1 avril 2011
"Comme une ardoise magique"
Hier soir, Thomas nous a offert un très beau moment, comme
il sait le faire. La nuit tombait quand le flotteur tribord, avec son
étrave mise à nue, s'est aligné doucement le long
du quai des pêcheurs de La Trinité-Sur-Mer. "Quand
tu le vois là, tu te dis que c'est simple finalement,"
remarque le marin qui regarde depuis le ponton ce bateau qui a été
son "compagnon pendant 60 jours, tu l'humanises souvent mais quand
tu es loin, il est surtout ton abri, ta survie.
Quelques minutes plus tôt, le skipper levait la tête,
regardant le public. Les larmes aux yeux, il croisait le regard de ces
anonymes venus écouter le récit dun marin de retour
dun tour du monde en solitaire qui aura duré deux mois. Et
il leur a donné. Il a assumé le rituel du champagne même
sil admet que "cela est plutôt réservé
aux victoires." Le bouchon casse, alors ça finit au couteau,
en sabrant la bouteille avec la lame du bord, celle qui ne le quitte jamais.
"Ce champagne, cest pour ceux qui tentent, dans la vie il
faut tenter les gars !" Il arrose lassistance, boit une
gorgée avant de donner cette bouteille à ses proches, aux
membres de son équipe et à cette famille Sodebo qui est
là, toujours, fidèle, aimante et émue. Puis le marin
prend le micro. "Quand on est arrivé à Ouessant
ce matin, le chronométreur ne ma même pas vu. Cest
moi qui lui ai donné le top," commence-t-il. "Et
en arrivant tout à lheure au Trého (avant le chenal
de La Trinité), cest comme une ardoise magique. Vous savez
lardoise des enfants où tu gribouilles et où tu peux
tout effacer en passant le petit rail ! Elle remet les compteurs à
zéro dun seul coup. Et bien là, lardoise magique
cest vous ! Cest aussi ma femme, les enfants, cette famille
Sodebo, cette entreprise avec qui on a construit cette aventure. Cest
beaucoup dhumain. Mais même si je fais le mariole là
devant vous, je suis un compétiteur et ça fait mal."
Puis il revient au début. Il raconte Sainte-Hélène
où il a pensé rentrer, cette montée face au vent
jusquaux Kerguelen "aller là-bas au près,
cest cinglé." Il revient bien sûr sur ce bord
sous les glaces "ma fierté, même si ces routes là,
il ne faut pas les faire." Des voix sélèvent,
haranguent le marin qui répond simplement, sans détour.
Dans la nuit noire, autour de lui, lambiance serait presque celle
dun salon confortable où lon se raconte des histoires
de mer au coin du feu. Une voix demande, et ce planté à
Ouessant ?! "Ah là, cest sûr, si tu te retournes
à Ouessant, tas lair dun con mais je me souviens
dun autre où le bateau sest cabré carrément
à la verticale, jétais debout sur la colonne (de winch)
et là, cétait dans lAtlantique Sud et si tu
te retournes, tas pas lair con, tes juste très
mal."
Le skipper de Sodebo qui sest attaqué pour la troisième
fois "à cette route parfaite" tracée par
Francis Joyon a rendu hommage à celui qui reste lhomme le
plus rapide autour du monde à la voile en solitaire. «
Je nai pas battu le record dun très grand monsieur
! Le principe dun sportif, d'un athlète, est de respecter
son adversaire et ce temps de référence, qui est extrêmement
difficile, il a été fait par un homme exceptionnel qui sappelle
Francis Joyon. Et je pense être lun des seuls à le
respecter à sa juste valeur parce que jai joué avec
lui et contre son temps. Ce mec, il a galéré pendant des
années, je lai vu ici à La Trinité. Les mecs
exceptionnels sont ceux qui sont au bon endroit au bon moment, et ce monsieur
a fait un tour du monde parfait. Je dis un grand bravo ce soir à
Francis Joyon."
A son arrivée victorieuse à Brest en 2008, Francis remerciait
la nature. "Elle ma laissé passer,"
répétait-il. Thomas sait que ce n'est pas une formule en
l'air : "Il faut accepter la loi de Mother Nature comme disent
les anglo-saxons. Celle qui na pas souhaité nous offrir ce
record, mais je suis là ce soir, alors je me dis quelle a
eu la gentillesse de me laisser rentrer. Elle ne ma pas gardé."
Puis il regarde Alain Gautier, sur le quai avec son fils, Tom. "Alain
ma donné envie. A chaque fois quil monte sur un canot,
il a la banane et ça fait 30 ans que ça dure ! Cest
lui qui ma donné envie quand il a gagné le Vendée
Globe sur Bagage Supérior (1992). Cétait le plus beau
des sourires. Ce mec qui lève les bras
je me suis dis "un
jour, jaimerais ressentir ça !"
Une nouvelle voix sélève "la prochaine
fois Tom !" Le marin répond : "ça serait
rouler des mécaniques que de vous regarder là et de vous
dire, mais si, jy retournerai. Aujourdhui, cest un tel
engagement que je ne peux pas vous répondre maintenant."
Il débarque enfin. Enchaîne les embrassades, les empoignades.
Sa maman, sa sur, ses amis, ses complices et Lionel
Lemonchois, Fred le Peutrec, Yann
Eliès, Yvon Berrehar, ces autres marins qui savent.
31 mars 2011
Vers 12h30 sur la ligne d'arrivée
Thomas Coville a terminé sa dernière nuit en mer.
Ce soir, le tourdumondiste dormira dans un bon lit après une soixantaine
de jours et autant de nuits passés dans un shaker, la lance à
incendie sur le visage ! Les conditions sont toujours intenses au
large de la Pointe Bretagne. A 10 heures ce jeudi, Sodebo progressait
à 48 milles du phare du Créach, après des heures
rapides et stressantes dans un flux de Sud-Ouest soutenu de 25 à
30 nuds. Thomas qui réalisait probablement son dernier empannage
à 10h00 ce matin, file désormais à plus de 16 nuds.
Le vent doit mollir dans la journée et le trimaran a déjà
légèrement ralenti la cadence dans une mer toujours très
formée. Sodebo est attendu entre 12h30 et 13h30 sur la ligne darrivée
à Ouessant. Le temps dembarquer son équipe technique,
une opération qui sannonce dores et déjà
délicate dans cette mer très difficile, Sodebo devrait
pointer le bout de ses étraves vers 20h ce soir dans le chenal
de La Trinité-Sur-Mer.
30 mars 2011
Boucler la boucle
Dans sa vidéo envoyée cet après-midi, Thomas
fait le point avant son arrivée demain matin devant le phare de
Créac'h sur l'île de Ouessant. Voici ses commentaires.
"Voilà, un dernier petit mot pour clôre ce
tour du monde à bord de Sodebo. On est à un peu moins de
500 milles de Ouessant dans des conditions musclées, des vents
de plus de 30 nuds et une mer très formée. Je ne reviendrai
pas sur ma déception mais je réitère mon admiration
pour ce qua réalisé Francis Joyon, cest la moindre
des choses de féliciter son adversaire. Je veux aussi remercier
tous les gens qui ont suivi, porté ce projet, quils lont
vu naître et lont fait vivre. Merci à Sodebo,
cette incroyable entreprise, cette famille, ce groupe, qui tout au long
de ce voyage, avant et pendant, ma porté et soutenu. Jai
essayé pendant ce périple de porter leurs couleurs ou, tout
du moins, de défendre leurs valeurs de pugnacité, de liberté,
dindépendance et de plaisir dans un monde pas toujours facile
même hostile comme celui de la mer.
Jai pris beaucoup de plaisir à la barre de ce bateau,
à manuvrer, à réaliser cette trace et cest
pour cela que je vais à Ouessant même si la météo
s'annonce catastrophique. Je voulais boucler ma trace, en symbole, pour
dire que lon finit les choses que lon commence. Et même
si elles ne se finissent pas comme on le souhaitait, je le fais pour ceux
qui tiennent parole, qui vont au bout de leurs actes, qui paient leurs
dettes. Jai essayé de puiser là mon énergie
cette semaine.
Je rends hommage à léquipe qui ma soutenu
au quotidien, heure par heure et qui ma aidé à réaliser
cette belle route. Thierry Douillard, Richard Silvani, Christian Dumard
et Thierry Briend (routeurs) qui ont été mes anges gardiens
pendant ces deux mois. Seul, jaurais lâché prise plusieurs
fois. Ils ont été présents tout le temps. Cest
un projet où il y a beaucoup de recherche, de technique, de technologie,
de préparation mais ce tour du monde est avant tout un projet humain,
de groupe ou en tout cas qui a la prétention de porter ces valeurs.
Je remercie aussi les partenaires techniques qui nous suivent fidèlement
et mettent leur savoir-faire au service du projet Sodebo : Météo
France, Toyota, Cousin Trestec, Lisi, Ixsea, Open, CLS, Nautix et Helly
Hansen.
Jappréhende les arrivées, cest difficile
de croiser le regard des autres après deux mois et de lire à
travers leur visage, mon visage à moi. Drôle de sensation
davoir tant espéré finir et, à la fois, dappréhender
larrivée
Cest très paradoxal."
29 mars 2011
Musclé pour finir !
Portés par un flux de Sud-Ouest de plus de 20 noeuds, le
trimaran et son skipper "enquillent" les milles, pressés,
on s'en doute, de rentrer à la maison. Sur les tours du monde,
on a coutume de dire que "la route est longue", mais cette fois-ci,
elle s'accélère, Tom est à moins de 800 milles du
but et naviguent dans des conditions qui se corsent d'heure en heure.
Actuellement à 500 milles dans l'Ouest des côtes espagnoles
et quasiment à la latitude du Cap Finisterre, Thomas est attendu
jeudi matin sur la ligne d'arrivée à Ouessant. Sodebo et
son équipe technique mettront ensuite cap vers La Trinité-sur-Mer
quils devraient atteindre environ six heures plus tard.
Redoubler d'attention !
Calé tribord amure, Thomas vient de signer une belle journée
de navigation à plus de 523 milles à 21,8 nuds de
moyenne. Depuis lheure du petit déjeuner, le navigateur bénéficiant
d'un vent soutenu dans lEst de la dépression, semble avoir
mis le pied sur laccélérateur. Le compteur est bloqué
à plus de 20 nuds alors que la ligne darrivée
nétait plus quà 790 milles à 16h00. Mais
la concentration est de mise, dautant que la tension de larrivée
près des côtes est de plus en plus palpable comme lexplique
Thierry Briend (routeur) : "Plus la terre se rapproche, plus les
dangers sont nombreux : circulation maritime, bateaux de pêche et
début du plateau continental, le tout combiné à un
fort vent de Sud-Ouest...autant d'ingrédients qui imposent une
vigilance accrue à bord."
Deux empannages et cest fini !
En avant dune belle dépression, Sodebo navigue actuellement
dans un vent de Sud-Ouest de 20-25 nuds et sur une mer encore maniable.
Il devrait logiquement empanner comme prévu en fin daprès-midi
dans ce flux soutenu et revenir pendant quelques heures en bâbord
amure, sur son étrave tribord endommagée. Après ce
dernier contre-bord pour se recaler au Nord, le skipper réalisera
un ultime empannage pour aller chercher la dernière ligne droite
vers Ouessant.
Vers une arrivée tonique
A limage de son départ, Tom sattend dores et
déjà à un passage de ligne sportif. A moins de 48h
de Ouessant, les fichiers sur zone prévoient toujours un vent de
secteur Sud-Ouest mais forcissant à 25/30 nuds avec une mer
qui sannonce démontée jeudi matin. A moins de deux
jours de la délivrance, on imagine lenvie du marin de retrouver
sa famille, son équipe, ses proches et tous ses supporters qui
se sont dores et déjà donnés rendez-vous à
La Trinité-sur-Mer pour laccueillir comme il se doit.
28 mars 2011
Visite surprise au Nord des Açores
Sodebo navigue actuellement à 200 milles dans le Nord-Ouest
des iles principales des Açores. Thomas a empanné ce matin,
entamant un bord tribord amure dans un vent d'une vingtaine de noeuds
qui va se renforcer dans la soirée. Cette ultime dépression
emmènera le trimaran vers la ligne d'arrivée à Ouessant
qu'il devrait couper, selon les routages actuels, jeudi au petit matin.
A vous de jouer !
Sur les images vidéos du jour, Thomas reçoit la visite étonnante
dun oiseau n'appartenant pas à la famille des volatiles "marins"
mais la proximité des îles explique sûrement sa présence
ici. "Cest plutôt pas très bon signe,"
commente le skipper qui, outre un albatros lors dun précédent
tour du monde, na jamais vu un si grand animal à plumes à
son bord. "Quand les oiseaux se posent comme ça, cest
quils sont fatigués." Effectivement, le trimaran
croisait à 300 milles des Açores ce matin, soit plus de
550 kilomètres, ce qui fait un sacré vol pour notre ami
! "Je voulais empanner mais je vais attendre un peu du coup,"
sinterroge le marin après lui avoir offert un poisson volant,
apparemment peu apprécié par son nouveau compagnon de route,
et un peu de pain. "Je ne sais pas de quelle race est-il ? Avec
ces longues pattes et sa houpette, on dirait plutôt un oiseau de
marais, comme nous en avons chez nous
" Et vous, vous-avez
une idée ? Si oui, dites-le nous via message sur le site sodebo-voile
ou sur Facebook. (photo)
Boucler la boucle
Le tour du monde nest pas terminé. Même si le record
na pas été battu cette nuit suivant lobjectif
initial, le bateau navigue encore et la concentration imposée à
bord reste la même. Avec 1200 milles à courir jusquà
Ouessant, Sodebo doit encore affronter une dépression avec 30 nuds
annoncés dès cette nuit. Le trimaran file sur le "bon
bord", cest à dire en tribord, avec le flotteur abîmé
hors de leau. Il doit garder cette amure jusquà mardi
soir où il empannera de nouveau pour se recaler au Nord dans un
flux de Sud-Ouest annoncé de 25 à 30 nuds et qui devrait
laccompagner jusquà la Pointe Bretagne. Thomas souhaite
aller jusquau bout pour "boucler la boucle". Le skipper
coupera donc la ligne d'arrivée à Ouessant afin de stopper
ce chrono déclenché le 29 janvier à 12h07. Rejoint
par son équipe technique, le skipper rentrera ensuite en convoyage
à la Trinité-sur-Mer, le port dattache du bateau.
Même sil ne fait aucun doute que le public brestois aurait
su saluer comme il se doit laccomplissement de ce périple,
le marin sait aussi que lentrée dans Brest a la plus belle
des saveurs lorsque la victoire est là. Bien évidemment,
vous êtes tous les bienvenus pour partager l'arrivée du skipper
à la Trinité ! Avec le vent annoncé, il faudra compter
environ 6 heures de convoyage depuis Ouessant. Nous vous tiendrons informés
des dernières ETA (Estimated Time Arrival) sur le site sodebo-voile.com
ainsi que sur Facebook et Twitter.
27 mars 2011
Il faut rentrer le mieux possible
Thomas a repris un peu de terrain, même s'il n'y a plus d'enjeu,
il faut rentrer le mieux possible.
26 mars 2011
Retour du vent, de la vitesse et du plaisir !
"La transition avec hier est frappante !" Dans
sa vidéo envoyée aujourd'hui et tournée au coucher
du jour vendredi, Thomas partage avec nous le retour du vent dans les
voiles de Sodebo, celui de la vitesse et de ce quotidien de marin qui
lui fait du bien. A 2000 milles du but, les coques du trimaran sébrouent
enfin dans ce flux de Sud-Ouest tant attendu après plusieurs jours
et notamment 24 heures de progression lente, très lente, sur une
mer dhuile. Dans un vent de 12 à 15 nuds sétablissant
progressivement, Thomas doit naviguer bâbord amure en appui sur
le flotteur abîmé. Mais finalement et même si les geysers
deau sont impressionnants à chaque vague et constituent un
certain frein, le skipper assure que "quand ça va vite,
ça passe assez bien. Il faut juste ne pas avoir peur daller
vite
comme toujours en fait." "Nous atteignons enfin cette
zone perturbée où le vent fait sa loi dans lAtlantique
Nord," poursuit-il à lheure du crépuscule.
"Voici cette zone tant désirée qui nest pas venue
nous chercher à léquateur et nous a fait perdre tout
espoir de battre le record. Cest sûr, si elle était
venue un peu plus tôt et nous avait évité de faire
autant de milles pour aller la chercher, cela aurait été
top." Le bruit de leau qui défile sous la coque
nous remet, nous aussi, dans une ambiance plus familière à
bord de Sodebo. "Quand ça rentre, ça rentre assez
vite et assez fort. Le vent nest pas très stable et la nuit
risque dêtre encore mouvementée. Cest bien, ça
remet dans le goût de la navigation, de faire avancer le bateau.
