6 mètres de creux en bordure d'une dépression où le vent souffle en ce moment de 35 à 40 nœuds. « Depuis le départ, c’est la première fois que Thomas traverse une zone où nous avons autant de vent affiché sur les fichiers. Plus au Sud, la dépression est encore plus creuse et la mer dépasse les 8 mètres, » explique le routeur, Richard Silvani. « Sodeb'O est passé au Sud de l’Ile d’Auckland où la profondeur passe de 3000 mètres à 500, ce qui lève d'autant plus la mer, même si ce phénomène est encore plus marqué au Nord de l’île où la profondeur remonte jusqu'à 100 mètres. »
« Nous prenons aussi en compte la densité impressionnante d’icebergs recensée au Sud de la position actuelle du trimaran. L’ensemble de ces icebergs ont la même origine qui remonte au décrochage, il y a un an, d’une plaque de banquise dans la Mer de Ross en Antarctique. Cette masse de glace de plusieurs kilomètres de long se disloque depuis et des morceaux de très grande taille dérivent, »
poursuit le prévisionniste de Météo France qui dispose des précieuses données du CLS (Collecte Localisation Satellite), observatoire des océans et notamment de la dérivation des glaces par satellites. " Par mesure de sécurité,, nous avons l'objectif de ne pas faire desendre Sodeb'O, dans les prochains jours, au-delà du 49e degré Sud."

mercredi 17 décembre 2008 :
Viril !
Le Maxi Trimaran poursuit sa ruée vers l'Est avec un vent particulièrement instable et une mer courte de 4 à 5 mètres.
Du sprint ou du marathon, ce que réalise actuellement Thomas Coville à bord de son trimaran tient finalement autant des deux. Aller vite, très vite, pendant près de deux mois, en solitaire, en multicoque et sans escale, un exercice que seuls Ellen MacArthur et Francis Joyon ont réussi dans toute l’histoire de la navigation à voile.
Rivé à la barre une bonne partie de la journée (la nuit dernière pour nous), Thomas tire le maximum de son bateau dans des conditions peu maniables.
« Cette nuit, le vent est passé de 20 à 44 nœuds en l’espace d’un quart d’heure, » explique Thierry Briend, Boat Cap’tain de Sodeb’O. « Ce sont des conditions viriles et musclées qui vont encore accompagner Thomas pendant plusieurs jours. »
En effet, la dépression qu’il suit actuellement va s’essouffler demain, avant de reprendre de la vigueur vendredi. « Le trimaran approche de la longitude d’une importante concentration de glaces, située dans le Sud-Sud Est de la Nouvelle-zélande. Notre objectif est de passer au-dessus de la zone à risques, tout en gardant cette dépression le plus longtemps possible. »
Sodeb’O a franchi la longitude de la pointe Est de l’Ile de la Tasmanie hier, mardi 16 décembre, à 15h56 (heure française) après 28 jours de mer. Thomas a mis 11 jours, 11 heures et 31 minutes pour traverser l’Océan Indien depuis le Cap de Bonne Espérance. Il ne bat pas la performance de Francis Joyon réalisée le 18 décembre 2007. A la barre du trimaran IDEC, le futur détenteur du chrono autour du monde avait mis 9 jours, 12 heures et 6 minutes pour parcourir l’Océan Indien, améliorant ainsi de plus de 3 jours le temps d’Ellen MacArthur.
Le skipper de Sodeb’O a donc passé 1 journée, 23 heures et 25 minutes de plus dans cet océan et attaque le Pacifique avec un peu plus de 3 jours de retard sur son prédécesseur.

mardi 16 décembre 2008 :
Thomas entre dans le Pacifique
Seul sur son multicoque, le skipper de Sodeb'O court contre la montre et sort du tunnel indien.
Le Maxi Trimaran Sodeb’O quitte aujourd’hui un Océan Indien mal pavé où la nature brise les marins et leurs bateaux. Les dépêches du Vendée Globe dressent un dur portrait de cette région avec le démâtage ce matin de Mike Golding qui fait suite aux abandons de Loïck Peyron, Dominique Wavre, Bernard Stamm, Jean-Baptiste Dejeanty ou encore à l’avarie de safran du bateau de Jean-Pierre Dick.
Le skipper de Sodeb’O arrive à mi-parcours (distante à 15h de 350 milles). Il entre dans l’océan Pacifique avec une route assez Nord, autour du 47e parallèle. Le Trinitain s’est positionné à l’avant d’une dépression qui lui promet des vents supérieurs à 30 nœuds et surveille une zone de glaces, située sous la Nouvelle-Zélande. Encouragé par Olivier de Kersauson, soutenu par son partenaire et son équipe, le nouveau détenteur du record de la distance parcourue en 24 heures* sait que ce record autour du monde est jouable mais qu’il ne lui sera jamais apporté sur un plateau.
Extraits de la vacation radio enregistrée à la mi-journée :

Ta réaction suite à l’annonce du démâtage de Mike Golding dans le Vendée Globe ?
« Nous vivons tous avec l’angoisse de la casse. Je sens que mon bateau souffre, je suis forcément tendu en me demandant ce qui va finir par lâcher. La voile est un sport mécanique avant tout. Savoir quand tu es juste à la limite et quand tu la dépasses est très délicat."

Ton analyse de la remontée saisissante de Michel Desjoyeaux ? :
« Un Michel Desjoyeaux agacé et vexé en vaut deux ! Pour avoir été déjà bord à bord avec lui, c’est difficile de le garder derrière. Il a été malin et a bénéficié de conditions météo très favorables. Il arrive à être au-dessus de la moyenne et sur la durée. Il sait être une machine et avancer sans se poser de question. Pour moi, c’est souvent une référence de ce point de vue. »

Pourquoi conserves-tu une trajectoire aussi Nord ?
« L’année dernière, une énorme plaque de banquise de plusieurs kilomètres de long s’est décrochée de l’Antarctique vers le Pacifique et elle s’est morcelée depuis. Nous ne sommes pas des gladiateurs, on ne fait pas les jeux du cirque et lorsque nous avons des informations sur une zone à risques nous cherchons à l’éviter, c’est l’une des raisons pour lesquelles je fais une route plus Nord que celle de Francis actuellement. »

Tu es bientôt à mi-parcours, comment abordes-tu cette seconde partie de tour du monde ?
« Comme elle vient, avec ce retard. On savait que la trajectoire de Francis jusqu’ici a été exceptionnelle et la seconde moitié est celle où il faut que je revienne. Le Pacifique sans doute assez peu mais c’est sur la remontée de l’Atlantique où j’ai une chance de reprendre mon retard. Nous estimons qu’il y a entre 3 et 4 jours à gagner sur cette partie. Il faudra que le bateau soit en parfait état et que je sois suffisamment en forme pour un tirer le maximum. »

Dans quel état psychologique es-tu ?
« On a eu tendance à dire parfois qu’il suffisait de tenter les records pour les réussir et la performance à battre aujourd’hui donne aussi toute la valeur sportive de ce record. Ellen et Francis avaient beaucoup d’avance à ce stade. Ils n’ont pas eu comme moi à se battre avec du retard ce qui me fait aujourd’hui beaucoup travailler sur moi-même pour continuer à avoir autant la niaque. Avoir la force de caractère de revenir est le signe des grands champions et je me dis que cela vaut le coup de s’accrocher, de serrer les dents. »

Comment va ton bateau avant d’entrer dans le Pacifique ?
« Sodeb’O est ma satisfaction première. Je me sens très bien à bord. Plus ça va et plus on fait corps. Nous sommes devenus deux potes qui ont envie de finir ce tour ensemble ! On est tous les deux en bon état malgré cette mer chaotique. J’éprouve un vrai plaisir à avoir fait naître ce bateau avec toute l’équipe.»

