Les records de Thomas Colville 2011
prochaine course :
Une transat d'entraînement sur la route de la découverte

Sommaire

Retour Thomas Colville

retour année 2010

Le récit des tentatives 2011 :

  1. Le record du Monde en solitaire
Mise à jour :

1er avril 2011

News  

1 avril 2011
"Comme une ardoise magique"
Hier soir, Thomas nous a offert un très beau moment, comme il sait le faire. La nuit tombait quand le flotteur tribord, avec son étrave mise à nue, s'est aligné doucement le long du quai des pêcheurs de La Trinité-Sur-Mer. "Quand tu le vois là, tu te dis que c'est simple finalement," remarque le marin qui regarde depuis le ponton ce bateau qui a été son "compagnon pendant 60 jours, tu l'humanises souvent mais quand tu es loin, il est surtout ton abri, ta survie.
Quelques minutes plus tôt, le skipper levait la tête, regardant le public. Les larmes aux yeux, il croisait le regard de ces anonymes venus écouter le récit d’un marin de retour d’un tour du monde en solitaire qui aura duré deux mois. Et il leur a donné. Il a assumé le rituel du champagne même s’il admet que "cela est plutôt réservé aux victoires." Le bouchon casse, alors ça finit au couteau, en sabrant la bouteille avec la lame du bord, celle qui ne le quitte jamais. "Ce champagne, c’est pour ceux qui tentent, dans la vie il faut tenter les gars !" Il arrose l’assistance, boit une gorgée avant de donner cette bouteille à ses proches, aux membres de son équipe et à cette famille Sodebo qui est là, toujours, fidèle, aimante et émue. Puis le marin prend le micro. "Quand on est arrivé à Ouessant ce matin, le chronométreur ne m’a même pas vu. C’est moi qui lui ai donné le top," commence-t-il. "Et en arrivant tout à l’heure au Trého (avant le chenal de La Trinité), c’est comme une ardoise magique. Vous savez l’ardoise des enfants où tu gribouilles et où tu peux tout effacer en passant le petit rail ! Elle remet les compteurs à zéro d’un seul coup. Et bien là, l’ardoise magique c’est vous ! C’est aussi ma femme, les enfants, cette famille Sodebo, cette entreprise avec qui on a construit cette aventure. C’est beaucoup d’humain. Mais même si je fais le mariole là devant vous, je suis un compétiteur et ça fait mal."
Puis il revient au début. Il raconte Sainte-Hélène où il a pensé rentrer, cette montée face au vent jusqu’aux Kerguelen "aller là-bas au près, c’est cinglé." Il revient bien sûr sur ce bord sous les glaces "ma fierté, même si ces routes là, il ne faut pas les faire." Des voix s’élèvent, haranguent le marin qui répond simplement, sans détour. Dans la nuit noire, autour de lui, l’ambiance serait presque celle d’un salon confortable où l’on se raconte des histoires de mer au coin du feu. Une voix demande, et ce planté à Ouessant ?! "Ah là, c’est sûr, si tu te retournes à Ouessant, t’as l’air d’un con mais je me souviens d’un autre où le bateau s’est cabré carrément à la verticale, j’étais debout sur la colonne (de winch) et là, c’était dans l’Atlantique Sud et si tu te retournes, t’as pas l’air con, t’es juste très mal."
Le skipper de Sodebo qui s’est attaqué pour la troisième fois "à cette route parfaite" tracée par Francis Joyon a rendu hommage à celui qui reste l’homme le plus rapide autour du monde à la voile en solitaire. « Je n’ai pas battu le record d’un très grand monsieur ! Le principe d’un sportif, d'un athlète, est de respecter son adversaire et ce temps de référence, qui est extrêmement difficile, il a été fait par un homme exceptionnel qui s’appelle Francis Joyon. Et je pense être l’un des seuls à le respecter à sa juste valeur parce que j’ai joué avec lui et contre son temps. Ce mec, il a galéré pendant des années, je l’ai vu ici à La Trinité. Les mecs exceptionnels sont ceux qui sont au bon endroit au bon moment, et ce monsieur a fait un tour du monde parfait. Je dis un grand bravo ce soir à Francis Joyon."
A son arrivée victorieuse à Brest en 2008, Francis remerciait la nature. "Elle m’a laissé passer," répétait-il. Thomas sait que ce n'est pas une formule en l'air : "Il faut accepter la loi de Mother Nature comme disent les anglo-saxons. Celle qui n’a pas souhaité nous offrir ce record, mais je suis là ce soir, alors je me dis qu’elle a eu la gentillesse de me laisser rentrer. Elle ne m’a pas gardé."
Puis il regarde Alain Gautier, sur le quai avec son fils, Tom. "Alain m’a donné envie. A chaque fois qu’il monte sur un canot, il a la banane et ça fait 30 ans que ça dure ! C’est lui qui m’a donné envie quand il a gagné le Vendée Globe sur Bagage Supérior (1992). C’était le plus beau des sourires. Ce mec qui lève les bras… je me suis dis "un jour, j’aimerais ressentir ça !"
Une nouvelle voix s’élève "la prochaine fois Tom !" Le marin répond : "ça serait rouler des mécaniques que de vous regarder là et de vous dire, mais si, j’y retournerai. Aujourd’hui, c’est un tel engagement que je ne peux pas vous répondre maintenant."

Il débarque enfin. Enchaîne les embrassades, les empoignades. Sa maman, sa sœur, ses amis, ses complices et Lionel Lemonchois, Fred le Peutrec, Yann Eliès, Yvon Berrehar, ces autres marins qui savent.

31 mars 2011
Vers 12h30 sur la ligne d'arrivée
Thomas Coville a terminé sa dernière nuit en mer. Ce soir, le tourdumondiste dormira dans un bon lit après une soixantaine de jours et autant de nuits passés dans un shaker, la lance à incendie sur le visage !
Les conditions sont toujours intenses au large de la Pointe Bretagne. A 10 heures ce jeudi, Sodebo progressait à 48 milles du phare du Créac’h, après des heures rapides et stressantes dans un flux de Sud-Ouest soutenu de 25 à 30 nœuds. Thomas qui réalisait probablement son dernier empannage à 10h00 ce matin, file désormais à plus de 16 nœuds. Le vent doit mollir dans la journée et le trimaran a déjà légèrement ralenti la cadence dans une mer toujours très formée. Sodebo est attendu entre 12h30 et 13h30 sur la ligne d’arrivée à Ouessant. Le temps d’embarquer son équipe technique, une opération qui s’annonce d’ores et déjà délicate dans cette mer très difficile, Sodebo devrait pointer le bout de ses étraves vers 20h ce soir dans le chenal de La Trinité-Sur-Mer.

30 mars 2011
Boucler la boucle
Dans sa vidéo envoyée cet après-midi, Thomas fait le point avant son arrivée demain matin devant le phare de Créac'h sur l'île de Ouessant. Voici ses commentaires.
"Voilà, un dernier petit mot pour clôre ce tour du monde à bord de Sodebo. On est à un peu moins de 500 milles de Ouessant dans des conditions musclées, des vents de plus de 30 nœuds et une mer très formée. Je ne reviendrai pas sur ma déception mais je réitère mon admiration pour ce qu’a réalisé Francis Joyon, c’est la moindre des choses de féliciter son adversaire. Je veux aussi remercier tous les gens qui ont suivi, porté ce projet, qu’ils l’ont vu naître et l’ont fait vivre. Merci à Sodebo, cette incroyable entreprise, cette famille, ce groupe, qui tout au long de ce voyage, avant et pendant, m’a porté et soutenu. J’ai essayé pendant ce périple de porter leurs couleurs ou, tout du moins, de défendre leurs valeurs de pugnacité, de liberté, d’indépendance et de plaisir dans un monde pas toujours facile même hostile comme celui de la mer.
J’ai pris beaucoup de plaisir à la barre de ce bateau, à manœuvrer, à réaliser cette trace et c’est pour cela que je vais à Ouessant même si la météo s'annonce catastrophique. Je voulais boucler ma trace, en symbole, pour dire que l’on finit les choses que l’on commence. Et même si elles ne se finissent pas comme on le souhaitait, je le fais pour ceux qui tiennent parole, qui vont au bout de leurs actes, qui paient leurs dettes. J’ai essayé de puiser là mon énergie cette semaine.
Je rends hommage à l’équipe qui m’a soutenu au quotidien, heure par heure et qui m’a aidé à réaliser cette belle route. Thierry Douillard, Richard Silvani, Christian Dumard et Thierry Briend (routeurs) qui ont été mes anges gardiens pendant ces deux mois. Seul, j’aurais lâché prise plusieurs fois. Ils ont été présents tout le temps. C’est un projet où il y a beaucoup de recherche, de technique, de technologie, de préparation mais ce tour du monde est avant tout un projet humain, de groupe ou en tout cas qui a la prétention de porter ces valeurs. Je remercie aussi les partenaires techniques qui nous suivent fidèlement et mettent leur savoir-faire au service du projet Sodebo : Météo France, Toyota, Cousin Trestec, Lisi, Ixsea, Open, CLS, Nautix et Helly Hansen.

J’appréhende les arrivées, c’est difficile de croiser le regard des autres après deux mois et de lire à travers leur visage, mon visage à moi. Drôle de sensation d’avoir tant espéré finir et, à la fois, d’appréhender l’arrivée… C’est très paradoxal."

29 mars 2011
Musclé pour finir !
Portés par un flux de Sud-Ouest de plus de 20 noeuds, le trimaran et son skipper "enquillent" les milles, pressés, on s'en doute, de rentrer à la maison. Sur les tours du monde, on a coutume de dire que "la route est longue", mais cette fois-ci, elle s'accélère, Tom est à moins de 800 milles du but et naviguent dans des conditions qui se corsent d'heure en heure.
Actuellement à 500 milles dans l'Ouest des côtes espagnoles et quasiment à la latitude du Cap Finisterre, Thomas est attendu jeudi matin sur la ligne d'arrivée à Ouessant. Sodebo et son équipe technique mettront ensuite cap vers La Trinité-sur-Mer qu’ils devraient atteindre environ six heures plus tard.
Redoubler d'attention !
Calé tribord amure, Thomas vient de signer une belle journée de navigation à plus de 523 milles à 21,8 nœuds de moyenne. Depuis l’heure du petit déjeuner, le navigateur bénéficiant d'un vent soutenu dans l’Est de la dépression, semble avoir mis le pied sur l’accélérateur. Le compteur est bloqué à plus de 20 nœuds alors que la ligne d’arrivée n’était plus qu’à 790 milles à 16h00. Mais la concentration est de mise, d’autant que la tension de l’arrivée près des côtes est de plus en plus palpable comme l’explique Thierry Briend (routeur) : "Plus la terre se rapproche, plus les dangers sont nombreux : circulation maritime, bateaux de pêche et début du plateau continental, le tout combiné à un fort vent de Sud-Ouest...autant d'ingrédients qui imposent une vigilance accrue à bord."
Deux empannages et c’est fini !
En avant d’une belle dépression, Sodebo navigue actuellement dans un vent de Sud-Ouest de 20-25 nœuds et sur une mer encore maniable. Il devrait logiquement empanner comme prévu en fin d’après-midi dans ce flux soutenu et revenir pendant quelques heures en bâbord amure, sur son étrave tribord endommagée. Après ce dernier contre-bord pour se recaler au Nord, le skipper réalisera un ultime empannage pour aller chercher la dernière ligne droite vers Ouessant.
Vers une arrivée tonique
A l’image de son départ, Tom s’attend d’ores et déjà à un passage de ligne sportif. A moins de 48h de Ouessant, les fichiers sur zone prévoient toujours un vent de secteur Sud-Ouest mais forcissant à 25/30 nœuds avec une mer qui s’annonce démontée jeudi matin. A moins de deux jours de la délivrance, on imagine l’envie du marin de retrouver sa famille, son équipe, ses proches et tous ses supporters qui se sont d’ores et déjà donnés rendez-vous à La Trinité-sur-Mer pour l’accueillir comme il se doit.

28 mars 2011
Visite surprise au Nord des Açores
Sodebo navigue actuellement à 200 milles dans le Nord-Ouest des iles principales des Açores. Thomas a empanné ce matin, entamant un bord tribord amure dans un vent d'une vingtaine de noeuds qui va se renforcer dans la soirée. Cette ultime dépression emmènera le trimaran vers la ligne d'arrivée à Ouessant qu'il devrait couper, selon les routages actuels, jeudi au petit matin.
A vous de jouer !

Sur les images vidéos du jour, Thomas reçoit la visite étonnante d’un oiseau n'appartenant pas à la famille des volatiles "marins" mais la proximité des îles explique sûrement sa présence ici. "C’est plutôt pas très bon signe," commente le skipper qui, outre un albatros lors d’un précédent tour du monde, n’a jamais vu un si grand animal à plumes à son bord. "Quand les oiseaux se posent comme ça, c’est qu’ils sont fatigués." Effectivement, le trimaran croisait à 300 milles des Açores ce matin, soit plus de 550 kilomètres, ce qui fait un sacré vol pour notre ami ! "Je voulais empanner mais je vais attendre un peu du coup," s’interroge le marin après lui avoir offert un poisson volant, apparemment peu apprécié par son nouveau compagnon de route, et un peu de pain. "Je ne sais pas de quelle race est-il ? Avec ces longues pattes et sa houpette, on dirait plutôt un oiseau de marais, comme nous en avons chez nous…" Et vous, vous-avez une idée ? Si oui, dites-le nous via message sur le site sodebo-voile ou sur Facebook. (photo)
Boucler la boucle
Le tour du monde n’est pas terminé. Même si le record n’a pas été battu cette nuit suivant l’objectif initial, le bateau navigue encore et la concentration imposée à bord reste la même. Avec 1200 milles à courir jusqu’à Ouessant, Sodebo doit encore affronter une dépression avec 30 nœuds annoncés dès cette nuit. Le trimaran file sur le "bon bord", c’est à dire en tribord, avec le flotteur abîmé hors de l’eau. Il doit garder cette amure jusqu’à mardi soir où il empannera de nouveau pour se recaler au Nord dans un flux de Sud-Ouest annoncé de 25 à 30 nœuds et qui devrait l’accompagner jusqu’à la Pointe Bretagne. Thomas souhaite aller jusqu’au bout pour "boucler la boucle". Le skipper coupera donc la ligne d'arrivée à Ouessant afin de stopper ce chrono déclenché le 29 janvier à 12h07. Rejoint par son équipe technique, le skipper rentrera ensuite en convoyage à la Trinité-sur-Mer, le port d’attache du bateau. Même s’il ne fait aucun doute que le public brestois aurait su saluer comme il se doit l’accomplissement de ce périple, le marin sait aussi que l’entrée dans Brest a la plus belle des saveurs lorsque la victoire est là. Bien évidemment, vous êtes tous les bienvenus pour partager l'arrivée du skipper à la Trinité ! Avec le vent annoncé, il faudra compter environ 6 heures de convoyage depuis Ouessant. Nous vous tiendrons informés des dernières ETA (Estimated Time Arrival) sur le site sodebo-voile.com ainsi que sur Facebook et Twitter.

27 mars 2011
Il faut rentrer le mieux possible
Thomas a repris un peu de terrain, même s'il n'y a plus d'enjeu, il faut rentrer le mieux possible.

26 mars 2011
Retour du vent, de la vitesse et du plaisir !
"La transition avec hier est frappante !" Dans sa vidéo envoyée aujourd'hui et tournée au coucher du jour vendredi, Thomas partage avec nous le retour du vent dans les voiles de Sodebo, celui de la vitesse et de ce quotidien de marin qui lui fait du bien.
A 2000 milles du but, les coques du trimaran s’ébrouent enfin dans ce flux de Sud-Ouest tant attendu après plusieurs jours et notamment 24 heures de progression lente, très lente, sur une mer d’huile. Dans un vent de 12 à 15 nœuds s’établissant progressivement, Thomas doit naviguer bâbord amure en appui sur le flotteur abîmé. Mais finalement et même si les geysers d’eau sont impressionnants à chaque vague et constituent un certain frein, le skipper assure que "quand ça va vite, ça passe assez bien. Il faut juste ne pas avoir peur d’aller vite…comme toujours en fait." "Nous atteignons enfin cette zone perturbée où le vent fait sa loi dans l’Atlantique Nord," poursuit-il à l’heure du crépuscule. "Voici cette zone tant désirée qui n’est pas venue nous chercher à l’équateur et nous a fait perdre tout espoir de battre le record. C’est sûr, si elle était venue un peu plus tôt et nous avait évité de faire autant de milles pour aller la chercher, cela aurait été top." Le bruit de l’eau qui défile sous la coque nous remet, nous aussi, dans une ambiance plus familière à bord de Sodebo. "Quand ça rentre, ça rentre assez vite et assez fort. Le vent n’est pas très stable et la nuit risque d’être encore mouvementée. C’est bien, ça remet dans le goût de la navigation, de faire avancer le bateau. Je retrouve le quotidien et le fait d’être un marin sans me prendre la tête avec le résultat et des considérations de terriens. J’ai du plaisir ce soir avec ce coucher de soleil, le plaisir de renouer avec cet Atlantique Nord que j’aime tant, qui est mon terrain de jeu, mon jardin, et qui m’a boudé cette année. C’est un océan que l’on connaît bien et je ne pensais pas que ça se jouerait là mais ce record se joue à chaque instant." S’il fait quand même attention de ne pas trop forcer sur l'étrave fragilisée, Thomas infléchit sa route vers la maison à plus de 18 nœuds. Après le passage d’une nouvelle petite dorsale dans la journée de samedi, le vent devrait se renforcer lorsque Sodebo sera bien calé dans le Sud-Est de cette dépression qui l’emmènera dans le Nord des Açores. Il en attrapera ensuite une seconde pour rallier l’arrivée à Ouessant qu’il pourrait atteindre, en milieu de semaine prochaine, peut-être dès mercredi.

25 mars 2011
Dans la pétole
Pendant que Thomas est planté au milieu de l'Atlantique, un premier bilan de cette remonté.
Acte V : L’Atlantique, pour le meilleur et pour le pire
Pain blanc

En bordure d’un anticyclone de Sainte-Hélène beaucoup plus clément qu’à l’aller, Sodebo emmagasine les milles à une cadence TGV au profit d’une route au près le long des côtes d’Amérique du Sud. Le skipper se régale mais ne s’emballe pas. Moins 620 milles le 9 mars, sous la barre des 500 milles le 10, 266 milles le 12 et enfin, ça y est, Sodebo pointe devant son adversaire virtuel le 13 mars. La moisson, résultat d’un boulot de titan, force l’admiration avec la bagatelle de 670 milles gagnés en 5 jours.
Collision
Cette chevauchée fantastique a été pourtant entachée le 10 mars par le choc avec un globicéphale qui endommage la crash-box du flotteur tribord. Le coup est doux, mais dur ! Un instant, Tom hurle et croit à la fin de l’aventure mais le diagnostic s’avère rassurant. Ce pare-choc a été envisagé pour ça. Il a très bien fait son travail et le flotteur n’est pas en danger. Son équipe technique et les architectes sont catégoriques : le marin peut poursuivre. Moins de trois jours plus tard, après s’être dégagé d’une méchante dépression orageuse le long du Brésil, Sodebo compte 267 milles d’avance sur Idec et tous les espoirs sont permis !
Pain noir
La dure réalité rattrape le marin solitaire lancé à la conquête du graal. Les prévisions annoncent une panne de l’alizé sur la fin de l’hémisphère Sud juste avant l’équateur. Une nouvelle « muraille » comme il le décrit, se dresse devant lui. Pourtant, il retarde joliment l’échéance en contournant le problème par l’Ouest. Toujours au près dans un faible vent de Nord-Est, Sodebo ne s’arrête jamais et progresse à plus de 15 nœuds mais ne fait pas route directe. Le 17 mars, pointé à seulement 15 milles des côtes brésiliennes, le « challenger » repasse en négatif. Encalminé pendant un peu plus de 24h dans du vent erratique de 4 à 6 nœuds, le trimaran retrouve l’hémisphère Nord dimanche 20 mars au matin, après 49 jours 22 heures 12 minutes et 32 secondes de course. Thomas a alors 1 jour 19 h et 54 mn d’écart avec Francis Joyon et a parcouru 23 777 milles (19,84 nds de moyenne) depuis Ouessant, soit 1151 milles de plus qu’Idec. Exactement le nombre de milles de retard qu’il avait en passant le Cap de Bonne Espérance, un constat des plus frustrants après tant d’efforts fournis et une trajectoire que les spécialistes admirent. Joli lot de consolation pour le skipper de Sodebo qui s’empare du meilleur chrono entre le Horn et l’équateur en 11 jours 21 heures et 56 minutes soit un peu plus de 16h de mieux qu’Idec en 2008.
C’est fini
Pour le dernier tronçon du parcours, le timing se retourne contre le chasseur de record. Le coup de pouce souhaité de cette météo si peu conciliante ne vient pas. L’anticyclone barre carrément le chemin vers l’Europe en s’étalant de part et d’autre de l’Océan Atlantique, obligeant Thomas à allonger encore la route, taillant dans le Nord-Ouest quand Francis était monté directement vers les Açores. Les dépressions traversent très – trop – au Nord et la messe est dite. Il n’y aura pas de miracle. Pour sa troisième tentative et son second tour complet en solitaire à bord de Sodebo, Thomas ne pourra pas être à l’heure à Ouessant. Pendant plus de 50 jours, le marin n’a pas démérité, il n’a jamais baissé les bras ni reculé devant une difficulté, quelle qu’elle soit. Comme tous les athlètes, il a passé les caps et surmonté les épreuves les unes après les autres. Il a dessiné avec ses routeurs une route magnifique sur la carte du monde.
"Majesté, il n’y a pas de second !"
Le 22 août 1851, America, barrée par John Cox Stevens, président du New York Yacht-Club, domine l’armada britannique dans ses eaux, sous les yeux d’une foule compacte venue assister à l’affrontement et en présence de la reine Victoria. A la Reine qui s’inquiète de savoir qui est le second, il est répondu cette phrase restée célèbre : "Majesté, il n’y a pas de second". La réponse à l’occasion du premier défi qui donne naissance à l’America’s Cup résume bien l’état d’esprit du sportif et compétiteur de haut niveau qu’est Thomas Coville. A l’image de l’America’s Cup dans un tout autre registre, les records ne récompensent pas le second. La météo décide, les chasseurs de chrono le savent. Ils doivent l’accepter même si la frustration est grande et la déception immense pour Tom et pour Sodebo, toujours aussi fier d’accompagner son skipper dans ses aventures hors du commun. Car il ne faut jamais oublier que le tour du monde en solitaire sur un multicoque sans escale et sans assistance appartient à un univers difficile à comprendre et à appréhender pour le commun des mortels : celui du sport extrême. Francis Joyon reste à ce jour l’homme le plus rapide à la voile en solitaire autour du monde.