Je retrouve le quotidien et le fait dêtre un marin sans me
prendre la tête avec le résultat et des considérations
de terriens. Jai du plaisir ce soir avec ce coucher de soleil, le
plaisir de renouer avec cet Atlantique Nord que jaime tant, qui
est mon terrain de jeu, mon jardin, et qui ma boudé cette
année. Cest un océan que lon connaît bien
et je ne pensais pas que ça se jouerait là mais ce record
se joue à chaque instant." Sil fait quand même
attention de ne pas trop forcer sur l'étrave fragilisée,
Thomas infléchit sa route vers la maison à plus de 18 nuds.
Après le passage dune nouvelle petite dorsale dans la journée
de samedi, le vent devrait se renforcer lorsque Sodebo sera bien calé
dans le Sud-Est de cette dépression qui lemmènera
dans le Nord des Açores. Il en attrapera ensuite une seconde pour
rallier larrivée à Ouessant quil pourrait atteindre,
en milieu de semaine prochaine, peut-être dès mercredi.
25 mars 2011
Dans la pétole
Pendant que Thomas est planté au milieu de l'Atlantique,
un premier bilan de cette remonté.
Acte V : LAtlantique, pour le meilleur et pour le pire
Pain blanc
En bordure dun anticyclone de Sainte-Hélène beaucoup
plus clément quà laller, Sodebo emmagasine les
milles à une cadence TGV au profit dune route au près
le long des côtes dAmérique du Sud. Le skipper se régale
mais ne semballe pas. Moins 620 milles le 9 mars, sous la barre
des 500 milles le 10, 266 milles le 12 et enfin, ça y est, Sodebo
pointe devant son adversaire virtuel le 13 mars. La moisson, résultat
dun boulot de titan, force ladmiration avec la bagatelle de
670 milles gagnés en 5 jours.
Collision
Cette chevauchée fantastique a été pourtant entachée
le 10 mars par le choc avec un globicéphale qui endommage la crash-box
du flotteur tribord. Le coup est doux, mais dur ! Un instant, Tom hurle
et croit à la fin de laventure mais le diagnostic savère
rassurant. Ce pare-choc a été envisagé pour ça.
Il a très bien fait son travail et le flotteur nest pas en
danger. Son équipe technique et les architectes sont catégoriques
: le marin peut poursuivre. Moins de trois jours plus tard, après
sêtre dégagé dune méchante dépression
orageuse le long du Brésil, Sodebo compte 267 milles davance
sur Idec et tous les espoirs sont permis !
Pain noir
La dure réalité rattrape le marin solitaire lancé
à la conquête du graal. Les prévisions annoncent une
panne de lalizé sur la fin de lhémisphère
Sud juste avant léquateur. Une nouvelle « muraille
» comme il le décrit, se dresse devant lui. Pourtant, il
retarde joliment léchéance en contournant le problème
par lOuest. Toujours au près dans un faible vent de Nord-Est,
Sodebo ne sarrête jamais et progresse à plus de 15
nuds mais ne fait pas route directe. Le 17 mars, pointé à
seulement 15 milles des côtes brésiliennes, le « challenger
» repasse en négatif. Encalminé pendant un peu plus
de 24h dans du vent erratique de 4 à 6 nuds, le trimaran
retrouve lhémisphère Nord dimanche 20 mars au matin,
après 49 jours 22 heures 12 minutes et 32 secondes de course. Thomas
a alors 1 jour 19 h et 54 mn décart avec Francis Joyon et
a parcouru 23 777 milles (19,84 nds de moyenne) depuis Ouessant, soit
1151 milles de plus quIdec. Exactement le nombre de milles de retard
quil avait en passant le Cap de Bonne Espérance, un constat
des plus frustrants après tant defforts fournis et une trajectoire
que les spécialistes admirent. Joli lot de consolation pour le
skipper de Sodebo qui sempare du meilleur chrono entre le Horn et
léquateur en 11 jours 21 heures et 56 minutes soit un peu
plus de 16h de mieux quIdec en 2008.
Cest fini
Pour le dernier tronçon du parcours, le timing se retourne contre
le chasseur de record. Le coup de pouce souhaité de cette météo
si peu conciliante ne vient pas. Lanticyclone barre carrément
le chemin vers lEurope en sétalant de part et dautre
de lOcéan Atlantique, obligeant Thomas à allonger
encore la route, taillant dans le Nord-Ouest quand Francis était
monté directement vers les Açores. Les dépressions
traversent très trop au Nord et la messe est dite.
Il ny aura pas de miracle. Pour sa troisième tentative et
son second tour complet en solitaire à bord de Sodebo, Thomas ne
pourra pas être à lheure à Ouessant. Pendant
plus de 50 jours, le marin na pas démérité,
il na jamais baissé les bras ni reculé devant une
difficulté, quelle quelle soit. Comme tous les athlètes,
il a passé les caps et surmonté les épreuves les
unes après les autres. Il a dessiné avec ses routeurs une
route magnifique sur la carte du monde.
"Majesté, il ny a pas de second !"
Le 22 août 1851, America, barrée par John Cox Stevens, président
du New York Yacht-Club, domine larmada britannique dans ses eaux,
sous les yeux dune foule compacte venue assister à laffrontement
et en présence de la reine Victoria. A la Reine qui sinquiète
de savoir qui est le second, il est répondu cette phrase restée
célèbre : "Majesté, il ny a pas de second".
La réponse à loccasion du premier défi qui
donne naissance à lAmericas Cup résume bien
létat desprit du sportif et compétiteur de haut
niveau quest Thomas Coville. A limage de lAmericas
Cup dans un tout autre registre, les records ne récompensent pas
le second. La météo décide, les chasseurs de chrono
le savent. Ils doivent laccepter même si la frustration est
grande et la déception immense pour Tom et pour Sodebo, toujours
aussi fier daccompagner son skipper dans ses aventures hors du commun.
Car il ne faut jamais oublier que le tour du monde en solitaire sur un
multicoque sans escale et sans assistance appartient à un univers
difficile à comprendre et à appréhender pour le commun
des mortels : celui du sport extrême. Francis Joyon reste à
ce jour lhomme le plus rapide à la voile en solitaire autour
du monde.
OUESSSANT EQUATEUR (premier passage) :
IDEC le 30/11/07 : 6j 17h, 3 355 milles à 20,8 nds
SODEBO le 05/02/11 : 7j 2h 27, 3 529 milles à 20,7 nds
Ecart : 9h27, 161 milles de retard
OUESSANT-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15j 7h 13, 7 400 milles à 20,12
nds
SODEBO le 15/02/11 : 17j 5h 54 32, 8405 milles 20,31
nds
Ecart : 1j 22h 41, 1151 milles de retard
OUESSANT-LEEUWIN :
IDEC le 16/12/07 : 22j 15h 28, 11450 milles à 21,1 nds
SODEBO le 23/02/11 : 25j 2h 32, 12 374 milles à 20,55
nds
Ecart : 2j 10h 32, 1194 milles de retard
RECORD DE LOCEAN INDIEN (CAP DES AIGUILLES-TASMANIE) :
IDEC Déc. 2007 : 9j 12h 6 pour 5 182 milles parcourus
à 22,7 nds de moyenne
SODEBO - 25/02/11 : 9 j 22h 45 pour 5172 milles parcours à
21,7 nds de moyenne
Ecart sur le record de l'Indien: 10h39
Ecart depuis le départ : 2j 9h 22
OUESSANT-CAP HORN :
IDEC le 29/12/07 : 35j 12h 36, 17 902 milles parcourus à
21 nds de moyenne
SODEBO le 08/03/11 à 12h24 (HF) : 38j 0h 16m 32s, 19 186 milles
à 21,03 nds de moyenne
Ecart de 2j 11h 40, 666 milles de retard
RECORD DE LOCEAN PACIFIQUE (Sud Tasmanie-Cap Horn)
IDEC déc. 2007 : 10j 14h 26 pour 5245 parcourus à
20,6 nds de moyenne
SODEBO - 08/03/11 à 12h24 (HF) : 10j 16h 49 pour 5545 milles
parcourus à 21,59 nds de moyenne
Ecart : 2h23
OUESSANT EQUATEUR (second passage) :
IDEC le 10/01/08 : 48j 2h 18, 22 626 milles à 19,6 nds
SODEBO le 20/03/11 : 49j 22h 12 32, 23 777 milles à
19,84 nds
Ecart de 1j 19h 54, 487 milles de retard
HORN EQUATEUR :
IDEC en 2008 : 12j 14h
SODEBO le 20/03/11 à 10h20 (HF) : 11j 21h 56
Ecart : 16h04 de moins quIdec
24 mars 2011
Il ne suffit pas de rentrer au vestiaire
"Dans d'autres sports, le vélo, la course à
pied, quand tu arrêtes, ça s'arrête, dans notre sport,
ça ne s'arrête pas, il faut ramener le bateau à la
maison," explique aujourd'hui le skipper de Sodebo actuellement
freiné à 2400 milles du but dans les tentacules d'un anticyclone
des Açores qui s'étale du Portugal aux Bermudes. Ce
n'est donc pas le soulagement du vestiaire pour Tom qui progresse vers
le Nord dans un vent très faible : "Cela ralentit comme
prévu, je vais avoir encore une journée délicate
pour traverser cette dorsale avec des vents turbulents. Le vent vient
d'ailleurs de basculer de 90 degrés," poursuit-il. "Difficile
de prévoir, alors je gagne vers le Nord pour avancer et je ressens
déjà la houle résiduelle des dépressions qui
passent au-dessus et que lon va chercher." Malgré
ce chrono qui tourne et ne lattend plus, le skipper garde la même
attitude. Il reste à lécoute de son trimaran et agit
dans linstant : "Jai inspecté le bateau cette
nuit car cétait plus calme et il est parfaitement sain structurellement
parlant. Je gère le quotidien, je fais marcher Sodebo avec le vent
que jai. Dans les heures à venir, je devrais passer cette
dorsale et entrer dans le flux dOuest perturbé que lon
attend depuis léquateur pour rentrer à la maison avec
une période en bâbord amure sur mon étrave abîmée.
Je ne sais pas comment cela va réagir au portant car je nen
ai pas fait beaucoup depuis la collision."
Maîtrise de lexercice
A 42 ans et presque six tours du monde à son actif, Thomas ne cache
pas sa déception de ne pas avoir la récompense finale de
battre le record de son voisin trinitain, Francis Joyon. Malgré
tout, il connaît la valeur de ces défis dans lesquels si
peu se lancent. "Jai une chance inouïe de faire ce
que je fais, de mexprimer de cette façon, dêtre
sur leau avec ce bateau et entourée par cette équipe.
Techniquement, on apprend à chaque fois. On va boucler, pour la
deuxième fois, un tour du monde en multicoque sans sarrêter.
Déjà, en monocoque, il ny en a pas beaucoup qui arrivent
à finir sans sarrêter ! Physiquement, jai aussi
limpression de ne pas avoir subi la machine. Jai eu le sentiment
de rester maître du bateau malgré une météo
à chaque fois un peu plus difficile que prévu et qui ne
permettait pas de garder une gestion personnelle optimale de leffort
comme du sommeil. Je suis aussi fier de l'organisation et de la qualité
du travail avec mes routeurs. Le geste est beau, la trace est belle. Le
faire nest pas lunique moteur mais le faire proprement est
important même si la récompense ultime nest pas là."
Sport extrême et extrême liberté
"Se faire peur à lIle Heard, naviguer au milieu des
glaces, cest à la fois beau et terrifiant, descendre pleines
balles dans lIndien, cest la traduction de la liberté
et de lintensité. Mais la prise de risque est intelligente
si elle sert une cause, sinon elle est stupide," nous raconte celui
qui fait parti de cette espèce rarissime qui accepte de sexposer
à laléatoire. Tom appartient en effet à cette
espèce qui ne souscrit pas à "lassurance tous
risques."
Une météo "classique" sur la fin aurait
suffi
Bien évidemment, en cartésiens, Thomas et ses routeurs cherchent
à refaire le film : "Je serais mortifié si javais
fait une grosse bêtise, là, je men voudrais, mais ce
nest pas le cas. Jusquà la dépression orageuse
au large du Brésil, tout paraissait encore possible avec une météo
"classique."
Les records ou la discipline de laléatoire
A la différence de la régate, quand vous vous attaquez à
un record, vous navez pas dadversaire avec vous sur le plan
deau qui est confronté aux mêmes conditions et vous
permet de vous jauger dans linstant. "Peu de gens sattaquent
aux records car ils ne veulent pas se confronter à cet aléatoire.
Quand tu tengages, tu sais que ça peut ne pas marcher. La
probabilité est même remise à zéro à
chaque fois puisque tu texposes aux aléas de la nature. Cest
le principe même du sport extrême qui est de réaliser
les choses sans en attendre quoi que ce soit, ce qui est peu audible pour
un compétiteur. Cest aussi ce qui donne une certaine esthétique
et une vraie liberté à notre démarche," analyse
celui qui sest frotté dans sa carrière à toutes
les familles de la course au large et sur tous les types de bateaux.
Lardoise magique
Attendu en Bretagne la semaine prochaine, le skipper pense au bonheur
de retrouver les siens. "Les départs et les arrivés
sont des moments magiques. Quand je vais voir mon petit bonhomme sur le
ponton ou sur leau, ma fille, tout va seffacer cest
sûr, cest comme une ardoise magique ! "
23 mars 2011
Au coeur de la dorsale cette nuit
Sodebo poursuit sa remontée dans l'Ouest d'un anticyclone
des Açores désormais colossal au milieu de l'Atlantique.
Toujours tribord amure, le trimaran navigue sur la bordure de ce système
de haute pression, avec un vent de Nord-Est d'une quinzaine de noeuds.
Petit à petit, en entrant progressivement dans la dorsale -
là où il y aura le moins de vent - le bateau va ralentir
sensiblement dans les heures à venir et surtout durant la nuit.
Le flux dont il bénéficie actuellement va faiblir sous les
10 nuds en passant progressivement au Nord. Thomas devra traverser
cette zone de vent erratique avant de basculer ensuite dans du Sud-Ouest
libérateur qui lui permettra dinfléchir, en fin de
semaine, sa trajectoire vers la Bretagne. Les conditions se muscleront
aussi en retrouvant une ambiance dépressionnaire et la mer formée
qui laccompagne. Sil sait quil narrivera pas à
temps sur la ligne à Ouessant, le skipper doit désormais
sarmer de patience pour terminer ce périple comme il la
commencé, cest à dire en effectuant la route la plus
efficace dans des conditions météo imparfaites
22 mars 2011
Pas de Printemps pour Thomas Coville
Parti depuis 52 jours à l'assaut du record autour du monde
en solitaire, le skipper de Sodebo fait face à une nouvelle barrière
météorologique sur le chemin du retour en Europe. En raison
de ce "marais anticyclonique" qui s'étale en travers
de l'Atlantique Nord, Thomas Coville est contraint de rallonger sa route
et d'effectuer un énorme détour par l'Ouest. Depuis
le passage de léquateur dimanche dernier, le marin a tenté
de faire de la vitesse et non du cap pour se laisser une chance dattraper
une dépression qui passait au Nord. Si le trimaran conserve une
bonne vitesse moyenne, autour de 19 nuds encore ce matin, le vent
va mollir progressivement en entrant dans la dorsale de cet immense anticyclone
des Açores qui sétend des Canaries jusquà
moins de 1000 milles dans lEst des Antilles. Thomas ne touchera
le vent de secteur Ouest quil attend sous la dépression qu'une
fois sorti de cette zone de transition. Bien que positionné à
2800 milles de Brest, à hauteur des îles du Cap Vert, le
skipper solitaire voit très largement senvoler aujourdhui
mardi ses chances de battre le record de Francis Joyon (57j 13h 34).
"Vous devez vous demander en regardant la cartographie, mais
où va-t-il ?" confie-t-il à la caméra (vidéo
disponible dans l'après-midi dans la médiathèque).
"Aux Antilles ? A New York ? Non, jai bien lintention
de rentrer sur Brest mais la météo a décidé
de ne pas moffrir la route la plus directe." Thomas sait quaprès
les lenteurs de la fin de lAtlantique Sud, la configuration météo
actuelle ne permet pas de route optimale dans lAtlantique Nord.
"Après le Cap Horn, lorsque nous pensions être sortis
du plus dur, nous sommes remontés avec une trace superbe mais réalisée
entièrement au près, face à une mer formée
et très difficile. Le bateau était éprouvé
comme moi mais nous avons eu la fierté de recroiser devant la trajectoire
de Francis Joyon après avoir repris tout ce retard cumulé
dans les trois autres océans. Cela ma fait croire un instant
que cétait possible avec une météo classique,
pour remonter sur le Brésil et lentrée dans lhémisphère
Nord, mais il nen est rien. Après avoir supporté une
dépression orageuse très difficile dans le Nord du Brésil
qui a tué lalizé de Sud-Est, nous sommes restés
dans des conditions faibles et inhabituelles au niveau de la corne de
lAmérique du Sud. Et maintenant, cest un anticyclone
énorme qui nous empêche de retrouver le circuit perturbé
(vent) dOuest et Sud Ouest qui est supposé nous ramener vers
lEurope, cela moblige à faire un grand tour par lOuest
pour aller chercher loin devant cette perturbation."