* 628,5 milles parcourus par le Maxi Trimaran Sodeb’O à la vitesse moyenne de 26,19 nœuds le 7 décembre dernier dans l’Océan Indien (en attente d’homologation par le WSSRC).

lundi 15 décembre 2008 :
Ça pulse aux antipodes
La dépression qui propulse actuellement Sodeb'O à plus de 22 noeuds dans l'Est s'annonce corsée.
Déjà les rafales dépassent les 30 nœuds mais le vent va encore prendre de la vigueur demain, puis dans le courant de la semaine pour flirter avec les 35/40 nœuds. Thomas s’est donc reposé en conséquence même si les conditions de navigation ne sont pas des plus commodes.
« Cette dépression nous amène un vent « rafaleux », glacial et sournois qui lève le bateau sans prévenir, » explique-t-il mais il faut l'exploiter à 100% et avancer. La porte de sortie de l’Océan Indien approche. Demain, Thomas franchira la longitude de la Tasmanie. Ce triangle de terre, à la pointe orientale de l’Australie ouvre vers l’avenir ; vers l’Océan Pacifique et ce nouveau désert liquide où tout est possible.
Dans l’Indien, le skipper de Sodeb’O a gagné un nouveau record, celui de la distance absolue parcourue en 24 heures (628,5 milles), mais a aussi perdu deux jours, « scotché » lors de deux transitions météo où le vent s’est évanoui. Dans le Pacifique, il va donc falloir composer au mieux avec Dame Nature et cravacher encore et encore pour refaire ce retard sur Francis Joyon.
Le passage de l’Indien dans le Pacifique se fera, lui, sans transition avec cette dépression qui accompagnera le Maxi Trimaran jusqu’en Nouvelle-zélande. Sodeb’O suit actuellement une route plus Nord que celle de son prédécesseur : « nous sommes actuellement plus conservateurs que ne l’a été Francis dans cette région (IDEC était par 52° S et Sodeb’O est par 49,4°S), à la fois pour des questions de météo où le vent est actuellement plus favorable au Nord et aussi puisqu’il y a une zone de glaces observée au Sud de la Nouvelle-zélande. »
Au bout du monde
C’est simple, d'Europe, il n’existe pas de destinations plus lointaines que l’Australie et la Nouvelle-zélande. Là bas, il fait nuit quand il fait jour ici, et chacun se prépare à passer Noël en plein été.
Sauf que bien évidemment, à la latitude à laquelle se déplace le Spoutnik Sodeb’O, il fait aussi froid qu'en Europe. Comme l'eau, l’air ne dépasse pas les 4 degrés et pourtant cela ne gène pas Thomas : « le corps s’habitue au froid, vraiment. Cela ne me fait pas souffrir, même avec cette humidité permanente. » Hummm, gla, gla ….
L’Australie est le pays que le skipper a choisi avec son équipe pour donner naissance à ce trimaran de records, le plus grand jamais construit pour ce type de défis. En 2007, à une centaine de kilomètres au Nord de Sydney, les ouvriers du chantier Boat Speed ont collaboré avec les architectes, Nigel Irens et Benoît Cabaret, ainsi qu'avec le Team Sodeb’O pour fabriquer ce trimaran à propos duquel son skipper ne tarit pas d’éloges.

dimanche 14 décembre 2008 :
Foutu Indien !
« La pluie glaciale tombe depuis des heures, ni mes cris, ni mes larmes n'y changent rien. Soudain, elle s'arrête. Le bateau s'immobilise. Les compteurs restés rouges s'affolent, le vent rentre du Sud. C'est lui qu'on attend !
Ce vent qui vient directement de la banquise et qui pince les doigts mouillés. Je cours vers l'avant, passe cette voile immense du bon coté des étais, retourne derrière à la manœuvre et borde comme si tout en dépendait. Soudain, le bateau revit. Tu le sens se dresser et renaître. Tu reconnais ce comportement, le vent apparent créé par la vitesse te gifle la joue. C'est reparti ! Il faut y croire de nouveau. Le vent est bien rentré et je me suis offert un vol de plusieurs minutes, coque centrale complètement sortie appuyée en bout de dérive. Haut, très haut comme si j'avais été en baie de Quiberon mais je suis par 49° Sud et 96° Est. Un seul instant magique pour effacer l’ardoise et réécrire mon sillage ».
Thomas Coville ne cache pas sa hâte de sortir de ce foutu Indien qui lui a toujours fait des misères. Et il n’est pas le seul à le maudire. Dans les parages des Iles Kerguelen, un monde de « creux et de bosses », quelques skippers du Vendée Globe viennent de payer comptant la brutalité des vagues. Pour Olivier de Kersauson, « l’Indien a toujours mis au supplice les marins », « La mer est froide et dure », « Une auberge à punaises », « Une vraie souillon », « l’indien est un océan coléreux qui demande aux marins des prix d’audace et de vertu ». Et ce n’est pas le skipper de Sodeb’O, ex équipier de Kersauson sur un Jules Verne victorieux, qui va dire le contraire.
Encore quelques milles jusqu’à la Tasmanie et Thomas quittera sans regret l’Indien, un Indien qui l’a meurtri. Il a perdu du temps et le temps dans un record, il n’y a que cela qui compte. C’est après lui et lui seul que court le marin. Le Maxi Trimaran a franchi cette nuit, à minuit, la longitude du Cap Leeuwin, après 25 jours et 9 heures de mer et avec un retard de 2 jours et 18 heures sur le temps de Francis Joyon. Pas dramatique mais tellement vexant d’autant plus que le skipper de Sodeb’O avait travaillé dur et rattrapé une partie de son retard en milieu de semaine. Même s’il se sait rapide, voir très rapide, même s’il a une confiance absolue dans son trimaran de 32 mètres, il se sait impuissant face au temps à propos duquel il ressent « une fois de plus cette rage de compétiteur avec la vanité qu’elle comporte de savoir que le temps s'échappe et que l'on ne maitrise pas tout. Cette prétention toute masculine de croire que l'on peut tout prévoir, anticiper et comprendre, tout mettre dans des cases et des boîtes ». Dès l’entrée dans l’Indien, un anticyclone malveillant l’avait rappelé à l’ordre lui barrant la route. Puis ce fut un long run magnifique, quelques belles journées de glisse stoppées net juste avant le cap Leeuwin par une phase de transition assassine entre deux dépressions « ces zones où rien ne se décide et où tout se subit, des zones de cauchemar qui mettent les nerfs des marins à vifs ». Thomas aura perdu un jour et demi entre Bonne Espérance et la pointe sud de l’Australie. Il se trouve ce soir à moins de 800 milles de la Tasmanie qui signe la fin de l’Indien et l’entrée dans le Pacifique qu’il devrait attendre d’ici deux jours.

samedi 13 décembre 2008 :
Leeuwin dans la nuit
Sodeb'O est actuellement à 140 milles de la longitude du Cap Leeuwin, situé à la pointe occidentale de l'Australie.
Le Maxi Trimaran progresse entre 15 et 16 nœuds et devrait franchir ce second Cap dans 8 à 9 heures.
Le vent soufflant actuellement au Sud-Sud Est à la force de 13/15 nœuds va adonner dans les heures à venir, c’est à dire basculer progressivement au Sud-Ouest, en se renforçant jusqu’à une vingtaine de nœuds.
Rappelons que l’année dernière, Francis Joyon avait mis 22 jours, 15 heures, 28 minutes pour rallier Brest au Cap Leeuwin et 7 jours, 8 heures, 12 minutes depuis Bonne Espérance. Thomas aura autour de trois jours de retard sur le détenteur du record.