OUESSSANT – EQUATEUR (premier passage) :
IDEC le 30/11/07 : 6j 17h, 3 355 milles à 20,8 nds
SODEBO le 05/02/11 : 7j 2h 27’, 3 529 milles à 20,7 nds
Ecart : 9h27, 161 milles de retard

OUESSANT-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15j 7h 13’, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEBO le 15/02/11 : 17j 5h 54’ 32’’, 8405 milles 20,31 nds
Ecart : 1j 22h 41’, 1151 milles de retard

OUESSANT-LEEUWIN :
IDEC le 16/12/07 : 22j 15h 28’, 11450 milles à 21,1 nds
SODEBO le 23/02/11 : 25j 2h 32’’, 12 374 milles à 20,55 nds
Ecart : 2j 10h 32’’, 1194 milles de retard

RECORD DE L’OCEAN INDIEN (CAP DES AIGUILLES-TASMANIE) :
IDEC – Déc. 2007 : 9j 12h 6’ pour 5 182 milles parcourus à 22,7 nds de moyenne
SODEBO - 25/02/11 : 9 j 22h 45’ pour 5172 milles parcours à 21,7 nds de moyenne
Ecart sur le record de l'Indien: 10h39 ‘
Ecart depuis le départ : 2j 9h 22’

OUESSANT-CAP HORN :
IDEC le 29/12/07 : 35j 12h 36’, 17 902 milles parcourus à 21 nds de moyenne
SODEBO le 08/03/11 à 12h24 (HF) : 38j 0h 16m 32s, 19 186 milles à 21,03 nds de moyenne
Ecart de 2j 11h 40’, 666 milles de retard

RECORD DE L’OCEAN PACIFIQUE (Sud Tasmanie-Cap Horn)
IDEC – déc. 2007 : 10j 14h 26’ pour 5245 parcourus à 20,6 nds de moyenne
SODEBO - 08/03/11 à 12h24 (HF) : 10j 16h 49’ pour 5545 milles parcourus à 21,59 nds de moyenne
Ecart : 2h23’

OUESSANT – EQUATEUR (second passage) :
IDEC le 10/01/08 : 48j 2h 18’, 22 626 milles à 19,6 nds
SODEBO le 20/03/11 : 49j 22h 12’ 32’’, 23 777 milles à 19,84 nds
Ecart de 1j 19h 54’, 487 milles de retard

HORN – EQUATEUR :
IDEC en 2008 : 12j 14h
SODEBO le 20/03/11 à 10h20 (HF) : 11j 21h 56’
Ecart : 16h04 de moins qu’Idec

24 mars 2011
Il ne suffit pas de rentrer au vestiaire
"Dans d'autres sports, le vélo, la course à pied, quand tu arrêtes, ça s'arrête, dans notre sport, ça ne s'arrête pas, il faut ramener le bateau à la maison," explique aujourd'hui le skipper de Sodebo actuellement freiné à 2400 milles du but dans les tentacules d'un anticyclone des Açores qui s'étale du Portugal aux Bermudes.
Ce n'est donc pas le soulagement du vestiaire pour Tom qui progresse vers le Nord dans un vent très faible : "Cela ralentit comme prévu, je vais avoir encore une journée délicate pour traverser cette dorsale avec des vents turbulents. Le vent vient d'ailleurs de basculer de 90 degrés," poursuit-il. "Difficile de prévoir, alors je gagne vers le Nord pour avancer et je ressens déjà la houle résiduelle des dépressions qui passent au-dessus et que l’on va chercher." Malgré ce chrono qui tourne et ne l’attend plus, le skipper garde la même attitude. Il reste à l’écoute de son trimaran et agit dans l’instant : "J’ai inspecté le bateau cette nuit car c’était plus calme et il est parfaitement sain structurellement parlant. Je gère le quotidien, je fais marcher Sodebo avec le vent que j’ai. Dans les heures à venir, je devrais passer cette dorsale et entrer dans le flux d’Ouest perturbé que l’on attend depuis l’équateur pour rentrer à la maison avec une période en bâbord amure sur mon étrave abîmée. Je ne sais pas comment cela va réagir au portant car je n’en ai pas fait beaucoup depuis la collision."
Maîtrise de l’exercice
A 42 ans et presque six tours du monde à son actif, Thomas ne cache pas sa déception de ne pas avoir la récompense finale de battre le record de son voisin trinitain, Francis Joyon. Malgré tout, il connaît la valeur de ces défis dans lesquels si peu se lancent. "J’ai une chance inouïe de faire ce que je fais, de m’exprimer de cette façon, d’être sur l’eau avec ce bateau et entourée par cette équipe. Techniquement, on apprend à chaque fois. On va boucler, pour la deuxième fois, un tour du monde en multicoque sans s’arrêter. Déjà, en monocoque, il n’y en a pas beaucoup qui arrivent à finir sans s’arrêter ! Physiquement, j’ai aussi l’impression de ne pas avoir subi la machine. J’ai eu le sentiment de rester maître du bateau malgré une météo à chaque fois un peu plus difficile que prévu et qui ne permettait pas de garder une gestion personnelle optimale de l’effort comme du sommeil. Je suis aussi fier de l'organisation et de la qualité du travail avec mes routeurs. Le geste est beau, la trace est belle. Le faire n’est pas l’unique moteur mais le faire proprement est important même si la récompense ultime n’est pas là."
Sport extrême et extrême liberté
"Se faire peur à l’Ile Heard, naviguer au milieu des glaces, c’est à la fois beau et terrifiant, descendre pleines balles dans l’Indien, c’est la traduction de la liberté et de l’intensité. Mais la prise de risque est intelligente si elle sert une cause, sinon elle est stupide," nous raconte celui qui fait parti de cette espèce rarissime qui accepte de s’exposer à l’aléatoire. Tom appartient en effet à cette espèce qui ne souscrit pas à "l’assurance tous risques."
Une météo "classique" sur la fin aurait suffi
Bien évidemment, en cartésiens, Thomas et ses routeurs cherchent à refaire le film : "Je serais mortifié si j’avais fait une grosse bêtise, là, je m’en voudrais, mais ce n’est pas le cas. Jusqu’à la dépression orageuse au large du Brésil, tout paraissait encore possible avec une météo "classique."
Les records ou la discipline de l’aléatoire
A la différence de la régate, quand vous vous attaquez à un record, vous n’avez pas d’adversaire avec vous sur le plan d’eau qui est confronté aux mêmes conditions et vous permet de vous jauger dans l’instant. "Peu de gens s’attaquent aux records car ils ne veulent pas se confronter à cet aléatoire. Quand tu t’engages, tu sais que ça peut ne pas marcher. La probabilité est même remise à zéro à chaque fois puisque tu t’exposes aux aléas de la nature. C’est le principe même du sport extrême qui est de réaliser les choses sans en attendre quoi que ce soit, ce qui est peu audible pour un compétiteur. C’est aussi ce qui donne une certaine esthétique et une vraie liberté à notre démarche," analyse celui qui s’est frotté dans sa carrière à toutes les familles de la course au large et sur tous les types de bateaux.
L’ardoise magique
Attendu en Bretagne la semaine prochaine, le skipper pense au bonheur de retrouver les siens. "Les départs et les arrivés sont des moments magiques. Quand je vais voir mon petit bonhomme sur le ponton ou sur l’eau, ma fille, tout va s’effacer c’est sûr, c’est comme une ardoise magique ! "

23 mars 2011
Au coeur de la dorsale cette nuit
Sodebo poursuit sa remontée dans l'Ouest d'un anticyclone des Açores désormais colossal au milieu de l'Atlantique. Toujours tribord amure, le trimaran navigue sur la bordure de ce système de haute pression, avec un vent de Nord-Est d'une quinzaine de noeuds.
Petit à petit, en entrant progressivement dans la dorsale - là où il y aura le moins de vent - le bateau va ralentir sensiblement dans les heures à venir et surtout durant la nuit. Le flux dont il bénéficie actuellement va faiblir sous les 10 nœuds en passant progressivement au Nord. Thomas devra traverser cette zone de vent erratique avant de basculer ensuite dans du Sud-Ouest libérateur qui lui permettra d’infléchir, en fin de semaine, sa trajectoire vers la Bretagne. Les conditions se muscleront aussi en retrouvant une ambiance dépressionnaire et la mer formée qui l’accompagne. S’il sait qu’il n’arrivera pas à temps sur la ligne à Ouessant, le skipper doit désormais s’armer de patience pour terminer ce périple comme il l’a commencé, c’est à dire en effectuant la route la plus efficace dans des conditions météo imparfaites

22 mars 2011
Pas de Printemps pour Thomas Coville
Parti depuis 52 jours à l'assaut du record autour du monde en solitaire, le skipper de Sodebo fait face à une nouvelle barrière météorologique sur le chemin du retour en Europe. En raison de ce "marais anticyclonique" qui s'étale en travers de l'Atlantique Nord, Thomas Coville est contraint de rallonger sa route et d'effectuer un énorme détour par l'Ouest.
Depuis le passage de l’équateur dimanche dernier, le marin a tenté de faire de la vitesse et non du cap pour se laisser une chance d’attraper une dépression qui passait au Nord. Si le trimaran conserve une bonne vitesse moyenne, autour de 19 nœuds encore ce matin, le vent va mollir progressivement en entrant dans la dorsale de cet immense anticyclone des Açores qui s’étend des Canaries jusqu’à moins de 1000 milles dans l’Est des Antilles. Thomas ne touchera le vent de secteur Ouest qu’il attend sous la dépression qu'une fois sorti de cette zone de transition. Bien que positionné à 2800 milles de Brest, à hauteur des îles du Cap Vert, le skipper solitaire voit très largement s’envoler aujourd’hui mardi ses chances de battre le record de Francis Joyon (57j 13h 34’).

"Vous devez vous demander en regardant la cartographie, mais où va-t-il ?" confie-t-il à la caméra (vidéo disponible dans l'après-midi dans la médiathèque). "Aux Antilles ? A New York ? Non, j’ai bien l’intention de rentrer sur Brest mais la météo a décidé de ne pas m’offrir la route la plus directe." Thomas sait qu’après les lenteurs de la fin de l’Atlantique Sud, la configuration météo actuelle ne permet pas de route optimale dans l’Atlantique Nord. "Après le Cap Horn, lorsque nous pensions être sortis du plus dur, nous sommes remontés avec une trace superbe mais réalisée entièrement au près, face à une mer formée et très difficile. Le bateau était éprouvé comme moi mais nous avons eu la fierté de recroiser devant la trajectoire de Francis Joyon après avoir repris tout ce retard cumulé dans les trois autres océans. Cela m’a fait croire un instant que c’était possible avec une météo classique, pour remonter sur le Brésil et l’entrée dans l’hémisphère Nord, mais il n’en est rien. Après avoir supporté une dépression orageuse très difficile dans le Nord du Brésil qui a tué l’alizé de Sud-Est, nous sommes restés dans des conditions faibles et inhabituelles au niveau de la corne de l’Amérique du Sud. Et maintenant, c’est un anticyclone énorme qui nous empêche de retrouver le circuit perturbé (vent) d’Ouest et Sud Ouest qui est supposé nous ramener vers l’Europe, cela m’oblige à faire un grand tour par l’Ouest pour aller chercher loin devant cette perturbation."

21 mars 2011
Anticyclone droit devant
Depuis son passage de l'équateur dimanche, Thomas Coville a traversé un Pot au Noir relativement clément et renoué avec la vitesse dans un solide flux de Nord-Est de 15/20 noeuds. Son pain noir, le skipper l'avait mangé avant le passage de l'équateur, empétolé dans des calmes rarissimes là où, normalement, l'alizé de Sud-Est souffle fort.
Devant les étraves du trimaran qui file entre 22 et 25 nœuds de moyenne dans l’alizé de l’hémisphère Nord avec une mer très hachée, l’anticyclone des Açores occupe le terrain en descendant pratiquement jusqu’à la latitude du Cap Vert. Thomas n’a pas le choix. Il doit contourner par l’ouest cette nouvelle bulle géante de vents faibles. Certes, Sodebo engrange rapidement des milles mais ne peut pas gagner autant sur la route que nécessaire. Actuellement, l’écart se creuse avec Francis qui était pourtant un peu moins rapide mais avait une météo très favorable pour monter plein Nord et se rapprocher du but. La situation se révèle beaucoup plus complexe pour Thomas qui doit aller chercher les régimes dépressionnaires qui se succèdent dans le Nord de l’Atlantique avec l’obligation de tenir compte de ce vaste anticyclone qui lui barre la route. 
Remontée de l’Atlantique, pour le meilleur et pour le pire
"Comme nous l’avons vu, l’alizé était inexistant dans l’hémisphère Sud depuis plusieurs jours," explique Christian Dumard de la cellule routage de Sodebo qui revient sur la chronologie des derniers jours et sur la sortie laborieuse de l’hémisphère Sud. "Une vaste zone de calmes s’étend de l’Afrique au Brésil au Sud de l’équateur. En tête de la Barcelona World Race, Virbac Paprec 3 a été le premier à en faire les frais. Le leader de la Barcelona est resté englué trois jours et demi dans cette zone de calmes. Loïck Peyron et Jean-Pierre Dick n’avaient jamais vu une telle situation, il est vrai bien inhabituelle dans cette région généralement balayée par les alizés. Thomas a effectué une remontée de l’Atlantique Sud remarquable au près. Avant d’être confronté à cette zone sans vent, il croisait près de 200 milles devant son concurrent virtuel le 16 mars au large de Salvador de Bahia (Brésil). Durant les jours suivants, il a lutté dans cette zone de vents faibles avec souvent moins de 5 nœuds, là où Idec avait bénéficié d’un alizé bien établi. Quand l’alizé de Nord-Est est rentré en fin de journée hier dimanche 20 mars, Thomas comptait 495 milles de retard sur Francis Joyon. Thomas arrive dans un hémisphère Nord où règne une situation de blocage avec un vaste anticyclone qui ne laisse rien passer en son travers. Sodebo devra donc surement aller chercher loin dans l'Ouest une dépression qui devrait l’amener en Bretagne au prix d'un long détour."

20 mars 2011
Retour du vent dans l'hémisphère nord
Retour dans l'Atlantique Nord pour Sodebo qui a franchi l'équateur aujourd'hui dimanche à 10h20 (HF) après 49 jours, 22 heures, 12 minutes et 32 secondes de mer et avec 1 journée, 19 heures et 54 minutes de retard sur Francis Joyon.
Depuis son départ de Ouessant, le 29 janvier dernier, le trimaran Sodebo a parcouru 23 777 milles (19,84 nds de moyenne), soit 1151 milles de plus qu’Idec, exactement le nombre de milles de retard qu’avait Thomas en passant le Cap de Bonne Espérance. Le "challenger" Coville a été malgré tout plus rapide que son prédécesseur sur le tronçon Horn-Equateur. En effet, sur cette remontée de l’Atlantique Sud effectuée essentiellement au près et au reaching avec un alizé de Sud-Est aux abonnés absents et une étrave tribord endommagée, Thomas a rallié l’équateur en 11 jours, 21 heures et 56 minutes, soit 16 heures et 4 minutes de mieux que Francis en 2008. Une satisfaction pour le skipper et son équipe qui temporisent forcément tant ces dernières centaines de milles dans l’hémisphère Sud ont coûté cher sur le temps de référence. En avance de 226 milles il y a cinq jours, Sodebo accuse désormais 484 milles de retard, avec environ 3300 milles à courir encore jusqu’à Ouessant. Depuis ce matin, le vent de Nord-Est se renforce et Thomas Coville accélère : 12, 15, 17 nœuds, la tendance est à la hausse, même si le skipper n’est pas encore sorti définitivement de cette zone de transition entre les deux hémisphères. Le Trinitain négocie actuellement des grains, une situation commune du Pot au Noir et de ses conditions météo imprévisibles où alternent les calmes et les rafales de vent sous des nuages souvent bien noirs. Le chrono tourne et Tom doit revenir à son point de départ avant le 28 mars à 1h40’34’’ (HF), c’est à dire dans 7 jours et 15 heures, pour une vitesse moyenne à tenir au-dessus de 18 nœuds. Lors de sa précédente tentative il y a deux ans, Thomas avait été plus rapide que Francis sur ce finish qu’il avait réalisé en 9 jours et 15 heures. Cette année, le skipper doit donc mettre deux jours de moins, un pari des plus ardus. En mars dernier, pendant le Trophée Jules Verne de Groupama 3, le trimaran de Franck Cammas, mené par 10 hommes d’équipage dont Thomas au poste de barreur, entrait dans l’hémisphère Nord avec un peu plus d’une journée de retard sur le détenteur Orange II. Le record a pourtant été battu au bénéfice d’une route très efficace en bordure d’un anticyclone des Açores décalé dans l’Est, offrant ainsi une transition rapide avec le train dépressionnaire de l’Atlantique Nord. Thomas retrouve actuellement un régime d’alizé de Nord-Est avec devant lui un anticyclone qui gonfle en travers de la route directe, ce qui impliquerait une trajectoire par l’Ouest.

OUESSSANT – EQUATEUR (premier passage) :
IDEC le 30/11/07 : 6j 17h, 3 355 milles à 20,8 nds
SODEBO le 05/02/11 : 7j 2h 27’, 3 529 milles à 20,7 nds
Ecart : 9h27, 161 milles de retard

OUESSANT-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15j 7h 13’, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEBO le 15/02/11 : 17j 5h 54’ 32’’, 8405 milles 20,31 nds
Ecart : 1j 22h 41’, 1151 milles de retard

OUESSANT-LEEUWIN :
IDEC le 16/12/07 : 22j 15h 28’, 11450 milles à 21,1 nds
SODEBO le 23/02/11 : 25j 2h 32’’, 12 374 milles à 20,55 nds
Ecart : 2j 10h 32’’, 1194 milles de retard

OUESSANT-CAP HORN :
IDEC le 29/12/07 : 35j 12h 36’, 17 902 milles parcourus à 21 nds de moyenne
SODEBO le 08/03/11 à 12h24 (HF) : 38j 0h 16m 32s, 19 186 milles à 21,03 nds de moyenne
Ecart de 2j 11h 40’, 666 milles de retard

OUESSANT – EQUATEUR (second passage) :
IDEC le 10/01/08 : 48j 2h 18’, 22 626 milles à 19,6 nds
SODEBO le 20/03/11 : 49j 22h 12’ 32’’, 23 777 milles à 19,84 nds
Ecart de 1j 19h 54’, 487 milles de retard

HORN – EQUATEUR :
IDEC en 2008 : 12j 14h
SODEBO le 20/03/11 à 10h20 (HF) : 11j 21h 56’
Ecart : 16h04 de moins qu’Idec

19 mars 2011
Panne de vent avant l'équateur
"C'est une muraille qui s'est construite devant nous," témoigne le skipper de Sodebo qui est entré vendredi soir dans cette immense zone sans vent à 200 milles dans le Sud de l'équateur. Alors qu'il lui reste l'équivalent d'une transatlantique (3500 milles) à parcourir et 8 jours et demi pour rallier Ouessant dans les temps, le skipper voit l'anémomètre du trimaran tourner au ralenti.
Contrairement à la normale, l’alizé de Sud-Est pourtant généreux d’habitude dans la région, n’est pas là. La situation s’avère encore un peu plus critique dans l’Est de Sodebo où les leaders de la Barcelona World Race - Virbac-Paprec 3 d’abord puis désormais Mapfre - traversent le speedo en berne depuis plusieurs jours. A la faveur de cette route près des côtes du Brésil, Thomas a retardé l’échéance et gagné au Nord gardant assez d’air pour avancer autour de 10 nœuds de moyenne jusqu’à hier en fin de journée.
Déserté par le vent
Mais la pétole a fini par s’installer. "J’ai eu de 4 à 6 nœuds cette nuit et la mer est presque d’huile autour de moi maintenant," décrit le marin. "Cette panne de l’alizé est peut-être due à cette dépression orageuse sous la pointe du Brésil qui a tout aspiré." Après une remontée express de l’Atlantique Sud, le skipper n’a pas d’autre choix que d’accepter une réalité pas franchement tendre. Large de 1500 kilomètres, soit près d'une fois et demi la France du Nord au Sud, c’est un réel désert de vent qui s’est étalé de part et d’autre de l’Atlantique, du Nord du Brésil jusqu’au-delà de l’équateur. Difficile par conséquent d’écrire un scénario fiable en ce début de week-end puisque, sur ces multicoques, 4 à 5 nœuds de vent de plus ou de moins peuvent modifier grandement la donne. Et les prévisions les plus optimistes laissent espérer une amélioration dans la journée de samedi avec un vent qui pourrait se renforcer légèrement en tournant à l’Est.
Pas de clim’ à bord de Sodebo
En attendant que le ventilateur daigne accélérer, Thomas prend son mal en patience sous un soleil de plomb et dans une véritable fournaise. Accentuée par le manque de vent et les instruments du bord, la chaleur écrasante rend l’atmosphère carrément irrespirable. Chaque charge du moteur fait monter la température de plusieurs degrés dans l’habitacle et trouver de l’ombre sur le pont est l’unique échappatoire.
Demain à l’équateur
Si le retard avec la position de Francis Joyon dépasse désormais les 400 milles, l’écart augmente relativement doucement (30 milles depuis hier 17h HF) et le trimaran continue d’avancer sur la route de l’équateur qu’il devrait atteindre dimanche en milieu de journée. Ensuite, ce sera le "vrai" Pot au Noir dont il est difficile de délimiter précisément les contours. Thomas se dirige vers un passage Ouest, entre le 34 et le 35e parallèle, et, bonne nouvelle, l'activité orageuse y semble faible, voir même quasi nulle. Et après, une fois Sodebo dégagé de ce "Pot" de colle, quelle sera la configuration dans l’hémisphère Nord ? Evidemment, les incertitudes de la météo actuelle et de la progression effective du trimaran dans ce vent feignant compliquent l’établissement d’une stratégie claire pour la suite. Une dépression traverse l’Atlantique Nord d'Ouest en Est dans les prochains jours mais tant que Thomas n’a pas retrouvé un vent plus consistant avec le régime d’alizé de Nord-Est qu’il devrait toucher une fois sorti du Pot au Noir, il reste difficile de définir la chronologie de cette dernière semaine de mer.