21 mars 2011
Anticyclone droit devant
Depuis son passage de l'équateur dimanche, Thomas Coville
a traversé un Pot au Noir relativement clément et renoué
avec la vitesse dans un solide flux de Nord-Est de 15/20 noeuds. Son pain
noir, le skipper l'avait mangé avant le passage de l'équateur,
empétolé dans des calmes rarissimes là où,
normalement, l'alizé de Sud-Est souffle fort. Devant les étraves
du trimaran qui file entre 22 et 25 nuds de moyenne dans lalizé
de lhémisphère Nord avec une mer très hachée,
lanticyclone des Açores occupe le terrain en descendant pratiquement
jusquà la latitude du Cap Vert. Thomas na pas le choix.
Il doit contourner par louest cette nouvelle bulle géante
de vents faibles. Certes, Sodebo engrange rapidement des milles mais ne
peut pas gagner autant sur la route que nécessaire. Actuellement,
lécart se creuse avec Francis qui était pourtant un
peu moins rapide mais avait une météo très favorable
pour monter plein Nord et se rapprocher du but. La situation se révèle
beaucoup plus complexe pour Thomas qui doit aller chercher les régimes
dépressionnaires qui se succèdent dans le Nord de lAtlantique
avec lobligation de tenir compte de ce vaste anticyclone qui lui
barre la route.
Remontée de lAtlantique, pour le meilleur et pour le pire
"Comme nous lavons vu, lalizé était
inexistant dans lhémisphère Sud depuis plusieurs jours,"
explique Christian Dumard de la cellule routage de Sodebo qui revient
sur la chronologie des derniers jours et sur la sortie laborieuse de lhémisphère
Sud. "Une vaste zone de calmes sétend de lAfrique
au Brésil au Sud de léquateur. En tête de la
Barcelona World Race, Virbac Paprec 3 a été le premier à
en faire les frais. Le leader de la Barcelona est resté englué
trois jours et demi dans cette zone de calmes. Loïck Peyron et Jean-Pierre
Dick navaient jamais vu une telle situation, il est vrai bien inhabituelle
dans cette région généralement balayée par
les alizés. Thomas a effectué une remontée de lAtlantique
Sud remarquable au près. Avant dêtre confronté
à cette zone sans vent, il croisait près de 200 milles devant
son concurrent virtuel le 16 mars au large de Salvador de Bahia (Brésil).
Durant les jours suivants, il a lutté dans cette zone de vents
faibles avec souvent moins de 5 nuds, là où Idec avait
bénéficié dun alizé bien établi.
Quand lalizé de Nord-Est est rentré en fin de journée
hier dimanche 20 mars, Thomas comptait 495 milles de retard sur Francis
Joyon. Thomas arrive dans un hémisphère Nord où règne
une situation de blocage avec un vaste anticyclone qui ne laisse rien
passer en son travers. Sodebo devra donc surement aller chercher loin
dans l'Ouest une dépression qui devrait lamener en Bretagne
au prix d'un long détour."
20 mars 2011
Retour du vent
dans l'hémisphère nord
Retour dans l'Atlantique Nord pour Sodebo qui a franchi l'équateur
aujourd'hui dimanche à 10h20 (HF) après 49 jours, 22 heures,
12 minutes et 32 secondes de mer et avec 1 journée, 19 heures et
54 minutes de retard sur Francis Joyon. Depuis son départ de
Ouessant, le 29 janvier dernier, le trimaran Sodebo a parcouru 23 777
milles (19,84 nds de moyenne), soit 1151 milles de plus quIdec,
exactement le nombre de milles de retard quavait Thomas en passant
le Cap de Bonne Espérance. Le "challenger" Coville a
été malgré tout plus rapide que son prédécesseur
sur le tronçon Horn-Equateur. En effet, sur cette remontée
de lAtlantique Sud effectuée essentiellement au près
et au reaching avec un alizé de Sud-Est aux abonnés absents
et une étrave tribord endommagée, Thomas a rallié
léquateur en 11 jours, 21 heures et 56 minutes, soit 16 heures
et 4 minutes de mieux que Francis en 2008. Une satisfaction pour le skipper
et son équipe qui temporisent forcément tant ces dernières
centaines de milles dans lhémisphère Sud ont coûté
cher sur le temps de référence. En avance de 226 milles
il y a cinq jours, Sodebo accuse désormais 484 milles de retard,
avec environ 3300 milles à courir encore jusquà Ouessant.
Depuis ce matin, le vent de Nord-Est se renforce et Thomas Coville accélère
: 12, 15, 17 nuds, la tendance est à la hausse, même
si le skipper nest pas encore sorti définitivement de cette
zone de transition entre les deux hémisphères. Le Trinitain
négocie actuellement des grains, une situation commune du Pot au
Noir et de ses conditions météo imprévisibles où
alternent les calmes et les rafales de vent sous des nuages souvent bien
noirs. Le chrono tourne et Tom doit revenir à son point de départ
avant le 28 mars à 1h4034 (HF), cest à
dire dans 7 jours et 15 heures, pour une vitesse moyenne à tenir
au-dessus de 18 nuds. Lors de sa précédente tentative
il y a deux ans, Thomas avait été plus rapide que Francis
sur ce finish quil avait réalisé en 9 jours et 15
heures. Cette année, le skipper doit donc mettre deux jours de
moins, un pari des plus ardus. En mars dernier, pendant le Trophée
Jules Verne de Groupama 3, le trimaran de Franck Cammas, mené par
10 hommes déquipage dont Thomas au poste de barreur, entrait
dans lhémisphère Nord avec un peu plus dune
journée de retard sur le détenteur Orange II. Le record
a pourtant été battu au bénéfice dune
route très efficace en bordure dun anticyclone des Açores
décalé dans lEst, offrant ainsi une transition rapide
avec le train dépressionnaire de lAtlantique Nord. Thomas
retrouve actuellement un régime dalizé de Nord-Est
avec devant lui un anticyclone qui gonfle en travers de la route directe,
ce qui impliquerait une trajectoire par lOuest.
OUESSSANT EQUATEUR (premier passage) :
IDEC le 30/11/07 : 6j 17h, 3 355 milles à 20,8 nds
SODEBO le 05/02/11 : 7j 2h 27, 3 529 milles à 20,7 nds
Ecart : 9h27, 161 milles de retard
OUESSANT-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15j 7h 13, 7 400 milles à 20,12
nds
SODEBO le 15/02/11 : 17j 5h 54 32, 8405 milles 20,31
nds
Ecart : 1j 22h 41, 1151 milles de retard
OUESSANT-LEEUWIN :
IDEC le 16/12/07 : 22j 15h 28, 11450 milles à 21,1 nds
SODEBO le 23/02/11 : 25j 2h 32, 12 374 milles à 20,55
nds
Ecart : 2j 10h 32, 1194 milles de retard
OUESSANT-CAP HORN :
IDEC le 29/12/07 : 35j 12h 36, 17 902 milles parcourus à
21 nds de moyenne
SODEBO le 08/03/11 à 12h24 (HF) : 38j 0h 16m 32s, 19 186 milles
à 21,03 nds de moyenne
Ecart de 2j 11h 40, 666 milles de retard
OUESSANT EQUATEUR (second passage) :
IDEC le 10/01/08 : 48j 2h 18, 22 626 milles à 19,6 nds
SODEBO le 20/03/11 : 49j 22h 12 32, 23 777 milles à
19,84 nds
Ecart de 1j 19h 54, 487 milles de retard
HORN EQUATEUR :
IDEC en 2008 : 12j 14h
SODEBO le 20/03/11 à 10h20 (HF) : 11j 21h 56
Ecart : 16h04 de moins quIdec
19 mars 2011
Panne de vent avant l'équateur
"C'est une muraille qui s'est construite devant nous,"
témoigne le skipper de Sodebo qui est entré vendredi soir
dans cette immense zone sans vent à 200 milles dans le Sud de l'équateur.
Alors qu'il lui reste l'équivalent d'une transatlantique (3500
milles) à parcourir et 8 jours et demi pour rallier Ouessant dans
les temps, le skipper voit l'anémomètre du trimaran tourner
au ralenti. Contrairement à la normale, lalizé
de Sud-Est pourtant généreux dhabitude dans la région,
nest pas là. La situation savère encore un peu
plus critique dans lEst de Sodebo où les leaders de la Barcelona
World Race - Virbac-Paprec 3 dabord puis désormais Mapfre
- traversent le speedo en berne depuis plusieurs jours. A la faveur de
cette route près des côtes du Brésil, Thomas a retardé
léchéance et gagné au Nord gardant assez dair
pour avancer autour de 10 nuds de moyenne jusquà hier
en fin de journée.
Déserté par le vent
Mais la pétole a fini par sinstaller. "Jai
eu de 4 à 6 nuds cette nuit et la mer est presque dhuile
autour de moi maintenant," décrit le marin. "Cette panne
de lalizé est peut-être due à cette dépression
orageuse sous la pointe du Brésil qui a tout aspiré."
Après une remontée express de lAtlantique Sud,
le skipper na pas dautre choix que daccepter une réalité
pas franchement tendre. Large de 1500 kilomètres, soit près
d'une fois et demi la France du Nord au Sud, cest un réel
désert de vent qui sest étalé de part et dautre
de lAtlantique, du Nord du Brésil jusquau-delà
de léquateur. Difficile par conséquent décrire
un scénario fiable en ce début de week-end puisque, sur
ces multicoques, 4 à 5 nuds de vent de plus ou de moins peuvent
modifier grandement la donne. Et les prévisions les plus optimistes
laissent espérer une amélioration dans la journée
de samedi avec un vent qui pourrait se renforcer légèrement
en tournant à lEst.
Pas de clim à bord de Sodebo
En attendant que le ventilateur daigne accélérer, Thomas
prend son mal en patience sous un soleil de plomb et dans une véritable
fournaise. Accentuée par le manque de vent et les instruments du
bord, la chaleur écrasante rend latmosphère carrément
irrespirable. Chaque charge du moteur fait monter la température
de plusieurs degrés dans lhabitacle et trouver de lombre
sur le pont est lunique échappatoire.
Demain à léquateur
Si le retard avec la position de Francis Joyon dépasse désormais
les 400 milles, lécart augmente relativement doucement (30
milles depuis hier 17h HF) et le trimaran continue davancer sur
la route de léquateur quil devrait atteindre dimanche
en milieu de journée. Ensuite, ce sera le "vrai" Pot
au Noir dont il est difficile de délimiter précisément
les contours. Thomas se dirige vers un passage Ouest, entre le 34 et le
35e parallèle, et, bonne nouvelle, l'activité orageuse y
semble faible, voir même quasi nulle. Et après, une fois
Sodebo dégagé de ce "Pot" de colle, quelle sera
la configuration dans lhémisphère Nord ? Evidemment,
les incertitudes de la météo actuelle et de la progression
effective du trimaran dans ce vent feignant compliquent létablissement
dune stratégie claire pour la suite. Une dépression
traverse lAtlantique Nord d'Ouest en Est dans les prochains jours
mais tant que Thomas na pas retrouvé un vent plus consistant
avec le régime dalizé de Nord-Est quil devrait
toucher une fois sorti du Pot au Noir, il reste difficile de définir
la chronologie de cette dernière semaine de mer.
18 mars 2011
Madame Irma, êtes-vous là ?
Alors que Sodebo navigue 400 milles dans le Sud de l'équateur,
on aimerait lire dans la boule de cristal, tirer les cartes ou regarder
dans la ligne de la main de Thomas Coville pour savoir ce qui l'attend
dans les prochaines heures. En effet, les prévisions informatiques
en perdent leur latin dans cette région de transition entre les
deux hémisphères où aucune règle ne sapplique
de façon fiable. On le sait, on le répète, le Pot
au Noir est cruel, imprévisible, il détruit les rêves
aussi bien quil donne sa chance. Difficile de délimiter actuellement
le début et la fin de ce Pot au Noir. Large, étalé
très au Sud, il semblerait quil remonte au Nord dans les
heures à venir. Pour sûr, il y a peu de vent avant cet équateur
et les équipages de Virbac-Paprec 3 et Mapfre sur la Barcelona
World Race peuvent en témoigner, eux qui ont été
copieusement ralentis depuis plusieurs jours dans leur quête de
l'hémisphère Nord. Audacieux, Thomas a fait le pari avec
ses routeurs de se décaler vers le Brésil, de tenter dexploiter
au mieux ce vent un peu plus consistant à lOuest que dans
lEst. Après un bord très à la côte hier,
puis un second de recalage, Sodebo monte désormais plein Nord enroulant
la pointe du Nordeste brésilien. Sil a ralenti et perdu du
terrain comme prévu sur Francis Joyon (retard de 347 milles à
11h HF), le trimaran ne sest jamais arrêté. Les multicoques
ont cette vertue davancer même avec très peu de vent.
Avec moins de 10 nuds dEst-Nord-Est, Sodebo grimpe au reaching
à 12,3 nuds de moyenne. La Lune éclaire les nuits
ces jours-ci et Tom na pas encore croisé de gros grains orageux,
symptômes des prémices du Pot au Noir. En passant à
moins dune quinzaine de milles du port de Recife, le skipper a dû
surveiller le trafic maritime cette nuit, ce qui ne la pas empêché
de prendre quelques tranches de sommeil nécessaires. Il faut espérer
maintenant que la tendance dun vent supérieur aux prévisions
se confirme encore durant la journée. Si Francis achevait deux
journées très rapides, il entamait bientôt un ralentissement
de quelques heures suite à la casse de sa drisse de grand voile
et dune faiblesse de son axe de hauban tribord. Lécart
entre les deux marins pourrait donc se stabiliser dans la journée.
17 mars 2011
Tension et pression à bord de Sodebo
A une dizaine de jours de l'arrivée et après déjà
plus de 23 000 milles en solo, le skipper de Sodebo reconnait que la route
est longue et éreintante et que "cela risque de se jouer
à quelques heures." Pour Thomas Coville qui a largué
les amarres il y a un mois et demi "aucun moment de sérénité
nest possible à bord." Sil a toujours autant de
plaisir à naviguer et à faire ce quil fait - même
du bricolage comme ce matin ! - , le skipper de Sodebo reconnaît
qu'il a mal au moral : "Mon bateau est abîmé et ça
me prend la tête." La traversée de la dépression
orageuse au début de la semaine a été critique pour
lhomme comme pour le bateau. Les deux en sortent meurtris. "Nous
avons forcé dans la dépression. Ce nest pas dans mes
habitudes et, en même temps, il fallait passer. Cela a tellement
cogné, tellement tapé que ça casse, comme souvent,
quelques jours après."
Fatigue de fond
Aujourdhui, le skipper paye ce passage en force contre la mer.
Son bateau montre des signes qui ne trompent pas. Le "bout"
qui tend la bordure horizontale de la grand voile a lâché
ce matin dans le virement de bord. En équilibre, les pieds calés
dans les poulies du chariot de grand voile et les bras tendus vers le
bout de la bôme (voir la vidéo du jour), Thomas a réussi
en 20 minutes chrono à sécuriser lextrémité
de la bordure avec du fil électrique. Oui le skipper est fatigué.
Tout comme son bateau. On pourrait dire que lun comme lautre
montrent des signes évidents de lassitude stigmatisés ici
et là par quelques courbatures. "Je viens de dormir deux
ou trois heures mais cest un repos éphémère.
La fatigue est profonde. Je vis au jour le jour avec la pression du résultat
qui monte."
Veine de vent près du Brésil
Malgré cette fatigue latente et une énorme bulle anticyclonique
qui a pris ses aises au milieu de lAtlantique, le skipper de Sodebo
profite toujours dun couloir de vent à proximité des
côtes brésiliennes. Il devrait passer léquateur
un peu plus tôt que prévu, sans doute samedi 19, en fin de
journée. Comme le disent ses routeurs : "Thomas a superbement
limité les dégâts et, pour le moment, il ne sest
jamais arrêté." Il a viré après un plus
long et bon bord en direction du Brésil pendant lequel il a suivi
un vent favorable. Il se débrouille pour ne pas trop sapprocher
des côtes et garder du vent. Alors que le jour se lève pour
lui, il tente un nouveau bord de recalage qui devrait lui permettre de
mettre rapidement cap au Nord. Comme il lavait prédit le
week end dernier, on assiste à une vraie partie de yoyo avec le
chrono de Francis Joyon. Sil a eu jusquà
266 milles davance mardi sur Idec, il est aujourdhui derrière,
à environ 50 milles.
16 mars 2011
Calmes tropiques
L'exercice que pratique Thomas à bord de Sodebo s'apparente
à un 100 mètres qui durerait huit semaines. Seul dans son
couloir, face à un sprinteur recordman virtuel, le skipper gère
son corps et son bateau mais la constance dans l'effort ne suffit pas.
Au-dessus de sa tête et sous ses pieds, c'est bien la nature et
ce que les marins appellent "la cinématique des phénomènes
météo", qui appuient ou contraignent la vitesse. A
chaque jour, sa nouvelle donne. S'il affrontait hier une mer brutale dans
du vent encore soutenu au large du Brésil, le skipper entre aujourdhui
dans cette région de transition (le fameux Pot au Noir) à
lapproche de léquateur où toutes les bonnes
comme les mauvaises surprises sont possibles.