vendredi 12 décembre 2008 :
Un iceberg de 400 mètres de long !
Un glaçon grand comme quatre terrains de football dérive à 300 kilomètres dans le Sud-Est du Maxi Trimaran Sodeb'O.
Glace droit devant
L’iceberg a été photographié par satellite il y a 36 heures. Positionné alors à 51.41 Sud et 105.30 Est, sa dérive est estimée à 2 nœuds sur une trajectoire Est-Nord Est. « Nous pouvons supposer qu’un iceberg de cette taille est accompagné de plus petits. Des morceaux de glace qui ne sont pas aussi facilement repérables par satellite mais qui sont tout aussi dangereux, » explique Richard Silvani, prévisionniste chez Météo France et membre de la cellule de routage de Sodeb’O. « Nous disposons de relativement peu d’informations sur la présence et la dérive des icebergs en général, mais lorsque nous en avons comme ici, il faut agir en conséquence. C’est en partie pour cela que Thomas est remonté au Nord ces dernières heures, ».
Aller aussi chercher le vent au Nord
Par ailleurs, "le Maxi Trimaran traverse une zone de transition avant l’arrivée samedi d’une nouvelle dépression dans son Nord", explique Thierry Briend, boat cap'tain de Sodeb'O. "En restant au-dessus des 50èmes, Thomas compte attraper en arrière de cette dépression, un vent d’Ouest de 20 à 25 nœuds qui basculera ensuite au Sud-Ouest."
En attendant, le vent dans cette zone de transition a faibli autour des 10 nœuds depuis le milieu de la nuit. La vitesse de Sodeb’O est descendue provisoirement en dessous des 20 nœuds de moyenne mais c’est le prix à payer, d’une part, par mesure de sécurité, afin d’éviter la zone des glaces et d’autre part, pour bénéficier prochainement d’un vent soutenu pendant plusieurs jours.
Zones à risques
Il y a 24 heures, alors qu'il approchait des Kerguelen, Michel Desjoyeaux a croisé un bloc de glace d’environ 30 à 40 mètres de haut qui dérivait à moins d’un mille de son bateau. Même si Thomas est bien plus à l’Est désormais que les concurrents du Vendée Globe, il partage cette même angoisse de la rencontre avec des icebergs. Sachant que souvent les théories volent en éclat. Comme ici par exemple, où statistiquement le risque de glaces est plus élevé au niveau de la Nouvelle Zélande que dans la zone traversée actuellement par Sodeb'O.
Gelé
Comme l’eau, la température extérieure ne dépasse pas les 4 degrés. Le froid se renforce avec ce flux de Sud-Ouest, en provenance de l’Antarctique. Une sensation qui s'amplifie également lorsque le vent fouette le visage de Thomas. « Un froid qui pince et l'eau givre sur le pare-brise » comme l'explique le skipper qui a enfin eu " 20 minutes de soleil, les seules depuis 15 jours en fait".
Et de deux !
Sodeb’O franchira demain le Cap Leeuwin. Situé à la pointe Sud-Ouest de l’Australie, il est le second des trois grands caps jalonnant ce tour du monde, après Bonne Espérance et avant le Cap Horn. Il sonne aussi la sortie proche de l’Océan Indien, avec le passage, quelques jours plus tard, de l’Ile de Tasmanie, ouvrant la porte du Pacifique.

jeudi 11 décembre 2008 :
En pensant à Loïck
Thomas se confie, comme il sait si bien le faire. Le skipper de Sodeb'O traduit en quelques mots les sentiments qui l'animent durant la traversée de cet Océan Indien qu'il redoute tant.
Il partage aussi la dureté de l’épreuve vécue par Loïck Peyron dont le Gitana Eighty a démâté hier, après 31 jours de course dans le Vendée Globe.
« 50° 46 Sud 88° 12 Est,
J'avance encore mais je suis tellement noué depuis plusieurs heures que je ne peux plus ni dormir, ni manger et je retiens mon souffle toutes les dix secondes. J'ai deux poids énormes qui me pressent les tempes et me serrent le ventre :
Je traverse une zone de transition qui, sur la carte, parait si simple et si courte à la vue de tout le parcours et pourtant je ne vis plus depuis que je heurte à chaque vague ce train de houle qui vient face à moi. Le bateau va vite, l'angle au vent est parfait, le ralentir est devenu difficile tant un rien l'emporte dans cette configuration. Alors, il se soulève et retombe de tout son élan et de tout son poids. Le bruit est indescriptible et la résonance se propage jusque dans mes membres. Je serre les dents, à chaque fois plus fort, et je me tends comme un arc. Jusqu'à la prochaine et comme cela, pendant des heures et depuis des heures. C'est lancinant et usant mais il faut avancer alors on avance comme dit la chanson.
Trop sensible me direz vous ! Certains le pensent, c'est peut-être vrai mais cet épisode serait banal sans l'émotion qui s'y est greffée hier en apprenant le démâtage de Gitana 80 au large des Iles Crozet.
Cette nouvelle résonne depuis dans ma tête. Tout d'abord, parce qu'elle me rappelle ce que je vis en ce moment et je ne peux m'empêcher de me poser la question : suis-je le prochain sur la liste ? Vous regardez la carte et vous imaginez alors la scène. Autour de vous, ce désert hostile. Vous êtes tombé où il ne fallait pas et revenir va être long, difficile et peut être périlleux. C'est cette réalité que l'on vit tous ici au quotidien et cela n’arrive pas qu'aux autres !

Passé ce moment égoïste, je me retourne comme si je pouvais le voir sortir de la brume éternelle dans cette région et je pense à lui. A loïck qui contemple l'ampleur des dégâts avec cette lucidité qui est la sienne. Très vite il sait, il va faire l'inventaire de ce qu'il reste et faire en sorte de s'en sortir. Si vous êtes à son arrivée, vous verrez, même son gréement de fortune sera une oeuvre d'ingéniosité.
Mais là, viennent de s'effondrer des années et des années d'efforts, d'expérience, de savoir. Personne d'autre que lui (hormis toute son équipe) ne peut imaginer, la somme d’idées cumulées et les détails qui étaient embarqués à bord. Une mine d'or de réflexion et de génie naviguait encore il y a quelques heures. Gitana 80 (comme Fujifilm) était sans aucun doute, l’un des bateaux, les plus aboutis de cette flotte du Vendée Globe. Des heures et des années de compétences cumulées pour être aux avant-postes de cette course ultime.
C'est cette boule au ventre que j'ai au fond de moi et qui crie cette colère face à cette injustice. Voici finalement à quoi tiennent nos rêves de tour du monde. Ephémère et si irrationnel alors que toute une vie parfois y est dévouée. S’il est un prix à payer pour être libre et chérir la mer, il est parfois trop lourd pour un seul homme.
J'avance et je continue.
J'ai cette boule au fond de moi qui, à chaque vague, se soulève en pensant à Loïck

mercredi 10 décembre 2008 :
Plongée plein Sud
Après le passage des Iles Kerguelen, la trajectoire du Maxi Trimaran Sodeb'O s'est infléchie vers le Sud.
Si l’on résonne froidement : à ces latitudes, la route la plus Sud est forcément la plus courte. Il ne faut pas oublier que Sodeb’O tourne autour de l’Antarctique, un peu comme si vous étiez en voiture à Paris, Place de l’Etoile.
Vous avez la possibilité de traverser le trafic pour venir tourner au plus près de l’Arc de Triomphe et raccourci ainsi votre chemin ou bien de rester en périphérie pour faire le grand tour.
En mer, le choix dépend des risques que vous être prêt à prendre. En effet, plus un bateau se rapproche du Pôle Sud, plus il fait froid, plus il est isolé et plus il augmente les probabilités de croiser la route d'un iceberg.
C’est afin d’éviter ce type de mauvaises rencontres que les organisateurs du Vendée Globe ont d’ailleurs positionné des « portes des glaces », sortent de lignes horizontales, tracées virtuellement entre deux points que chaque concurrent doit couper au moins une fois, l’obligeant ainsi à rester dans des latitudes relativement « Nord ».
Après les Kerguelen, Francis Joyon avait plongé au-delà du 52ème degré Sud. Avec son équipe de routage, Thomas définit lui-même les limites qu'il veut se fixer. Selon les observations satellites et la température de l’eau, le skipper de Sodeb’O peut avoir une idée de la présence éventuelle d’icebergs, même si en matière de dérive des glaces, il n'y a jamais de certitude.
Toujours rapide, le Maxi Trimaran bénéficie actuellement d'une météo très coopérative avec un vent soutenu mais stable, et une mer qui s’est aplanie.
En descendant dans le Sud, il accompagne d’une part la rotation du vent vers le Nord et se positionne également pour monter dans le train de la prochaine dépression, attendue dans deux jours, au niveau du Cap Leeuwin.