18 mars 2011
Madame Irma, êtes-vous là ?
Alors que Sodebo navigue 400 milles dans le Sud de l'équateur, on aimerait lire dans la boule de cristal, tirer les cartes ou regarder dans la ligne de la main de Thomas Coville pour savoir ce qui l'attend dans les prochaines heures.
En effet, les prévisions informatiques en perdent leur latin dans cette région de transition entre les deux hémisphères où aucune règle ne s’applique de façon fiable. On le sait, on le répète, le Pot au Noir est cruel, imprévisible, il détruit les rêves aussi bien qu’il donne sa chance. Difficile de délimiter actuellement le début et la fin de ce Pot au Noir. Large, étalé très au Sud, il semblerait qu’il remonte au Nord dans les heures à venir. Pour sûr, il y a peu de vent avant cet équateur et les équipages de Virbac-Paprec 3 et Mapfre sur la Barcelona World Race peuvent en témoigner, eux qui ont été copieusement ralentis depuis plusieurs jours dans leur quête de l'hémisphère Nord. Audacieux, Thomas a fait le pari avec ses routeurs de se décaler vers le Brésil, de tenter d’exploiter au mieux ce vent un peu plus consistant à l’Ouest que dans l’Est. Après un bord très à la côte hier, puis un second de recalage, Sodebo monte désormais plein Nord enroulant la pointe du Nordeste brésilien. S’il a ralenti et perdu du terrain comme prévu sur Francis Joyon (retard de 347 milles à 11h HF), le trimaran ne s’est jamais arrêté. Les multicoques ont cette vertue d’avancer même avec très peu de vent. Avec moins de 10 nœuds d’Est-Nord-Est, Sodebo grimpe au reaching à 12,3 nœuds de moyenne. La Lune éclaire les nuits ces jours-ci et Tom n’a pas encore croisé de gros grains orageux, symptômes des prémices du Pot au Noir. En passant à moins d’une quinzaine de milles du port de Recife, le skipper a dû surveiller le trafic maritime cette nuit, ce qui ne l’a pas empêché de prendre quelques tranches de sommeil nécessaires. Il faut espérer maintenant que la tendance d’un vent supérieur aux prévisions se confirme encore durant la journée. Si Francis achevait deux journées très rapides, il entamait bientôt un ralentissement de quelques heures suite à la casse de sa drisse de grand voile et d’une faiblesse de son axe de hauban tribord. L’écart entre les deux marins pourrait donc se stabiliser dans la journée.

17 mars 2011
Tension et pression à bord de Sodebo
A une dizaine de jours de l'arrivée et après déjà plus de 23 000 milles en solo, le skipper de Sodebo reconnait que la route est longue et éreintante et que "cela risque de se jouer à quelques heures."
Pour Thomas Coville qui a largué les amarres il y a un mois et demi "aucun moment de sérénité n’est possible à bord." S’il a toujours autant de plaisir à naviguer et à faire ce qu’il fait - même du bricolage comme ce matin ! - , le skipper de Sodebo reconnaît qu'il a mal au moral : "Mon bateau est abîmé et ça me prend la tête." La traversée de la dépression orageuse au début de la semaine a été critique pour l’homme comme pour le bateau. Les deux en sortent meurtris. "Nous avons forcé dans la dépression. Ce n’est pas dans mes habitudes et, en même temps, il fallait passer. Cela a tellement cogné, tellement tapé que ça casse, comme souvent, quelques jours après."
Fatigue de fond
Aujourd’hui, le skipper paye ce passage en force contre la mer. Son bateau montre des signes qui ne trompent pas. Le "bout" qui tend la bordure horizontale de la grand voile a lâché ce matin dans le virement de bord. En équilibre, les pieds calés dans les poulies du chariot de grand voile et les bras tendus vers le bout de la bôme (voir la vidéo du jour), Thomas a réussi en 20 minutes chrono à sécuriser l’extrémité de la bordure avec du fil électrique. Oui le skipper est fatigué. Tout comme son bateau. On pourrait dire que l’un comme l’autre montrent des signes évidents de lassitude stigmatisés ici et là par quelques courbatures. "Je viens de dormir deux ou trois heures mais c’est un repos éphémère. La fatigue est profonde. Je vis au jour le jour avec la pression du résultat qui monte."
Veine de vent près du Brésil
Malgré cette fatigue latente et une énorme bulle anticyclonique qui a pris ses aises au milieu de l’Atlantique, le skipper de Sodebo profite toujours d’un couloir de vent à proximité des côtes brésiliennes. Il devrait passer l’équateur un peu plus tôt que prévu, sans doute samedi 19, en fin de journée. Comme le disent ses routeurs : "Thomas a superbement limité les dégâts et, pour le moment, il ne s’est jamais arrêté." Il a viré après un plus long et bon bord en direction du Brésil pendant lequel il a suivi un vent favorable. Il se débrouille pour ne pas trop s’approcher des côtes et garder du vent. Alors que le jour se lève pour lui, il tente un nouveau bord de recalage qui devrait lui permettre de mettre rapidement cap au Nord. Comme il l’avait prédit le week end dernier, on assiste à une vraie partie de yoyo avec le chrono de Francis Joyon. S’il a eu jusqu’à 266 milles d’avance mardi sur Idec, il est aujourd’hui derrière, à environ 50 milles.

16 mars 2011
Calmes tropiques
L'exercice que pratique Thomas à bord de Sodebo s'apparente à un 100 mètres qui durerait huit semaines. Seul dans son couloir, face à un sprinteur recordman virtuel, le skipper gère son corps et son bateau mais la constance dans l'effort ne suffit pas. Au-dessus de sa tête et sous ses pieds, c'est bien la nature et ce que les marins appellent "la cinématique des phénomènes météo", qui appuient ou contraignent la vitesse.
A chaque jour, sa nouvelle donne. S'il affrontait hier une mer brutale dans du vent encore soutenu au large du Brésil, le skipper entre aujourd’hui dans cette région de transition (le fameux Pot au Noir) à l’approche de l’équateur où toutes les bonnes comme les mauvaises surprises sont possibles.
Coup de pouce
Tom a viré de bord en milieu de nuit, repassant tribord amure et soulageant ainsi le flotteur dont l’étrave esquintée a résisté aux assauts des vagues, non sans stress pour le marin. La configuration actuelle l’amène à virer de nouveau dans la journée pour un passage relativement Ouest, pas loin des côtes brésiliennes, afin de contourner une bulle sans vent. Relâchant les ris les uns après les autres puis dégainant les voiles d’avant de l’ORC à la trinquette, toute la garde de robe y est passée et Sodebo navigue désormais sous grand voile haute et solent. La mer s’est aussi lissée alors que le vent de Nord-Nord-Est a molli autour d’une quinzaine de nœuds. Tom jouit néanmoins ce matin d’un peu plus de pression que ce qu’annonçaient les fichiers avec un flux de 16 nœuds qui semble adonner favorablement. Toujours au près, le Trinitain serre le vent autant qu’il peut, à l’affut du moindre petit ou grand "coup de droite" pour effectuer la route la plus rapprochante possible. Il s'en tire plutôt bien puisque le trimaran a progressé à 17,2 noeuds ces six dernières heures.
Quel pot ?
Avant de repasser pour de bon dans l’hémisphère Nord, restent encore plus ou moins trois jours très incertains. Trois jours où Thomas fera une croix sur l’alizé, annulé par cette dépression orageuse dont il s’est extirpé hier et qui se décale dans l’Est, aspirant tout sur son passage. Trois jours par conséquent où il va falloir accepter que l’avance de Sodebo fonde, tant le détenteur Idec avait pu suivre au même stade une trajectoire rectiligne, rapide et proche de la route directe. Selon les prévisions et au regard de ce que vit le duo leader de la Barcelona World Race Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron actuellement collé à la piste au-dessus de Recife, il semblerait que la zone de convergeance intertropicale (Pot au Noir) soit relativement Sud et déventée. Là encore, difficile d’accorder sa confiance à cette région du globe où l’opportunisme et l’huile de coude restent les meilleures armes. Dick et Peyron naviguent 500 milles plus au Nord que Thomas et d’ici là, la situation peut bien évidemment évoluer. Francis Joyon avait franchi l'équateur à l’aube de son 48e jour de navigation, avec 12 jours d'avance sur Ellen MacArthur. Il avait ralenti nettement la journée suivante après la rupture de sa drisse de grand voile. Le marin avait aussi découvert en montant dans le mât que le point d’encrage du hauban tribord se dévissait. Blessé à la cheville, le skipper avait néanmoins effectué trois ascensions en tête de l’espar, réparant ce qui pouvait l’être et sécurisant cet axe qui a tenu jusqu’à Brest.

15 mars 2011
Bien joué !
Qu'elle est longue cette remontée de l'Atlantique ! Longue et éprouvante au près le long de l'Amérique du Sud, mais elle paye. Pas franchement serein hier, alors qu'il entrait dans une inquiétante dépression orageuse près de Rio, Thomas Coville a bien géré.
Le skipper a viré comme prévu à l'approche du centre du système hier à 17h (HF) pour repartir sur un bord bâbord très efficace. Au compteur ce mardi à 10h30 (HF), Sodebo pointe à 226 milles devant Francis Joyon, soit près de 900 de gagnés en une semaine depuis le passage du Cap Horn.
Aile de mouette brésilienne
Depuis son virement, le trimaran navigue sur le flotteur tribord abîmé jeudi dernier suite à la rencontre avec un mammifère marin. Si la mousse de la crash box (pare-choc) mise à nue lors de la collision semble désormais partie, les dégâts ne vont pas plus loin à l’heure actuelle. "Thomas progresse depuis hier après-midi dans une mer particulièrement courte et croisée," explique Thierry Douillard (routeur). "Pour avoir déjà navigué à bord de Sodebo et Oman Air, son sistership, dans des conditions difficiles, je peux vous dire que remonter au vent dans ce type de mer est tout simplement infernal. Le système orageux contourné par Tom hier et cette nuit est resté longtemps stationnaire au niveau du Cabo Frio et c'est ce qui a levé cette mer de Nord-Ouest qui rencontre aujourd’hui une houle de Nord-Est particulièrement courte," précise-t-il. "A la grâce d’une nouvelle aile de mouette dans cet orage brésilien avec un très joli virement de bord, accompagnant la rotation du vent au Nord-Ouest, Thomas a un très bon VMG (compromis cap/vitesse) sur ce long bord bâbord," ajoute le routeur, objectivement satisfait de la trajectoire réalisée depuis le retour de Sodebo dans l’Atlantique. "La trace dessinée sur la carte depuis le Cap Horn est vraiment belle même si dans la réalité cela n’a pas été simple à construire au jour le jour."
Ralentissement à venir
Le trimaran progresse à 15 nœuds de moyenne dans un vent rafaleux de Nord de 25 à 30 nœuds. Autant dire qu’avec cette mer hachée, s’extirper de cette dépression demande encore pas mal de patience au skipper qui se cramponne en attendant des jours meilleurs. "Maintenant, le plus dur est derrière lui," enchaîne à son tour Titi Briend (la bande des Thierry routeurs !). "Thomas s’éloigne de cette zone de forte activité orageuse. Le vent va mollir progressivement et s’orienter doucement dans un secteur Nord-Nord-Est puis Nord-Nord-Ouest et baisser autour d’une douzaine de noeuds. Tom virera lorsqu’il atteindra cette zone en fin de journée. Il faut savoir qu'au même moment, Francis Joyon effectuait deux bonnes journées avec autour de 500 milles parcourus, Sodebo devrait donc reperdre un peu du terrain acquis."

14 mars 2011
L'incertitude de l'orage brésilien
Plafond bas, nuages noirs, mer formée, durant le live de ce lundi matin, Thomas sentait déjà les effets de cette dépression orageuse au large du Brésil qui rend le marin anxieux : "Je ne la sens pas très bien pour tout vous dire. C'est rentré fort, ça cogne beaucoup dans 30 noeuds de vent. Je suis étonné que la mer soit déjà si formée..."
Sodebo approche de cette dépression qui sort au niveau de la pointe de Cabo Frio, dans l’Est de Rio. "Elle arrive à grands pas et le ciel s’est assombri. Je vous avoue que c’est une échéance que je redoute depuis plusieurs jours. Ces dépressions orageuses sont mal vues par les fichiers météo et encore hier soir, on ne savait pas trop s’il fallait la passer dans l’Est ou l’Ouest," poursuit-il en regardant sans arrêt de droite à gauche depuis le cockpit, surveillant les mouvements de Sodebo "qui fait des bonds dans la vague."
A l’ancienne
Sous deux ris dans la grand voile et ORC, le trimaran navigue au près dans 20/25 nœuds avec des rafales dans les grains. "C’est la première fois depuis le départ que nous sommes un peu dans l’expectative niveau météo. Les modèles ne sont pas calés alors on va la faire à l’ancienne, en improvisant sur zone et en faisant au mieux avec ce que l'on a, tout en gardant l'objectif de ne pas perdre trop le gain dans l'Est que l’on a acquis ces derniers jours," confie-t-il. En avance sur Francis Joyon depuis dimanche soir à 19h (HF), Sodebo gagne du terrain avec 160 milles de mieux ce lundi à 11h25 (HF) mais cela va décroître dans la journée.
Retour en bâbord
Malgré la fatigue des 43 jours de mer où il a parcouru 22 000 milles en solitaire à travers les trois océans du globe, Tom doit trouver les ressources pour s’approcher encore un peu plus près du Brésil et entrer dans la dépression, afin de virer dans l’après-midi dans l'Est de son centre. "Il va falloir que je reparte en bâbord amure dans cette mer là, en appui sur le flotteur abimé (crash box tribord endommagée). Je ne sais pas comment le bateau va se comporter ni comment cela va se passer." Sodebo devrait rester entre 24 et 36 heures sur ce bord avant de virer à nouveau pour reprendre une route plein Nord.
Dessus, tout le temps, depuis le Horn
Comme il l’analyse aussi : "le rapport d’anxiété aujourd’hui est aussi lié au fait que nous naviguons au près depuis le Cap Horn dans des conditions pas faciles et qu’il ne faut rien lâcher, tout cela cumulé avec la fatigue du tour du monde dans les pattes. Le moindre truc qui paraît pas bien calé fait monter la pression et il faut tenir même si on a envie de péter les plombs par moment." Derrière cette dépression, la situation reste encore incertaine comme souvent sous les tropiques. La chaleur a tendance à bouleverser les schémas et, pour l’heure, l’alizé reste difficile à prévoir entre la pointe Nord du Brésil et le passage de l’équateur prévu en fin de semaine.

13 mars 2011
Dans les talons de Francis Joyon !
Go, go, go, Sodebo ! Quelle remontée ! A près de 5000 milles de Ouessant, Thomas Coville poursuit son impressionnante ligne droite, cap au Nord, le long du Brésil. A chaque pointage, il réduit son retard à grandes poignées de milles et, en 24 heures, il a en encore repris 200, soit plus ou moins une demi-journée. L'arrière du trimaran Idec n'est plus - virtuellement - qu'à 54 milles de l'étrave de Sodebo à 15h ce dimanche !
Thomas doit profiter au maximum de ce boulevard brésilien dans un couloir de vent d'Est en bordure d’anticyclone qu’il remonte au près débridé à plus de 20 nœuds de moyenne. Selon les fichiers, il pourrait garder cette cadence encore une journée et repasser lundi devant Francis Joyon ! Le prochain casse-tête météo se présente sous la forme d’une petite cellule dépressionnaire pointant dans le Nord du Brésil mais dont la trajectoire exacte ne met pas encore d’accord les fichiers. Faudra-t-il passer dans son Ouest comme cela s’avérait favorable hier ou bien la laisser à bâbord et croiser dans son Est ? Ensuite, l’alizé se montre encore un peu paresseux à l’heure actuelle mais il devrait permettre, espérons-le, de grimper à une vitesse correcte les latitudes vers l’hémisphère Nord. En 5000 milles, beaucoup de choses peuvent se passer, restent encore quelques inconnues : la force réelle de cet alizé, la nature du Pot au Noir et l’enchainement météo qui se présentera à Thomas pour remonter vers l’Europe. Il faut donc prendre aujourd’hui tout ce qui peut l’être et engranger les milles, tout en récupérant physiquement et en surveillant ce bateau qui vient de parcourir 21 000 milles, de quoi fatiguer lui-aussi.

12 mars 2011
Voilà l'été !
Les équipements "grand froid" sèchent sur le pont. Polaires, cirés, bottes et gants profitent d'un bon bain de soleil en plein Atlantique. En deux jours, la température de l'eau est passée de 7 à 20 degrés, remontant par la même le moral du marin.
Après six semaines de concentration sans relâche, dont quatre passées dans les quarantièmes et les cinquantièmes, Thomas vit des heures douces et bien méritées au large de l'Uruguay. Le Trinitain a pu réaliser un état des lieux sans mauvaise surprise de son bateau et il n’y a pas que le retour de l’été et la bonne forme de Sodebo qui "boostent" le skipper. Thomas a viré de bord comme prévu à 1h00 ce matin (HF), dans le bon timing et sans jamais s’arrêter, laissant le centre de l’anticyclone de Sainte-Hélène dans son sillage. Il a retrouvé un vent de Nord-Est de 12/13 nœuds qui va forcir de 15 à 17 noeuds dans la journée. Le trimaran progresse toujours au près, continuant de gagner du terrain sur la route de Francis Joyon. Le retard sur le détenteur s’élève à 266 milles à 14h30 samedi, soit 400 de moins qu’au Cap Horn mardi. Cet écart va continuer à réduire doucement. Depuis son virement, le trimaran navigue en tribord amure (le vent venant de la droite). Sodebo s’appuie maintenant sur le flotteur bâbord alors que le tribord dont le pare-choc avant est abimé, s’élève désormais hors de l’eau. Outre l’arrêt des gerbes d’eau qui montaient encore hier à plusieurs mètres au-dessus de la mer, c’est aussi pour Thomas la satisfaction de pouvoir pousser Sodebo à fond sans craindre pour la sécurité du flotteur. Sur les photos du bord reçues ce midi (à découvrir dans la photothèque), nous voyons bien que la mousse de la crash box a, pour l'instant, plutôt bien résisté aux vagues et aussi que Tom a pu remplacer la troisième pale de l'éolienne qu'il avait perdue dans le Grand Sud (ce qui inquiétait les internautes, merci de votre oeil observateur !). Sur les routages, la trajectoire du trimaran l’emmène vers les côtes brésiliennes où il devrait contourner une petite dépression par l’Ouest avant de retrouver un alizé assez faible et couper l’équateur dans une semaine environ.

11 mars 2011
La course contre la montre a commencé malgré un pare-choc éborgné
"Je suis toujours en lutte pour la "gagne" et je ne me ménage pas. Je continue à régler mon bateau même si j'adapte les réglages," affirme le skipper de Sodebo joint aujourd'hui en milieu d'après midi.
Après le spectre de l’abandon hier suite à la collision "relativement douce" avec un globicéphale, après de nombreuses heures à étudier les dégâts en liaison avec son équipe à terre et Benoît Cabaret l’architecte du bateau à qui Tom avait immédiatement envoyé des photos, après avoir constaté que l’avarie n’engageait ni la sécurité du skipper ni celle du bateau, le compétiteur s’est remis en marche pour ne pas perdre de temps sur ce chrono qui lui ne s’arrête jamais de tourner. "On avait travaillé sur ce sujet quand j’ai perdu l’étrave bâbord il y a trois ans dans une précédente tentative qui m’avait contraint à abandonner après l’Afrique du Sud. Au final, on s’en sort bien. La perte est hydrodynamique et non pas structurelle," tient à préciser le skipper qui espère que "la bête a à peine senti le choc tellement c’était léger." Malgré un handicap de performances estimé entre 10 et 15%, le skipper de Sodebo explique qu’il "n’a pas fait tout ça pour arrêter là." Il remonte sérieusement sur Francis Joyon et grappille consciencieusement des milles, et repris 345 milles depuis le Cap Horn passé il y a cinq jours. La route est belle, la trajectoire à travers l’Atlantique sud magnifique et le skipper en pleine forme physique grâce notamment à un travail complet réalisé sur la nutrition. Nettement plus passionné pendant des années par la technique et la technologie que par "la cuisine", le marin a planché avec le laboratoire de Recherche et Développement de Sodebo qui lui a concocté des plats déshydratés qui répondent à ses besoins énergétiques et à ce qu’il aime question goût. Même réflexion avec Helly Hansen sur les vêtements. Thomas qui commence à enlever des couches grâce à la température qui est passée en quelques heures de 7 à 14 degrés, reconnaît avoir navigué dans des conditions incroyablement confortables malgré trois semaines passées dans plus de 200 % d’humidité. "Je me trouve tout de même d’une étonnante fraicheur après 41 jours de mer", constate le skipper qui souffre comme son bateau de quelques contusions mineures. On ne vit pas à 200 kms / heure de moyenne jour et nuit sans quelques bleus au corps et à l’âme.
Question météo, la mer est désormais plate et le bateau avance sur la bordure de l’anticyclone avec des vents qui vont mollir. Après trois semaines de lutte et même si on sait qu'il préfère naviguer à 25 nœuds, Tom va profiter de cette accalmie pour se reposer et inspecter le maxi trimaran. Dans ce sport, sérieux mélange de technique, de technologie, de mécanique, de stratégie, de risques, de psychologie et de mental, Tom a choisi la voie de la sagesse. Il refuse de se faire des nœuds dans la tête comme il y a deux ans sur le temps qui passe, il refuse d’être obsédé par son avance ou son retard sur Francis. Il ne veut plus être obnubilé par le chrono. Depuis 41 jours, il regarde le schéma global : "Virtuellement, on peut encore battre le record. J’ai perdu ma dame et j’ai encore un fou qui est capable de faire échec et mat."