Coup de pouce
Tom a viré de bord en milieu de nuit, repassant tribord amure
et soulageant ainsi le flotteur dont létrave esquintée
a résisté aux assauts des vagues, non sans stress pour le
marin. La configuration actuelle lamène à virer de
nouveau dans la journée pour un passage relativement Ouest, pas
loin des côtes brésiliennes, afin de contourner une bulle
sans vent. Relâchant les ris les uns après les autres puis
dégainant les voiles davant de lORC à la trinquette,
toute la garde de robe y est passée et Sodebo navigue désormais
sous grand voile haute et solent. La mer sest aussi lissée
alors que le vent de Nord-Nord-Est a molli autour dune quinzaine
de nuds. Tom jouit néanmoins ce matin dun peu plus
de pression que ce quannonçaient les fichiers avec un flux
de 16 nuds qui semble adonner favorablement. Toujours au près,
le Trinitain serre le vent autant quil peut, à laffut
du moindre petit ou grand "coup de droite" pour effectuer la
route la plus rapprochante possible. Il s'en tire plutôt bien puisque
le trimaran a progressé à 17,2 noeuds ces six dernières
heures.
Quel pot ?
Avant de repasser pour de bon dans lhémisphère
Nord, restent encore plus ou moins trois jours très incertains.
Trois jours où Thomas fera une croix sur lalizé, annulé
par cette dépression orageuse dont il sest extirpé
hier et qui se décale dans lEst, aspirant tout sur son passage.
Trois jours par conséquent où il va falloir accepter que
lavance de Sodebo fonde, tant le détenteur Idec avait pu
suivre au même stade une trajectoire rectiligne, rapide et proche
de la route directe. Selon les prévisions et au regard de ce que
vit le duo leader de la Barcelona World Race Jean-Pierre Dick et Loïck
Peyron actuellement collé à la piste au-dessus de Recife,
il semblerait que la zone de convergeance intertropicale (Pot au Noir)
soit relativement Sud et déventée. Là encore, difficile
daccorder sa confiance à cette région du globe où
lopportunisme et lhuile de coude restent les meilleures armes.
Dick et Peyron naviguent 500 milles plus au Nord que Thomas et dici
là, la situation peut bien évidemment évoluer. Francis
Joyon avait franchi l'équateur à laube de son 48e
jour de navigation, avec 12 jours d'avance sur Ellen MacArthur. Il avait
ralenti nettement la journée suivante après la rupture de
sa drisse de grand voile. Le marin avait aussi découvert en montant
dans le mât que le point dencrage du hauban tribord se dévissait.
Blessé à la cheville, le skipper avait néanmoins
effectué trois ascensions en tête de lespar, réparant
ce qui pouvait lêtre et sécurisant cet axe qui a tenu
jusquà Brest.
15 mars 2011
Bien joué !
Qu'elle est longue cette remontée de l'Atlantique ! Longue
et éprouvante au près le long de l'Amérique du Sud,
mais elle paye. Pas franchement serein hier, alors qu'il entrait dans
une inquiétante dépression orageuse près de Rio,
Thomas Coville a bien géré. Le skipper a viré
comme prévu à l'approche du centre du système hier
à 17h (HF) pour repartir sur un bord bâbord très efficace.
Au compteur ce mardi à 10h30 (HF), Sodebo pointe à 226 milles
devant Francis Joyon, soit près de 900 de gagnés en une
semaine depuis le passage du Cap Horn.
Aile de mouette brésilienne
Depuis son virement, le trimaran navigue sur le flotteur tribord abîmé
jeudi dernier suite à la rencontre avec un mammifère marin.
Si la mousse de la crash box (pare-choc) mise à nue lors de la
collision semble désormais partie, les dégâts ne vont
pas plus loin à lheure actuelle. "Thomas progresse depuis
hier après-midi dans une mer particulièrement courte et
croisée," explique Thierry Douillard (routeur). "Pour
avoir déjà navigué à bord de Sodebo et Oman
Air, son sistership, dans des conditions difficiles, je peux vous dire
que remonter au vent dans ce type de mer est tout simplement infernal.
Le système orageux contourné par Tom hier et cette nuit
est resté longtemps stationnaire au niveau du Cabo Frio et c'est
ce qui a levé cette mer de Nord-Ouest qui rencontre aujourdhui
une houle de Nord-Est particulièrement courte," précise-t-il.
"A la grâce dune nouvelle aile de mouette dans cet orage
brésilien avec un très joli virement de bord, accompagnant
la rotation du vent au Nord-Ouest, Thomas a un très bon VMG (compromis
cap/vitesse) sur ce long bord bâbord," ajoute le routeur, objectivement
satisfait de la trajectoire réalisée depuis le retour de
Sodebo dans lAtlantique. "La trace dessinée sur la carte
depuis le Cap Horn est vraiment belle même si dans la réalité
cela na pas été simple à construire au jour
le jour."
Ralentissement à venir
Le trimaran progresse à 15 nuds de moyenne dans un vent rafaleux
de Nord de 25 à 30 nuds. Autant dire quavec cette mer
hachée, sextirper de cette dépression demande encore
pas mal de patience au skipper qui se cramponne en attendant des jours
meilleurs. "Maintenant, le plus dur est derrière lui,"
enchaîne à son tour Titi Briend (la bande des Thierry routeurs
!). "Thomas séloigne de cette zone de forte activité
orageuse. Le vent va mollir progressivement et sorienter doucement
dans un secteur Nord-Nord-Est puis Nord-Nord-Ouest et baisser autour dune
douzaine de noeuds. Tom virera lorsquil atteindra cette zone en
fin de journée. Il faut savoir qu'au même moment, Francis
Joyon effectuait deux bonnes journées avec autour de 500 milles
parcourus, Sodebo devrait donc reperdre un peu du terrain acquis."
14 mars 2011
L'incertitude de l'orage brésilien
Plafond bas, nuages noirs, mer formée, durant le live de
ce lundi matin, Thomas sentait déjà les effets de cette
dépression orageuse au large du Brésil qui rend le marin
anxieux : "Je ne la sens pas très bien pour tout vous dire.
C'est rentré fort, ça cogne beaucoup dans 30 noeuds de vent.
Je suis étonné que la mer soit déjà si formée..."
Sodebo approche de cette dépression qui sort au niveau
de la pointe de Cabo Frio, dans lEst de Rio. "Elle arrive
à grands pas et le ciel sest assombri. Je vous avoue que
cest une échéance que je redoute depuis plusieurs
jours. Ces dépressions orageuses sont mal vues par les fichiers
météo et encore hier soir, on ne savait pas trop sil
fallait la passer dans lEst ou lOuest," poursuit-il
en regardant sans arrêt de droite à gauche depuis le cockpit,
surveillant les mouvements de Sodebo "qui fait des bonds dans
la vague."
A lancienne
Sous deux ris dans la grand voile et ORC, le trimaran navigue au près
dans 20/25 nuds avec des rafales dans les grains. "Cest
la première fois depuis le départ que nous sommes un peu
dans lexpectative niveau météo. Les modèles
ne sont pas calés alors on va la faire à lancienne,
en improvisant sur zone et en faisant au mieux avec ce que l'on a, tout
en gardant l'objectif de ne pas perdre trop le gain dans l'Est que lon
a acquis ces derniers jours," confie-t-il. En avance sur Francis
Joyon depuis dimanche soir à 19h (HF), Sodebo gagne du terrain
avec 160 milles de mieux ce lundi à 11h25 (HF) mais cela va décroître
dans la journée.
Retour en bâbord
Malgré la fatigue des 43 jours de mer où il a parcouru 22
000 milles en solitaire à travers les trois océans du globe,
Tom doit trouver les ressources pour sapprocher encore un peu plus
près du Brésil et entrer dans la dépression, afin
de virer dans laprès-midi dans l'Est de son centre. "Il
va falloir que je reparte en bâbord amure dans cette mer là,
en appui sur le flotteur abimé (crash box tribord endommagée).
Je ne sais pas comment le bateau va se comporter ni comment cela va se
passer." Sodebo devrait rester entre 24 et 36 heures sur ce bord
avant de virer à nouveau pour reprendre une route plein Nord.
Dessus, tout le temps, depuis le Horn
Comme il lanalyse aussi : "le rapport danxiété
aujourdhui est aussi lié au fait que nous naviguons au près
depuis le Cap Horn dans des conditions pas faciles et quil ne faut
rien lâcher, tout cela cumulé avec la fatigue du tour du
monde dans les pattes. Le moindre truc qui paraît pas bien calé
fait monter la pression et il faut tenir même si on a envie de péter
les plombs par moment." Derrière cette dépression,
la situation reste encore incertaine comme souvent sous les tropiques.
La chaleur a tendance à bouleverser les schémas et, pour
lheure, lalizé reste difficile à prévoir
entre la pointe Nord du Brésil et le passage de léquateur
prévu en fin de semaine.
13 mars 2011
Dans les talons de Francis Joyon !
Go, go, go, Sodebo ! Quelle remontée ! A près de
5000 milles de Ouessant, Thomas Coville poursuit son impressionnante ligne
droite, cap au Nord, le long du Brésil. A chaque pointage, il réduit
son retard à grandes poignées de milles et, en 24 heures,
il a en encore repris 200, soit plus ou moins une demi-journée.
L'arrière du trimaran Idec n'est plus - virtuellement - qu'à
54 milles de l'étrave de Sodebo à 15h ce dimanche ! Thomas
doit profiter au maximum de ce boulevard brésilien dans un couloir
de vent d'Est en bordure danticyclone quil remonte au près
débridé à plus de 20 nuds de moyenne. Selon
les fichiers, il pourrait garder cette cadence encore une journée
et repasser lundi devant Francis Joyon ! Le prochain casse-tête
météo se présente sous la forme dune petite
cellule dépressionnaire pointant dans le Nord du Brésil
mais dont la trajectoire exacte ne met pas encore daccord les fichiers.
Faudra-t-il passer dans son Ouest comme cela savérait favorable
hier ou bien la laisser à bâbord et croiser dans son Est
? Ensuite, lalizé se montre encore un peu paresseux à
lheure actuelle mais il devrait permettre, espérons-le, de
grimper à une vitesse correcte les latitudes vers lhémisphère
Nord. En 5000 milles, beaucoup de choses peuvent se passer, restent encore
quelques inconnues : la force réelle de cet alizé, la nature
du Pot au Noir et lenchainement météo qui se présentera
à Thomas pour remonter vers lEurope. Il faut donc prendre
aujourdhui tout ce qui peut lêtre et engranger les milles,
tout en récupérant physiquement et en surveillant ce bateau
qui vient de parcourir 21 000 milles, de quoi fatiguer lui-aussi.
12 mars 2011
Voilà l'été !
Les équipements "grand froid" sèchent sur
le pont. Polaires, cirés, bottes et gants profitent d'un bon bain
de soleil en plein Atlantique. En deux jours, la température de
l'eau est passée de 7 à 20 degrés, remontant par
la même le moral du marin. Après six semaines de concentration
sans relâche, dont quatre passées dans les quarantièmes
et les cinquantièmes, Thomas vit des heures douces et bien méritées
au large de l'Uruguay. Le Trinitain a pu réaliser un état
des lieux sans mauvaise surprise de son bateau et il ny a pas que
le retour de lété et la bonne forme de Sodebo qui
"boostent" le skipper. Thomas a viré de bord comme prévu
à 1h00 ce matin (HF), dans le bon timing et sans jamais sarrêter,
laissant le centre de lanticyclone de Sainte-Hélène
dans son sillage. Il a retrouvé un vent de Nord-Est de 12/13 nuds
qui va forcir de 15 à 17 noeuds dans la journée. Le trimaran
progresse toujours au près, continuant de gagner du terrain sur
la route de Francis Joyon. Le retard sur le détenteur sélève
à 266 milles à 14h30 samedi, soit 400 de moins quau
Cap Horn mardi. Cet écart va continuer à réduire
doucement. Depuis son virement, le trimaran navigue en tribord amure (le
vent venant de la droite). Sodebo sappuie maintenant sur le flotteur
bâbord alors que le tribord dont le pare-choc avant est abimé,
sélève désormais hors de leau. Outre
larrêt des gerbes deau qui montaient encore hier à
plusieurs mètres au-dessus de la mer, cest aussi pour Thomas
la satisfaction de pouvoir pousser Sodebo à fond sans craindre
pour la sécurité du flotteur. Sur les photos du bord reçues
ce midi (à découvrir dans la photothèque), nous voyons
bien que la mousse de la crash box a, pour l'instant, plutôt bien
résisté aux vagues et aussi que Tom a pu remplacer la troisième
pale de l'éolienne qu'il avait perdue dans le Grand Sud (ce qui
inquiétait les internautes, merci de votre oeil observateur !).
Sur les routages, la trajectoire du trimaran lemmène vers
les côtes brésiliennes où il devrait contourner une
petite dépression par lOuest avant de retrouver un alizé
assez faible et couper léquateur dans une semaine environ.
11 mars 2011
La course contre la montre a commencé
malgré un pare-choc éborgné
"Je suis toujours en lutte pour la "gagne" et
je ne me ménage pas. Je continue à régler mon bateau
même si j'adapte les réglages," affirme le skipper
de Sodebo joint aujourd'hui en milieu d'après midi. Après
le spectre de labandon hier suite à la collision "relativement
douce" avec un globicéphale, après de nombreuses heures
à étudier les dégâts en liaison avec son équipe
à terre et Benoît Cabaret larchitecte du bateau à
qui Tom avait immédiatement envoyé des photos, après
avoir constaté que lavarie nengageait ni la sécurité
du skipper ni celle du bateau, le compétiteur sest remis
en marche pour ne pas perdre de temps sur ce chrono qui lui ne sarrête
jamais de tourner. "On avait travaillé sur ce sujet quand
jai perdu létrave bâbord il y a trois ans dans
une précédente tentative qui mavait contraint à
abandonner après lAfrique du Sud. Au final, on sen
sort bien. La perte est hydrodynamique et non pas structurelle,"
tient à préciser le skipper qui espère que "la
bête a à peine senti le choc tellement cétait
léger." Malgré un handicap de performances estimé
entre 10 et 15%, le skipper de Sodebo explique quil "na
pas fait tout ça pour arrêter là." Il remonte
sérieusement sur Francis Joyon et grappille consciencieusement
des milles, et repris 345 milles depuis le Cap Horn passé il y
a cinq jours. La route est belle, la trajectoire à travers lAtlantique
sud magnifique et le skipper en pleine forme physique grâce notamment
à un travail complet réalisé sur la nutrition. Nettement
plus passionné pendant des années par la technique et la
technologie que par "la cuisine", le marin a planché
avec le laboratoire de Recherche et Développement de Sodebo qui
lui a concocté des plats déshydratés qui répondent
à ses besoins énergétiques et à ce quil
aime question goût. Même réflexion avec Helly Hansen
sur les vêtements. Thomas qui commence à enlever des couches
grâce à la température qui est passée en quelques
heures de 7 à 14 degrés, reconnaît avoir navigué
dans des conditions incroyablement confortables malgré trois semaines
passées dans plus de 200 % dhumidité. "Je me
trouve tout de même dune étonnante fraicheur après
41 jours de mer", constate le skipper qui souffre comme son bateau
de quelques contusions mineures. On ne vit pas à 200 kms / heure
de moyenne jour et nuit sans quelques bleus au corps et à lâme.
Question météo, la mer est désormais plate et le
bateau avance sur la bordure de lanticyclone avec des vents qui
vont mollir. Après trois semaines de lutte et même si on
sait qu'il préfère naviguer à 25 nuds, Tom
va profiter de cette accalmie pour se reposer et inspecter le maxi trimaran.
Dans ce sport, sérieux mélange de technique, de technologie,
de mécanique, de stratégie, de risques, de psychologie et
de mental, Tom a choisi la voie de la sagesse. Il refuse de se faire des
nuds dans la tête comme il y a deux ans sur le temps qui passe,
il refuse dêtre obsédé par son avance ou son
retard sur Francis. Il ne veut plus être obnubilé par le
chrono. Depuis 41 jours, il regarde le schéma global : "Virtuellement,
on peut encore battre le record. Jai perdu ma dame et jai
encore un fou qui est capable de faire échec et mat."
10 mars 2011
Incident de parcours
A 16h40 heure française, Thomas Coville a senti un choc
sans incidence directe sur la route du bateau. Quand il est sorti pour
évaluer le contexte, il a découvert que la peau de la crash
box située à l'avant du flotteur tribord était partie,
sans doute à la suite d'un choc avec un globicéphale. Une
crash-box est une fausse étrave ayant un rôle comparable
à celui d'un pare-choc de voiture (voir la photo).