mardi 9 décembre 2008 :
Les Kerguelen aujourd'hui
Thomas tient bon en avant d'une dépression qui le propulse dans l'Est depuis trois jours.
Un vent de Nord, soufflant entre 25 et 28 nœuds, avec des rafales à plus de 30, donne le tempo à bord de Sodeb’O qui a avalé 526 milles ces dernières 24 heures (environ 950 km).
Le Maxi Trimaran coupera la longitude de l’archipel des Kerguelen dans l’après-midi. Il devrait infléchir ensuite sa route vers le Sud, suivant la trajectoire de cette même dépression
Une mer de travers, avec 4 à 5 mètres de creux, continue de secouer le bateau et les nerfs du skipper. Thomas temporise en permanence les mouvements du trimaran qui se lève au passage de chaque vague. Campé plus que jamais sur le pont, il est dévoué corps et âme à la marche de son bateau.

lundi 8 décembre 2008 :
628,5 milles en 24 heures !
Telle est la performance réalisée dimanche soir à 21h45 (heure française) par Thomas Coville à bord de Sodeb'O.
Après avoir battu une première fois son propre record hier à 19h15 avec 620,80 milles parcourus en solitaire et en multicoque - contre 619 le 6 janvier 2008 - le skipper a pu continuer d’allonger la foulée dans un vent forcissant.
Il a donc amélioré son nouveau record jusqu’à atteindre à 21h45, heure française, les 628,5 milles parcourus, à la vitesse moyenne de 26,19 nœuds !
Ce record est en attente d’homologation officielle par l’organisme régissant les records à la voile dans le monde : le WSSRC.
Le Maxi Trimaran progresse toujours plein Est, propulsé par une dépression qui l’accompagne vers les Kerguelen.
La cadence a depuis légèrement ralenti même si le speedo de Sodeb’O affichait 23,5 nœuds en vitesse instantanée à 8 heures ce matin !
Thomas avance sans filet dans le sud de l'Océan Indien, l'une des zones les plus hostiles du globe, avec cette sensation d'être seulement « toléré » par les éléments comme il aime le rappeler.
" Ce sont des vitesses complètement démentes ! Pour tenir une moyenne de 26,19 noeuds, il faut être régulièrement à plus de 30 noeuds, c'est à dire être extrêmement rapide tout le temps ! Sodeb'O va vite. Il aime ces conditions et moi aussi ! Je suis très content de ce record pour toutes les personnes qui m'accompagnent dans cet effort, " commente le skipper, faisant référence à cette journée de dingue, hier, où il a établi un nouveau record avec 628,5 milles parcourus en 24 heures !
Tordre le cou à ses démons
Il y a un an, au 20e jour de course comme celui qu’il entame aujourd’hui, Thomas avait été contraint d’abandonner. Quelques minutes après avoir repris le record des 24 heures à IDEC, le Maxi Trimaran Sodeb’O avait perdu un morceau d’étrave, obligeant son skipper à se dérouter vers Cape Town. Un growler, morceau de glace dérivant, avait donc eu raison du défi entrepris.
« J'étais un peu angoissé quand Christian (Dumard, routeur de Sodeb'O) m'a dit que nous pouvions accrocher le record des 24 heures parce que l'année dernière, je l'ai battu pas très loin d'ici et quelques minutes après, le voyage s'était arrêté là. » Thomas vit forcément avec ce fantôme à l’esprit, mais les observations satellites ne montrent aucune trace de glace dans la zone, même si cela n'est jamais fiable à 100%. Sodeb’O doit aussi garder une trajectoire relativement Nord, au-dessus du 45ème parallèle, pour bénéficier au mieux d’une dépression qui l’accompagne aux Iles Kerguelen.
Se faire mal
"Je pense que je fais de l'addiction à la vitesse, elle est devenue mon quotidien." Difficile pour nous, bien au chaud devant l’ordinateur, d’imaginer l’énergie que peuvent demander ces jours et ces nuits de sprint pour un homme seul en multicoque. Le skipper de Sodeb'O se trouve « lent » lorsqu’il descend en dessous de 25 nœuds (proche de 50km/h) une cadence inimaginable pour un voilier, il y a quelques décennies.
Et forcément, ces performances ont un prix. Pour le physique d’abord et Thomas avoue ne s’être allongé que trois fois dans sa bannette depuis son départ, préférant dormir dans le cockpit pour être prêt à réagir en cas de besoin.
Et bien évidemment pour le mental, poussé dans ses retranchements, au-delà de l’imaginable : « On ne peut pas se préparer à ce que l'on va rencontrer dans un tel voyage. C'est de toutes façons plus difficile que ce que l'on a envisagé. Ellen (MacArthur, marraine du Maxi Trimaran Sodeb'O, qui a réalisé ce même tour du monde en 2005) m'avait prévenu que malgré la meilleure préparation possible, on ne serait jamais prêt à vivre, avec ce record autour du monde, un exercice aussi éprouvant physiquement que moralement. »

dimanche 7 décembre 2008 :
Sodeb'O : Trimaran à Grande Vitesse !
Attention, chaud devant. Après avoir ralenti dans une bulle anticyclonique à l'entrée de l'Océan Indien, le Maxi Trimaran Sodeb'O renoue franchement avec la vitesse. Actuellement en route directe vers les Kerguelen, Thomas s'est fait flasher, ce matin, à 35 noeuds par ses routeurs.
Pied au plancher
Sodeb’O surfe actuellement en bordure d’une dépression qui génère un vent de Nord-Nord Ouest de 24/25 nœuds. Avec une houle correcte qui ondule dans le sens du vent, le « TGV » des mers est sur des rails. Cependant, le skipper ne quitte pas le pont comme l’explique Christian Dumard, routeur de Sodeb’O : « A ces allures, légèrement travers au vent, si le bateau est surtoilé, il lève tout de suite et cela devient dangereux. Thomas manœuvre donc en permanence que ce soit la grand voile ou ses voiles d’avant pour garder la meilleure vitesse et un bateau le plus stable possible. »
Le principe est exactement le même que sur un petit catamaran de plage qui décolle avec la moindre risée sauf qu’ici, l’engin mesure 35 mètres, qu'il pèse 12 tonnes et qu'il n’y a pas âme qui vive à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Une situation aussi stressante que grisante pour un dingue de vitesse comme Thomas. « C’est une nouvelle fois très physique. Il dort peu, mange peu, il est au taquet comme on dit. Et ça marche, puisque ce matin Sodeb’O a fait une pointe à 35 nœuds ! »
Perdre, gagner
Il y a 24 heures, l’ambiance à bord avait moins de charme, avec cette bulle anticyclonique dans laquelle Sodeb’O a ralenti pendant près d’une journée, concédant du temps et des milles à IDEC. « Aujourd’hui, Thomas a inversé la tendance. Il a stabilisé son retard et commence même à reprendre des milles à Francis, » poursuit Christian. « Evidemment, nous aurions préféré être dans une autre situation mais la météo en a décidé ainsi. Jusqu’au Cap Horn, nous savons qu’IDEC a été très rapide mais la remontée de l’Atlantique fut plus compliquée pour lui et pendant plusieurs jours. Tout est ouvert et ce n’est pas le moment de douter. »
La région des records
Le skipper du maxi trimaran doit garder le même tempo que la dépression grâce à laquelle il accélère en ce moment. « Sodeb’O fait route directe pour passer au Nord des Iles Kerguelen dans environ deux jours. Il y a ensuite une transition délicate avec une seconde dépression venant du Nord qui rejoint la première, » explique enfin Christian avant de conclure : « Thomas entame son 19e jour de mer et IDEC avait battu le record des 24 heures dans ce même 19e jour. Nous étions le 12 décembre et Francis avait parcouru 613,5 milles, à la vitesse moyenne de 25,56 nœuds. Thomas lui avait ensuite repris le 6 janvier, alors qu’il était dans sa 20e journée, en parcourant 619 milles à 25,80 nœuds. Nous surveillons donc bien évidemment tout cela de très près puisqu’un nouveau record n’est pas exclu. »