10 mars 2011
Incident de parcours
A 16h40 heure française, Thomas Coville a senti un choc sans incidence directe sur la route du bateau. Quand il est sorti pour évaluer le contexte, il a découvert que la peau de la crash box située à l'avant du flotteur tribord était partie, sans doute à la suite d'un choc avec un globicéphale. Une crash-box est une fausse étrave ayant un rôle comparable à celui d'un pare-choc de voiture (voir la photo).
L’équipe technique de Sodebo a évalué à terre les dégâts suite à la photo que thomas a envoyée aussitôt et l’intégrité structurelle du flotteur est conservée. S’il est impossible d’estimer aujourd’hui l'incidence sur les performances du trimaran sur la suite du parcours, Thomas Coville poursuit sa route. Actuellement en bâbord amure à la vitesse de 18/20 nœuds, Sodebo passera dans deux jours en tribord amure dans un vent faiblissant. Sur cette allure qu’il devrait conserver au moins jusque dans le Nord du Brésil, le flotteur au vent, celui endommagé, restera hors de l’eau. Dans 30 nœuds de vent de Nord-Ouest, le trimaran navigue actuellement au près bon plein dans le Nord-Est des îles Falkland avec deux ris dans la grand voile et sous ORC. Son retard sur la route de Francis Joyon est passé sous la barre des 500 milles à 15 heures (HF).
Réactions de Thomas après le choc
"Il y a quelques heures, j'ai senti un choc avec le bateau, un choc léger, je me suis retourné et j'ai vu un banc de globicéphales qui chassait au-dessus de l'eau. Ce sont des mammifères marins typiques de la région et donc, en percutant l'un d'entre eux, j'ai perdu un morceau de l'étrave du flotteur tribord. J’ai du mal à vous cacher mon émotion ou mon amertume, je n’arrive pas à trouver les mots. C’est finalement l’avarie la plus injuste qui puisse arriver dans ce genre de programme. C’est quelque chose que l’on ne peut pas dominer et, pour autant, la seconde étrave du flotteur a l’air de tenir. Cela permet de garder intégrité du flotteur qui ne peut pas prendre l’eau. On avait déjà eu un problème similaire et on s’était arrêté en Afrique du Sud *. Je n’ai pas pris de décision finale, ma première impression c’est que j’avance à 20 nœuds, ça tient et je fais route. Je continue le trait que j’ai commencé dans l’anticyclone de Sainte-Hélène. J’ai une mer assez formée avec 29 nœuds de vent. On avait un bateau en pleine possession de ses moyens, et moi, malgré la fatigue latente, j’avais la pêche, la niaque, cette nuit j’ai donné tout ce que j’avais comme toutes les autres d'ailleurs. Voilà comme des projets aussi éprouvants ne tiennent à rien, c’est un sentiment d’injustice énorme. "
Précisions sur la crash box par Thierry Briend, directeur technique du team Sodebo et routeur.
"Si thomas perd la crash box avant en mousse, il se retrouvera alors à naviguer en toute sécurité sur un second "faux nez" en carbone dont la forme "perce vague" est aussi respectée. Pour l’heure, il n’y a aucun risque que l’eau entre dans le flotteur. L’avant de la crash box est en place mais, avec la vitesse, la mousse va partir progressivement. Dans ce cas, soit la crash box part en entier, alors thomas naviguera avec la deuxième fausse étrave, soit elle reste et il faudra faire avec.
*Ce système de double pare-choc avait été mis en place en Afrique du Sud, lors des réparations effectuées après la collision du flotteur bâbord de Sodebo avec un growler pendant la première tentative de record de Thomas en 2007."

9 mars 2011
Duel en Atlantique !
Une journée après son passage du Cap Horn, le skipper de Sodebo a changé d'univers, place au près dans l'Atlantique Sud avec, à nouveau, le dilemme de Sainte-Hélène.
L’anticyclone redouté à la descente, l’est aussi à la remontée. Au choix : le tutoyer dans sa partie Ouest, au près, en faisant une route plus courte, où le tutoyer dans sa partie Est, au portant, avec un risque qu'il s'étende et vous bloque.
Entre les deux mon cœur balance
Relativement extrêmes dans leur option, Loïck Peyron et Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec 3), en tête de la Barcelona World Race, et leurs dauphins Iker Martinez et Xavi Fernandez (Mapfre), ont taillé vers l’anticyclone, avec une trajectoire par 25° Est. Certes, la progression n’est pas très rapide et ils se sont fait peur hier mais ils remontent sur la route et sortent comme ils disent "de la gueule du loup." Si les routeurs et le skipper de Sodebo suivent les marins de la Barcelona World Race, ils ne peuvent les considérer réellement comme des lièvres. "D’une part, nous sommes éloignés des deux premiers de la flotte et dans des systèmes météo différents," expliquait Thomas hier depuis le Cap Horn. "Le comportement d’un multicoque et la vitesse intrinsèque de Sodebo, combinés au fait que nous sommes en record et non en course, nous amènent aussi à une analyse différente de la météo et de notre stratégie." L’homme à battre est Francis Joyon. Depuis le Cap Horn, Sodebo a repris encore une quarantaine de milles sur le tableau de marche du record avec un retard de 620 milles à 17h00 (HF). Le skipper d’Idec avait choisi une route à l’Est et sa progression avait été relativement lente sur la première partie de l’Atlantique Sud. Dans le timing serré de Thomas, se faire coincer dans une excroissance de l'anticyclone, si stationnaire soit-il en ce moment, pourrait coûter cher. La stratégie du skipper s’affinera dans les heures à venir et il ne se ferme aucune porte. Pour l’heure, Tom vise un louvoyage environ 300 milles plus à l’Ouest que celui de Francis Joyon.
Près rapide !
Derrière le Cap Horn, Sodebo n’a pas trouvé tout de suite le vent attendu. Les fichiers prévoyaient du Nord-Ouest, celui avec lequel Renault ZE (3e de la BWR) a pu serrer quelques heures plus tôt son virage dans l'Atlantique. Thomas a composé un moment avec une déformation des isobars offrant un vent orienté au Nord-Est. Sodebo a donc poursuivi au large, le temps également de dépasser un haut-fond après l’Ile des Etats où la profondeur passe de 3000 à une centaine de mètres en moyenne, ce qui lève une mer infernale. Dégagé de cette zone et le vent de Nord-Ouest retrouvé, il a arrondi sa trajectoire pour remonter entre une dépression située de l’autre côté des Andes, dans le Pacifique, et l’anticyclone de Saint-Hélène. Thomas réussit à réaliser actuellement un près rapide à plus de 20 nœuds de moyenne, face à un vent de 30 nœuds et contre la mer.

8 mars 2011
Le Cap Horn est un don du ciel
"C'est incroyable, je passe le Horn avec vous. Je suis avec Neutrogena (NDLR l'un des monocoques de la Barcelona World Race voir la photo) qui est à 50 mètres de moi ! C'est la première fois que je passe aussi près. Je suis à 200 mètres !" Il est exactement 12h24, heure française, le petit matin au Cap Horn, quand Thomas Coville en pleine vacation audio annonce qu'il franchit la longitude du Cap Horn en direct.
Une émotion teintée d’excitation
Il y a encore quelques heures, le marin solitaire affrontait une tempête, un vrai coup de chien avec des creux de 6 à 8 mètres et des vents soufflant en rafales à 50 noeuds : "Dans ces moments là, » confiait Tom, "je peux vous affirmer qu’on se sent tout petit." C’était la nuit et à l’instinct, il avait pris un troisième ris dans la grand voile. "Rien ne me forçait à le faire," explique-t-il. L’instinct de survie sans doute et l’expérience surtout. Car tous les marins du monde l’affirment : si le Pacifique est bien le plus vaste océan du monde, c’est aussi le plus redoutable avec des vents violents qui tournent sans répit autour de l’Antarctique et des vagues féroces levées par des fosses de plus de 10 000 mètres. Nommé ainsi au 16ème siècle par un certain Magellan qui y a certainement rencontré des calmes, le Pacifique Sud ressemble plutôt à un champ de mines pour les coureurs d’océans qui n’ont qu’une hâte : en sortir au plus vite ! Et c’est bien le cas du skipper de Sodebo aujourd’hui qui surnomme très justement la pointe en forme de scorpion du continent sud américain : "le Cap de Bonne Délivrance." On pouvait entendre le soulagement du skipper de Sodebo qui quitte les eaux hostiles du Pacifique. "Dans ces moments là, tu deviens amnésique. Tu oublies tes souffrances de ce parcours très engagé où tu es toujours sur le fil du rasoir."
Franck Cammas en direct
Et puis grâce aux miracles des télécommunications, Thomas répond à Franck Cammas lui-même en mer dans le Golfe de Gascogne en entraînement à bord de son VOR 70. Ils se souviennent ensemble du Cap Horn qu’ils ont passé le 4 mars 2010, il y a tout juste un an. Ils évoquent la remontée de l’Atlantique et les conditions acceptables que le skipper de Sodebo devrait rencontrer, du moins au début « avec du vent au près pour commencer, une aile de mouette à négocier dans l’anticyclone pour aller choper les alizés ». Et puis le solitaire s’épanche sur sa condition de solitaire pour reconnaître qu’il pense souvent à cette expérience en multicoque à 10 et qu’il regrette parfois de ne pas avoir à bord une troisième main pour l’aider. "Ce que je tente appartient à l’extrême," avoue-t-il. Alors qu’il évoque la nuée d’oiseaux qui l’accompagnent comme une note de civilisation retrouvée au moment de contourner "ce caillou, un gros rocher avec sa colline et ses herbages qui descendent jusque dans l’eau comme une étrave", le skipper qui vient de passer 38 jours sans voir une once de terre poursuit pour "dédier ce Cap Horn à tous ceux qui ont dans la tête ou dans le cœur, un projet," leur conseillant "de le tenter même si ça paraît fou."
Le chrono pour adversaire
Concentré depuis 38 jours soit plus de 5 semaines sur ce temps exceptionnel réalisé par Francis Joyon en 2008, le skipper de Sodebo aligne les milles avec une constance impressionnante. Parti de Brest samedi 29 janvier, Thomas Coville comptabilise déjà 19 186 milles au compteur qu’il a parcouru à une moyenne de 21,03 nœuds. Le solitaire de Sodebo traverse les océans comme une fusée avec comme vitesse cible une moyenne de 20 nœuds. Il lui reste 7000 milles en ligne droite pour atteindre Brest. Lui qui s’acharne à vivre dans l’instant présent, qui s’oblige à se focaliser sur sa vitesse et qui "évite de se prendre trop la tête en se repassant le même film à l’infini," tente de résister comme il peut à la pression de ce chrono qui tourne sans s’arrêter. Mais le compétiteur qu’il est, sait surement qu’il a 19 jours, 13 heures, 16 minutes et 34 secondes devant lui pour battre le record du tour du monde en solitaire qui est de 57 jours, 13 heures, 34 minutes et 06 secondes. En se lançant dans la bataille du Pacifique, Tom s’était fixé comme objectif d’avoir moins de 1000 milles de retard au Cap Horn pour entamer la remontée de l’Atlantique dans des conditions psychologiques plus confortables qu’il y a deux ans où il avait plus de 4 jours de retard. En franchissant aujourd’hui mardi 8 mars la longitude du Cap Horn, il a 666 milles de retard sur Idec. Tout est encore plus que possible. Idec avait dû ralentir derrière le Cap Horn pour réparer son bateau. Celui de Thomas est apparemment en parfait état à l’exception de deux lattes de grand voile qui se sont brisées net dans un départ à l’abattée il y a quelques jours. Quand au défi physique que représente les 7000 milles qui restent à courir, cela ne semble pas le préoccuper.

7 mars 2011
Demain au Horn
Attendu mardi matin aux pieds de l'imposante falaise du Cap Horn, Thomas termine en beauté sa traversée du Pacifique. Il nous le racontait en son et en images cet après-midi.
Avec 748 milles de retard ce soir à 18h15, Thomas s’apprête à remplir le contrat qu’il s’était fixé à l’entrée de l’océan Indien qui était de passer le Cap Horn avec moins de 1000 milles d’écart sur la référence de Francis Joyon. "C’est vrai que depuis deux jours, on a les conditions pour aller vite et depuis une dizaine d’heures, la mer du vent s’est alignée avec la houle ce qui permet d’atteindre des vitesses intéressantes, Sodebo déboule à 33/34 nœuds sur les vagues et on exploite à fond le potentiel du bateau avec ses foils. C’est sportif mais pas désagréable."
Le moment du Horn
Malgré ce retard qui fond comme neige au soleil, le skipper ne veut pas se laisser enfermer dans la comptabilité. Il se concentre sur ce qui prime, et là, c’est le virage du Horn que Sodebo devrait effectuer pas loin de Groupe Bel et Neutrogena, deux concurrents de la Barcelona World Race. "Rien est fait tant que tu n’es pas de l’autre côté. Tu peux encore faire beaucoup d’erreurs avant ce fichu caillou," prévient le marin de 42 ans qui croise par là pour la 8e fois* de sa carrière. "C’est un moment attendu avec un contexte toujours différent qui clôture une tranche de vie, une expérience. Il n'y a pas que le premier Horn qui est beau, chacun a son histoire," poursuit-il avant d’en perdre son sérieux. "Mais sinon, vous allez à Brest, au Cap de la Chèvre et vous regardez les Tas de Pois. C’est tout aussi beau, pas besoin de venir jusqu’ici (rires) !" Il se rappelait aussi avec plaisir ce Horn passé il y a un an (le 4 mars) à bord de Groupama 3 durant le Trophée Jules Verne, un bon moment partagé avec Franck Cammas et la bande.
Le moment glacial
Depuis bientôt trois jours, Thomas a laissé les glaces et l’angoisse derrière lui. "Ces heures à proximité des icebergs ont été les plus délicates à gérer de ce parcours dans le Pacifique. Nous avons fait un grand détour et plus on investiguait avec CLS, plus il y en avait. Pour autant, j’ai pris la décision de rentrer un peu à l’intérieur de la zone à risques, c’était plus facile par rapport au vent mais forcément très angoissant. La moindre erreur est fatale. On entre dans la partie limite du jeu auquel on joue. Ce n’est pas très excitant mais c’était le passage obligé et grâce à mon équipe à terre, on a bien optimisé les choses."
Les moments de doutes
Forcément, lorsque on voit Thomas comme ça, limite blagueur avec une lucidité totale, nous sommes en droit de nous demander comment arrive-t-il à récupérer et comment garde-il sa détermination ? "A la caméra, on fait le malin, j’ai moi aussi craqué, eu des coups de moins bien et des doutes profonds sur le fait de pouvoir le faire et d’y arriver. Je ne suis pas un bloc de granit," lance-t-il. "En multicoque, la torture, c’est le manque de sommeil et si tu veux faire craquer quelqu’un, tu l’empêches de dormir. Avant et pendant la zone de glaces, j’ai très peu dormi et c’est ça qui joue sur le moral. Il y a deux ans, j’avais une autre carence, je ne mangeais pas assez, mais là, je me sens capable physiquement d’exploiter le bateau encore à fond. Sodebo est en super état, ce qui veut dire que l’on a bien préparé et géré les choses." Ensuite, ce sera comme il dit "à nouveau le juge de paix de l’Atlantique". Là où Francis Joyon avait été un peu moins rapide, "là où le record se jouera."

6 mars 2011
Route directe vers le Horn
Décidément le chemin qui mène au Cap Horn n'est pas une mince affaire pour les "coureurs d'océans". Les êtres normalement constitués sont bien trop raisonnables pour s'y attaquer. Quand ils arrivent dans ces parages, les tourdumondistes à la voile, en équipage, en double comme en solitaire, ont déjà quelques bonnes centaines de milles sous les coques et dans les bras.
Le matériel et les hommes affichent dans ces eaux-là une certaine lassitude, résultat de la bataille qu’ils livrent sans répit jour et nuit pour résister aux assauts répétés de cette Mère Nature qui, comme le répète souvent le skipper de Sodebo "nous tolère sans plus". C’est peu dire que Thomas est soulagé d’avoir quitté la zone des glaces bien réelles repérées par CLS ! Le skipper solitaire ne cache pas son épuisement après ces nuits et ces jours sur le qui-vive. S’il voulait éviter cette navigation sous forme de roulette russe, la nature en avait décidé autrement le contraignant, comme dans l’Indien au niveau des Kerguelen, à modifier sa route pour ne pas se laisser rattraper par une météo défavorable qui aurait mis en péril la tentative de record. Si la trajectoire sur la carte est belle et propre, la tactique n’est pas évidente. "Hier, nous sommes descendus dans le Nord de la dépression. Aujourd'hui, nous sommes très proches de son centre qui se déplace lentement vers le Sud-Est," résumait ce matin Thierry Briend, l’un des quatre membres de la cellule de routage, lui même fin régatier. "Afin de rester dans un flux d'Ouest et Nord-Ouest, l'empannage est prévu dans l'après-midi. Puis ce sera une route directe vers le Cap Horn avec une prévision pour aujourd'hui de 20 à 25 nœuds d’Ouest, montant progressivement dans la soirée vers les 25/30 nœuds de Nord-Ouest."
Par ici la sortie !
Si Bison Futé jetait un oeil aujourd’hui sur la route du Horn, il nous aurait annoncé non pas un embouteillage, il ne faut pas exagérer, mais un trafic plus dense qu’à la normale avec la flotte de la Barcelona World Race qui se dirige elle aussi vers la sortie du Pacifique ! Tom a dû voir sur l’écran de son radar, l’écho du bateau espagnol Estrella Damm (Alex Pella et Pepe Ribes) pointé à 30 milles dans son Nord ce matin. Positionné à 16h30 à 900 milles du fameux Cap Horn, Thomas a renvoyé de la toile. Sodebo descend rapidement et grignote peu à peu son retard sur Idec. Descendant à 21 nœuds de moyenne, le skipper a 1019 milles de retard sur le détenteur, soit 250 de moins que samedi à midi. Il a ainsi quasiment repris le terrain concédé sur Francis Joyon au cours de la remontée au Nord des glaces du Pacifique. Après le Cap de Bonne Espérance, le Cap Leeuwin, Thomas devrait franchir mardi le Cap Horn, en début de matinée. Pour le moment, il est dans les temps de Francis Joyon sur cette traversée du Pacifique, un tronçon qui va de la Tasmanie au Cap Horn. Après les surfs de l’Indien et du Pacifique, Tom renouera avec les allures de près mais ça, c’est une autre histoire.

5 mars 2011
Mise à l'épreuve
Les minutes ont dû lui sembler durer des heures. On a même du mal à imaginer ce qui peut bien bouillonner au fond de soi lorsque l'on avance seul au milieu de tout et que le radar signale la présence d'icebergs. Pendant 36 heures, le skipper a vécu la peur au ventre l'un des moments les plus éprouvants depuis son départ il y a 35 jours de Ouessant.
Ce matin, l’écho a confirmé à deux reprises qu’il y avait de la glace dans les parages. Qui dit avertissement du radar, dit aussi que la taille du "glaçon" peut être conséquente. On sait également que les icebergs dérivent à la vitesse de 10 à 20 milles par jour escortés par des grolers, ces "petits" morceaux qui fondent dans une eau que Thomas mesurait hier à six degrés. Et des grolers, le skipper de Sodebo en a croisés, notamment lorsqu’il est entré hier à l’intérieur de la zone critique sans avoir vraiment le choix. Pris en étau, le trimaran devait éviter de se faire rattraper par une dorsale anticyclonique et arriver à temps pour le passage du front dépressionnaire qui lui permet aujourd’hui de quitter la région des glaces sur un bon bord au Sud-Est. Tom a "coupé le fromage" pendant quelques heures mais le marin déteste par dessus tout être le fruit du hasard. Il est remonté un peu plus au Nord à la faveur d’un contre-bord salutaire. Le front situé dans le Sud de Sodebo est passé dans la nuit pour nous avec des rafales de plus de 40 nœuds. Eprouvé par ses heures de veille sans fermer l’œil, essayant de faire avancer son bateau dans une mer chaotique et un vent vraiment très instable où il a perdu un peu de terrain sur Francis (1266 milles de retard à 15h), Thomas réussi à s’offrir aujourd’hui quelques tranches de 10 à 20 minutes de sommeil dans un vent de 20 à 30 nœuds. Le maxi trimaran va continuer sa progression vers le Horn dans le secteur Nord-Ouest de cette dépression qui se déplace lentement vers l'Est. Il empannera dans le Nord du centre afin de repartir pratiquement en route directe vers la pointe de l’Amérique du Sud. En quittant l'océan Indien il y a une semaine, Thomas déclarait "le Pacifique t’as à l’usure et parler de la délivrance du Cap Horn n’est pas un excès de langage." S’éloigner des glaces représente déjà un premier soulagement, même si le risque de faire de mauvaises rencontres persiste tant que l’on navigue dans le Grand Sud. D’autant que Thomas descend à nouveau. Le rocher du Horn s’avance dans l’océan par 55 degrés Sud et les conditions météo à l’approche du Cap des Tempêtes s’annoncent à la hauteur de la réputation de la région.

4 mars 2011
Composer avec les éléments
Sur le fil du rasoir, Thomas enroule toujours par le Nord la zone de glaces cartographiée au milieu du Pacifique Sud. Dans la "fumée" du cyclone ATU, déclassé en dépression au cours de sa descente vers les latitudes australes, le skipper a du mal à trouver la bonne voilure et les bons réglages pour maintenir une navigation constante et rapide.
"La journée d'hier n'a pas été facile du tout pour Thomas. Dans un vent faiblissant autour de 20nds avec une mer toujours aussi désordonnée, la progression n'a pas été aussi rapide que nous l'aurions espéré," explique Thierry Briend (routeur). "Mais il faut composer avec les éléments. L'envoi du petit genak’ ne s'est pas bien passé et Tom a dû batailler une grosse heure pour rétablir la situation, y laissant un certain influx. Comme nous l’annoncions, l'écart avec Francis s'est accru (autour de 200 milles perdus en 48h) mais il se stabilise maintenant et va sans doute décroître à partir de ce soir." Suivant la théorie à la lettre, le solitaire a commencé à infléchir sa route vers l’Est, signe que ce contournement nordiste des icebergs touche bientôt à sa fin. En réalité et comme on le voit sur la carte, Sodebo frôle de très près la région à risques. "En effet, d'un commun accord avec Thomas nous avons décidé de couper un peu car, à ce niveau là, il y avait des glaces très isolées, » poursuit Titi. "Nous devrions sortir de cette zone la nuit prochaine."
Plonger fissa vers le Horn !
Le vent de Sud-Ouest souffle toujours autour de 20 nœuds actuellement. Le skipper a troqué le gennaker pour le Solent et accélère de nouveau. Tom attend malgré tout avec impatience le moment où il va pouvoir reprendre une route directe vers le Cap Horn. Cette nuit, un front froid amène de la pression salvatrice avec une rotation rapide du vent au Nord-Ouest. Il passera ensuite assez vite plein Ouest avec de 25 à 30 nœuds garantis pour la journée de samedi. De quoi couper les latitudes à vive allure pour se diriger vers la sortie, vers la Terre de Feu et le "caillou" du Horn.
Faut pas croire, ce ne sera pas si simple !
Avant d’en finir vraiment avec le Grand Sud, il va falloir encore négocier un minimum dépressionnaire qui se crée pile poil sur la route de Sodebo. L’idée est de passer dans son Nord pour accrocher le fort Ouest-Nord-Ouest qui s’annonce assez copieux avec des conditions particulièrement musclées au pied de la Cordillière des Andes et sous le Horn que le trimaran devrait franchir dans la nuit de lundi à mardi pour une traversée du Pacifique depuis le Sud de la Tasmanie autour des 10 jours. Un temps très proche de celui de Francis Joyon sur ce tronçon qui est de 10 jours, 14 heures et 26 minutes.