Léquipe technique de Sodebo a évalué à
terre les dégâts suite à la photo que thomas a envoyée
aussitôt et lintégrité structurelle du flotteur
est conservée. Sil est impossible destimer aujourdhui
l'incidence sur les performances du trimaran sur la suite du parcours,
Thomas Coville poursuit sa route. Actuellement en bâbord amure à
la vitesse de 18/20 nuds, Sodebo passera dans deux jours en tribord
amure dans un vent faiblissant. Sur cette allure quil devrait conserver
au moins jusque dans le Nord du Brésil, le flotteur au vent, celui
endommagé, restera hors de leau. Dans 30 nuds de vent
de Nord-Ouest, le trimaran navigue actuellement au près bon plein
dans le Nord-Est des îles Falkland avec deux ris dans la grand voile
et sous ORC. Son retard sur la route de Francis Joyon est passé
sous la barre des 500 milles à 15 heures (HF).
Réactions de Thomas après le choc
"Il y a quelques heures, j'ai senti un choc avec le bateau, un
choc léger, je me suis retourné et j'ai vu un banc de globicéphales
qui chassait au-dessus de l'eau. Ce sont des mammifères marins
typiques de la région et donc, en percutant l'un d'entre eux, j'ai
perdu un morceau de l'étrave du flotteur tribord. Jai du
mal à vous cacher mon émotion ou mon amertume, je narrive
pas à trouver les mots. Cest finalement lavarie la
plus injuste qui puisse arriver dans ce genre de programme. Cest
quelque chose que lon ne peut pas dominer et, pour autant, la seconde
étrave du flotteur a lair de tenir. Cela permet de garder
intégrité du flotteur qui ne peut pas prendre leau.
On avait déjà eu un problème similaire et on sétait
arrêté en Afrique du Sud *. Je nai pas pris de décision
finale, ma première impression cest que javance à
20 nuds, ça tient et je fais route. Je continue le trait
que jai commencé dans lanticyclone de Sainte-Hélène.
Jai une mer assez formée avec 29 nuds de vent. On avait
un bateau en pleine possession de ses moyens, et moi, malgré la
fatigue latente, javais la pêche, la niaque, cette nuit jai
donné tout ce que javais comme toutes les autres d'ailleurs.
Voilà comme des projets aussi éprouvants ne tiennent à
rien, cest un sentiment dinjustice énorme. "
Précisions sur la crash box par Thierry Briend, directeur
technique du team Sodebo et routeur.
"Si thomas perd la crash box avant en mousse, il se retrouvera
alors à naviguer en toute sécurité sur un second
"faux nez" en carbone dont la forme "perce vague"
est aussi respectée. Pour lheure, il ny a aucun risque
que leau entre dans le flotteur. Lavant de la crash box est
en place mais, avec la vitesse, la mousse va partir progressivement. Dans
ce cas, soit la crash box part en entier, alors thomas naviguera avec
la deuxième fausse étrave, soit elle reste et il faudra
faire avec.
*Ce système de double pare-choc avait été mis
en place en Afrique du Sud, lors des réparations effectuées
après la collision du flotteur bâbord de Sodebo avec un growler
pendant la première tentative de record de Thomas en 2007."
9 mars 2011
Duel en Atlantique !
Une journée après son passage du Cap Horn, le skipper
de Sodebo a changé d'univers, place au près dans l'Atlantique
Sud avec, à nouveau, le dilemme de Sainte-Hélène.
Lanticyclone redouté à la descente, lest
aussi à la remontée. Au choix : le tutoyer dans sa partie
Ouest, au près, en faisant une route plus courte, où le
tutoyer dans sa partie Est, au portant, avec un risque qu'il s'étende
et vous bloque.
Entre les deux mon cur balance
Relativement extrêmes dans leur option, Loïck Peyron et Jean-Pierre
Dick (Virbac-Paprec 3), en tête de la Barcelona World Race, et leurs
dauphins Iker Martinez et Xavi Fernandez (Mapfre), ont taillé vers
lanticyclone, avec une trajectoire par 25° Est. Certes, la progression
nest pas très rapide et ils se sont fait peur hier mais ils
remontent sur la route et sortent comme ils disent "de la gueule
du loup." Si les routeurs et le skipper de Sodebo suivent les
marins de la Barcelona World Race, ils ne peuvent les considérer
réellement comme des lièvres. "Dune part,
nous sommes éloignés des deux premiers de la flotte et dans
des systèmes météo différents," expliquait
Thomas hier depuis le Cap Horn. "Le comportement dun multicoque
et la vitesse intrinsèque de Sodebo, combinés au fait que
nous sommes en record et non en course, nous amènent aussi à
une analyse différente de la météo et de notre stratégie."
Lhomme à battre est Francis Joyon. Depuis le Cap Horn,
Sodebo a repris encore une quarantaine de milles sur le tableau de marche
du record avec un retard de 620 milles à 17h00 (HF). Le skipper
dIdec avait choisi une route à lEst et sa progression
avait été relativement lente sur la première partie
de lAtlantique Sud. Dans le timing serré de Thomas, se faire
coincer dans une excroissance de l'anticyclone, si stationnaire soit-il
en ce moment, pourrait coûter cher. La stratégie du skipper
saffinera dans les heures à venir et il ne se ferme aucune
porte. Pour lheure, Tom vise un louvoyage environ 300 milles plus
à lOuest que celui de Francis Joyon.
Près rapide !
Derrière le Cap Horn, Sodebo na pas trouvé tout de
suite le vent attendu. Les fichiers prévoyaient du Nord-Ouest,
celui avec lequel Renault ZE (3e de la BWR) a pu serrer quelques heures
plus tôt son virage dans l'Atlantique. Thomas a composé un
moment avec une déformation des isobars offrant un vent orienté
au Nord-Est. Sodebo a donc poursuivi au large, le temps également
de dépasser un haut-fond après lIle des Etats où
la profondeur passe de 3000 à une centaine de mètres en
moyenne, ce qui lève une mer infernale. Dégagé de
cette zone et le vent de Nord-Ouest retrouvé, il a arrondi sa trajectoire
pour remonter entre une dépression située de lautre
côté des Andes, dans le Pacifique, et lanticyclone
de Saint-Hélène. Thomas réussit à réaliser
actuellement un près rapide à plus de 20 nuds de moyenne,
face à un vent de 30 nuds et contre la mer.
8 mars 2011
Le Cap Horn est un don du ciel
"C'est incroyable, je passe le Horn avec vous. Je suis
avec Neutrogena (NDLR l'un des monocoques de la Barcelona World Race voir
la photo) qui est à 50 mètres de moi ! C'est la première
fois que je passe aussi près. Je suis à 200 mètres
!" Il est exactement 12h24, heure française, le petit
matin au Cap Horn, quand Thomas Coville en pleine vacation audio annonce
qu'il franchit la longitude du Cap Horn en direct.
Une émotion teintée dexcitation
Il y a encore quelques heures, le marin solitaire affrontait une tempête,
un vrai coup de chien avec des creux de 6 à 8 mètres et
des vents soufflant en rafales à 50 noeuds : "Dans ces moments
là, » confiait Tom, "je peux vous affirmer quon
se sent tout petit." Cétait la nuit et à linstinct,
il avait pris un troisième ris dans la grand voile. "Rien
ne me forçait à le faire," explique-t-il. Linstinct
de survie sans doute et lexpérience surtout. Car tous les
marins du monde laffirment : si le Pacifique est bien le plus vaste
océan du monde, cest aussi le plus redoutable avec des vents
violents qui tournent sans répit autour de lAntarctique et
des vagues féroces levées par des fosses de plus de 10 000
mètres. Nommé ainsi au 16ème siècle par un
certain Magellan qui y a certainement rencontré des calmes, le
Pacifique Sud ressemble plutôt à un champ de mines pour les
coureurs docéans qui nont quune hâte :
en sortir au plus vite ! Et cest bien le cas du skipper de Sodebo
aujourdhui qui surnomme très justement la pointe en forme
de scorpion du continent sud américain : "le Cap de Bonne
Délivrance." On pouvait entendre le soulagement du skipper
de Sodebo qui quitte les eaux hostiles du Pacifique. "Dans ces
moments là, tu deviens amnésique. Tu oublies tes souffrances
de ce parcours très engagé où tu es toujours sur
le fil du rasoir."
Franck Cammas en direct
Et puis grâce aux miracles des télécommunications,
Thomas répond à Franck Cammas lui-même en mer dans
le Golfe de Gascogne en entraînement à bord de son VOR 70.
Ils se souviennent ensemble du Cap Horn quils ont passé le
4 mars 2010, il y a tout juste un an. Ils évoquent la remontée
de lAtlantique et les conditions acceptables que le skipper de Sodebo
devrait rencontrer, du moins au début « avec du vent au près
pour commencer, une aile de mouette à négocier dans lanticyclone
pour aller choper les alizés ». Et puis le solitaire sépanche
sur sa condition de solitaire pour reconnaître quil pense
souvent à cette expérience en multicoque à 10 et
quil regrette parfois de ne pas avoir à bord une troisième
main pour laider. "Ce que je tente appartient à lextrême,"
avoue-t-il. Alors quil évoque la nuée doiseaux
qui laccompagnent comme une note de civilisation retrouvée
au moment de contourner "ce caillou, un gros rocher avec sa colline
et ses herbages qui descendent jusque dans leau comme une étrave",
le skipper qui vient de passer 38 jours sans voir une once de terre poursuit
pour "dédier ce Cap Horn à tous ceux qui ont dans
la tête ou dans le cur, un projet," leur conseillant
"de le tenter même si ça paraît fou."
Le chrono pour adversaire
Concentré depuis 38 jours soit plus de 5 semaines sur ce temps
exceptionnel réalisé par Francis Joyon en 2008, le skipper
de Sodebo aligne les milles avec une constance impressionnante. Parti
de Brest samedi 29 janvier, Thomas Coville comptabilise déjà
19 186 milles au compteur quil a parcouru à une moyenne de
21,03 nuds. Le solitaire de Sodebo traverse les océans comme
une fusée avec comme vitesse cible une moyenne de 20 nuds.
Il lui reste 7000 milles en ligne droite pour atteindre Brest. Lui qui
sacharne à vivre dans linstant présent, qui
soblige à se focaliser sur sa vitesse et qui "évite
de se prendre trop la tête en se repassant le même film à
linfini," tente de résister comme il peut à
la pression de ce chrono qui tourne sans sarrêter. Mais le
compétiteur quil est, sait surement quil a 19 jours,
13 heures, 16 minutes et 34 secondes devant lui pour battre le record
du tour du monde en solitaire qui est de 57 jours, 13 heures, 34 minutes
et 06 secondes. En se lançant dans la bataille du Pacifique, Tom
sétait fixé comme objectif davoir moins de 1000
milles de retard au Cap Horn pour entamer la remontée de lAtlantique
dans des conditions psychologiques plus confortables quil y a deux
ans où il avait plus de 4 jours de retard. En franchissant aujourdhui
mardi 8 mars la longitude du Cap Horn, il a 666 milles de retard sur Idec.
Tout est encore plus que possible. Idec avait dû ralentir derrière
le Cap Horn pour réparer son bateau. Celui de Thomas est apparemment
en parfait état à lexception de deux lattes de grand
voile qui se sont brisées net dans un départ à labattée
il y a quelques jours. Quand au défi physique que représente
les 7000 milles qui restent à courir, cela ne semble pas le préoccuper.
7 mars 2011
Demain au Horn
Attendu mardi matin aux pieds de l'imposante falaise du Cap Horn,
Thomas termine en beauté sa traversée du Pacifique. Il nous
le racontait en son et en images cet après-midi. Avec 748 milles
de retard ce soir à 18h15, Thomas sapprête à
remplir le contrat quil sétait fixé à
lentrée de locéan Indien qui était de
passer le Cap Horn avec moins de 1000 milles décart sur la
référence de Francis Joyon. "Cest vrai que
depuis deux jours, on a les conditions pour aller vite et depuis une dizaine
dheures, la mer du vent sest alignée avec la houle
ce qui permet datteindre des vitesses intéressantes, Sodebo
déboule à 33/34 nuds sur les vagues et on exploite
à fond le potentiel du bateau avec ses foils. Cest sportif
mais pas désagréable."
Le moment du Horn
Malgré ce retard qui fond comme neige au soleil, le skipper ne
veut pas se laisser enfermer dans la comptabilité. Il se concentre
sur ce qui prime, et là, cest le virage du Horn que Sodebo
devrait effectuer pas loin de Groupe Bel et Neutrogena, deux concurrents
de la Barcelona World Race. "Rien est fait tant que tu nes
pas de lautre côté. Tu peux encore faire beaucoup derreurs
avant ce fichu caillou," prévient le marin de 42 ans qui
croise par là pour la 8e fois* de sa carrière. "Cest
un moment attendu avec un contexte toujours différent qui clôture
une tranche de vie, une expérience. Il n'y a pas que le premier
Horn qui est beau, chacun a son histoire," poursuit-il avant
den perdre son sérieux. "Mais sinon, vous allez à
Brest, au Cap de la Chèvre et vous regardez les Tas de Pois. Cest
tout aussi beau, pas besoin de venir jusquici (rires) !"
Il se rappelait aussi avec plaisir ce Horn passé il y a un an (le
4 mars) à bord de Groupama 3 durant le Trophée Jules Verne,
un bon moment partagé avec Franck Cammas et la bande.
Le moment glacial
Depuis bientôt trois jours, Thomas a laissé les glaces et
langoisse derrière lui. "Ces heures à proximité
des icebergs ont été les plus délicates à
gérer de ce parcours dans le Pacifique. Nous avons fait un grand
détour et plus on investiguait avec CLS, plus il y en avait. Pour
autant, jai pris la décision de rentrer un peu à lintérieur
de la zone à risques, cétait plus facile par rapport
au vent mais forcément très angoissant. La moindre erreur
est fatale. On entre dans la partie limite du jeu auquel on joue. Ce nest
pas très excitant mais cétait le passage obligé
et grâce à mon équipe à terre, on a bien optimisé
les choses."
Les moments de doutes
Forcément, lorsque on voit Thomas comme ça, limite blagueur
avec une lucidité totale, nous sommes en droit de nous demander
comment arrive-t-il à récupérer et comment garde-il
sa détermination ? "A la caméra, on fait le malin,
jai moi aussi craqué, eu des coups de moins bien et des doutes
profonds sur le fait de pouvoir le faire et dy arriver. Je ne suis
pas un bloc de granit," lance-t-il. "En multicoque, la
torture, cest le manque de sommeil et si tu veux faire craquer quelquun,
tu lempêches de dormir. Avant et pendant la zone de glaces,
jai très peu dormi et cest ça qui joue sur le
moral. Il y a deux ans, javais une autre carence, je ne mangeais
pas assez, mais là, je me sens capable physiquement dexploiter
le bateau encore à fond. Sodebo est en super état, ce qui
veut dire que lon a bien préparé et géré
les choses." Ensuite, ce sera comme il dit "à
nouveau le juge de paix de lAtlantique". Là où
Francis Joyon avait été un peu moins rapide, "là
où le record se jouera."
6 mars 2011
Route directe vers le Horn
Décidément le chemin qui mène au Cap Horn
n'est pas une mince affaire pour les "coureurs d'océans".
Les êtres normalement constitués sont bien trop raisonnables
pour s'y attaquer. Quand ils arrivent dans ces parages, les tourdumondistes
à la voile, en équipage, en double comme en solitaire, ont
déjà quelques bonnes centaines de milles sous les coques
et dans les bras. Le matériel et les hommes affichent dans
ces eaux-là une certaine lassitude, résultat de la bataille
quils livrent sans répit jour et nuit pour résister
aux assauts répétés de cette Mère Nature qui,
comme le répète souvent le skipper de Sodebo "nous
tolère sans plus". Cest peu dire que Thomas est soulagé
davoir quitté la zone des glaces bien réelles repérées
par CLS ! Le skipper solitaire ne cache pas son épuisement après
ces nuits et ces jours sur le qui-vive. Sil voulait éviter
cette navigation sous forme de roulette russe, la nature en avait décidé
autrement le contraignant, comme dans lIndien au niveau des Kerguelen,
à modifier sa route pour ne pas se laisser rattraper par une météo
défavorable qui aurait mis en péril la tentative de record.
Si la trajectoire sur la carte est belle et propre, la tactique nest
pas évidente. "Hier, nous sommes descendus dans le Nord
de la dépression. Aujourd'hui, nous sommes très proches
de son centre qui se déplace lentement vers le Sud-Est," résumait
ce matin Thierry Briend, lun des quatre membres de la cellule de
routage, lui même fin régatier. "Afin de rester dans
un flux d'Ouest et Nord-Ouest, l'empannage est prévu dans l'après-midi.
Puis ce sera une route directe vers le Cap Horn avec une prévision
pour aujourd'hui de 20 à 25 nuds dOuest, montant progressivement
dans la soirée vers les 25/30 nuds de Nord-Ouest."
Par ici la sortie !