samedi 6 décembre 2008 :
ça repart !
Thomas s'extirpe des griffes d'une zone anticyclonique dans laquelle son trimaran a buté vendredi soir. Le skipper est allé chercher la porte de sortie en plongeant vers le Sud. Il navigue ce soir à plus de 24 noeuds.
Redouté pour son caractère vigoureux qui sonne traditionnellement en grande pompe l’entrée dans le grand sud, l’Océan Indien a bien failli à sa réputation. Le skipper de Sodeb’O a été accueilli par une bulle anticyclonique, plus étendue et qui s’est déplacé plus rapidement que ce que montraient les images satellites.
Les marins du Vendée Globe ont également traversé cette zone « mais finalement cette bulle anticyclonique n’a pas longtemps pénalisé la flotte, en revanche, elle s’est ensuite regonflée en arrivant à la longitude de Sodeb’O, » explique Richard Silvani de Météo France.
Après les affres de l’anticyclone de Sainte-Hélène dans l’Atlantique Sud, Dame Nature a donc décidé de mettre notre « tourdumondiste » une nouvelle fois à l’épreuve. Et pourtant, il met tout ce qu’il a dans cette course poursuite contre le temps. Là encore, son prédécesseur, Francis Joyon, était passé « comme une fleur » dans cette région il y a un an, avalant les milles sur une trajectoire d’une efficacité redoutable.
La météo est l’aléatoire avec lequel il faut composer et Thomas s’accroche. Si la technique joue un rôle évident dans ce type de défis, le mental est la sève de l’endurance.
Avec 1200 milles de retard sur IDEC, l’heure n’est de toute façon pas à l’apitoiement à bord de Sodeb’O. Une nouvelle dépression s’avance pour cette nuit et Thomas a du pain sur la planche. Il doit se caler au meilleur endroit pour que ce vent l’accompagne le plus longtemps possible. La route est encore bien longue devant les étraves du maxi trimaran et la tache relevée.

vendredi 5 décembre 2008 :
Entrée dans l'INDIEN
Parti le mardi 18 novembre de Brest, Thomas a laissé cette nuit derrière lui l'Atlantique.
Le maxi-Sodeb’O a en effet franchi à 3h20 (HF) le Cap de Bonne-Espérance, pointe sud de l’Afrique, après 16 jours 12 heures et 23 minutes de mer et avec un peu plus d’une journée de retard sur Francis Joyon.
Comme le souligne ce matin Christian Dumard, « Thomas est passé très nord vers 42 degrés sud pour éviter le gros de la dépression qui est sur lui actuellement. C’est cette dépression qui a propulsé les coureurs du Vendée globe dans la nuit. Thomas navigue actuellement dans 30 nœuds de vent avec des rafales aux alentours de 40 nœuds. La situation devrait se calmer dans la matinée et permettre au skipper d’empanner ».
L’entrée dans l’Indien signifie pour tous les marins des mers croisées levées par des dépressions qui se succèdent sans interruption. Thomas doit arriver au Horn dans une vingtaine de jours.

jeudi 4 décembre 2008 :
LE MAG : Y'a foule dans l'hémisphère sud !
Sur une ou trois coques, en course et en record, les solitaires sont nombreux à sillonner les quarantièmes. Mais ça y'est, Thomas a dépassé la tête de la flotte du Vendée Globe. Il a doublé mercredi, Sébastien Josse, le skipper de BT qui mène toujours la danse à l'approche de Bonne Espérance.
Allo du bateau !
Le Maxi Trimaran Sodeb’O navigue, par définition, beaucoup plus vite qu’un monocoque IMOCA. Il ne se bat pas contre une flotte de concurrents mais a été taillé pour s'attaquer à des records de vitesse en solitaire.
Parti neuf jours plus tard, non pas des Sables d’Olonne, mais de Brest, il a désormais dépassé les 25 concurrents du Vendée Globe et ouvre seul la marche vers Bonne Espérance et l'Océan Indien.
Mais il y a quelques jours, Thomas naviguait au milieu de la flotte et a même échangé par téléphone avec l’anglais Brian Thompson (Pindar), son ami Yann Eliès (Generali) ou encore le Suisse Dominique Wavre (Téménos). « J’ai appelé Dominique, » a-t-il confié mercredi, lors de la visioconférence réalisée en direct sur le site sodebo-voile.com. « C’était vraiment sympa de se parler. Même si nous échangeons beaucoup avec la terre, lorsque nous nous parlons entre nous, il y a ce plaisir de se comprendre vraiment, de savoir exactement ce que vit l’autre. »
Le skipper de Téménos a eu la bonne idée de filmer la conversation avec Thomas. Ce moment bluffant est à découvrir dans la section vidéo de notre site, en cliquant sur la séquence : « Avec les copains du Vendée Globe »
Thomas, carrément incollable
Pourtant déjà bien occupé avec son bateau, le Trinitain ne perd pas une miette de ce qui se passe à quelques milles de lui : « Avant de passer devant, cela m'a été très utile d'observer la flotte du Vendée Globe puisque leur route me donnait beaucoup d’informations sur les conditions météo qu’ils rencontraient et sur ce qui m'attendait. Puis, il y a l'intérêt de la course en tant que telle, avec les psychologies des uns et des autres qui se révèlent. »
Le skipper suit aussi plus particulièrement le parcours de certains, comme Jean-Pierre Dick (Paprec-Virbac) avec lequel il collabore toute l’année et qui est devenu aujourd'hui son ami. "La course de Jean-Pierre m'impressionne beaucoup. Il montre qu'il est hyper endurant et prouve à quel point il connaît bien son bateau après sa victoire dans la Barcelona World Race. Bravo à lui et à son équipe pour ce super travail."
Et enfin, Thomas puise même dans le suivi de cette course un soutien moral dans sa manière de faire face à son propre record : « C’est vrai que la performance actuelle de Michel Desjoyeaux me fait du bien. Si lui peut remonter comme cela sur ses adversaires alors qu’il a les mêmes conditions météo, j'arriverai bien à me refaire sur Francis (Joyon) en ayant une météo différente ! » Il ne cache pas non plus la confiance qu’il met dans les capacités du skipper de Foncia : « Attention, car un Michel Desjoyeaux énervé en vaut deux ! »

mercredi 3 décembre 2008 :
Passage à l'Est
Depuis 7h15 TU ce matin, le maxi trimaran a franchi la longitude du 0 degré Est et a dépassé aussi il y a quelques heures Sébastien Josse, le leader de la flotte du Vendée Globe.
Tout ce petit monde file toujours à vers la pointe de l’Afrique du Sud. Thomas, seul en multicoque, continue de cravacher plus vite que le vent, cavalant entre 20 et 24 nœuds sous gennaker, dans un flux d'Ouest-Nord-Ouest de 15/20 nœuds.
Suivant sa stratégie, le skipper de Sodeb’O a empanné en fin de journée hier afin d’exploiter au mieux ce couloir de vent dans lequel il progresse depuis maintenant deux jours. Il devrait atteindre le Cap de Bonne Espérance vendredi.
Quelle magie ces visioconférences en direct du large au niveau des 40èmes! Cet après-midi, Thomas nous a transporté à bord de son Maxi Trimaran Sodeb'O. Il nous a fait surfer une vague à 33 noeuds, marcher en équilibre sur le trampoline au-dessus de la mer et papoter avec lui dans le cockpit pendant qu'il pilotait son bolide.
Le skipper est passé à l’Est ce matin, en franchissant la longitude du degré zéro au lever du jour. Il a aussi dépassé Sébastien Josse, le leader de la flotte du Vendée Globe. Il se retrouve désormais seul à ouvrir la marche dans le désert du grand sud. Le marin négocie une houle d’Ouest annonciatrice d’une dépression qu’il touchera demain. Le vent basculera alors au Nord-Ouest et forcira autour de 30/35 nœuds. Autant dire que ce sera le premier « coup de chien » des 40èmes pour Thomas qui doit franchir le Cap de Bonne Espérance vendredi.