3 mars 2011
Pas encore la délivrance du Horn comme pour Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron
Un multi et des monos, il y a du monde dans le Pacifique ! Le Cap Horn n'est pas encore le propos pour Thomas Coville. Mer chaotique et vent qui oscille, la navigation sur trois coques, ce n'est pas que de la glisse. En ce jeudi après-midi alors que c'est son 6ème tour du monde et le 3ème en solo, Tom n'a jamais été aussi près de celui que les marins appellent le "Cap Dur".
Positionné à un peu plus de 2000 milles du Cap Horn, le skipper solitaire de Sodebo est cependant contrarié. Pas de mauvaise humeur, non, mais chagriné parce qu’il trouve qu’il n’avance pas bien et en tout cas pas assez vite à son gré. Avec un vent qui adonne ou qui refuse, un vent qui monte et qui descend en force, un vent capricieux, il est obligé de changer sans cesse de voiles ce qui n’est pas une mince affaire quand la dite voile pèse au minimum deux fois son homme. La mer va dans tous les sens à cause des dépressions qui lui passent dessous à la vitesse TGV avec des vagues annoncées de 10 à 15 mètres. Il y a aussi cette énorme zone de glaces relevée par le satellite de CLS qui contraint le skipper à faire un grand détour par le Nord-Est. Dans ces conditions, son bateau souffre comme assailli de tous les côtés par des tonnes d’eau qui se fracassent contre les flotteurs et passent par dessus les filets. Tom se sent aujourd’hui tout petit. Imposant quand il est amarré dans un port, Sodebo et ses 32 mètres de long fait figure de Dinky Toy au royaume du Pacifique : "Ici, c’est vraiment engagé quand il y a de la mer et c’est toujours plus que ce que tu attends !" raconte-t-il alors qu’il vient une fois de plus de changer de gennaker (voile d’avant) dans un vent qui oscille sans arrêt.
SOLO ou DUOS, deux univers
Aujourd’hui, le skipper de Sodebo en a un peu assez de cet adversaire virtuel qui ne s’arrête jamais et qu’on appelle le temps. Après presque 17000 milles et 33 jours de mer tout seul autour de la planète, il dit aussi qu’il en viendrait presque à envier les duos de la Barcelona World Race et notamment ses potes Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron avec lesquels il a partagé pas mal de milles en mer et de nombreuses heures à causer techniques dans les chantiers. En franchissant le fameux "Cap Dur" aujourd’hui en tête de la course après 61 jours de mer, le couple embarqué à bord de Virbac-Paprec 3 a senti comme tous les marins du monde, le vent de la délivrance. "On ne peut pas comparer les deux exercices," explique Thomas qui entame quant à lui son 33ème jour de mer alors qu’il est parti presqu’un mois plus tard. "Ils sont en double, en monocoque, en mode régate et en course alors que je suis seul, en multicoque et en mode record. J’admire la maitrise de Jean-Pierre Dick qui arrive à faire ressortir le meilleur des équipiers avec lesquels il navigue. C’est une sacrée démonstration. Ils accélèrent quand ils ont envie, dosant savamment leurs efforts." Côté stress, la navigation en monocoque et en double, ce n’est pas la même ambiance. "En double, il y a toujours quelqu’un sur le pont. Le bateau est à 100% tout le temps. Tu peux aller manger et dormir en te disant que ça gère. En solo et en multi, le stress est permanent. Tout peut arriver dès que tu as le dos tourné. Sur trois coques, le stress est multiplié par le carré de la vitesse."

2 mars 2011
Sous la barre des 1000 milles de retard
Depuis son entrée dans l'Indien, Thomas s'était fixé un objectif : passer sous la barre des 1000 milles de retard sur Idec au passage du plus mythique des caps : Le Horn, " ensuite, dans l'Atlantique tout peut être jouable". Le travail acharné du navigateur est aujourd'hui récompensé puisqu'il a gagné pas moins de 375 milles depuis le 18 février dernier. Non loin des Kerguelen, son retard était alors de 1365 milles sur Francis Joyon.
Depuis mardi 18h15, Sodebo flirte autour de cette ambition à chaque relevé de position, 968 milles à 21h30, 940 à 02h15, 1008 milles à 7h15 mercredi, et 990 milles à 16h30. A moins de 10 000 milles de l’arrivée, « la tendance pourrait tout de même s’inverser quelque peu », précisent les routeurs. En attendant, la concentration est à son maximum, chaque effet de vent, chaque vague, chaque réglage sont autant d’opportunités de gagner du terrain sur cet adversaire qu’est le temps. Cet après-midi par 54° Sud, le maxi trimaran progresse à plus de 22,4 nœuds en bordure de la zone des glaces repérée par CLS qui l’obligeait à mettre dès mardi du Nord-Est dans sa route. La météo étant plutôt conciliante, le marin n’est pour le moment pas vraiment pénalisé dans le contournement de ce champ de glace. Après avoir empanné cette nuit, Sodebo est parti pour tirer un grand bord dans son Est avant d’incurver sa route sur celle du vent, actuellement un flux de Sud-Ouest entre 20 et 30 nœuds. L’objectif aujourd’hui est de se maintenir dans la queue de la dépression qui s’évacue juste devant lui. En effet, dans les étraves de Sodebo, ce n’est autre que le cyclone ATU, reclassé depuis en dépression, qui génère toujours une mer très formée et difficile à manier. Les conditions ne sont donc pas de tout repos pour Thomas, qui en remontant un peu plus au Nord, conserve malgré tout des températures extrêmement froides du fait de la zone des glaces toute proche. Avec 469 milles parcourus sur les 24 dernières heures à la vitesse moyenne de 19,5 nœuds, Tom poursuit sa longue chevauchée vers le Cap Horn qui n’est plus qu’à 2 500 milles et qu’il pourrait atteindre en tout début de semaine prochaine.

1er mars 2011
Icebergs à 300 milles
Devant les étraves de Sodebo une zone de glaces longue de plus de 2000 kilomètres s'étend entre le 51e et le 62e parallèle dans le Pacifique Sud. La stratégie est affinée et la météo conciliante, Thomas va pouvoir contourner cet immense champs d'icebergs par le Nord.
Lorsqu’il a déclenché son empannage à l’heure du dîner en France hier soir, le skipper avait 1190 milles de retard sur le record de référence. Après une bonne nuit pour nous et une belle journée pour lui sur une trajectoire plein Est dans les Cinquantièmes, le skipper a repris 138 milles (255km) avec un delta de 1052 milles à l’heure actuelle. Une centaine de milles, une bagatelle à l’échelle du globe évidemment mais l’objectif d'avoir autour de deux jours de retard à la sortie du Pacifique qu’il atteindra dans 6 jours environ tient toujours et comme il le disait hier "chaque mille compte". Cela mérite de descendre par 57/58 degrés Sud, même pour quelques heures, surtout pour trouver du bon vent. A l’issue de son contre-bord au Sud-Est réalisé hier dans un vent maniable de 16 à 22 noeuds, le skipper a empanné pour repasser bâbord amure dans un vent d’Ouest-Nord-Ouest qui va adonner dans la journée et lui permettre de remonter naturellement au Nord-Est en bordure d’un anticyclone. Le trimaran accélère de nouveau avec une vitesse de 22 à 26 nœuds sur la journée. Il naviguera ensuite dans le fort flux de Sud-Ouest de la dépression qui s’évacue devant lui. Bénéficiant d’un angle de vent favorable, Sodebo va remonter peut-être même jusque dans les Quarantièmes qu’il a quittés peu avant les Kerguelen. Mathématiquement, croiser plus au Nord se traduira par une perte de terrain sur Francis Joyon mais l’heure n’est pas à la roulette russe d'autant que les routages restent encourageants pour le virage au Cap Horn. Les premiers « glaçons » pointent à 300 milles dans l’Est de Thomas ce mardi. Les informations données par CLS Argos permettent de cartographier précisément la zone à risques mais les satellites repèrent les icebergs d’une taille de 100 mètres minimum, en dessous, on ne sait pas. En bon cartésien, en bon compétiteur et grâce à un bon enchaînement météo, le skipper a défini avec ses routeurs la trajectoire la moins dommageable en terme de performance mais garantissant un maximum de sécurité. Néanmoins, Thomas va naviguer pendant deux jours et demi dans le Nord de ces sentinelles de glace majestueuses certes, mais terriblement stressantes. Dans l’Indien déjà, le solitaire avait vu deux icebergs d’une vingtaine de mètres alors qu’il passait sous un champ de glaces dans l’Est des Kerguelen.

28 février 2011
Mon gars, t'es pas chez toi !
Non, Tom n'est pas dans un vaisseau spatial entre deux galaxies, ni en expédition souterraine, mais de nuit dans le Pacifique Sud à dévaler des montagnes liquides. Lors du direct de 16 heures lundi, le skipper entrevoyait les premières lueurs du jour "après une nuit sans Lune mais étoilée avec cette mythique Étoile du Sud que seuls ceux qui viennent ici peuvent apercevoir."
Un mois de mer en solitaire, 30 jours de vitesse et de stress depuis ce départ tonitruant de Ouessant, Thomas Coville file et ajuste au quotidien ce mélange subtil entre attaquer et sécurité. Le GPS décroche pendant la vacation : "Peut-être parce que l’on est très Sud, ce sont des endroits où tout est un peu la découverte," analyse-t-il en changeant de GPS à la table à cartes. "Le vent oscille en force et en direction, je ne vais pas vite (28 nds quand même au moment où il parle !) et j’ai une énorme houle arrière qui me propulse à plus de 30 noeuds," poursuit-il. "La nuit, tu es dans la sensation pure, tu sens le bateau dans les pieds, le vent sur le visage, j’aime entendre le sillage, tu fais les gestes par automatisme même si tu ne peux pas voir un problème sur un bout par exemple. Tu sens le bateau monter sur la vague, tu joues toute la nuit avec cette grosse houle mais tu découvres sa taille réelle qu'au lever du jour et tu te dis put…. ! Tu t’aides aussi beaucoup des cadrans et sans données fiables comme quand le GPS s’y perd, tu ne peux pas valider tes sensations par les chiffres et tu stresses."
Hostilement vôtre
Demandez à tout plaisancier un peu aventurier qui rêve du voyage de sa vie jusqu’aux antipodes, rejoindre le Pacifique Sud prend beaucoup plus que un mois de navigation ! Thomas traverse ces zones reculées du globe presque tous les hivers. En équipage ou en solitaire, le marin aime ça et ne s’en lasse pas. "On se sent tout petit d’un seul coup au milieu du plus grand océan de la planète. Ce n’est pas du tout pacifique comme ambiance, c’est studieux et froid. Alors oui, c’est bien de venir, c’est beau, mais à chaque fois tu te dis "là mon gars, t’es pas chez toi, t’es juste toléré, c’est trop hostile alors pourquoi tu reviens...." cela fait partie du parcours et tu ne peux pas faire autrement. »
Pourquoi si Sud ?
Ciré complet, bonnet, lampe frontale, gants, Tom a la panoplie totale pour affronter "un froid vraiment mordant par 57° Sud mais on descend car il y a plus de vent dans le Sud. On tire des bords plein vent arrière et a terme, le vent va tourner et on aura un meilleur angle d’attaque pour remonter. Le dernier point c’est que la terre est ronde alors on fait moins de route au Sud. On gagne quelques milles en fournissant le même effort, cela vaut le coup alors il faut tenir dans le froid qui bouffe de l’énergie et met encore une pression supplémentaire."
Dans une bonne phase
« L’enchainement Indien/Pacifique s’est super bien passé d’un point de vue météo avec une route régulière et très propre même si en réalisation, cela n’a pas été si simple. Il ne faut rien lâcher maintenant pour passer entre ces deux énormes dépressions et tirer son épingle du jeu. Ensuite, il y a un immense champs de glace à gérer devant nous, au milieu du Pacifique," conclue-t-il alors que le jour pointe dans son Est. Ce soir, à environ 10 600 milles de l'arrivée, l'écart avec Francis Joyon est de 1175 milles.

27 février 2011
Ça déroule par 55° Sud !
Sodebo croise ce dimanche matin à 1000 kilomètres sous l'Ile Stewart, cette petite île du bout du monde dans le Sud de la Nouvelle-Zélande où Yves Parlier avait joué les Robinson lors du Vendée Globe 2000/2001. Il s'y était abrité pour réparer seul son mât brisé.
Le skipper coupe aussi la longitude des îles Auckland, à 150 milles dans son Nord. Il y a deux ans, lors de sa seconde tentative, Thomas nous avait envoyé des photos de ces cailloux isolés. Il était passé près, obligé de suivre une route plus Nord en raison d’une fenêtre fermée vers le Sud. Une forte dépression sévissait sous lui et devant, un immense champ d’icebergs autour du 50° Sud lui interdisait de descendre sous le 49e. Thomas passe bien loin aussi de Christchurch, ville sur la côte orientale de l'Ile du Sud de la Nouvelle-Zélande, une ville "tellement romantique" comme le skipper la décrit et où la terre a tremblé mardi dernier. Après ses études, le skipper de Sodebo s’était baladé en stop dans l’île du Sud et rencontré ce peuple néo-zélandais si accueillant. Il avait même été invité à partager le mariage d’un couple de Christchurch. Des souvenirs qui lui reviennent et des pensées qui vont tout naturellement vers ceux qui sont meurtris aujourd’hui. Cette zone du globe est aussi empruntée par les marins en course sur la Barcelona World Race. Ce tour du monde en double en monocoque a débuté à Barcelone le 31 décembre dernier et la flotte s’étale aujourd’hui sur plus de 4000 milles, entre les leaders Loïck Peyron et Jean-Pierre Dick à environ 1500 milles du Cap Horn et le tandem espagnol de We are Water qui ferme la marche dans le Sud de la Tasmanie. Sur le parcours, les concurrents doivent remonter pour traverser entre les deux îles de la Nouvelle-Zélande puis passer entre les portes de sécurité positionnées autour des 45 et 50 degrés Sud, donc plus Nord que la route du record de Tom. Néanmoins, les bateaux convergent tous vers le Horn et Sodebo pourrait bien retrouver d’autres tourdumondistes à la sortie du Pacifique.
Pain blanc
Si les concurrents de la Barcelona viennent d’essuyer les violences du cyclone « ATU » avec plus de 50 nœuds de vent depuis bientôt 36 heures, Thomas navigue très au Sud et le phénomène se sera bien affaibli en rejoignant ces latitudes. Pour l’heure, Sodebo bénéficie de belles conditions sportives et rapides. En avant d’un front actif, le vent souffle d’Ouest-Nord-Ouest de 25 à 30 nœuds avec toujours des rafales à 40 et plus de 5 mètres de houles. De quoi filer. Le trimaran déboule à près de 24 nœuds de moyenne depuis hier, sur une trajectoire au Sud-Est et le retard sur le détenteur est repassé sous les 1200 milles samedi soir. Comme le dit l’expression, le skipper de Sodebo mange donc son pain blanc en entrant dans le Pacifique après avoir plutôt eu du pain bien noir vers Sainte-Hélène et relativement sombre dans l’Océan Indien. En restant avec ce train de dépression, Tom devrait continuer à dessiner cette trace optimale malgré une vie à bord toujours des plus stressantes. Reste également à gérer, la présence de glaces au milieu du Pacifique, repérées assez Nord par le 52e degrés Sud. Le team Sodebo attend ces jours-ci les dernières informations commandées à CLS Argos pour affiner la stratégie de la semaine.

26 février 2011
Le tour à mi-parcours
Après 28 jours de mer et à mi parcours, Tom revient sur sa descente de l'Atlantique et sur la traversée de l'Indien. En entrant dans le Pacifique "jamais si pacifique que ça", le skipper de Sodebo entame une nouvelle tranche de son voyage planétaire.
Un homme et un bateau à 100%

A mi parcours, l’homme affirme que physiquement, il est à 100%. "Je m’étonne", nous confie-t-il aujourd’hui, "d’être à ce niveau de fraîcheur. Je ne me limite pas. Je n’ai pas à choisir de faire ou pas telle route." Idem pour le bateau, "même si j’ai bricolé ici et là au quotidien, notamment à l’équateur quand j’ai cassé trois lattes." Voilà d’excellentes nouvelles alors que le skipper de Sodebo a fait hier, vendredi, son entrée dans le Pacifique avant la libération du Cap Horn qu’il devrait atteindre dans une dizaine de jours.
Le record
Se battre contre le temps est une chose. Cet adversaire virtuel qui ne s’arrête jamais, est pour Tom une concurrence avec une guerre psychologique à laquelle il tente d’échapper. En retard d’environ deux jours sur le temps de Francis Joyon qui a tracé il y a deux ans une route insolente et exemplaire, le skipper de Sodebo connaît la frustration d’être souvent plus rapide sur l’eau et en retard sur le fond.
Concentré depuis 28 jours et naviguant à un niveau d’exigence extrême depuis son départ de Brest, Thomas continue d’attaquer, "tout en dosant au quotidien et en gardant la même foulée jour après jour autour de 20 nœuds de moyenne et une même cadence avec à peu prés le même nombre de milles chaque jour soit plus ou moins 500."
La dimension d’un voyage
"Mais qu’est ce qu’il va chercher là-bas ?" se demandaient aujourd’hui Joseph et Simone Bougro, fondateurs de Sodebo en écoutant Thomas raconter que pour lui, "chaque jour est un jour nouveau." Même s’il fait référence à Ulysse, son trip à lui se situe à des années lumières d’une errance. Ni Lotophages, ni cyclopes ou sirènes au pays du multicoque survitaminé. Et c’est en images avec des flashs que le skipper des temps modernes nous raconte son grand voyage entre Brest et la Tasmanie à travers les océans. Un voyage de manœuvres qui a commencé par un combat à l’équateur contre un nuage dont il fallait "s’extraire". Après ce nuage, Tom le marin se souvient un peu plus bas au milieu de l’Atlantique Sud, " de la décision de Richard (NDLF Richard Silvani de Météo France) qui me fait lofer et passer dans un trou de souris pour faire de l’Est." Après Bonne Espérance où il a bien failli mettre le clignotant à gauche et rentrer à la maison tellement il était en colère de s’être battu comme un diable contre Sainte-Hélène et d’être en retard de deux jours sur le record, il se rappelle du passage des Kerguelen,"une conversation par VHF avec des pêcheurs de l’île d’Yeu. On était au milieu de nul part dans l’Océan Indien et on a navigué à vue." Et puis ce fût ce rouleau de vent, ce coup de Foehn qui lui tombe dessus juste après, à l’Ile Heard. Alors qu’il est en route pour son 6ème tour du monde et son troisième en solo et même s’il prend les choses au jour le jour, le skipper de 42 ans ne ferme pas les yeux sur ce qui l’attend : "Si l’Indien est exigeant et violent, si c’est un chacal qui vous prend à la gorge et vous engage dans un corps à corps, le Pacifique arrive après l’Atlantique et l’Indien. Il vous a à la durée, à l’usure," raconte le skipper qui sait de quoi il parle alors qu’il avance dans la nuit noire sans étoile et sans lune à 25 nœuds de moyenne cap au 120 sur un bateau où la tension et la concentration sont des questions de survie. "C’est d’ailleurs l’objet et l’intérêt de l’exercice," avoue celui qui reconnaît quand même que "cet état d’alerte permanent et ce niveau de stress sont difficilement gérables plus de deux mois."
Mon ami le pilote
A bord, Tom a un ami qui lui veut du bien mais qui perd parfois la tête. S’il a bien progressé question alimentation, "ce qui me permet d’ailleurs de ne pas être en hypoglycémie et de tenir physiquement," le skipper de Sodebo reconnaît être déçu par son ami le pilote. "S’il me lâche, je suis en danger. Psychologiquement, c’est difficile de ne pas pouvoir me fier à lui quand je me déplace ou quand je dors." En fait, Tom et son équipe travaillent depuis trois ans sur le pilotage automatique, un sujet capital pour un solitaire. Le résultat n’est pas aussi optimal que le souhaite le marin breton qui a "par moment, l’impression de naviguer sur des œufs avec une direction faussée." Depuis quelques jours, son équipe à terre épluchent et décryptent les enregistrements qu’il envoie depuis les Antipodes. Un acharnement qui porte ses fruits puisqu’en modifiant les réglages, l’ami pilote limite les embardées. Il faut dire qu’hier pour fêter la sortie de l’Indien, le bateau est parti trois fois à l’abattée sous pilote. En solo, l’affaire est grave et usante quand il faut tout remettre dans le bon sens avant de ranger et que l’histoire se reproduit trois fois de suite.
Sur la route du cap Horn, quelques brutes à surveiller
Devant lui, c’est du vent fort, du vent soutenu qui va exiger des efforts importants. Pour Tom, ca signifie des manœuvres et donc des changements de voiles, "des grosses voiles qui pèsent plus lourds que moi." Le solitaire entre en effet dans des latitudes éprouvantes où son bateau va aller très vite dans des mers très fortes. "A ces latitudes, les phénomènes se déplacent rapidement et leur amplitude est énorme. Ce sont des masses d’air et des masses d’eau violentes que rien n’arrête. A ces latitudes, on navigue dans des systèmes à l’échelle des cyclones." Et puis dans le tour de l’Antarctique, il y a les glaces repérées par CLS Argos qui travaille sur le sujet avec Tom et son équipe depuis cette année. Rien pour l'instant, mais il y en aura au milieu du Pacifique : "Savoir est une nouvelle donne qui nous permet de gérer le risque. Savoir, ce n’est pas moins angoissant mais c’est simplement moins idiot," conclut le skipper avant de retourner sur le pont pour rouler le gennaker et envoyer le solent dans la nuit noire du Pacifique.