Si Bison Futé jetait un oeil aujourdhui sur la route du Horn,
il nous aurait annoncé non pas un embouteillage, il ne faut pas
exagérer, mais un trafic plus dense quà la normale
avec la flotte de la Barcelona World Race qui se dirige elle aussi vers
la sortie du Pacifique ! Tom a dû voir sur lécran de
son radar, lécho du bateau espagnol Estrella Damm (Alex Pella
et Pepe Ribes) pointé à 30 milles dans son Nord ce matin.
Positionné à 16h30 à 900 milles du fameux Cap Horn,
Thomas a renvoyé de la toile. Sodebo descend rapidement et grignote
peu à peu son retard sur Idec. Descendant à 21 nuds
de moyenne, le skipper a 1019 milles de retard sur le détenteur,
soit 250 de moins que samedi à midi. Il a ainsi quasiment repris
le terrain concédé sur Francis Joyon au cours de la remontée
au Nord des glaces du Pacifique. Après le Cap de Bonne Espérance,
le Cap Leeuwin, Thomas devrait franchir mardi le Cap Horn, en début
de matinée. Pour le moment, il est dans les temps de Francis Joyon
sur cette traversée du Pacifique, un tronçon qui va de la
Tasmanie au Cap Horn. Après les surfs de lIndien et du Pacifique,
Tom renouera avec les allures de près mais ça, cest
une autre histoire.
5 mars 2011
Mise à l'épreuve
Les minutes ont dû lui sembler durer des heures. On a même
du mal à imaginer ce qui peut bien bouillonner au fond de soi lorsque
l'on avance seul au milieu de tout et que le radar signale la présence
d'icebergs. Pendant 36 heures, le skipper a vécu la peur au ventre
l'un des moments les plus éprouvants depuis son départ il
y a 35 jours de Ouessant. Ce matin, lécho a confirmé
à deux reprises quil y avait de la glace dans les parages.
Qui dit avertissement du radar, dit aussi que la taille du "glaçon"
peut être conséquente. On sait également que les icebergs
dérivent à la vitesse de 10 à 20 milles par jour
escortés par des grolers, ces "petits" morceaux qui fondent
dans une eau que Thomas mesurait hier à six degrés. Et des
grolers, le skipper de Sodebo en a croisés, notamment lorsquil
est entré hier à lintérieur de la zone critique
sans avoir vraiment le choix. Pris en étau, le trimaran devait
éviter de se faire rattraper par une dorsale anticyclonique et
arriver à temps pour le passage du front dépressionnaire
qui lui permet aujourdhui de quitter la région des glaces
sur un bon bord au Sud-Est. Tom a "coupé le fromage"
pendant quelques heures mais le marin déteste par dessus tout être
le fruit du hasard. Il est remonté un peu plus au Nord à
la faveur dun contre-bord salutaire. Le front situé dans
le Sud de Sodebo est passé dans la nuit pour nous avec des rafales
de plus de 40 nuds. Eprouvé par ses heures de veille sans
fermer lil, essayant de faire avancer son bateau dans une
mer chaotique et un vent vraiment très instable où il a
perdu un peu de terrain sur Francis (1266 milles de retard à 15h),
Thomas réussi à soffrir aujourdhui quelques
tranches de 10 à 20 minutes de sommeil dans un vent de 20 à
30 nuds. Le maxi trimaran va continuer sa progression vers le Horn
dans le secteur Nord-Ouest de cette dépression qui se déplace
lentement vers l'Est. Il empannera dans le Nord du centre afin de repartir
pratiquement en route directe vers la pointe de lAmérique
du Sud. En quittant l'océan Indien il y a une semaine, Thomas déclarait
"le Pacifique tas à lusure et parler de la
délivrance du Cap Horn nest pas un excès de langage."
Séloigner des glaces représente déjà
un premier soulagement, même si le risque de faire de mauvaises
rencontres persiste tant que lon navigue dans le Grand Sud. Dautant
que Thomas descend à nouveau. Le rocher du Horn savance dans
locéan par 55 degrés Sud et les conditions météo
à lapproche du Cap des Tempêtes sannoncent à
la hauteur de la réputation de la région.
4 mars 2011
Composer avec les éléments
Sur le fil du rasoir, Thomas enroule toujours par le Nord la zone
de glaces cartographiée au milieu du Pacifique Sud. Dans la "fumée"
du cyclone ATU, déclassé en dépression au cours de
sa descente vers les latitudes australes, le skipper a du mal à
trouver la bonne voilure et les bons réglages pour maintenir une
navigation constante et rapide. "La journée d'hier
n'a pas été facile du tout pour Thomas. Dans un vent faiblissant
autour de 20nds avec une mer toujours aussi désordonnée,
la progression n'a pas été aussi rapide que nous l'aurions
espéré," explique Thierry Briend (routeur). "Mais
il faut composer avec les éléments. L'envoi du petit genak
ne s'est pas bien passé et Tom a dû batailler une grosse
heure pour rétablir la situation, y laissant un certain influx.
Comme nous lannoncions, l'écart avec Francis s'est accru
(autour de 200 milles perdus en 48h) mais il se stabilise maintenant et
va sans doute décroître à partir de ce soir."
Suivant la théorie à la lettre, le solitaire a commencé
à infléchir sa route vers lEst, signe que ce contournement
nordiste des icebergs touche bientôt à sa fin. En réalité
et comme on le voit sur la carte, Sodebo frôle de très près
la région à risques. "En effet, d'un commun accord
avec Thomas nous avons décidé de couper un peu car, à
ce niveau là, il y avait des glaces très isolées,
» poursuit Titi. "Nous devrions sortir de cette zone
la nuit prochaine."
Plonger fissa vers le Horn !
Le vent de Sud-Ouest souffle toujours autour de 20 nuds actuellement.
Le skipper a troqué le gennaker pour le Solent et accélère
de nouveau. Tom attend malgré tout avec impatience le moment où
il va pouvoir reprendre une route directe vers le Cap Horn. Cette nuit,
un front froid amène de la pression salvatrice avec une rotation
rapide du vent au Nord-Ouest. Il passera ensuite assez vite plein Ouest
avec de 25 à 30 nuds garantis pour la journée de samedi.
De quoi couper les latitudes à vive allure pour se diriger vers
la sortie, vers la Terre de Feu et le "caillou" du Horn.
Faut pas croire, ce ne sera pas si simple !
Avant den finir vraiment avec le Grand Sud, il va falloir encore
négocier un minimum dépressionnaire qui se crée pile
poil sur la route de Sodebo. Lidée est de passer dans son
Nord pour accrocher le fort Ouest-Nord-Ouest qui sannonce assez
copieux avec des conditions particulièrement musclées au
pied de la Cordillière des Andes et sous le Horn que le trimaran
devrait franchir dans la nuit de lundi à mardi pour une traversée
du Pacifique depuis le Sud de la Tasmanie autour des 10 jours. Un temps
très proche de celui de Francis Joyon sur ce tronçon qui
est de 10 jours, 14 heures et 26 minutes.
3 mars 2011
Pas encore la délivrance du Horn comme
pour Jean-Pierre Dick et Loïck Peyron
Un multi et des monos, il y a du monde dans le Pacifique ! Le Cap
Horn n'est pas encore le propos pour Thomas Coville. Mer chaotique et
vent qui oscille, la navigation sur trois coques, ce n'est pas que de
la glisse. En ce jeudi après-midi alors que c'est son 6ème
tour du monde et le 3ème en solo, Tom n'a jamais été
aussi près de celui que les marins appellent le "Cap Dur".
Positionné à un peu plus de 2000 milles du Cap Horn,
le skipper solitaire de Sodebo est cependant contrarié. Pas de
mauvaise humeur, non, mais chagriné parce quil trouve quil
navance pas bien et en tout cas pas assez vite à son gré.
Avec un vent qui adonne ou qui refuse, un vent qui monte et qui descend
en force, un vent capricieux, il est obligé de changer sans cesse
de voiles ce qui nest pas une mince affaire quand la dite voile
pèse au minimum deux fois son homme. La mer va dans tous les sens
à cause des dépressions qui lui passent dessous à
la vitesse TGV avec des vagues annoncées de 10 à 15 mètres.
Il y a aussi cette énorme zone de glaces relevée par le
satellite de CLS qui contraint le skipper à faire un grand détour
par le Nord-Est. Dans ces conditions, son bateau souffre comme assailli
de tous les côtés par des tonnes deau qui se fracassent
contre les flotteurs et passent par dessus les filets. Tom se sent aujourdhui
tout petit. Imposant quand il est amarré dans un port, Sodebo et
ses 32 mètres de long fait figure de Dinky Toy au royaume du Pacifique
: "Ici, cest vraiment engagé quand il y a de la mer
et cest toujours plus que ce que tu attends !" raconte-t-il
alors quil vient une fois de plus de changer de gennaker (voile
davant) dans un vent qui oscille sans arrêt.
SOLO ou DUOS, deux univers
Aujourdhui, le skipper de Sodebo en a un peu assez de cet adversaire
virtuel qui ne sarrête jamais et quon appelle le temps.
Après presque 17000 milles et 33 jours de mer tout seul autour
de la planète, il dit aussi quil en viendrait presque à
envier les duos de la Barcelona World Race et notamment ses potes Jean-Pierre
Dick et Loïck Peyron avec lesquels il a partagé pas mal de
milles en mer et de nombreuses heures à causer techniques dans
les chantiers. En franchissant le fameux "Cap Dur" aujourdhui
en tête de la course après 61 jours de mer, le couple embarqué
à bord de Virbac-Paprec 3 a senti comme tous les marins du monde,
le vent de la délivrance. "On ne peut pas comparer les deux
exercices," explique Thomas qui entame quant à lui son 33ème
jour de mer alors quil est parti presquun mois plus tard.
"Ils sont en double, en monocoque, en mode régate et en
course alors que je suis seul, en multicoque et en mode record. Jadmire
la maitrise de Jean-Pierre Dick qui arrive à faire ressortir le
meilleur des équipiers avec lesquels il navigue. Cest une
sacrée démonstration. Ils accélèrent quand
ils ont envie, dosant savamment leurs efforts." Côté
stress, la navigation en monocoque et en double, ce nest pas la
même ambiance. "En double, il y a toujours quelquun
sur le pont. Le bateau est à 100% tout le temps. Tu peux aller
manger et dormir en te disant que ça gère. En solo et en
multi, le stress est permanent. Tout peut arriver dès que tu as
le dos tourné. Sur trois coques, le stress est multiplié
par le carré de la vitesse."
2 mars 2011
Sous la barre des 1000 milles de retard
Depuis son entrée dans l'Indien, Thomas s'était fixé
un objectif : passer sous la barre des 1000 milles de retard sur Idec
au passage du plus mythique des caps : Le Horn, " ensuite, dans l'Atlantique
tout peut être jouable". Le travail acharné du navigateur
est aujourd'hui récompensé puisqu'il a gagné pas
moins de 375 milles depuis le 18 février dernier. Non loin des
Kerguelen, son retard était alors de 1365 milles sur Francis Joyon.
Depuis mardi 18h15, Sodebo flirte autour de cette ambition à
chaque relevé de position, 968 milles à 21h30, 940 à
02h15, 1008 milles à 7h15 mercredi, et 990 milles à 16h30.
A moins de 10 000 milles de larrivée, « la tendance
pourrait tout de même sinverser quelque peu », précisent
les routeurs. En attendant, la concentration est à son maximum,
chaque effet de vent, chaque vague, chaque réglage sont autant
dopportunités de gagner du terrain sur cet adversaire quest
le temps. Cet après-midi par 54° Sud, le maxi trimaran progresse
à plus de 22,4 nuds en bordure de la zone des glaces repérée
par CLS qui lobligeait à mettre dès mardi du Nord-Est
dans sa route. La météo étant plutôt conciliante,
le marin nest pour le moment pas vraiment pénalisé
dans le contournement de ce champ de glace. Après avoir empanné
cette nuit, Sodebo est parti pour tirer un grand bord dans son Est avant
dincurver sa route sur celle du vent, actuellement un flux de Sud-Ouest
entre 20 et 30 nuds. Lobjectif aujourdhui est de se
maintenir dans la queue de la dépression qui sévacue
juste devant lui. En effet, dans les étraves de Sodebo, ce nest
autre que le cyclone ATU, reclassé depuis en dépression,
qui génère toujours une mer très formée et
difficile à manier. Les conditions ne sont donc pas de tout repos
pour Thomas, qui en remontant un peu plus au Nord, conserve malgré
tout des températures extrêmement froides du fait de la zone
des glaces toute proche. Avec 469 milles parcourus sur les 24 dernières
heures à la vitesse moyenne de 19,5 nuds, Tom poursuit sa
longue chevauchée vers le Cap Horn qui nest plus quà
2 500 milles et quil pourrait atteindre en tout début de
semaine prochaine.
1er mars 2011
Icebergs à 300 milles
Devant les étraves de Sodebo une zone de glaces longue de
plus de 2000 kilomètres s'étend entre le 51e et le 62e parallèle
dans le Pacifique Sud. La stratégie est affinée et la météo
conciliante, Thomas va pouvoir contourner cet immense champs d'icebergs
par le Nord. Lorsquil a déclenché son empannage
à lheure du dîner en France hier soir, le skipper avait
1190 milles de retard sur le record de référence. Après
une bonne nuit pour nous et une belle journée pour lui sur une
trajectoire plein Est dans les Cinquantièmes, le skipper a repris
138 milles (255km) avec un delta de 1052 milles à lheure
actuelle. Une centaine de milles, une bagatelle à léchelle
du globe évidemment mais lobjectif d'avoir autour de deux
jours de retard à la sortie du Pacifique quil atteindra dans
6 jours environ tient toujours et comme il le disait hier "chaque
mille compte". Cela mérite de descendre par 57/58 degrés
Sud, même pour quelques heures, surtout pour trouver du bon vent.
A lissue de son contre-bord au Sud-Est réalisé hier
dans un vent maniable de 16 à 22 noeuds, le skipper a empanné
pour repasser bâbord amure dans un vent dOuest-Nord-Ouest
qui va adonner dans la journée et lui permettre de remonter naturellement
au Nord-Est en bordure dun anticyclone. Le trimaran accélère
de nouveau avec une vitesse de 22 à 26 nuds sur la journée.
Il naviguera ensuite dans le fort flux de Sud-Ouest de la dépression
qui sévacue devant lui. Bénéficiant dun
angle de vent favorable, Sodebo va remonter peut-être même
jusque dans les Quarantièmes quil a quittés peu avant
les Kerguelen. Mathématiquement, croiser plus au Nord se traduira
par une perte de terrain sur Francis Joyon mais lheure nest
pas à la roulette russe d'autant que les routages restent encourageants
pour le virage au Cap Horn. Les premiers « glaçons »
pointent à 300 milles dans lEst de Thomas ce mardi. Les informations
données par CLS Argos permettent de cartographier précisément
la zone à risques mais les satellites repèrent les icebergs
dune taille de 100 mètres minimum, en dessous, on ne sait
pas. En bon cartésien, en bon compétiteur et grâce
à un bon enchaînement météo, le skipper a défini
avec ses routeurs la trajectoire la moins dommageable en terme de performance
mais garantissant un maximum de sécurité. Néanmoins,
Thomas va naviguer pendant deux jours et demi dans le Nord de ces sentinelles
de glace majestueuses certes, mais terriblement stressantes. Dans lIndien
déjà, le solitaire avait vu deux icebergs dune vingtaine
de mètres alors quil passait sous un champ de glaces dans
lEst des Kerguelen.
28 février 2011
Mon gars, t'es pas chez toi !
Non, Tom n'est pas dans un vaisseau spatial entre deux galaxies,
ni en expédition souterraine, mais de nuit dans le Pacifique Sud
à dévaler des montagnes liquides. Lors du direct de 16 heures
lundi, le skipper entrevoyait les premières lueurs du jour "après
une nuit sans Lune mais étoilée avec cette mythique Étoile
du Sud que seuls ceux qui viennent ici peuvent apercevoir." Un
mois de mer en solitaire, 30 jours de vitesse et de stress depuis ce départ
tonitruant de Ouessant, Thomas Coville file et ajuste au quotidien ce
mélange subtil entre attaquer et sécurité. Le GPS
décroche pendant la vacation : "Peut-être parce que
lon est très Sud, ce sont des endroits où tout est
un peu la découverte," analyse-t-il en changeant de GPS
à la table à cartes. "Le vent oscille en force et
en direction, je ne vais pas vite (28 nds quand même au moment où
il parle !) et jai une énorme houle arrière qui me
propulse à plus de 30 noeuds," poursuit-il. "La
nuit, tu es dans la sensation pure, tu sens le bateau dans les pieds,
le vent sur le visage, jaime entendre le sillage, tu fais les gestes
par automatisme même si tu ne peux pas voir un problème sur
un bout par exemple. Tu sens le bateau monter sur la vague, tu joues toute
la nuit avec cette grosse houle mais tu découvres sa taille réelle
qu'au lever du jour et tu te dis put
. ! Tu taides aussi beaucoup
des cadrans et sans données fiables comme quand le GPS sy
perd, tu ne peux pas valider tes sensations par les chiffres et tu stresses."