mardi 2 décembre 2008 :
Au pays des damiers
La « pizza » volante, comme l'appelle M'sieur Desjoyeaux dans ses mails à la terre*, poursuit son grand saut vers le Cap de Bonne Espérance. Toujours au-dessus du 40ème parallèle, Thomas Coville replongera ce soir dans le Sud, pour se positionner en avant d'une dépression qui l'emmènera jusque dans l'Océan Indien...
Du charbon à volonté
Le Maxi Trimaran n’a donc pas croisé à vue le monocoque Foncia de Michel Desjoyaux dont la remontée dans la flotte du Vendée Globe force l’admiration : « je regarde Mich’ revenir à fond sur les autres et cela m’aide aussi en quelque sorte. Rien est fini pour lui, au contraire, et je me dis que même si aujourd’hui j’ai du retard sur Francis, il me reste encore beaucoup de cartes à jouer, » confie le skipper de Sodeb'O qui entame son 14e jour de mer avec 555 milles avalés en 24 heures, à 23 nœuds de moyenne. « J’ai décidé de me donner à fond, tous les jours, et on fera les comptes à l'arrivée. »

lundi 1er décembre 2008 :
Physique...
Thomas déplace des montagnes à bord de Sodeb'O. Hier après-midi, il a joué les équilibristes en bout de bôme pour changer une latte de grand voile et depuis, il enchaîne les empannages, avec plus de 500 m² de voiles à passer d'un bord sur l'autre. Physique...
Dimanche sous adrénaline
S’il est volubile sur la vidéo qu’il nous a envoyée ce matin, le mail reçu dimanche à 19h était lui plus laconique mais très explicite :
« Latte Ok, Bateau en route, Gennaker trinquette, grand voile
Bateau de nouveau à 100%, Fatigué mais content de l'avoir fait !
A+ Tom »
Thomas a effectivement surmonté hier avec succès une épreuve délicate. Celle du changement d’une latte de grand voile, impliquant de se hisser seul au bout de la bôme, d’extirper, malgré l’humidité et le sel, la tige de 9 mètres en carbone endommagée, puis de réinsérer la nouvelle latte à l’intérieur de la voile. Le tout en équilibre instable à plusieurs mètres au-dessus du pont. Franchement, on a vu plus reposant comme dimanche !
1,2,3...4 empannages
Mais c’est fait et bien fait, et le maxi trimaran fille désormais vers Bonne Espérance. Le vent d’Ouest-Nord-Ouest souffle pile poil dans l’axe de la route et Thomas doit maintenant tirer des bords. Après deux empannages cette nuit, le skipper en a effectué un troisième à 10 heures ce matin et il empannera à nouveau dans quelques heures.
Autant dire que le skipper ne se ménage pas. Chaque manœuvre demande de longues minutes de travail sur le pont pour préparer les écoutes, le mât, basculer la bôme, régler les voiles sur la nouvelle amure, tout ranger dans le cockpit…Bref, un travail de titan pour un solitaire qui ne sais plus si nous sommes le jour ou la nuit, la semaine ou le week-end et pour qui la vie s’organise autour de quelques degrés de latitudes et de longitudes…et ce n’est pas fini !
Avec les « Vendée globistes »
La stratégie consiste à rester dans une veine de vent assez étroite autour du 40ème degré Sud dans l’attente d’une dépression que Thomas touchera mercredi et qui doit l’emmener au-delà du Cap de Bonne Espérance.
Pour l’instant l’écart avec Francis Joyon continue de se creuser. Sodeb’O a parcouru 268 milles de plus qu’IDEC et cela doit encore croître dans les jours à venir puisque la météo ne permet pas pour l’instant au challenger de faire une route aussi directe que le détenteur.
Thomas navigue actuellement au milieu de la flotte des concurrents du Vendée Globe. Il a croisé hier la route de Brian Thompson avec lequel il a échangé quelques mots et progressait ce matin à une vingtaine de mille seulement de Michel Desjoyeaux.
Incroyable scénario. Dans un désert liquide comme cette région de l’Atlantique Sud, il y a foule. Déjà trois semaines de mer pour ceux qui ont quitté les Sables d’Olonne le 9 novembre et qui se livrent encore une régate au contact d’une intensité exceptionnelle, et déjà 13 jours de sprint pour Thomas qui lui a quitté Brest le 18, et partage ici encore un peu de convivialité avant la solitude du grand sud.

dimanche 30 novembre 2008 :
Cap à l'Est
Ses routeurs lui avaient annoncé il y a quelques jours qu'il n'avait pas de temps à perdre s'il ne voulait pas voir la porte de Sainte-Hélène se fermer devant lui.
Bon petit soldat, le skipper de Sodeb’O a obéit laissant ses trois coques lancées à pleine balle sur un océan qui tenait plus du Paris-Dakar que du circuit de formule 1.
Il faut savoir que ce genre de navigation représente des heures et des heures de stress à se demander ce qui va exploser en premier du bonhomme ou du bateau. Il suffisait de lire hier soir les mails des coureurs du Vendée Globe pour comprendre ce que subissaient tous les marins qui naviguaient dans cette partie de l’Atlantique sud située au large du Brésil.
Lancé à plus de 20 nœuds, Thomas racontait hier en fin de journée qu’il ne pouvait même pas écrire : « Levée par un alizé frais et perturbé, la mer est tellement courte et forte que le bateau décolle en permanence… j’arrive pas à cliquer sur la souris… je m’interdis de ralentir même travers au vent face à la mer… à chaque minute, tu penses à la casse… tu y penses tout le temps… tu n’as pas le droit d’avoir des états d’âmes… ça durera ce que ça durera ».
Bien au chaud calé dans un fauteuil, on est en droit de se demander ce qui pousse ces filles et ces garçons à passer systématiquement depuis une vingtaine d’années à l’ouest de Sainte Hélène, ce qui leur rallonge sacrément la route et ne leur garantit pas du portant comme on peut le voir.
Il faut avouer qu’ils n’ont pas trop le choix avec leurs engins de compétition à une ou plusieurs coques qui planent tellement bien aux allures portantes que ce serait dommage de passer plus à l’est pour se retrouver, sinon au louvoyage, du moins au près serré dans des vents faibles. Certes la route est plus courte, plus de 1000 milles, mais elle risque d’être tellement plus lente qu’elle est tout simplement inenvisageable. Il y en a cependant qui sont plus chanceux que d’autres, ce sont ceux qui sont au bon moment, au bon endroit.
Et c’est ce qui est arrivé à Francis Joyon l’an dernier à la même époque quand il a pu couper le fromage avec une facilité déconcertante voir énervante pour ceux qui passent derrière. La descente express de Francis Joyon quasi unique dans l’histoire des tours du monde est non seulement un des éléments essentiels de son record en 57 jours mais également une performance sur la première partie du parcours qui donne tout son prix à son record.
Après 12 jours de mer et une descente de l’Atlantique Sud aussi physique que stressante, le maxi trimaran Sodeb’O a prouvé une fois de plus sa puissance et sa vélocité. A première vue, le skipper ne déplore, après tous ces jours de rodéo, qu’une latte cassée. Depuis ce matin, Thomas Coville a pu mettre de l’Est dans sa route. Il va profiter de conditions de plus en plus maniables pour effectuer un check approfondi du bateau et changer cette fameuse tige en carbone de neuf mètres de long. Puis ce sera l’entrée dans les quarantièmes. Et ça c’est une autre histoire.