25 février 2011
Sur le seuil du Pacifique
Ce n'est qu'une fois le Sud de la Tasmanie passé et uniquement lorsqu'il aura coupé la longitude 146°49' Est que Sodebo dira pour de bon au revoir à l'océan Indien et entrera dans le Pacifique. Ce changement de terrain de jeu s'opérera vendredi soir autour de 20 heures, après 27 jours de mer.
Pour l’heure, la dépression qui file plein Est sous Sodebo se déplace à la vitesse de 38 nœuds, lui promulguant un vent portant d’Ouest-Nord-Ouest de 35 nœuds et 40 en rafales. C’est encore tonique sur le pont où Tom surveille sa grand-voile à deux ris et son petit gennak’ sur l’avant. Le speedo est au beau fixe avec une moyenne de 23,6 nœuds ces dernières 24 heures pour la bagatelle de 567 milles comptabilisés depuis hier à 15h15. Dans la journée, le vent va tendre à se stabiliser autour d’une trentaine de nœuds avant d’adonner après le passage de la dépression. Le skipper qui poursuit ce long bord bâbord au Nord-Est accompagnera cette rotation par un empannage dans la soirée. En arrière du front, un autre minimum dépressionnaire sera également à négocier. Positionné relativement Nord, ce "résidu" de la dépression principale impose à Thomas un petit contre bord cette nuit avant de pouvoir reprendre ce week-end une trajectoire plus Sud, entre le 53 et le 55e parallèle. A la sortie définitive de l’Indien, Sodebo devrait garder autour de 1200 milles et deux jours de retard sur Francis Joyon. Rappelons que le record en date sur ce tronçon est celui de Francis qui avait mis 9 jours et 12 heures à la vitesse moyenne de 22,7 nœuds. En franchissant d’ici cinq heures environ le Sud de Tasmanie, Thomas aura mis une dizaine de jours pour traverser l’Indien depuis le Cap des Aiguilles en Afrique du Sud (coupé le 15/02 à 20h50 HF). S’il ne battra pas le record d’Idec, il améliore nettement sa propre performance d’il y a deux ans. Ralenti dans un premier temps par un anticyclone après Bonne Espérance, Sodebo avait ensuite suivi une route plus Nord que cette année pour un temps de 11 jours, 11 heures et 31 minutes sur cette partie du parcours. Rappelons aussi qu'il avait battu le record des 24 heures avant les Kerguelen le 17 décembre 2008 avec 628,5 milles parcourus à la vitesse moyenne de 26,2 nœuds, record qui tient toujours.
Rappel des temps de passage :

BREST-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEBO le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à 20,50 nds
SODEBO le 15/02/11 : 17 jours, 5 heures, 54 minutes et 32 secondes, 8405 milles 20,31 nds
Ecart : 1 jour, 22 heures et 41 minutes, 1151 milles de retard

BREST-LEEUWIN :
IDEC – 16/12/07 : 22 jours 15 heures 28 minutes, 11450 milles à 21,1 nds
SODEBO – 14/12/08 : 25 jours et 9 heures, 12 342 milles à 20,3 nds
SODEBO – 23/02/11 : 25 jours 2 heures et 32 secondes, 12 374 milles à 20,55 nds
Ecart : 2 jours, 10 heures et 32 secondes, 1194 milles de retard

RECORD DE L’OCEAN INDIEN (CAP DES AIGUILLES-TASMANIE) :
IDEC – Déc. 2007 : 9j 12h 6’ pour 5 182 milles parcourus à 22,7 nds de moyenne
SODEBO – 16/12/08 : 11j 11h 31’ pour 5 575 milles parcourus à 20,2 nds de moyenne

24 février 2011
Hop, hop, hop !
"Là, c'est en train de rentrer...J'ai 33/34 noeuds avec 280 m2 de gennaker devant et avec la grand-voile telle qu'elle est là, j'en ai 120 de plus...hop, hop,hop,...c'est super chaud...c'est super chaud (il choque...)."
Tom nous fait partager l'instant en direct et en images ce matin, tout en gardant naturellement le fil de sa conversation avec la terre. "Le bateau part à 34 noeuds. Bon, c'est clair, avec un gennaker plus grand, ça va plus vite mais c'est plus chaud." Elémentaire mon cher Watson, mais entendre les écoutes grincer, voir le sillage fumant de Sodebo dans la vague et le marin qui bondit à chaque embardée du pilote, reste un sacré spectacle.
Sports d’hiver sur surface mouvante
Avant de prendre l'antenne ce jeudi, Thomas terminait son premier empannage du jour pendant lequel il a aussi roulé le "string", le plus petit gennaker, et déroulé le gennak’ médium. "J’essaie de tenir plein vent arrière dans un vent d’Ouest qui oscille entre 23 et 31 nœuds. J’ai un gennak' plus grand et le pilote a du mal à tenir. En montant sur la vague, tu as un angle un peu chaud, le bateau monte sur une coque, le pilote donne un coup en arrivant en bas et tu peux faire un planté du bâton comme on aime pas trop. C’est toujours le risque avec une mer de trois quarts arrière comme là et il faut camper dans le cockpit."
Monter dans le train…à grande vitesse
Sodebo progresse à mi-chemin entre le Cap Leeuwin, franchi hier, et le Sud de la Tasmanie qu’il atteindra demain après-midi. "Aujourd’hui, la lumière, c’est plutôt gris clair, la température de l’eau a nettement remonté, j’ai fait un bord plus Nord et là je viens d’empanner pour replonger." Le voici qui repique donc, avant d’empanner à nouveau en fin d’après-midi. "Dans les 24 prochaines heures, l’idée est de se repositionner Sud pour venir aborder le changement d'océan. Nous cherchons à accrocher un train de dépression qui s’évacue sous la Nouvelle-Zélande et passe ensuite sous l’anticyclone du Pacifique. Cela nous ferait faire une route de vent portant normalement tout le long du Pacifique," complète-t-il. Une configuration plutôt encourageante, d’autant que cette dépression qui était stationnaire et assez creuse entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande s’évacue dans le Sud-Est de la route de Sodebo en faiblissant.
47 000 joueurs à ses trousses
Si par définition, Tom est seul dans l'aventure, à terre, derrière les écrans et mulot en mains, plus de 47 000 tourdumondistes se mesurent actuellement sur le jeu Virtual Regatta. "Je trouve cela génial que l’on puisse partager ces moments là par le jeu. Cela montre que nos épopées font rêver. Chacun peut accomplir ce voyage, certains avec une idée de performance, d’autres pour le plaisir de se balader avec nous mais notre volonté de départ avec Sodebo, c’est de partager des émotions. C’est bien d’ouvrir une porte vers la voile et le sport de demain, peut-être qu’un jour on arrivera même à lier le jeu vidéo à la vidéo en direct," imagine le marin qui est aussi ingénieur et un dingue de technologies. Sur cette version de Virtual Regatta, Sodebo a souhaité ajouter les paramètres humains, c’est à dire qu’en plus du bateau, les engagés dosent le sommeil, l’alimentation et les efforts du skipper. "C’est passionnant de positionner un bateau sur la planète, mais aussi de gérer la météo et d'y ajouter en plus la notion psychologique, un paramètre qui devient envoûtant quand ça marche," rappelle celui qui réalise ici son sixième tour du monde "réel" et le troisième en solitaire. "Jouez bien ! Ou dormez bien pour les autres ! Oui, c’est bon de pouvoir dormir," conclue-t-il le sourire aux lèvres avant de bondir sur le pont, alerté par son bateau.

23 février 2011
Un bel Indien, grandiose et engagé
Seulement 43 milles perdus depuis Bonne Espérance ! Le trimaran de Thomas Coville a franchi la longitude du Cap Leeuwin, 14h08 (HF) ce mercredi 23 février après 25 jours, 2 heures et 32 secondes de navigation.
Chapeau au skipper de Sodebo qui, moins de huit jours et 4000 milles plus tard, a réussi à stabiliser son retard sur le détenteur malgré quatre jours de près où il a été balloté dans une mer chaotique sur le plateau des Crozet et jusqu’aux Kerguelen.
"Une personne normalement constituée aurait lâché le morceau et cela m'a traversé l'esprit d'ailleurs," lance-t-il depuis le milieu de la nuit aux antipodes. "Malgré tout, la nature m’a fait de beaux cadeaux dans cet Océan Indien. Monter comme ça au près et au reaching dans une mer vraiment pas gentille, c’est périlleux, cela demande du sang-froid mais on s’en est pas mal sorti avec un bateau toujours très aérien. Un beau défi en multicoque et même si ça tape dans tous les sens, y arriver procure du plaisir."
Risques mesurés
Thomas a plongé dans les Cinquantièmes pour passer sous les Kerguelen au sud de la tempête mais aussi sous une importante zone de glaces. "Passer au Nord n’était pas faisable, c’était rallonger énormément la route, autant faire demi-tour. On a joué une carte, on s’est exposé, on ne passe pas sous les Kerguelen habituellement. Je ne suis pas un kamikaze, ce n’est pas mon tempérament et nous l’avons fait de manière relativement cartésienne avec les données professionnelles de CLS Argos sur la position des glaces. Nous avons même ralenti la vitesse autour de 21 noeuds pour rester manoeuvrant au cas où. Là aussi, je garderai longtemps en mémoire cet effet de Foehn sous le vent de l’île Heard, de ce rouleau qui est descendu de la montagne avec 45 noeuds de vent en arrivant sur moi."
La récompense : une aurore boréale
Encore hier, Thomas a navigué avec beaucoup de précision en multipliant les empannages autour du 54e Sud pour respecter un couloir de sécurité entre des icebergs repérés au Nord et au Sud de sa route. "La tension que tu éprouves lorsque tu évolues a proximité "virtuelle" d’icebergs, même si j’en ai vu quand même trois petits de mes yeux, est quelque chose d’unique. C'est comme en montagne, lorsque tu marches sur une arrête. La concentration t’envahie et se mêle à l’angoisse. Je ne connais pas d’intensité plus forte et de plus belle satisfaction lorsque tu t'en sors. Après mes empannages en sortant de la zone à risques, j’ai levé la tête et j’ai vu une aurore boréale ! Alors oui, je vis avec la frustration de la distance qui me sépare de Francis mais être spectateur de cette nature est magique. Arriver déjà sous l’Australie, puis dans deux jours en Tasmanie et dans quatre dans le Pacifique me ramène à la beauté de ce voyage et de ce parcours que je redécouvre à chaque fois."
Depuis 24 heures, Sodebo file à plus de 23 nœuds de moyenne. La prochaine difficulté sera la négociation d’une dépression assez creuse actuellement stationnaire entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande. Depuis Ouessant, Sodebo a parcouru 12 374 milles à la vitesse moyenne de 20,55 nœuds et passe ce second cap avec 1194 milles d’écart sur Idec, soit seulement 43 de plus que lors de son passage le 15 février à Bonne Espérance où son retard était alors de 1151 milles.

Rappel des temps de passage :

BREST-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEBO le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à 20,50 nds
SODEBO le 15/02/11 : 17 jours, 5 heures, 54 minutes et 32 secondes, 8405 milles 20,31 nds
Ecart : 1 jour, 22 heures et 41 minutes, 1151 milles de retard

BREST-LEEUWIN
IDEC – 16/12/07 : 22 jours 15 heures 28 minutes, 11450 milles à 21,1 nds
SODEBO – 14/12/08 : 25 jours et 9 heures, 12 342 milles à 20,3 nds
SODEBO – 23/02/11 : 25 jours 2 heures et 32 secondes, 12 374 milles à 20,55 nds
Ecart : 2 jours, 10 heures et 32 secondes, 1194 milles de retard

RECORD DE L’OCEAN INDIEN (CAP DES AIGUILLES-TASMANIE)
IDEC – Déc. 2007 : 9j 12h 6’ pour 5 182 milles parcourus à 22,7 nds de moyenne
SODEBO – 16/12/08 : 11j 11h 31’ pour 5 575 milles parcourus à 20,2 nds de moyenne

Tableau de marche de Sodebo depuis son départ de Ouessant le 29/01/11
Pointage chaque jour à 11h TU (12 HF)
Avance/retard sur la référence / Vitesse moyenne sur 24h / Distance parcourue sur 24h

JOUR 1 – 30/01 : + 0,5 milles - 21,4 nds – 532 milles
JOUR 2 – 31/01 : + 58,9 milles - 20,4 nds – 489 milles
JOUR 3 – 01/02 : + 35,9 milles – 21,6 nds – 519 milles
JOUR 4 – 02/02 : + 106,7 milles – 24,4 nds – 585 milles
JOUR 5 – 03/02 : + 126,9 milles – 23,5 nds – 564 milles
JOUR 6 – 04/02 : - 27,70 milles – 13,5 nds – 323 milles
JOUR 7 – 05/02 : - 134,5 milles – 10,5 nds – 251 milles
JOUR 8 – 06/02 : - 277,5 milles – 11,6 nds – 279 milles
JOUR 9 – 07/02 : - 199 milles – 21,2 nds – 509 milles
JOUR 10 – 08/02 : - 310,6 milles – 23,2 nds – 555 milles
JOUR 11 – 09/02 : - 378,8 milles – 20 nds – 478 milles
JOUR 12 – 10/02 : - 691 milles – 10,1 nds – 243 milles
JOUR 13 – 11/02 : - 833 milles – 19,6 nds – 469 milles
JOUR 14 – 12/02 : - 1041 milles – 16,3 nds – 391 milles
JOUR 15 – 13/02 : - 1057 milles – 23,4 nds – 561 milles
JOUR 16 – 14/02 : - 1086 milles – 23,3 nds – 559 milles
JOUR 17 – 15/02 : - 1145 milles – 22,1 nds – 530 milles
JOUR 18 – 16/02 : - 1227 milles – 21,6 nds – 517 milles
JOUR 19 – 17/02 : - 1347 milles – 20,3 nds - 486 milles
JOUR 20 – 18/02 : - 1365 milles – 21,7 nds – 521,6 milles
JOUR 21 – 19/02 : - 1313 milles – 19,1 nds – 458,8 milles
JOUR 22 – 20/02 : - 1224 milles – 19,7 nds – 473,6 milles
JOUR 23 – 21/02 : - 1221 milles – 21 nds – 503,7 milles
JOUR 24 – 22/02 : - 1300 milles – 17,2 nds – 413,2 milles
JOUR 25 – 23/02 : - 1206 milles – 23,6 nds – 567,6 milles

22 février 2011
Demain le Cap Leeuwin
Sodebo poursuit sa chevauchée dans l'Océan Indien. Cette nuit, Thomas s'est lancé dans une série d'empannages avec un vent qui a pivoté au Nord-Ouest et souffle de 22 à 26 noeuds avec des rafales à 30.
Cinq empannages pour le skipper qui croise sous le 54e degré Sud et progresse désormais à moins de 500 milles du Cap Leeuwin qu’il atteindra demain mercredi dans la journée, pour le début de son 25e jour de mer. Thomas approche également de la mi-parcours de ce tour du monde débuté le 29 janvier dernier. Ces empannages étaient obligatoires afin de passer dans un couloir entre des glaces présentes dans le Nord et le Sud de Sodebo. Le trimaran laisse désormais le gros de la "zone à risques" dans son sillage et retrouve également un flux s'établissant au Nord-Ouest permettant d'accélérer sur la route. Vingt cinq jours pour rallier en multicoque en solitaire la longitude de l’Ouest de l'Australie au départ de Ouessant, c’est peu, très peu. Pour mémoire, pendant l'actuelle Barcelona World Race (tour du monde en double), le monocoque leader Virbac-Paprec 3 mené par Jean-Pierre Dick et Loick Peyron a mis un peu plus de 23 jours pour descendre l’Atlantique, entre la sortie de Gibraltar et le Cap de Bonne Espérance.
C'est chaud dans le froid
Les conditions de navigation restent particulièrement éprouvantes en raison du froid, de l'humidité permanente et de cette houle des mers du sud de trois à quatre mètres actuellement. De plus, Sodebo naviguait plein vent arrière, une allure instable où il faut surveiller son bateau comme le lait sur feu. A cela s’ajoute cette série de manœuvres physiques mais aussi risquées puisqu’à chaque empannage, Thomas peut briser des lattes de grand-voile.
La tête dans le guidon
Le skipper se concentre à fond pour réaliser un "VMG" optimal sur chaque bord, c’est à dire le meilleur compromis entre le cap et la vitesse, afin de gagner au maximum sur la route. Entre deux manœuvres, il faut donc observer ce vent très oscillant et les comportements de Sodebo pour régler les voiles, le mât, les foils, mettre à jour sans arrêt les informations et les directives données au pilote automatique, bref, Tom s’occupe beaucoup de sa machine, de sa route et peu de lui. "On ne peut avoir de rythme dans ces endroits," disait-il hier, "On est d’abord et toujours au service du bateau, se faire à manger trois fois par jour est une routine qu’il faut tenir mais à chaque fois, je me mets un coup de pied aux fesses pour démarrer le rituel, parce que je n’ai pas toujours envie de manger ou, tout simplement, pas l’énergie nécessaire de me préparer un repas chaud. Je sais qu’il ne faut pas mollir là-dessus alors je le fais car, si on ne dort pas, il faut au moins manger."
Indien quand tu nous tiens
Avec 1276 milles de retard sur la route de Francis Joyon, Thomas a concédé une cinquantaine de milles sur le détenteur ces dernières 24 heures. Depuis son entrée dans l’Océan Indien, le 15 février à 20h50 (HF), au moment où Sodebo a dépassé le Cap des Aiguilles situé par 20 degrés Est après Bonne Espérance, Thomas n'a eu aucun répit. Il a d'abord avancé au près dans une mer contraire pour rejoindre les Kerguelen, suivi d’une descente au Sud obligée en raison de cette très forte dépression dans son Nord, et a enchaîné ces empannages. Tom ne se laisse pourtant pas destabiliser. Il tient la cadence, dessine une trajectoire efficace et remplit les objectifs d'un jour sur l'autre. Même si ce n'est pas franchement une sinécure, le skipper évite de cogiter à outrance. Il cherche à être bon dans l'instant et gagner comme il le répétait lundi "les batailles du quotidien".

21 février 2011
Jamais cool, toujours fantastique
Ce sont les mots de Thomas Coville joint ce matin et ils résument bien l'ambiance qui règne depuis deux jours sur le Maxi Trimaran Sodebo engagé dans "un combat quotidien où la maitrise totale exige une concentration permanente," et alors que le bateau devrait descendre jusqu'à 55 degrés sud avant de pouvoir empanner et faire un route "plus naturelle".
24/24 dans un véritable congélo !

Déjà 23 jours en mer et le skipper qui se dit "vivre au service du bateau et à la disposition des conditions météo", n’a même pas pris le temps de réparer son petit chauffage qui refuse de démarrer. Hors, dans les contrées éloignées où se trouve actuellement Thomas, il faut se dire qu’il fait très, très froid. Là bas, dans ce no man’s land glacé, les vents du Sud ne sont pas synonymes de chaleur. Au contraire. Ils viennent tout droit de l’Antarctique. L’inconfort provoqué par le froid et la mer ronge le physique du marin et entame son moral. "Ces conditions, on ne peut pas s’y habituer. Il faut vivre avec, beaucoup manger et beaucoup boire," raconte–t-il comme pour ne pas oublier.
Non-top
Après l’Archipel mal famé des Kerguelen et les images de vents violents et de fortes vagues qui s’y rattachent, Tom a pu lâcher un peu les voiles et accélérer pour retrouver des conditions moins inconfortables que ce près et ce reaching inhabituels dans l’Indien et contre lequel il luttait depuis Bonne Espérance. "Le vent bouge énormément et c’est très compliqué parce que le pilote fait des embardées." La navigation en multicoque est un art subtil. Les bons réglages permettent d’aller deux fois plus vite et comme le vent change beaucoup, le skipper passe du coup le plus clair de son temps à manœuvrer. Il choque, il borde, il largue, il reprend, il change de voiles, il prend un ris et cela en fonction de la mer, de la hauteur des vagues et des variations du vent tant en cap qu’en force.
Du Sud encore, jusqu'au 55e, avant de remonter
Sachant que "le meilleur moyen d’en sortir, c’est d’aller vite," Tom est pour le moins motivé. D’ailleurs, dans moins de 20 heures, soit en fin de nuit pour nous, il devrait mettre un peu de Nord dans sa route. "Les vents devraient adonner encore et je devrais toucher de l’air plus chaud, des vents d’Ouest-Nord Ouest qui me permettraient d’empanner. Ce sera un bon moment !" confiait-il avec soulagement et sans chercher à dissimuler son impatience d’arrêter de faire du Sud "une route contre nature !"
Effet de Foehn sous le volcan de l'île Heard
Ce matin, on sentait bien la tension du bord, où le stress était mêlé au plaisir de gagner contre une nature hostile et sauvage : "Une fois que tu as remporté un combat comme celui que j’ai mené hier sans dommage pour le bateau au Sud de l’Ile Heard quand le vent passait sans prévenir de 0 à 45 nœuds dans un effet de Foehn aussi impressionnant que superbe, tu es seul au milieu de rien et tu souris." Cette victoire supplémentaire alors que Sodebo n’est pas encore à la moitié d’un parcours long de 14 000 milles est "une jubilation dans les détails que tu construis au quotidien où l’erreur ne pardonne pas."
Deux morceaux de glaces ce matin
Car là où Tom est positionné, on ne joue pas. Ce que rencontre ces marins de l’impossible reste gravés dans leur mémoire. "La puissance de la nature à ces latitudes Sud est proche de la science fiction. La glace a une dimension extranaturelle," poursuivait le marin solitaire qui a repéré ce matin à l’œil nu deux petits morceaux de glace de 20 ou 30 mètres qu’il ne voyait pas sur le radar : "C’est comme une vague qui se répète toujours au même endroit. Comme si l’écume ne bougeait pas !"
Sodebo devrait atteindre mercredi le Cap Leeuwin et quitter bientôt l’Indien pour la grande traversée du Pacifique et le Cap Horn.