Hostilement vôtre
Demandez à tout plaisancier un peu aventurier qui rêve du
voyage de sa vie jusquaux antipodes, rejoindre le Pacifique Sud
prend beaucoup plus que un mois de navigation ! Thomas traverse ces zones
reculées du globe presque tous les hivers. En équipage ou
en solitaire, le marin aime ça et ne sen lasse pas. "On
se sent tout petit dun seul coup au milieu du plus grand océan
de la planète. Ce nest pas du tout pacifique comme ambiance,
cest studieux et froid. Alors oui, cest bien de venir, cest
beau, mais à chaque fois tu te dis "là mon gars, tes
pas chez toi, tes juste toléré, cest trop hostile
alors pourquoi tu reviens...." cela fait partie du parcours
et tu ne peux pas faire autrement. »
Pourquoi si Sud ?
Ciré complet, bonnet, lampe frontale, gants, Tom a la panoplie
totale pour affronter "un froid vraiment mordant par 57° Sud
mais on descend car il y a plus de vent dans le Sud. On tire des bords
plein vent arrière et a terme, le vent va tourner et on aura un
meilleur angle dattaque pour remonter. Le dernier point cest
que la terre est ronde alors on fait moins de route au Sud. On gagne quelques
milles en fournissant le même effort, cela vaut le coup alors il
faut tenir dans le froid qui bouffe de lénergie et met encore
une pression supplémentaire."
Dans une bonne phase
« Lenchainement Indien/Pacifique sest super bien
passé dun point de vue météo avec une route
régulière et très propre même si en réalisation,
cela na pas été si simple. Il ne faut rien lâcher
maintenant pour passer entre ces deux énormes dépressions
et tirer son épingle du jeu. Ensuite, il y a un immense champs
de glace à gérer devant nous, au milieu du Pacifique,"
conclue-t-il alors que le jour pointe dans son Est. Ce soir, à
environ 10 600 milles de l'arrivée, l'écart avec Francis
Joyon est de 1175 milles.
27 février 2011
Ça déroule par 55° Sud !
Sodebo croise ce dimanche matin à 1000 kilomètres
sous l'Ile Stewart, cette petite île du bout du monde dans le Sud
de la Nouvelle-Zélande où Yves Parlier avait joué
les Robinson lors du Vendée Globe 2000/2001. Il s'y était
abrité pour réparer seul son mât brisé. Le
skipper coupe aussi la longitude des îles Auckland, à 150
milles dans son Nord. Il y a deux ans, lors de sa seconde tentative, Thomas
nous avait envoyé des photos de ces cailloux isolés. Il
était passé près, obligé de suivre une route
plus Nord en raison dune fenêtre fermée vers le Sud.
Une forte dépression sévissait sous lui et devant, un immense
champ dicebergs autour du 50° Sud lui interdisait de descendre
sous le 49e. Thomas passe bien loin aussi de Christchurch, ville sur la
côte orientale de l'Ile du Sud de la Nouvelle-Zélande, une
ville "tellement romantique" comme le skipper la décrit
et où la terre a tremblé mardi dernier. Après ses
études, le skipper de Sodebo sétait baladé
en stop dans lîle du Sud et rencontré ce peuple néo-zélandais
si accueillant. Il avait même été invité à
partager le mariage dun couple de Christchurch. Des souvenirs qui
lui reviennent et des pensées qui vont tout naturellement vers
ceux qui sont meurtris aujourdhui. Cette zone du globe est aussi
empruntée par les marins en course sur la Barcelona World Race.
Ce tour du monde en double en monocoque a débuté à
Barcelone le 31 décembre dernier et la flotte sétale
aujourdhui sur plus de 4000 milles, entre les leaders Loïck
Peyron et Jean-Pierre Dick à environ 1500 milles du Cap Horn et
le tandem espagnol de We are Water qui ferme la marche dans le Sud de
la Tasmanie. Sur le parcours, les concurrents doivent remonter pour traverser
entre les deux îles de la Nouvelle-Zélande puis passer entre
les portes de sécurité positionnées autour des 45
et 50 degrés Sud, donc plus Nord que la route du record de Tom.
Néanmoins, les bateaux convergent tous vers le Horn et Sodebo pourrait
bien retrouver dautres tourdumondistes à la sortie du Pacifique.
Pain blanc
Si les concurrents de la Barcelona viennent dessuyer les violences
du cyclone « ATU » avec plus de 50 nuds de vent depuis
bientôt 36 heures, Thomas navigue très au Sud et le phénomène
se sera bien affaibli en rejoignant ces latitudes. Pour lheure,
Sodebo bénéficie de belles conditions sportives et rapides.
En avant dun front actif, le vent souffle dOuest-Nord-Ouest
de 25 à 30 nuds avec toujours des rafales à 40 et
plus de 5 mètres de houles. De quoi filer. Le trimaran déboule
à près de 24 nuds de moyenne depuis hier, sur une
trajectoire au Sud-Est et le retard sur le détenteur est repassé
sous les 1200 milles samedi soir. Comme le dit lexpression, le skipper
de Sodebo mange donc son pain blanc en entrant dans le Pacifique après
avoir plutôt eu du pain bien noir vers Sainte-Hélène
et relativement sombre dans lOcéan Indien. En restant avec
ce train de dépression, Tom devrait continuer à dessiner
cette trace optimale malgré une vie à bord toujours des
plus stressantes. Reste également à gérer, la présence
de glaces au milieu du Pacifique, repérées assez Nord par
le 52e degrés Sud. Le team Sodebo attend ces jours-ci les dernières
informations commandées à CLS Argos pour affiner la stratégie
de la semaine.
26 février 2011
Le tour à mi-parcours
Après 28 jours de mer et à mi parcours, Tom revient
sur sa descente de l'Atlantique et sur la traversée de l'Indien.
En entrant dans le Pacifique "jamais si pacifique que ça",
le skipper de Sodebo entame une nouvelle tranche de son voyage planétaire.
Un homme et un bateau à 100%
A mi parcours, lhomme affirme que physiquement, il est à
100%. "Je métonne", nous confie-t-il aujourdhui,
"dêtre à ce niveau de fraîcheur. Je ne
me limite pas. Je nai pas à choisir de faire ou pas telle
route." Idem pour le bateau, "même si jai
bricolé ici et là au quotidien, notamment à léquateur
quand jai cassé trois lattes." Voilà dexcellentes
nouvelles alors que le skipper de Sodebo a fait hier, vendredi, son entrée
dans le Pacifique avant la libération du Cap Horn quil devrait
atteindre dans une dizaine de jours.
Le record
Se battre contre le temps est une chose. Cet adversaire virtuel qui ne
sarrête jamais, est pour Tom une concurrence avec une guerre
psychologique à laquelle il tente déchapper. En retard
denviron deux jours sur le temps de Francis Joyon qui a tracé
il y a deux ans une route insolente et exemplaire, le skipper de Sodebo
connaît la frustration dêtre souvent plus rapide sur
leau et en retard sur le fond.
Concentré depuis 28 jours et naviguant à un niveau dexigence
extrême depuis son départ de Brest, Thomas continue dattaquer,
"tout en dosant au quotidien et en gardant la même foulée
jour après jour autour de 20 nuds de moyenne et une même
cadence avec à peu prés le même nombre de milles chaque
jour soit plus ou moins 500."
La dimension dun voyage
"Mais quest ce quil va chercher là-bas ?"
se demandaient aujourdhui Joseph et Simone Bougro, fondateurs
de Sodebo en écoutant Thomas raconter que pour lui, "chaque
jour est un jour nouveau." Même sil fait référence
à Ulysse, son trip à lui se situe à des années
lumières dune errance. Ni Lotophages, ni cyclopes ou sirènes
au pays du multicoque survitaminé. Et cest en images avec
des flashs que le skipper des temps modernes nous raconte son grand voyage
entre Brest et la Tasmanie à travers les océans. Un voyage
de manuvres qui a commencé par un combat à léquateur
contre un nuage dont il fallait "sextraire". Après
ce nuage, Tom le marin se souvient un peu plus bas au milieu de lAtlantique
Sud, " de la décision de Richard (NDLF Richard Silvani
de Météo France) qui me fait lofer et passer dans un trou
de souris pour faire de lEst." Après Bonne Espérance
où il a bien failli mettre le clignotant à gauche et rentrer
à la maison tellement il était en colère de sêtre
battu comme un diable contre Sainte-Hélène et dêtre
en retard de deux jours sur le record, il se rappelle du passage des Kerguelen,"une
conversation par VHF avec des pêcheurs de lîle dYeu.
On était au milieu de nul part dans lOcéan Indien
et on a navigué à vue." Et puis ce fût ce rouleau
de vent, ce coup de Foehn qui lui tombe dessus juste après, à
lIle Heard. Alors quil est en route pour son 6ème tour
du monde et son troisième en solo et même sil prend
les choses au jour le jour, le skipper de 42 ans ne ferme pas les yeux
sur ce qui lattend : "Si lIndien est exigeant et violent,
si cest un chacal qui vous prend à la gorge et vous engage
dans un corps à corps, le Pacifique arrive après lAtlantique
et lIndien. Il vous a à la durée, à lusure,"
raconte le skipper qui sait de quoi il parle alors quil avance dans
la nuit noire sans étoile et sans lune à 25 nuds de
moyenne cap au 120 sur un bateau où la tension et la concentration
sont des questions de survie. "Cest dailleurs lobjet
et lintérêt de lexercice," avoue celui qui
reconnaît quand même que "cet état dalerte
permanent et ce niveau de stress sont difficilement gérables plus
de deux mois."
Mon ami le pilote
A bord, Tom a un ami qui lui veut du bien mais qui perd parfois la tête.
Sil a bien progressé question alimentation, "ce qui
me permet dailleurs de ne pas être en hypoglycémie
et de tenir physiquement," le skipper de Sodebo reconnaît
être déçu par son ami le pilote. "Sil
me lâche, je suis en danger. Psychologiquement, cest difficile
de ne pas pouvoir me fier à lui quand je me déplace ou quand
je dors." En fait, Tom et son équipe travaillent depuis
trois ans sur le pilotage automatique, un sujet capital pour un solitaire.
Le résultat nest pas aussi optimal que le souhaite le marin
breton qui a "par moment, limpression de naviguer sur des
ufs avec une direction faussée." Depuis quelques
jours, son équipe à terre épluchent et décryptent
les enregistrements quil envoie depuis les Antipodes. Un acharnement
qui porte ses fruits puisquen modifiant les réglages, lami
pilote limite les embardées. Il faut dire quhier pour fêter
la sortie de lIndien, le bateau est parti trois fois à labattée
sous pilote. En solo, laffaire est grave et usante quand il faut
tout remettre dans le bon sens avant de ranger et que lhistoire
se reproduit trois fois de suite.
Sur la route du cap Horn, quelques brutes à surveiller
Devant lui, cest du vent fort, du vent soutenu qui va exiger des
efforts importants. Pour Tom, ca signifie des manuvres et donc des
changements de voiles, "des grosses voiles qui pèsent plus
lourds que moi." Le solitaire entre en effet dans des latitudes
éprouvantes où son bateau va aller très vite dans
des mers très fortes. "A ces latitudes, les phénomènes
se déplacent rapidement et leur amplitude est énorme. Ce
sont des masses dair et des masses deau violentes que rien
narrête. A ces latitudes, on navigue dans des systèmes
à léchelle des cyclones." Et puis dans le
tour de lAntarctique, il y a les glaces repérées par
CLS Argos qui travaille sur le sujet avec Tom et son équipe depuis
cette année. Rien pour l'instant, mais il y en aura au milieu du
Pacifique : "Savoir est une nouvelle donne qui nous permet de
gérer le risque. Savoir, ce nest pas moins angoissant mais
cest simplement moins idiot," conclut le skipper avant
de retourner sur le pont pour rouler le gennaker et envoyer le solent
dans la nuit noire du Pacifique.
25 février 2011
Sur le seuil du Pacifique
Ce n'est qu'une fois le Sud de la Tasmanie passé et uniquement
lorsqu'il aura coupé la longitude 146°49' Est que Sodebo dira
pour de bon au revoir à l'océan Indien et entrera dans le
Pacifique. Ce changement de terrain de jeu s'opérera vendredi soir
autour de 20 heures, après 27 jours de mer. Pour lheure,
la dépression qui file plein Est sous Sodebo se déplace
à la vitesse de 38 nuds, lui promulguant un vent portant
dOuest-Nord-Ouest de 35 nuds et 40 en rafales. Cest
encore tonique sur le pont où Tom surveille sa grand-voile à
deux ris et son petit gennak sur lavant. Le speedo est au
beau fixe avec une moyenne de 23,6 nuds ces dernières 24
heures pour la bagatelle de 567 milles comptabilisés depuis hier
à 15h15. Dans la journée, le vent va tendre à se
stabiliser autour dune trentaine de nuds avant dadonner
après le passage de la dépression. Le skipper qui poursuit
ce long bord bâbord au Nord-Est accompagnera cette rotation par
un empannage dans la soirée. En arrière du front, un autre
minimum dépressionnaire sera également à négocier.
Positionné relativement Nord, ce "résidu" de la
dépression principale impose à Thomas un petit contre bord
cette nuit avant de pouvoir reprendre ce week-end une trajectoire plus
Sud, entre le 53 et le 55e parallèle. A la sortie définitive
de lIndien, Sodebo devrait garder autour de 1200 milles et deux
jours de retard sur Francis Joyon. Rappelons que le record en date sur
ce tronçon est celui de Francis qui avait mis 9 jours et 12 heures
à la vitesse moyenne de 22,7 nuds. En franchissant dici
cinq heures environ le Sud de Tasmanie, Thomas aura mis une dizaine de
jours pour traverser lIndien depuis le Cap des Aiguilles en Afrique
du Sud (coupé le 15/02 à 20h50 HF). Sil ne battra
pas le record dIdec, il améliore nettement sa propre performance
dil y a deux ans. Ralenti dans un premier temps par un anticyclone
après Bonne Espérance, Sodebo avait ensuite suivi une route
plus Nord que cette année pour un temps de 11 jours, 11 heures
et 31 minutes sur cette partie du parcours. Rappelons aussi qu'il avait
battu le record des 24 heures avant les Kerguelen le 17 décembre
2008 avec 628,5 milles parcourus à la vitesse moyenne de 26,2 nuds,
record qui tient toujours.
Rappel des temps de passage :
BREST-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles
à 20,12 nds
SODEBO le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à
20,50 nds
SODEBO le 15/02/11 : 17 jours, 5 heures, 54 minutes et 32 secondes, 8405
milles 20,31 nds
Ecart : 1 jour, 22 heures et 41 minutes, 1151 milles de retard
BREST-LEEUWIN :
IDEC 16/12/07 : 22 jours 15 heures 28 minutes, 11450 milles à
21,1 nds
SODEBO 14/12/08 : 25 jours et 9 heures, 12 342 milles à
20,3 nds
SODEBO 23/02/11 : 25 jours 2 heures et 32 secondes, 12 374 milles
à 20,55 nds
Ecart : 2 jours, 10 heures et 32 secondes, 1194 milles de retard
RECORD DE LOCEAN INDIEN (CAP DES AIGUILLES-TASMANIE) :
IDEC Déc. 2007 : 9j 12h 6 pour 5 182 milles parcourus
à 22,7 nds de moyenne
SODEBO 16/12/08 : 11j 11h 31 pour 5 575 milles parcourus
à 20,2 nds de moyenne
24 février 2011
Hop, hop, hop !
"Là, c'est en train de rentrer...J'ai 33/34 noeuds
avec 280 m2 de gennaker devant et avec la grand-voile telle qu'elle est
là, j'en ai 120 de plus...hop, hop,hop,...c'est super chaud...c'est
super chaud (il choque...)." Tom nous fait partager l'instant
en direct et en images ce matin, tout en gardant naturellement le fil
de sa conversation avec la terre. "Le bateau part à 34
noeuds. Bon, c'est clair, avec un gennaker plus grand, ça va plus
vite mais c'est plus chaud." Elémentaire mon cher Watson,
mais entendre les écoutes grincer, voir le sillage fumant de Sodebo
dans la vague et le marin qui bondit à chaque embardée du
pilote, reste un sacré spectacle.
Sports dhiver sur surface mouvante
Avant de prendre l'antenne ce jeudi, Thomas terminait son premier empannage
du jour pendant lequel il a aussi roulé le "string",
le plus petit gennaker, et déroulé le gennak médium.
"Jessaie de tenir plein vent arrière dans un vent
dOuest qui oscille entre 23 et 31 nuds. Jai un gennak'
plus grand et le pilote a du mal à tenir. En montant sur la vague,
tu as un angle un peu chaud, le bateau monte sur une coque, le pilote
donne un coup en arrivant en bas et tu peux faire un planté du
bâton comme on aime pas trop. Cest toujours le risque avec
une mer de trois quarts arrière comme là et il faut camper
dans le cockpit."
Monter dans le train
à grande vitesse
Sodebo progresse à mi-chemin entre le Cap Leeuwin, franchi hier,
et le Sud de la Tasmanie quil atteindra demain après-midi.