samedi 29 novembre 2008 :
Dans quelques heures...
La route est encore bosselée sous les coques du Trimaran Sodeb'O qui continue son rodéo au près, dans une mer hachée. Mais, bonne nouvelle, Thomas en a bientôt terminé avec cette descente éprouvante de l'Atlantique Sud.
L'anticyclone de Sainte-Hélène continue de se décaler dans l'Est et le skipper devrait avoir fini de le contourner dimanche au petit matin.
Rappelons que le skipper enroule par l’Ouest cette grande bulle anticyclonique afin de pouvoir enfin plonger vers le Cap de Bonne Espérance. « Thomas devrait empanner en fin de nuit » explique Richard Silvani, prévisionniste de Météo France. « De bâbord amure, comme il l’est actuellement, il va effectuer un bord d’une journée en tribord avant d’empanner à nouveau pour faire route directe sur Bonne Espérance et les mers du Sud. »

vendredi 28 novembre 2008 :
Le tour de la paroisse
Joint au téléphone ce matin par son équipe, le skipper de Sodeb'O raconte ce scénario météo complexe à l'approche de l'anticyclone de Sainte-Hélène. Comme les concurrents du Vendée Globe qu'il dépasse les uns après les autres (Arnaud Boissières et Dee Caffari aujourd'hui), Thomas Coville attend le bon moment pour tourner enfin à gauche, et gagner vers l'Est, cap sur Bonne Espérance.
Naviguant au près depuis cinq jours dans un alizé du Sud-Est de 15 à 20 nœuds, le maxi trimaran réalise de belles vitesses moyennes autour de 20 nds et parcourt entre 450 et 490 milles par jour. A la différence des solitaires du Vendée Globle qui régatent en flotte, Thomas se bat contre le temps et la trajectoire de Francis Joyon qui, l’an dernier, avait bifurqué dans l’Est très tôt, au niveau du 20ème degré Sud.
Lors de sa première tentative de l’hiver 2007-2008, le skipper de Sodeb’O avait été contraint de descendre au-delà du 45ème, ce qui l’avait pénalisé au passage de Bonne Espérance. Le Trinitain entrevoit cette fois-ci la porte de sortie dans à peu près deux jours, grâce à une perturbation salvatrice autour du 35ème Sud. D’ici là, il faut solliciter le bateau au maximum et Thomas passe tout son temps sur le pont, à régler les voiles et à surveiller les grains, toujours nombreux autour de Sodeb’O.

jeudi 27 novembre 2008 :
Le Maxi avance toujours

Le bateau rencontre quelques soucis avec la balise émettant ses positions, Thomas s'efforce de réparer au plus vite le matériel. C'est pourquoi le bateau ne semble plus avancer sur la cartographie mais rassurez-vous, Thomas poursuit bien son parcours.

mercredi 26 novembre 2008 :
A rebrousse vagues

Pourquoi ces marins qui descendent l'Atlantique vers Bonne Espérance arrondissent autant le virage ? Demandez à Sainte-Hélène dont l'anticyclone barre tout simplement la route.
Capricieuse sur les bords, elle oblige les candidats au tour du monde à descendre face à l’alizé de Sud-Est et contre la mer, en attendant qu’une dépression leur permettre de mettre enfin le clignotant à gauche.
Paré à choquer ?
Depuis son passage de l’équateur hier, Thomas Coville mène donc son trimaran Sodeb’O au près, dans 18 à 20 nœuds de vent, face à une houle de 2,5 mètres. Ça tape fort. Des conditions de navigations éprouvantes pour l’homme et la machine. « J’en ai pour deux à trois jours de punition, » confiait-il avant d’attaquer. Plus que jamais, la vigilance sur le pont est totale comme l’explique le météorologue Richard Silvani : « Dès que le bateau lève trop, il faut aller choquer un peu. » Exactement comme le ferait tout bon marin le week-end en croisière, sauf que là, ce sont 227 m² de grand-voile qu’il faut reprendre, à la force des bras sur la colonne de winch.

mardi 25 novembre 2008 :
L'équateur aujourd'hui

Encore une nuit sans sommeil pour le skipper de Sodeb'O. Le maxi trimaran a traversé la zone de convergence intertropicale, subissant les traditionnelles variations de l'alizé qui bascule, à cet endroit, de Nord-Est à Sud-Est en quelques heures.
« Même si tu as des pilotes automatiques, dans ce genre de situation où le vent varie sans arrêt, tu dois les régler en permanence, comme les voiles, et il n’est pas facile de fermer l’œil," explique ce matin Thierry Briend, de la cellule routage de Sodeb’O. « Thomas est en train de s’extraire de cette zone compliquée puisqu’il a retrouvé un vent de Sud-Est plus stable et que cet alizé doit forcir au fur et à mesure que le trimaran gagnera dans le Sud. »

dimanche 23 novembre 2008 :
Comme un pot au noir avant l'heure

Le maxi trimaran vient de traverser une zone perturbée au sud des îles du Cap-Vert. Des grains se sont formés hier soir sans prévenir et ont tué l'alizé ralentissant pendant quelques heures la descente plein sud du trimaran Sodeb'O.
« C’était comme un pot au noir avant l’heure » confiait cet après-midi Christian Dumard ancien navigateur qui fait partie de l’équipe de routage de ce tour du monde en solitaire et en multicoque. Si le passage des Iles du Cap-Vert s’est déroulé comme prévu, c’est à dire facilement avec une navigation entre les îles sans jamais être déventé, la suite a été surprenante.

vendredi 21 novembre 2008 :
Surfer les isobares

En ce troisième jour, Sodeb'O a parcouru 562,5 milles à la vitesse moyenne de 23,4 noeuds. Une belle moyenne pour le trimaran qui a actuellement une avance de 91 milles sur IDEC. Depuis ce matin, Thomas a donc repris une trentaine de milles à Francis Joyon.
Mais attention, devant les étraves du plan Irens-Cabaret, l’alizé s’essouffle un peu. Jusqu’au Cap Vert, les fichiers météo annoncent un vent entre 13 et 17 nœuds. A l’image du surfeur qui ondule pour rester sur la vague, le skipper de Sodeb’O cherche le meilleur angle avec le vent en longeant la bordure de l'anticyclone pour gagner dans le Sud.

mercredi 19 novembre 2008 :
Près de 500 milles sur les premières 24 heures !

Thomas aime dire que pour marcher dans les pas d'un grand monsieur comme Francis Joyon, il faut faire de grands pas. Et le skipper du Maxi Trimaran Sodeb'O passe déjà à l'acte avec 499 milles parcourus en 24 heures depuis son départ hier de Brest.
Quelle entrée en matière !
Le tempo est rapide. La moyenne du trimaran sur la première journée est de 20,8 nœuds et Sodeb’O est régulièrement au-dessus de 25 nœuds en vitesse instantanée. Le Golfe de Gascogne et le Cap Finisterre sont déjà des souvenirs puisque Thomas longe actuellement les côtes portugaises et sera demain matin à la latitude de Lisbonne. Sodeb’O a ce soir 60 milles d’avance sur IDEC.

mardi 18 novembre 2008 :
Top départ pour Sodeb'O !

Le Maxi Trimaran Sodeb'O a coupé la ligne à 13heures, 54 minutes et 14 secondes TU, c'est à dire à 14h54'14'' heure française, devant le Phare du Petit Minou à la sortie du goulet de Brest. Il est parti avec un vent de Nord de 15/17 n?uds, grand voile avec un ris et trinquette.
Au large de sein, le vent doit forcir à 25 nœuds et le soleil fait des superbes percées. Pour battre le record de Francis Joyon, Thomas Coville doit couper la ligne d’arrivée à Brest le 15 janvier prochain à 3h27’20’’ TU (4h27’20’’ heure française). Ce temps prend déjà en compte une avance d’une minute sur le record de Idec qui est le minimum pour que le record soit bien homologué par le WSSRC.

lundi 17 novembre 2008 :
Thomas Coville prêt à partir mardi à l'aube
Avec ses routeurs et son équipe, le skipper du Maxi Trimaran Sodeb'O observe depuis plusieurs jours l'évolution d'une fenêtre météo favorable. Il pourrait partir de Brest dans quelques heures pour sa tentative de record autour du monde en solitaire et en multicoque.
Les conditions météo permettent d’envisager une descente en moins de 7 jours jusqu’à l’Equateur mais un doute persiste quant à la force du vent entre les Canaries et le Cap Vert. L’équipe se laisse encore la journée pour affiner l’heure du départ qui pourrait avoir lieu à partir de mardi matin à l’aube. La décision sera prise ce soir, autour de 22 heures, après analyse des derniers fichiers météo.
La situation sur le début de parcours s’avère idéale. Après un départ de Brest dans un flux de Nord-Ouest, Sodeb’O irait chercher un point d’empannage dans l’anticyclone des Açores qui est positionné très au Nord et génère ensuite un alizé soutenu orienté Est permettant à Thomas d’effectuer une trajectoire directe vers le Cap Vert et le Pot au Noir.

vendredi 7 novembre 2008 :
« Sacré bonhomme » s'exclamait Thomas Coville dans la matinée en commentant le record dont vient de s'emparer Francis Joyon sur le parcours de la Route de la Découverte entre Cadix et San Salvador.