20 février 2011
Glacial
Sodebo a déjà effectué plus de la moitié du chemin séparant le Cap de Bonne Espérance (Afrique du Sud) du Cap Leeuwin (pointe Sud-Ouest de l'Australie).
Après être passé sous les Kerguelen hier, Thomas a croisé cet après-midi dans le Nord des Iles Heard et MacDonald, ces montagnes volcaniques plantées au milieu de nulle part. Comme promis, le trimaran a retrouvé des allures portantes, une mer rangée et des conditions de vie plus supportables. Le plus difficile, c’est ce froid glacial et cette mer à 4 degrés aujourd'hui. Cela puise beaucoup dans l’énergie du marin qui arrive à manger régulièrement mais peu à dormir. D'autant que cette nuit, Thomas a manœuvré sur le pont. Le skipper a du d’abord prendre le troisième ris de la grand-voile de Sodebo pour le relâcher peu de temps après lorsque le vent a de nouveau baissé. ...Baissé, c’est vite dit, puisque Sodebo file quand même avec 23 à 27 nœuds de Sud-Ouest, sauf à proximité des îles aujourd’hui, où le dévent des grands reliefs a fait chuter brièvement la moyenne du trimaran. Un ralentissement de courte durée, puisqu’il avançait à 24,5 nœuds à 17 heures ce soir. Le solitaire doit continuer à descendre au Sud et profiter au mieux de ce vent qui adonne.

19 février 2011
Sud Kerguelen
La température de l'eau ne dépasse plus les 7 degrés. Sur le pont, le froid est amplifié par la vitesse et on ne pense même plus manoeuvrer sans gants ni cagoule. Bienvenus à bord de Sodebo qui est entré aujourd'hui dans les Cinquantièmes Hurlants.
Souvent Thomas appelle cela « être dans le dur ». Et il faut dire que depuis quatre jours qu’il progresse au près dans un Océan Indien triste et mal pavé avec ce bateau qui cogne sans arrêt dans la mer, le marin commence à avoir les traits tirés, signe qu’à l’intérieur, le stress fait son travail. Sodebo plonge actuellement sous l’archipel des Kerguelen afin d'éviter la puissante tempête qui sévit plus au Nord. Il navigue par 51 degrés Sud. Il est rare de passer si Sud dans cette région désertique, habitée par des cachalots et quelques pêcheurs de haute mer comme celui croisé par Tom avant-hier. S’il évite le gros de la dépression, le solitaire s’attend à toucher quand même jusqu’à 30 à 35 nœuds de vent pour la fin du week-end. En revanche, le maxi trimaran commence à retrouver des allures portantes lui permettant d’ouvrir ses voiles, tendance qui va s'accentuer cette nuit et surtout dimanche. La houle résiduelle de face qui met "l’enfer sur mer" à Tom depuis plusieurs jours va aussi se ranger avec le vent.
Plus court par le Sud
Entrer dans les 50èmes n’a rien d’anodin pour un marin et pourtant, se frotter à cette nature devenant toujours plus hostile est aussi gage de performance. En effet, le parcours du tour du monde à voile tourne autour du Pôle Sud et de l’antarctique, raccourcir le virage signifie logiquement gagner du temps. Pas question non plus d’être trop extrême car plus on descend Sud, plus l’isolement devient total en cas de problème et plus les risques de rencontrer des morceaux de banquise à la dérive augmente. Là encore, tout est question d’équilibre, de stratégie, de curseur que l’on place au bon endroit mais aussi de courage lorsque l'on mène là-bas un trimaran de cette taille. Rappelons qu’à ce jour, seulement trois marins ont réussi à faire le tour du monde en solitaire et en multicoque : Francis Joyon a été le premier (2004 et il réédite en 2008) suivi d’Ellen MacArthur (2005) puis de Thomas Coville (2009). Avec cette progression des plus efficaces dans des conditions pourtant peu propices à la vitesse et avec ce gain au Sud, Sodebo a repris une centaine de milles depuis 23 heures vendredi soir sur la route de Francis Joyon qui croise ce soir à 1200 milles devant son "chasseur'.

18 février 2011
Baston, droit devant
On les dit creuses, ces méchantes dépressions autour desquelles s'enroule ce vent fort, très fort, qui démonte la mer et déchaine les éléments.
Celle qui est née sous les tropiques de l’Océan Indien et bombe très sérieusement le torse en arrivant dans le Nord des Kerguelen, lève déjà plus de 7 mètres de vagues. Aujourd’hui, Thomas progresse au près dit "océanique" sous grand-voile à deux ris et ORC dans un vent de Sud-Sud Est de 25 à 30 nœuds. Sodebo passe actuellement au vent des îles Crozet. Le skipper trinitain a échangé par radio ce matin avec un pêcheur vendéen qui croisait dans ces latitudes hostiles à bord d’un bateau immatriculé à Concarneau ! Doux hasard et joli moment pour notre tourdumondiste solitaire qui a aussi réussi à se reposer un peu cette nuit avant que la tension remonte d’un cran.
Un mastodonte
En effet, cette dépression frôle le gigantisme. Au plus fort, ce "coup de chien" pourrait s’étaler sur une surface grande comme plusieurs fois la France. Passer dans son Nord est à oublier, trop de route, attendre qu’elle passe semble exclu aussi, cela représente une perte de temps mais surtout le vent disparaît derrière, comme aspiré par la dep'. Reste la solution de passer dessous, une option qui aujourd’hui semble s’imposer au skipper de Sodebo comme à ses routeurs qui doivent aussi prendre en compte la question des icebergs."Il faut bien se rendre compte qu'affronter des vents annoncés à 45 ou 50 nœuds sur les fichiers, c’est à dire de 50 à 60 en rafales dans la réalité, face à une mer avec des creux de 7 à 8 mètres, est inenvisageable en solitaire à bord d’un multicoques de 32 mètres. C’est se jeter dans la gueule du loup et risquer de chavirer loin de tout. Thomas pourrait donc descendre sous les iles Kerguelen puis passer ensuite sous la zone des glaces que dérivent actuellement dans l’Est de l’archipel entre le 48 et le 52e degré Sud," explique Christian Dumard, routeur de Sodebo. "Passer sous les glaces représente aussi un certain risque mais, depuis plusieurs semaines, aucune autre importante zone d’icebergs n’a été repérée sous celle que je viens de mentionner. Pour la suite de l’Océan Indien, nous n'avons pas d'alerte majeure. Nous surveillons évidemment cela de très près, CLS Argos nous envoie très régulièrement les dernières observations satellites." Les marins qualifient souvent l’Océan Indien comme le plus imprévisible et le plus malfamé des trois…L’Apache semble déterrer une nouvelle fois la hache de guerre

17 février 2011
Tour du "proprio"
Alors qu'il file dans l'Océan Indien sous la longitude de Madagascar, en approche de celle des îles du Prince Edward et sur la route des îles Crozet, Thomas témoigne d'un froid pinçant et nous offre malgré tout une jolie visite guidée, en son et en images, de son "home sweet home" !
L'électronique de Sodebo victime d'une éruption solaire ?
Thomas témoignait ce matin de problèmes de compas et de GPS survenus cette nuit vers 3 heures GMT (4h HF). Tout est rentré dans l'ordre progressivement sans explication limpide et il se pourrait bien que la fautive soit une éruption solaire, la plus forte survenue depuis quatre ans.
Tout commence comme dans un bon film d’action américain…Selon un communiqué publié mercredi sur le site de la Nasa : "Le Soleil a produit sa première éruption de catégorie X (la plus forte sur l'échelle) en plus de quatre ans à 01H56 GMT le 15 février." Jusqu’ici tout va bien….Attendez la suite ..."Cette forte éruption a été accompagnée d'une éjection de masse coronale, une puissante explosion magnétique dans la couronne du soleil qui projette à environ 900 km/seconde du plasma ionisé dans l'espace et qui, dans ce dernier cas, devrait atteindre l'orbite terrestre jeudi à 03h GMT (exactement à l’heure où Thomas a vu ses instruments électroniques perdre la tête !). Les éruptions solaires de cette puissance peuvent provoquer de graves perturbations des télécommunications au sol et dans l'espace ainsi que de systèmes de distribution électrique," conclue l’agence spatiale américaine. Cette information relatée par l’Agence France Presse ce 17 février à Washington est complétée par ceci : "Les services météorologiques chinois ont ainsi indiqué que les communications radio par ondes courtes ont été perturbées dans le sud du pays. En 1972, une tempête magnétique résultant d'une éruption solaire avait plongé dans l'obscurité six millions de personnes au Québec."
Excès de magnétisme à bord de Sodebo
D’une part, Thomas a constaté que son compas qui compense déjà par défault les 30 degrés de déclinaison terrestre dans cette zone du globe, s’est mis d’un seul coup à varier d’une trentaine de degrés et de façon anarchique. D’autre part, ses deux récepteurs GPS se sont eux aussi mis à dysfonctionner sans raison apparente. Ces systèmes fournissent une base d’informations cruciales pour les pilotes automatiques et comme il le disait en "live" ce matin, Thomas s’est retrouvé "dans une situation délicate en pleine nuit, sans savoir précisément où j’allais ni où j’étais. Cela ne m’a pas duré très longtemps grâce à toutes les "redondances" de systèmes que nous avons à bord de Sodebo et la situation s’est améliorée relativement rapidement." Sans avoir de certitudes à 100% sur l'origine de ces problèmes à bord de Sodebo, il semblerait néanmoins que cette nuit, les systèmes de télécommunication utilisant les satellites aient été perturbés comme des liaisons Internet transatlantiques. Ce soir, le skipper confirme par mail à son équipe n'avoir plus aucun problème sur ses deux GPS ni sur le compas du bord.

16 février 2011
D'un océan à l'autre
"Je suis au près dans une transition pas facile, on est très aérien avec une mer de travers, le bateau monte haut sur un flotteur, si vous entendez l'alarme c'est que je dois aller choquer un peu d'écoute de grande voile," voilà pour l'introduction de Thomas à la vacation radio de ce matin.
Après avoir franchi la longitude de Bonne Espérance hier en début de soirée, puis le Cap des Aiguilles à 20h50 (heure française) signant l’entrée officielle dans l’Océan Indien, le skipper explique ce matin qu’il fait actuellement "la jonction météorologique entre l’Atlantique et l’Indien en longeant une dorsale anticyclonique. Même si dans mon Sud, il y a une forte concentration de glaces, nous aurions bien aimé descendre un peu plus mais nous devons faire avec la météo que nous avons et, pour l'instant, je dois serrer ce vent de Sud au près débridé et ça avance bien."
En forme après un premier tiers
La sortie de l’Atlantique s’est effectuée avec tambours et trompettes, Sodebo enchaînant plusieurs journées et plusieurs nuits à haut …voire très haut régime ! Tom entame désormais le second tiers de ce tour du monde qu’il ne fait pas "en convoyage" rappelle-t-il, le sourire aux lèvres. Il a encore pas mal manœuvré cette nuit mais les 24 à 36 prochaines heures pourraient lui permettre de se reconstituer un petit capital sommeil. Pourtant, même si ces 8 000 premiers milles se ressentent dans les muscles endoloris du marin, celui-ci s’étonne de sa "fraicheur" à ce stade du voyage : "Avant, j’avais de vraies carences alimentaires et avec le stress, je n’arrivais pas à manger. Alors que là, je mange ce qu’il faut tous les jours et le travail effectué avec Sodebo là-dessus paie vraiment. Physiquement, je me sens dans le bon tempo, même encore cette nuit où j’ai manœuvré 5 à 6 fois de grosses et lourdes voiles demandant de l’effort dans la durée et j'avais vraiment de l'énergie." Le bateau lui aussi garde la forme : "outre les bricoles quotidiennes que j’ai réussies à régler au fur et à mesure, Sodebo est à 100% !" Un point très rassurant pour Thomas qui avoue se sentir aussi « porté au quotidien par mon équipe et mes routeurs qui font un travail fabuleux."
Tic-tac
Le tableau serait idéal s’il n’y avait pas ces 1227 milles de retard sur le détenteur du record en ce début de 18e jour de navigation. "Un chiffre frustrant qui ne donne pas la teneur de ce que j’ai donné et le niveau du bateau mais c’est ainsi. Etre en retard pousse aussi à être tout le temps à l’attaque. Nous savions que nous serions sûrement en retard sur ce tronçon là. Une journée aurait été idéale, là, c’est presque deux mais cela aurait pu être bien pire avec Saint-Hélène étalée de la sorte dans l’Atlantique Sud. Pour la suite, nous savons que nous pouvons gagner sur la remontée de l’Atlantique de Francis. Notre objectif est donc de doubler le Cap Horn avec au maximum 1000 milles de retard… pas simple. Mais vraiment, je me concentre sur mon plaisir au jour le jour, c’est important pour avancer et l’heure des comptes n’est pas venue."
Rappel du tableau de marche de Sodebo depuis son départ de Ouessant le 29/01/11
Avance/retard sur la référence / Vitesse moyenne sur 24h / Distance parcourue sur 24h

JOUR 1 – 30/01 : + 0,5 milles - 21,4 nds – 532 milles
JOUR 2 – 31/01 : + 58,9 milles - 20,4 nds – 489 milles
JOUR 3 – 01/02 : + 35,9 milles – 21,6 nds – 519 milles
JOUR 4 – 02/02 : + 106,7 milles – 24,4 nds – 585 milles
JOUR 5 – 03/02 : + 126,9 milles – 23,5 nds – 564 milles
JOUR 6 – 04/02 : - 27,70 milles – 13,5 nds – 323 milles
JOUR 7 – 05/02 : - 134,5 milles – 10,5 nds – 251 milles
JOUR 8 – 06/02 : - 277,5 milles – 11,6 nds – 279 milles
JOUR 9 – 07/02 : - 199 milles – 21,2 nds – 509 milles
JOUR 10 – 08/02 : - 310,6 milles – 23,2 nds – 555 milles
JOUR 11 – 09/02 : - 378,8 milles – 20 nds – 478 milles
JOUR 12 – 10/02 : - 691 milles – 10,1 nds – 243 milles
JOUR 13 – 11/02 : - 833 milles – 19,6 nds – 469 milles
JOUR 14 – 12/02 : - 1041 milles – 16,3 nds – 391 milles
JOUR 15 – 13/02 : - 1057 milles – 23,4 nds – 561 milles
JOUR 16 – 14/02 : - 1086 milles – 23,3 nds – 559 milles
JOUR 17 – 15/02 : - 1145 milles – 22,1 nds – 530 milles
JOUR 18 – 16/02 : - 1227 milles – 21,6 nds – 517 milles

15 février 2011
Espérance dans le sillage
Sous une pluie battante et dans 32 noeuds de vent de Sud-Ouest, Sodebo a franchi le Cap de Bonne Espérance aujourd'hui mardi à 18h02 (heure française) après 17 jours, 5 heures, 54 minutes et 32 secondes de mer. Thomas a parcouru 8405 milles à la vitesse moyenne de 20,31 noeuds et entre désormais dans l'Océan Indien, ce grand méchant désert liquide sournois et redouté.
Avec ce tour obligé dans l’Ouest de l’anticyclone de Saint-Hélène, l’écart de 9 heures et 27 minutes au passage de l’équateur il y a dix jours s’est logiquement creusé. Depuis le départ, Idec avait parcouru 1005 milles de moins que Sodebo mais avait été aussi moins rapide avec 20,12 nœuds de moyenne. Ainsi, très honorablement et dans des conditions météo peu conciliantes, le « challenger » de Francis passe ce premier des trois grands caps de ce tour du monde avec moins de deux jours de retard sur le temps de référence, soit précisément 1 jour, 22 heures et 41 minutes d'écart. Depuis quatre jours qu'il file vers l'Est, les heures ont été éprouvantes pour Tom qui a tenu plus longtemps que prévu en avant d'un front dépressionnaire très actif. Le skipper se souviendra longtemps de la rotation radicale du vent ce matin et de cette « claque » à près de 50 nœuds qui a littéralement soulevé de bateau : un shoot d’adrénaline sans précédent pour le Trinitain (lire la news de ce soir « Belle Frayeur !»)... Toujours entre 22 et 23 nœuds de moyenne dans des conditions qu’il décrit comme « sauvages », Thomas regarde la nuit tomber à bord de Sodebo. Sur le compteur, encore plus de 540 milles engloutis depuis hier à la même heure !
Temps de passage et record ?

Il n’existe pas de record intermédiaire entre Ouessant et Bonne Espérance, uniquement un temps de passage qui permet de faire une photo de la progression de Thomas à ce stade du parcours. Le vrai record, celui qui pourra être validé par le très officiel WSSRC (World Sailing Speed Record Council), est celui de l’Océan Indien, pris entre le Cap des Aiguilles, non loin de Bonne Espérance, par 20 degrés Est, et le Sud de la Tasmanie, cette île du bout du monde sous l’Australie. Entre ces points, Francis avait effectué un temps de 9 jours, 12 heures et 6 minutes. Les autres records possibles sur ce tour du monde sont ceux de l’Océan Pacifique, entre la Tasmanie et le Cap Horn, puis celui de l’Equateur à l’Equateur. Reste aussi le record de la plus grande distance parcourue en 24 heures que Thomas a battue en approchant des îles Kerguelen lors de sa dernière tentative avec 628,51 milles avalés à 26,19 nœuds de moyenne.

Rappel des temps de passages Brest – Bonne Espérance
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles à 20,12 nds
SODEB’O le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à 20,50 nds
Ecart : 1 jour, 6 heures, 18 minutes

14 février 2011
Saint-Valentin sportive, les albatros pour compagnie
Le skipper de Sodebo nous raconte le week-end physique qu'il vient de passer à presque 25 noeuds de moyenne et par 45 noeuds de vent dans les "Quarantièmes Rugissants".
Et comme il le rappelle : "Ce n’est que le début. J’entre dans le vif du sujet. Le temps est désormais grisâtre, il pleut et il commence à faire froid. J’ai d’ailleurs vu mon premier albatros." Cela doit être carrément rageant de devoir ralentir son bateau quand, comme tous les recordmen, on court après le temps ! Et pourtant ,Thomas Coville qui vient d’essuyer ce week-end son premier coup de vent depuis son départ de Brest il y a deux semaines, a choisi d’épargner son bateau : "Jusqu’à 25 nœuds de vitesse, tu gères bien. Tu es dans le bon "range", dans la bonne cadence. Au delà, quand il y a 45 nœuds de vent, c’est épuisant pour le bateau comme pour l’homme. Quand ça cogne, on se demande ce qui va lâcher. C’est stressant d’avoir toujours ça en tête. Tu n’es jamais totalement serein."

13 février 2011
Ça carbure !
Seul sur la piste de l'Atlantique Sud, Thomas se paie depuis hier soir un sacré "Saturday Night Fever" en compagnie d'une dépression des "Quarantièmes" particulièrement en forme.
Hier avant la nuit, le skipper nous faisait vivre en images une discussion VHF avec un navire de commerce qui croisait, comme lui, pas 40 Sud (voir dans la vidéothèque) ; sûrement l'un des derniers contacts que le marin solitaire aura avant de retrouver dans quelques semaines des mers plus empruntées. Depuis et comme prévu, les conditions se sont intensifiées. Avec une vitesse moyenne de 25,6 nœuds entre 6 heures et midi ce dimanche, et 561,5 milles parcourus en 24 heures, autant dire qu’il en faut de l’énergie pour tenir la mesure. Et de l’énergie, le marin de 42 ans en a à revendre. Il attendait avec impatience de pouvoir dégainer, même si les conditions de navigation restent très acrobatiques. Sous deux ris et ORC (plus petite voile d’avant), travers à un vent de Nord de 26 à 30 nœuds avec des rafales à 35, le trimaran se fait balloter dans 2 à 3 mètres de creux, opposés au vent. Thomas doit sentir presque dans sa nuque la force du front actif qui pousse dans le sillage de Sodebo. C’est lui qui met l’ambiance et donne le rythme. Celui-ci traverse cap à l’Est comme notre solitaire, mais il est difficile d’estimer sa vitesse exacte de déplacement. Parfois les deux dansent de concert, parfois le marin avance d’un pas, parfois c’est le front. Combien de temps durera ce rock endiablé, seulement quelques heures ou plus ? Le skipper pourrait se faire rattraper et gérer des conditions moins caressantes en arrière du front chaud. Par ailleurs, une seconde dépression fusionne avec la première, apportant encore du vent fort et portant jusqu'au Sud du continent africain.
Cadense à la hausse, retard à la baisse
En ce 15e jour de mer, Francis Joyon abordait la longitude de Bonne Espérance. Le détenteur du record effectuait un contre-bord au Sud et sa vitesse descendait légèrement autour des 20 nœuds. Le retard de Sodebo est monté jusqu’à 1088 milles en milieu de nuit mais la tendance s’inverse avec une cinquante de milles repris depuis. Quoi qu’il en soit, à ce stade et jusqu’à Crozet puis les Kerguelen, Idec a enchaîné les journées à plus de 500 milles. Grappiller aujourd’hui est une chose mais impose un engagement sans concession de la part de Thomas qui est particulièrement en forme physiquement et dans sa tête. Le skipper sait à quelle cadence infernale il doit vivre dans les prochaines semaines pour rivaliser avec la performance de Francis. Ces conditions sont également un premier grand test du bateau dans sa configuration actuelle, c'est à dire avec les foils, des voiles plus puissantes et l'ensemble des optimisations apportées depuis le tour du monde d'il y a deux ans. Thomas n'ignore pas non plus que, dans ces contrées isolées, la nature est brutale, les dépressions aussi rapides que violentes et la mer dangereuse. En liaison permanente avec CLS Argos, société spécialisée dans l’observation des glaces et partenaire du projet Sodebo, le marin et ses routeurs mesurent à quel point les champs d’Icebergs présents dans l’Hémisphère Sud peuvent venir gâcher la fête ou, tout au moins, peser dans la balance des choix stratégiques. S'il n'y a pas de portes de sécurité imposées comme sur les courses et que le terrain de jeu de ces records est ouvert, savoir où dérivent les glaces, particulièrement Nord cet hiver, influence forcément les trajectoires, même si plonger pour couper au Sud s'avère néanmoins séduisant.

12 février 2011
On dirait le Sud
Changement radical d'ambiance à bord de Sodebo qui entre dans les Quarantièmes. "Hier c'était l'été, aujourd'hui, il fait un peu froid et très humide, mon duvet est déjà gorgé d'humidité et c'est bientôt l'hiver, " raconte le skipper filant vers l'Est dans l'attente, ce soir, du premier coup de vent du Grand Sud.
Après deux semaines de mer et alors que son trimaran vient de passer sous la barrière mythique du 40e parallèle sud, le skipper avoue avoir changé de mode. "Ça y’est, je suis entré dans autre chose. L’été brésilien s’en est allé d’un coup. Il ne fait pas encore très froid avec ce régime de Nord-Ouest mais dehors c’est gris et pluvieux. Je commence à ajouter quelques couches de polaires, j'ai sorti la combinaison intégrale et je ressens cette longue houle de Sud-Ouest qui ne trompe pas."