Un record que Thomas avait établi en 2005 sur le trimaran Sodeb’O de 60 pieds (18m50). « Je salue la capacité de Francis à avoir enchaîné le tour du monde et cette longue transat qui représente un vrai effort avec beaucoup de manœuvres ».
« Cela m’intéressait de voir ce que donnait un grand bateau sur une transat » poursuit il. « Je constate qu’on a plus de vélocité et de capacité sur un maxi que sur un 60 pieds. C’est un avant goût de ce que peut donner la Route du Rhum ».
Et comme le souligne le skipper de Sodeb’O : « Puisque tous les records sont faits pour être battus, cela nous donne l’opportunité d’aller le battre à nouveau, cette fois avec le maxi Sodeb’O ».

mercredi 29 octobre 2008 :
Thomas Coville et son équipage ont rallié mercredi soir à 18h30 le port de Brest
où le trimaran restera amarré en attendant la fenêtre météo optimale.
" Aujourd'hui le maxi Sodeb'O est prêt pour repartir autour du monde, nous avons donc décidé de l'emmener au plus près de la ligne de départ. L'objectif est d'être le plus réactif possible si des conditions météo favorables à un départ se précisent. Il ne nous restera alors plus qu'à embarquer le frais" expliquait hier Thierry Briend, le boat capitain de Sodeb'O.
Ce mercredi, les conditions météo ont offert à Thomas et à son équipage des conditions de navigation parfaites. Le trimaran est amarré au port de la Recouvrance, Quai Malbert, près du vieux gréement La Recouvrance.

vendredi 24 octobre 2008 :
Tom en confiance
Cette semaine, Thomas a passé une nuit en mer à bord de Sodeb'O. Si le Maxi Trimaran avait déjà effectué plusieurs sorties techniques en équipage, son skipper avait besoin de « rentrer dans ses meubles en solitaire ».

mercredi 15 octobre 2008 :
Respectant à la lettre le planning fixé, Thomas Coville et l'équipe du Maxi Trimaran Sodeb'O entrent officiellement aujourd'hui en stand by pour le record du tour du monde en solitaire et en multicoque. Mis à l’eau le 6 octobre après un mois de chantier, le trimaran de 105 pieds effectue quelques sorties techniques en baie de la Trinité sur Mer pour les derniers calages, notamment des nouvelles voiles et des pilotes automatiques.

Wait and see
Etre en stand by, c’est attendre la fenêtre météo qui permettra de s’élancer dans les meilleures conditions possibles « comme le sauteur à ski attend le créneau parfait en haut de la rampe de lancement » s’amuse souvent à comparer le skipper de Sodeb’O. Les outils actuels permettent d’effectuer une prévision fiable des conditions météo jusqu’à l’Equateur, ce qui à l’échelle d’un tour du monde en solitaire à bord d’un tel trimaran correspond à une semaine de mer. Rappelons qu’en 2007, Francis Joyon était parti « comme une balle » le 23 novembre et avait franchi l’Equateur en seulement 6 jours et 17 heures ! Avec ses routeurs, Richad Silvani et Christian Dumard, Thomas analyse quotidiennement les fichiers météo afin de « sauter » dans le bon tempo pour rallier au plus vite l'Equateur. La météo décidera ensuite au fil des semaines de la cadence sur le reste du parcours.

La saison des tours du monde est ouverte !
La Volvo Ocean Race, course autour du monde en monocoque (70 pieds), en équipage et avec escales est partie d’Alicante (Espagne) samedi 11 octobre pour la 1ère étape vers l’Afrique du Sud. Le skipper de Sodeb’O s’était d’ailleurs rendu au départ. Le lendemain au Portugal, six monocoques Class 40’ ont pris le départ du Portimao Global Challenge, épreuve destinée à des coureurs en solitaire ou en double. Et aux Sables d’Olonne, déjà six des 30 concurrents du Vendée Globe (départ le 9 novembre) ont rejoint Port Olona. Désormais, Thomas Coville peut quitter la Trinité sur Mer d’un moment à l’autre pour rallier la ligne de départ du record autour du monde au large de Brest.

Un hiver 2008-2009 résolument placé sous le signe de l’aventure humaine comme du défi sportif et qui témoigne de la richesse de la course au large d’aujourd’hui.

lundi 6 octobre 2008 :
Thomas Coville et son équipe ont remis à l'eau le Maxi Trimaran Sodeb'O (105 pieds), en chantier depuis un mois à Lorient.

Les Sodeboys ont travaillé ces dernières semaines à l’optimisation du trimaran pour le record du tour du monde en solitaire que Thomas tentera de battre cet hiver. " Ce chantier est une étape importante puisque c’est la dernière occasion d’adapter sur le bateau tout ce que nous avons appris depuis un an de navigations à bord de Sodeb’O ", explique le skipper, avant de détailler : " Outre la dérive et les voiles, nous avons optimisé l’équilibre de barre, un point capital pour le solitaire, comme le travail que nous menons en permanence sur les pilotes automatiques. Mon espace de vie a été rendu encore plus fonctionnel et dans le cockpit, un hublot a été percé dans la casquette pour me permettre de surveiller les voiles tout en restant abrité. " Thomas sait que son bateau est rapide et totalement adapté à l’exercice du solitaire. En un peu plus d’un an, il a déjà parcouru l’équivalent d’un tour du monde et demi et remporté le record de vitesse sur 24 heures. Il est aussi le nouveau détenteur du record de la traversée de l’Atlantique Nord. "J'ai vraiment pris un immense plaisir sur le record de l’Atlantique qui a valorisé le travail accompli jusque là. Nous sommes dans une spirale positive et je regarde devant moi avec sérénité. J’ai confiance en mon bateau et je me sens aujourd'hui fin prêt à repartir dans les meilleures conditions possibles." Cette semaine, le skipper effectuera quelques sorties techniques pour tester les dernières modifications et dès le 15 octobre, il entrera en stand by à La Trinité sur Mer, dans l’attente de conditions météo favorables pour s’élancer autour du monde. "Bientôt, je vais arrêter de penser technique pour entrer dans la peau du marin et attendre le moment de passer à l’action. J’aime cette attente où tout est du domaine du rêve, où tout est encore envisageable. "

Cartes
 

16 janvier 2009

où l'on voit toutes les différences de route, même pour l'arrivée, Thomas doit se battre

17 janvier 2009

Arrivée, mais pas de ligne droite jusqu'au bout

A suivre les écarts entre la route de Thomas et celle de Francis, on comprend le formidable exploit de Thomas
Photos
 

24 décembre 2008

devant c'est bouché, une grosse nappe de glace dérivante

Le 28 décembre 2008

Thomas passe le Horn, ce qu'il pourrait voir

ce qu'il a vu

Le 3 janvier 2009

au milieu des champs pétrolifères du Brésil

Le 8 janvier 2009

Dans le Pot au noir : les grains

Le 17 janvier 2009

Franchissement de la ligne d'arrivée devant le phare du Petit Minou

  © Jacques Vapillon / DPPI pour Sodeb'O
 
  © Sodeb'O
 
  © Sodeb'O

Thomas Colville

un formidable marin

 

nous t'attendons à La Trinité

  © Sodeb'O