11 février 2011
Le souffle du front chaud
Ce matin, Sodebo aborde le contournement d'une cellule anticyclonique glissant dans son Est. Thomas met le clignotant à gauche et joue finement avec un front chaud lui promulguant un vent un peu plus fort que prévu, entre 17 et 22 noeuds.
La lutte avec Saint-Hélène touche à sa fin et c’est la bonne nouvelle du jour. Cette semaine, Thomas a fait preuve d’une grande patience durant ce long bord obligé entre l’immense anticyclone étalé au milieu de l’Atlantique et les côtes d’Amérique Latine. Sous grand voile à un ris et trinquette, le trimaran négocie donc actuellement cette transition à la vitesse de 25 nœuds. Tom pourrait ralentir encore un peu dans les heures à venir, avant de toucher les effets de la dépression à suivre ce week-end et appuyer plus franchement sur l’accélérateur.

10 février 2011
Poésie et humour à travers un Atlantique coupé en deux par Saint-Hélène
Comme l'expliquait ce matin avec poésie le skipper de Sodebo, "chaque nuage est un vendeur de rêve".
Entre la cinématique globale et les phénomènes locaux qui ont une influence incroyablement disproportionnée, la route à travers l’Atlantique Sud se révèle une nouvelle fois pleine d’embuches. "Le ciel est encore très instable. Je vois les grains qui se forment sous mes yeux en une heure et demie ou deux heures. Ces grains aspirent l’air et il faut attendre qu’ils bougent ou qu’il pleuve pour laisser passer le vent synoptique."En résumé, ces petits grains sont terriblement puissants. Ils sont capables de détruire un système et les scénarios envisagés à partir des prévisions. En route pour son 6ème tour de la planète à la voile et le troisième en solo, le marin expérimenté avoue que c’est à chaque fois la même chose : "En quittant l’Europe, on se dit que Saint Hélène va vous laisser passer et que vous pourrez la couper en deux ! Quand on part, on est plein d’espoir. Mais quelle est la probabilité pour qu’un système qui est né au dessus de la forêt amazonienne vienne couper exactement ta route ? Aujourd’hui, une dépression sort du Brésil à tribord et va venir scinder en deux l’anticyclone de Saint-Hélène ce qui devrait me permettre de raccrocher un système plus sud." Ce serait alors pour Sodebo comme prendre une autoroute pour Bonne Espérance. Mais la route nationale entre les deux est étroite, pleine de nuages et pas très bien balisée. « Mais que fait la DDE ! » concluait avec humour le skipper joint ce matin en visio. Heureusement, Thomas reconnaît qu’il a un bateau ultra rapide ce que confirme les images qu’il nous envoie régulièrement et à voir sur le site www.sodebo-voile.com. "Sinon ces phénomènes ont de quoi rendre n’importe qui complètement fou !"

9 février 2011
Gagner au Sud
Sodebo descend plein vent arrière dans un flux de secteur Nord mollissant qui souffle désormais sous les 15 noeuds. Une allure d'équilibriste pour Thomas qui jongle avec des grains épars encore très actifs et notamment un grand "tueur de vent" qu'il a négocié vers 9 heures ce matin.
Contraint d’allonger la route par rapport à Francis Joyon afin de contourner l’anticyclone de Sainte-Hélène, Thomas poursuit dans l’objectif de gagner au plus vite dans le Sud. Une dépression se forme sur les côtes brésiliennes. Elle se gonfle et débute son déplacement vers l’Est. Le scénario n’est pourtant pas si limpide. D’une part, il va devoir se glisser entre une dorsale anticyclonique et le front de cette dépression pour accompagner ensuite son mouvement. Ce type de transition n’est jamais évident. Malgré les outils informatiques dont il dispose, Thomas devra s’adapter à la réalité du terrain et tirer au mieux son épingle du jeu au milieu de ces systèmes météo instables. D’autre part, lorsqu'il se sera placé en avant de cette dépression, il pourra commencer à infléchir sa route vers l’Est d’ici 500 milles environ. Cependant, reste ensuite à savoir si la vitesse de déplacement du système lui permettra de glisser avec lui longtemps en direction du Cap de Bonne Espérance ou si la dépression ira plus vite que lui et le doublera. Il devra, dans ce cas, continuer sa progression en arrière du système dans un vent de Sud-Ouest très perturbé. Une réelle partie d’échec s’annonce avec « Mother Nature » comme Thomas aime la baptiser. Chacun avance ses pions. Le gain ? Un passage de Bonne Espérance avec le moins de retard possible sur le tableau de marche vertigineux d'Idec.

8 février 2011
Faites le tour !
C'est bien parti pour le grand tour de la paroisse. Décidément, cette Hélène n'est pas une sainte ! Pour tous les marins lancés à la conquête de Bonne Espérance et de l'océan Indien cet hiver, cela se fait dans la longueur, avec efforts et beaucoup de patience.
Ce mardi, après 10 jours de mer, Thomas Coville cumule 300 milles de retard sur son prédécesseur Francis Joyon. Rien d’alarmant, un cinquième seulement du parcours théorique du tour du monde vient d’être avalé. A 12h00, le Maxi Trimaran filait sous un ris dans la grand voile et trinquette dans une quinzaine de nœuds de vent d'Est. Par 20 degrés Sud le long du Brésil, la mer devient vraiment difficile depuis cette nuit : une houle de Sud-Ouest par le travers de Sodebo croise avec la mer du vent de Sud-Est, rendant la vie à bord inconfortable, d’autant que des grains épars persistent. /Les vitesses moyennes restent néanmoins très élevées. Sodebo descend à plus de 24 nœuds et a enquillé pas moins de 554 milles sur les 24 dernières heures ! Preuve s’il en fallait du potentiel du bateau et de la capacité du skipper à maintenir ce rythme élevé en solitaire.

7 février 2011
Plein gaz !
« Je ne vous cache pas que vous me sortez du lit, » lance Thomas en caleçon sous le soleil du Brésil alors que Sodebo file à plus de 30 noeuds au moment de la liaison vidéo de ce lundi matin.
Encore une nuit sans Lune pour le skipper qui glisse dans la chaleur de l’alizé. "Je n’ai pas arrêté, un ris, deux ris, choquer, reprendre, les alizés sont toujours capricieux mais on ne leur en veut pas car ils sont toujours là, fidèles, et nous font aller vite. Hier soir, sous les étoiles à plus de 30 nœuds, il n’y avait pas grand monde aussi heureux que moi ! Ce matin, ça va même un peu trop vite à mon goût. J’ai 23 nœuds de vent et je suis à 31 nœuds. Attendez, je remets en marche mon système de larguage d’écoute automatique qui fonctionne très bien." A chaque changement de caméra, on découvre un peu plus ce bateau lancé "pleine balle" sous la lumière généreuse des tropiques. Sodebo dessine son sillage sur cette mer d’un bleu profond et ça fume sous les coques. "Je suis en super forme," poursuit Tom. "J’ai vite récupéré de ce passage d’équateur très fatiguant. J’ai fait un gros travail hier de petite maintenance sur le bateau et je profite. J’ai une chance incroyable d’être sur l’eau. Je fais exactement ce dont je rêve : le tour du monde en solitaire à bord d’un multicoque fantastique. Avec Sodebo, c’est ce que l’on voulait faire depuis toujours. Il faut se raccrocher à ce qui est beau. Quand c’est difficile, je me demande où je vais trouver mon énergie, et bien là, c’est celle que me donne ce bateau magique."

Moins de 200 milles de retard : Certes, l’avance accumulée lors des premiers jours a été engloutie par les calmes du Pot au Noir mais déjà, avec le rythme maintenu par Sodebo depuis hier, le retard sur le temps de référence de 279 milles dimanche à 13h15 a réduit de 87 milles aujourd’hui à la même heure. "Lorsque l’on effectue des bords parallèles avec Francis, j’arrive à être plus rapide que lui, peu importe les conditions," analyse le skipper. "Mais la différence c'est qu'avec l’enchaînement météo fabuleux dont il a bénéficié, Francis a réalisé la route la plus courte que tu puisses imaginer sur ce même parcours. De Brest à Bonne Espérance, Idec est quasiment imbattable, il a été même plus rapide que Groupama 3 l’hiver dernier avec 10 marins à bord. Son trajet sur ce tronçon là est idéal et on se bat contre l’idéal. Pour vous donner un exemple, lorsque nous avions 160 milles d’avance dans l’Atlantique Nord, nous avions déjà parcouru 130 milles de plus. Et là, avec Sainte-Hélène en travers de la route, cela va sûrement se répéter. Après, ce ne sera plus la même chose quand on attaquera l’océan Indien ou le Pacifique."

6 février 2011
Près brésilien
A l'issue de sa première nuit sous l'équateur, Thomas approche déjà de la latitude de l'archipel de Fernando de Noronha, ce bijou turquoise au large de Natal et de la pointe Nord-Est du Brésil.
Sodebo est entré dans un régime d’alizé de Sud-Est stable, soufflant autour de 15 nœuds. Face à la houle, le trimaran retrouve de la vitesse avec une moyenne de plus de 17 nœuds sur les six dernières heures. Tom peut effectuer un près océanique assez rapide, au moins jusqu’au 15e Sud. L’écart sur le temps de référence se creuse avec 275 milles de retard ce dimanche.

5 février 2011
Thomas revient sur cette première semaine bien remplie !
Alors qu'il dégouline littéralement avec une température de 45 degrés à l'intérieur de son Sodebo qui a franchi l'équateur cet après-midi, Thomas revient sur ces sept premiers jours de record particulièrement denses ainsi que sur l'abandon de Banque Populaire V dans le Trophée Jules Verne, suite à ce choc avec un OFNI qui a endommagé très sérieusement la dérive de 600 kilos.

A l'équateur en 7 jours : "Nous venons de couper l’équateur et cela a été une semaine très riche. J'ai du mal à croire que ce ne soit qu’une semaine d’ailleurs. Quand tu utilises 24 heures dans une journée, cela multiplie forcément ce que tu peux en faire. Ce qui m’a marqué, c’est une jolie trajectoire avec des transitions bien vues et bien négociées, une mer formée et difficile à gérer entre les Canaries et le Cap Vert, puis un tronçon agréable et rapide jusqu’au 5e degrés Nord. Par contre, depuis 48 heures, c’est un peu l’enfer. On est coincé dans une zone de calme autour du Pot au Noir. C’est assez décevant d’avoir beaucoup œuvré pour que cela soit anéanti en deux jours, cela fait partie du jeu mais ce n’est jamais facile à vivre. C’est dommage de ne pas avoir un chiffre qui reflète mieux le travail fait jusqu’ici. J’ai pris un super pied à aller vite. Sodebo est un bateau sain et très tolérant. Nous avons un très beau bateau pour battre le record, encore faut-il passer entre les mailles du filet que représente de la météo."

La traversée éprouvante du Pot au Noir : "Ce sont des endroits qui font péter les plombs. Heureusement que j’aime manœuvrer ! Hier, j’ai pris et largué quatre fois un ris, j’ai déroulé et roulé autant de fois le gennaker, idem en changements de voile d’avant. Et puis, il faut le faire dans la minute parce que t’as un nuage ou une risée. J’ai aussi cassé trois lattes et à l’échelle d’un bateau comme Sodebo, cela demande énormément d’énergie pour les remplacer tout seul. Si dans le Sud, on est mieux sur un gros bateau, là j'ai eu un moment de doute. Globalement, j’ai bien géré physiquement, je ne suis pas aussi éprouvé qu’au même endroit il y a deux ans. J’ai aussi bien mangé. Nous avons bien travaillé là-dessus et comme c’est bon, tu ne rechignes pas à te préparer quelque chose."

La suite du parcours : "Le prochain rendez-vous météorologique, c’est Sainte-Hélène qui fait du mal aux marins ces derniers temps entre les concurrents de la Barcelona World Race (tour du monde en monocoque et en double) puis l’équipage de Banque Populaire qui est descendu le long des côtes brésiliennes pour passer sous l’anticyclone. Francis avait fait un très bon parcours et c’est un moment que je redoute forcément mais, pour l’heure, j’ai arrêté de me projeter. Depuis deux jours, je vis dans l’instant au milieu des grains dans cette atmosphère humide, nuageuse et très grise où tu es impuissant face à la beauté des éléments et au désert qui t'entoure. Il y a des énormes nuages dans lesquels tu entres comme dans un tunnel. "

L’abandon de Banque Populaire V : "Je suis très déçu pour l’équipage de Pascal Bidégorry. Percuter quelques chose à 37 nœuds, ça doit être monstrueux, moi, j’ai eu une collision à 28 nœuds avec un groler (morceau de glace) à bord de Sodebo lors de ma première tentative (2007/2008) et j’avais trouvé cela déjà très violent mais alors à 10 noeuds de plus, c'est un choc digne d'un accident de voiture. C’est un merveilleux projet et, quoi qu’il arrive, il y aura un avant et un après Banque Populaire en terme de performance autour de la planète. Ils y retourneront et ce bateau a un tel potentiel qu’il marquera forcément l’histoire. J’ai déjà été très impressionné de leur vitesse moyenne avec peu de vent et par la vélocité du bateau en général. Pascal avait fait en plus un super équipage. Comme quoi, un tour du monde ce n’est pas anodin. Tu n’es jamais sûr de pourvoir le terminer, tu fais un pari. Je ne suis même pas sûr qu’un bateau ait réussi à battre le Trophée Jules Verne dès sa première tentative."

4 février 2011
Fichu "Pot" !
Que cette zone du globe est rageante ! Thomas qui a franchi dans sa carrière une quinzaine de fois le Pot au Noir et en connaît ses « délices », mange son pain noir, blanc et de toutes les couleurs.
Et oui, la photo « sat » (voir illustration) en dit long sur l’activité nuageuse et orageuse dans la région en cette veille de week-end. Bien évidemment, comme il est impossible de s’avancer sur les prévisions et qu’il n’y a que la réalité sur le terrain qui vaut, difficile de dire aujourd’hui à quelle sauce le skipper de Sodebo sera mangé avant l’équateur, encore distant de 215 milles à 16 heures ce vendredi après-midi.

La bonne nouvelle est que Thomas a retouché du vent depuis le milieu de matinée. Très étonnamment, ce dernier souffle du Nord Ouest, ce qui n’était pas franchement prévu. Le skipper a donc empanné pour amorcer un bord rapprochant au Sud. Avec ce vent de 8 à 10 nœuds, Sodebo maintient une vitesse de 11 nœuds moyens sur les six dernières heures, ce qui est plutôt encourageant. Néanmoins, ce flux reste très instable, oscillant du 320 au 20. « L’important est de gagner au Sud, » explique Thierry Douillard qui suit cela heure par heure avec le team routage de Sodebo. « Comme actuellement les systèmes gonflent et se dégonflent au-dessus de toi, mais ne se déplacent pas vraiment, rien ne sert de chercher à suivre un nuage ou un autre. Il faut utiliser au mieux ce faible vent de Nord-Ouest en faisant le cap le plus Sud possible. Avec la tension que ces situations procurent, il est difficile pour Tom de dormir, ni même de fermer les yeux. Il faut rester calme et patient car devant, cela s’annonce encore complexe. » Thomas tente de se faufiler entre deux masses nuageuses et une nouvelle zone de grains s'annoncent devant les étraves de Sodebo dans la soirée.

3 février 2011
A l'entrée du Pot au Noir
Sodebo entre dans le Pot au Noir. Sa cadence reste très correcte avec à 21 heures ce jeudi soir une moyenne de 21,4 noeuds sur les 6 dernières heures.
Malgré tout, les signes sont là, les grains s’enchaînent, le vent mollit, pas de doute, c’est bien cette zone de convergence intertropicale. Ce redouté « no wind land » où les systèmes météo de l’Hémisphère Nord et Sud s’annulent en approche de l’équateur. Les grains menaçants, au comportement imprévisible, prennent les marins en otage qui vivent condamnés à veiller sur le pont, prêts à vêtir ou dévêtir leur bateau à chaque nuage.

2 février 2011
Extrême la vie de marin !
Extrême la vie de marin sur l'Atlantique ces temps-ci ! Au 4ème jour de son tour du monde, face à une mer courte et formée, le skipper de Sodebo garde la cadence et vient "d'enquiller" pas mois de 585 milles en 24h à la vitesse moyenne de 24,4 noeuds ! A 18h, Sodebo comptait 111 milles d'avance sur Idec.
En fin d’après-midi, Tom négociait son approche du Cap Vert, admirablement puisque le trimaran filait à plus de 24 nœuds dans l’Ouest de Santo Antao, l’île la plus Nord de l’archipel. Après Madère et les Canaries, Sodebo laissera cette nuit les îles du Cap Vert dans son sillage, porté par ce fidèle flux de Nord-Est qui ne fait que se renforcer depuis le départ de Ouessant.

1er février 2011
25 degrés, 25 noeuds de vent, 25 noeuds de moyenne
Peu de marins solitaires ont rejoint les Iles Canaries en si peu de temps. Parti de Brest samedi dernier à l'heure du déjeuner, Thomas Coville a dépassé la latitude des Canaries aujourd'hui mardi à midi soit 1643 milles en trois jours à la vitesse moyenne de 23 noeuds.
On pense au plaisir du skipper de SODEBO quand il regarde sur la carte sa magnifique trajectoire depuis son départ samedi dernier, pas une ligne complètement droite c’est vrai mais une belle descente qui s’est bien enchaînée avec une bonne gestion des bascules et des rotations du vent. Ce qu’on découvre en off, ce sont les efforts, le manque de sommeil – à peine quatre heures en 72 heures ! - des conditions de navigation éprouvantes dans une mer hachée avec un vent instable qui sollicite les pilotes qu’il a du mal à régler. Ce soir, on sentait au ton de sa voix que ça l’énervait. A 25 nœuds de moyenne sur un foil, il n’a pas d’autre choix que d’être attentif. Du coup, il a du mal à s’endormir et ça aussi, ça l’énerve. Comme il a de l’expérience, le marin solitaire sait aussi que ça ne va pas durer et qu’il va finir par prendre le rythme : « C’est toujours comme ça la première semaine car tu pars forcément avec une fenêtre exigeante ». Avec une avance d’environ 50 milles sur le record de Francis Joyon, ce qui est beaucoup en trois jours mais ne représente que deux heures à 25 nœuds de moyenne -, SODEBO descend vers l’équateur cap au 200. Dans ces conditions tordues - entre 22 et 28 noeuds - , Thomas a hissé le petit gennaker et navigue avec 1 ris dans la grand voile. Il fait une route à 140 ° du vent. A cette latitude, le skipper de SODEBO était déjà en retard en 2008. D’après Christian Dumard, « à conditions égales, Thomas est de 1 à 1,5 noeuds plus rapide. En 2007, Francis avait eu un système un peu similaire à celui de Thomas aujourd’hui. Les conditions étaient simplement un peu plus avantageuses pour le skipper de IDEC avec un anticyclone qui descendait derrière lui, » expliquait ce matin le routeur de Thomas.

Thomas devrait arriver dans un temps correct à l'équateur, moins de 7 jours à priori si le Pot au Noir est gentil.

31 janvier 2011
Pasta, lyophal et Handball sur la route de Madère
Plus de 1000 milles parcourus en 48 heures, le paysage file pour Tom qui a passé la latitude de Gibraltar et arrive dans le Nord de Madère.
Avec une cinquantaine de milles d’avance sur le temps de référence, Sodebo effectue un long bord tribord depuis la hauteur de Lisbonne. Le prochain empannage est programmé en fin de journée pour piquer au Sud, toujours poussé par ce généreux vent de Nord-Est, assez instable depuis hier, mais bien présent.

30 janvier 2011
Tobogan Portugais
Pas de perte de temps sur Sodebo qui descend plein Sud avec un marin déjà dans le rythme.
Après 24 heures en mer, 532 milles parcourus à 21,4 nœuds de moyenne, une heure de sommeil volé au petit matin, quelques bouchées de tagliatelles au poulet assaisonnées à l’huile d’olive et parfumées au basilic, le tout avalé entre deux réglages, le marin solitaire se trouve déjà au sud du Cap Finisterre et dévale « le toboggan des alizés portugais » à la vitesse de 20-25 nœuds. Il glisse le long des côtes portugaises sous gennaker et grand voile à un ris poussé par un vent d’une vingtaine de noeuds.
Au programme, un empannage en fin de journée qui lui permettra de mettre le cap sur le Nord de Madère.
29 janvier 2011

Top départ de Brest
Thomas Coville a coupé la ligne de départ du record du tour du monde en solitaire devant le phare de Créac'h de l'île de Ouessant ce samedi 29 janvier à 12h07'28'' heure française. Le trimaran Sodebo s'est élancé en tribord avec un vent de Nord-Est de 20 à 25 nœuds, sous grand-voile à deux ris et « string » (petit gennaker). Le skipper doit empanner environ une demi-heure après la ligne pour passer l'après-midi et une bonne partie de la nuit prochaine en bâbord dans la mer assez courte du Golfe de Gascogne. Thomas empannera à nouveau pour négocier la pointe du Cap Finisterre avant de descendre rapidement le long des côtes Portugaises dans des conditions toniques mais stables.
Après avoir accompli ce parcours de plus de 40 000 kilomètres autour des trois grands caps, Bonne Espérance, Leeuwin et le Horn, le skipper de Sodebo doit revenir couper la ligne à Ouessant avant le 28 mars à 1h40’34’’ (heure française), soit une minute de moins que le temps de référence de Francis Joyon (Idec) qui est de 57 jours, 13 heures, 34 minutes et 6 secondes.

Cartes
 

Le 31 mars 2011

dernier bord et dernière carte

Photos
 

Dans l'Océan Indien

 

© Sodebo

Le 8 mars 2011

Passage du Cap Horn au milieu de la Barcelona Wordl Race, Neutrogena prend la photo de Sodebo

  © Photo prise par Boris Herrmann à bord du monocoque Neutrogena en course dans la Barcelona World Race !

Le 10 mars 2011

La crash-box tribord est morte, elle a pleinement jouée son rôle

 

© Thomas Colville/Sodebo

Le 28 mars 2011

Une aigrette se pose sur Sodebo à 550km des côtes des Açores

  © Thomas Colville/Sodebo

Le 31 mars 2011

A l'entrée du chenal de la Trinité

  © Yvan Zedda/Sea&Co/Sodebo

Le 31 mars 2011

Dans le chenal de la Trinité

  © Thierry Martinez/Sea&Co/Sodebo

Le 31 mars 2011

Le retour à la Trinité : l'équipe et à côté de Thomas, sa fille

  © Thierry Martinez/Sea&Co/Sodebo