"Aujourdhui, la lumière, cest plutôt gris
clair, la température de leau a nettement remonté,
jai fait un bord plus Nord et là je viens dempanner
pour replonger." Le voici qui repique donc, avant dempanner
à nouveau en fin daprès-midi. "Dans les 24
prochaines heures, lidée est de se repositionner Sud pour
venir aborder le changement d'océan. Nous cherchons à accrocher
un train de dépression qui sévacue sous la Nouvelle-Zélande
et passe ensuite sous lanticyclone du Pacifique. Cela nous ferait
faire une route de vent portant normalement tout le long du Pacifique,"
complète-t-il. Une configuration plutôt encourageante, dautant
que cette dépression qui était stationnaire et assez creuse
entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande sévacue dans
le Sud-Est de la route de Sodebo en faiblissant.
47 000 joueurs à ses trousses
Si par définition, Tom est seul dans l'aventure, à terre,
derrière les écrans et mulot en mains, plus de 47 000 tourdumondistes
se mesurent actuellement sur le jeu Virtual Regatta. "Je trouve
cela génial que lon puisse partager ces moments là
par le jeu. Cela montre que nos épopées font rêver.
Chacun peut accomplir ce voyage, certains avec une idée de performance,
dautres pour le plaisir de se balader avec nous mais notre volonté
de départ avec Sodebo, cest de partager des émotions.
Cest bien douvrir une porte vers la voile et le sport de demain,
peut-être quun jour on arrivera même à lier le
jeu vidéo à la vidéo en direct," imagine
le marin qui est aussi ingénieur et un dingue de technologies.
Sur cette version de Virtual Regatta, Sodebo a souhaité ajouter
les paramètres humains, cest à dire quen plus
du bateau, les engagés dosent le sommeil, lalimentation et
les efforts du skipper. "Cest passionnant de positionner
un bateau sur la planète, mais aussi de gérer la météo
et d'y ajouter en plus la notion psychologique, un paramètre qui
devient envoûtant quand ça marche," rappelle celui
qui réalise ici son sixième tour du monde "réel"
et le troisième en solitaire. "Jouez bien ! Ou dormez bien
pour les autres ! Oui, cest bon de pouvoir dormir," conclue-t-il
le sourire aux lèvres avant de bondir sur le pont, alerté
par son bateau.
23 février 2011
Un bel Indien, grandiose et engagé
Seulement 43 milles perdus depuis Bonne Espérance ! Le trimaran
de Thomas Coville a franchi la longitude du Cap Leeuwin, 14h08 (HF) ce
mercredi 23 février après 25 jours, 2 heures et 32 secondes
de navigation. Chapeau au skipper de Sodebo qui, moins de huit jours
et 4000 milles plus tard, a réussi à stabiliser son retard
sur le détenteur malgré quatre jours de près où
il a été balloté dans une mer chaotique sur le plateau
des Crozet et jusquaux Kerguelen.
"Une personne normalement constituée aurait lâché
le morceau et cela m'a traversé l'esprit d'ailleurs," lance-t-il
depuis le milieu de la nuit aux antipodes. "Malgré tout,
la nature ma fait de beaux cadeaux dans cet Océan Indien.
Monter comme ça au près et au reaching dans une mer vraiment
pas gentille, cest périlleux, cela demande du sang-froid
mais on sen est pas mal sorti avec un bateau toujours très
aérien. Un beau défi en multicoque et même si ça
tape dans tous les sens, y arriver procure du plaisir."
Risques mesurés
Thomas a plongé dans les Cinquantièmes pour passer sous
les Kerguelen au sud de la tempête mais aussi sous une importante
zone de glaces. "Passer au Nord nétait pas faisable,
cétait rallonger énormément la route, autant
faire demi-tour. On a joué une carte, on sest exposé,
on ne passe pas sous les Kerguelen habituellement. Je ne suis pas un kamikaze,
ce nest pas mon tempérament et nous lavons fait de
manière relativement cartésienne avec les données
professionnelles de CLS Argos sur la position des glaces. Nous avons même
ralenti la vitesse autour de 21 noeuds pour rester manoeuvrant au cas
où. Là aussi, je garderai longtemps en mémoire cet
effet de Foehn sous le vent de lîle Heard, de ce rouleau qui
est descendu de la montagne avec 45 noeuds de vent en arrivant sur moi."
La récompense : une aurore boréale
Encore hier, Thomas a navigué avec beaucoup de précision
en multipliant les empannages autour du 54e Sud pour respecter un couloir
de sécurité entre des icebergs repérés au
Nord et au Sud de sa route. "La tension que tu éprouves
lorsque tu évolues a proximité "virtuelle" dicebergs,
même si jen ai vu quand même trois petits de mes yeux,
est quelque chose dunique. C'est comme en montagne, lorsque tu marches
sur une arrête. La concentration tenvahie et se mêle
à langoisse. Je ne connais pas dintensité plus
forte et de plus belle satisfaction lorsque tu t'en sors. Après
mes empannages en sortant de la zone à risques, jai levé
la tête et jai vu une aurore boréale ! Alors oui, je
vis avec la frustration de la distance qui me sépare de Francis
mais être spectateur de cette nature est magique. Arriver déjà
sous lAustralie, puis dans deux jours en Tasmanie et dans quatre
dans le Pacifique me ramène à la beauté de ce voyage
et de ce parcours que je redécouvre à chaque fois."
Depuis 24 heures, Sodebo file à plus de 23 nuds de moyenne.
La prochaine difficulté sera la négociation dune dépression
assez creuse actuellement stationnaire entre la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande.
Depuis Ouessant, Sodebo a parcouru 12 374 milles à la vitesse moyenne
de 20,55 nuds et passe ce second cap avec 1194 milles décart
sur Idec, soit seulement 43 de plus que lors de son passage le 15 février
à Bonne Espérance où son retard était alors
de 1151 milles.
Rappel des temps de passage :
BREST-BONNE ESPERANCE :
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles
à 20,12 nds
SODEBO le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles à
20,50 nds
SODEBO le 15/02/11 : 17 jours, 5 heures, 54 minutes et 32 secondes, 8405
milles 20,31 nds
Ecart : 1 jour, 22 heures et 41 minutes, 1151 milles de retard
BREST-LEEUWIN
IDEC 16/12/07 : 22 jours 15 heures 28 minutes, 11450 milles à
21,1 nds
SODEBO 14/12/08 : 25 jours et 9 heures, 12 342 milles à
20,3 nds
SODEBO 23/02/11 : 25 jours 2 heures et 32 secondes, 12 374 milles
à 20,55 nds
Ecart : 2 jours, 10 heures et 32 secondes, 1194 milles de retard
RECORD DE LOCEAN INDIEN (CAP DES AIGUILLES-TASMANIE)
IDEC Déc. 2007 : 9j 12h 6 pour 5 182 milles parcourus
à 22,7 nds de moyenne
SODEBO 16/12/08 : 11j 11h 31 pour 5 575 milles parcourus
à 20,2 nds de moyenne
Tableau de marche de Sodebo depuis son départ de Ouessant le
29/01/11
Pointage chaque jour à 11h TU (12 HF)
Avance/retard sur la référence / Vitesse moyenne sur 24h
/ Distance parcourue sur 24h
JOUR 1 30/01 : + 0,5 milles - 21,4 nds 532 milles
JOUR 2 31/01 : + 58,9 milles - 20,4 nds 489 milles
JOUR 3 01/02 : + 35,9 milles 21,6 nds 519 milles
JOUR 4 02/02 : + 106,7 milles 24,4 nds 585 milles
JOUR 5 03/02 : + 126,9 milles 23,5 nds 564 milles
JOUR 6 04/02 : - 27,70 milles 13,5 nds 323 milles
JOUR 7 05/02 : - 134,5 milles 10,5 nds 251 milles
JOUR 8 06/02 : - 277,5 milles 11,6 nds 279 milles
JOUR 9 07/02 : - 199 milles 21,2 nds 509 milles
JOUR 10 08/02 : - 310,6 milles 23,2 nds 555 milles
JOUR 11 09/02 : - 378,8 milles 20 nds 478 milles
JOUR 12 10/02 : - 691 milles 10,1 nds 243 milles
JOUR 13 11/02 : - 833 milles 19,6 nds 469 milles
JOUR 14 12/02 : - 1041 milles 16,3 nds 391 milles
JOUR 15 13/02 : - 1057 milles 23,4 nds 561 milles
JOUR 16 14/02 : - 1086 milles 23,3 nds 559 milles
JOUR 17 15/02 : - 1145 milles 22,1 nds 530 milles
JOUR 18 16/02 : - 1227 milles 21,6 nds 517 milles
JOUR 19 17/02 : - 1347 milles 20,3 nds - 486 milles
JOUR 20 18/02 : - 1365 milles 21,7 nds 521,6 milles
JOUR 21 19/02 : - 1313 milles 19,1 nds 458,8 milles
JOUR 22 20/02 : - 1224 milles 19,7 nds 473,6 milles
JOUR 23 21/02 : - 1221 milles 21 nds 503,7 milles
JOUR 24 22/02 : - 1300 milles 17,2 nds 413,2 milles
JOUR 25 23/02 : - 1206 milles 23,6 nds 567,6 milles
22 février 2011
Demain le Cap Leeuwin
Sodebo poursuit sa chevauchée dans l'Océan Indien.
Cette nuit, Thomas s'est lancé dans une série d'empannages
avec un vent qui a pivoté au Nord-Ouest et souffle de 22 à
26 noeuds avec des rafales à 30. Cinq empannages pour le skipper
qui croise sous le 54e degré Sud et progresse désormais
à moins de 500 milles du Cap Leeuwin quil atteindra demain
mercredi dans la journée, pour le début de son 25e jour
de mer. Thomas approche également de la mi-parcours de ce tour
du monde débuté le 29 janvier dernier. Ces empannages étaient
obligatoires afin de passer dans un couloir entre des glaces présentes
dans le Nord et le Sud de Sodebo. Le trimaran laisse désormais
le gros de la "zone à risques" dans son sillage et retrouve
également un flux s'établissant au Nord-Ouest permettant
d'accélérer sur la route. Vingt cinq jours pour rallier
en multicoque en solitaire la longitude de lOuest de l'Australie
au départ de Ouessant, cest peu, très peu. Pour mémoire,
pendant l'actuelle Barcelona World Race (tour du monde en double), le
monocoque leader Virbac-Paprec 3 mené par Jean-Pierre Dick et Loick
Peyron a mis un peu plus de 23 jours pour descendre lAtlantique,
entre la sortie de Gibraltar et le Cap de Bonne Espérance.
C'est chaud dans le froid
Les conditions de navigation restent particulièrement éprouvantes
en raison du froid, de l'humidité permanente et de cette houle
des mers du sud de trois à quatre mètres actuellement. De
plus, Sodebo naviguait plein vent arrière, une allure instable
où il faut surveiller son bateau comme le lait sur feu. A cela
sajoute cette série de manuvres physiques mais aussi
risquées puisquà chaque empannage, Thomas peut briser
des lattes de grand-voile.
La tête dans le guidon
Le skipper se concentre à fond pour réaliser un "VMG"
optimal sur chaque bord, cest à dire le meilleur compromis
entre le cap et la vitesse, afin de gagner au maximum sur la route. Entre
deux manuvres, il faut donc observer ce vent très oscillant
et les comportements de Sodebo pour régler les voiles, le mât,
les foils, mettre à jour sans arrêt les informations et les
directives données au pilote automatique, bref, Tom soccupe
beaucoup de sa machine, de sa route et peu de lui. "On ne peut avoir
de rythme dans ces endroits," disait-il hier, "On est dabord
et toujours au service du bateau, se faire à manger trois fois
par jour est une routine quil faut tenir mais à chaque fois,
je me mets un coup de pied aux fesses pour démarrer le rituel,
parce que je nai pas toujours envie de manger ou, tout simplement,
pas lénergie nécessaire de me préparer un repas
chaud. Je sais quil ne faut pas mollir là-dessus alors je
le fais car, si on ne dort pas, il faut au moins manger."
Indien quand tu nous tiens
Avec 1276 milles de retard sur la route de Francis Joyon, Thomas a concédé
une cinquantaine de milles sur le détenteur ces dernières
24 heures. Depuis son entrée dans lOcéan Indien, le
15 février à 20h50 (HF), au moment où Sodebo a dépassé
le Cap des Aiguilles situé par 20 degrés Est après
Bonne Espérance, Thomas n'a eu aucun répit. Il a d'abord
avancé au près dans une mer contraire pour rejoindre les
Kerguelen, suivi dune descente au Sud obligée en raison de
cette très forte dépression dans son Nord, et a enchaîné
ces empannages. Tom ne se laisse pourtant pas destabiliser. Il tient la
cadence, dessine une trajectoire efficace et remplit les objectifs d'un
jour sur l'autre. Même si ce n'est pas franchement une sinécure,
le skipper évite de cogiter à outrance. Il cherche à
être bon dans l'instant et gagner comme il le répétait
lundi "les batailles du quotidien".
21 février 2011
Jamais cool, toujours fantastique
Ce sont les mots de Thomas Coville joint ce matin et ils résument
bien l'ambiance qui règne depuis deux jours sur le Maxi Trimaran
Sodebo engagé dans "un combat quotidien où la maitrise
totale exige une concentration permanente," et alors que le bateau
devrait descendre jusqu'à 55 degrés sud avant de pouvoir
empanner et faire un route "plus naturelle".
24/24 dans un véritable congélo !
Déjà 23 jours en mer et le skipper qui se dit "vivre
au service du bateau et à la disposition des conditions météo",
na même pas pris le temps de réparer son petit chauffage
qui refuse de démarrer. Hors, dans les contrées éloignées
où se trouve actuellement Thomas, il faut se dire quil fait
très, très froid. Là bas, dans ce no mans land
glacé, les vents du Sud ne sont pas synonymes de chaleur. Au contraire.
Ils viennent tout droit de lAntarctique. Linconfort provoqué
par le froid et la mer ronge le physique du marin et entame son moral.
"Ces conditions, on ne peut pas sy habituer. Il faut vivre
avec, beaucoup manger et beaucoup boire," racontet-il comme
pour ne pas oublier.
Non-top
Après lArchipel mal famé des Kerguelen et les
images de vents violents et de fortes vagues qui sy rattachent,
Tom a pu lâcher un peu les voiles et accélérer pour
retrouver des conditions moins inconfortables que ce près et ce
reaching inhabituels dans lIndien et contre lequel il luttait depuis
Bonne Espérance. "Le vent bouge énormément
et cest très compliqué parce que le pilote fait des
embardées." La navigation en multicoque est un art subtil.
Les bons réglages permettent daller deux fois plus vite et
comme le vent change beaucoup, le skipper passe du coup le plus clair
de son temps à manuvrer. Il choque, il borde, il largue,
il reprend, il change de voiles, il prend un ris et cela en fonction de
la mer, de la hauteur des vagues et des variations du vent tant en cap
quen force.
Du Sud encore, jusqu'au 55e, avant de remonter
Sachant que "le meilleur moyen den sortir, cest
daller vite," Tom est pour le moins motivé. Dailleurs,
dans moins de 20 heures, soit en fin de nuit pour nous, il devrait mettre
un peu de Nord dans sa route. "Les vents devraient adonner encore
et je devrais toucher de lair plus chaud, des vents dOuest-Nord
Ouest qui me permettraient dempanner. Ce sera un bon moment !"
confiait-il avec soulagement et sans chercher à dissimuler son
impatience darrêter de faire du Sud "une route contre
nature !"
Effet de Foehn sous le volcan de l'île Heard
Ce matin, on sentait bien la tension du bord, où le stress était
mêlé au plaisir de gagner contre une nature hostile et sauvage
: "Une fois que tu as remporté un combat comme celui que
jai mené hier sans dommage pour le bateau au Sud de lIle
Heard quand le vent passait sans prévenir de 0 à 45 nuds
dans un effet de Foehn aussi impressionnant que superbe, tu es seul au
milieu de rien et tu souris." Cette victoire supplémentaire
alors que Sodebo nest pas encore à la moitié dun
parcours long de 14 000 milles est "une jubilation dans les détails
que tu construis au quotidien où lerreur ne pardonne pas."
Deux morceaux de glaces ce matin
Car là où Tom est positionné, on ne joue pas.
Ce que rencontre ces marins de limpossible reste gravés dans
leur mémoire. "La puissance de la nature à ces latitudes
Sud est proche de la science fiction. La glace a une dimension extranaturelle,"
poursuivait le marin solitaire qui a repéré ce matin à
lil nu deux petits morceaux de glace de 20 ou 30 mètres
quil ne voyait pas sur le radar : "Cest comme une
vague qui se répète toujours au même endroit. Comme
si lécume ne bougeait pas !"
Sodebo devrait atteindre mercredi le Cap Leeuwin et quitter bientôt
lIndien pour la grande traversée du Pacifique et le Cap Horn.
20 février
2011
Glacial
Sodebo a déjà effectué plus de la moitié
du chemin séparant le Cap de Bonne Espérance (Afrique du
Sud) du Cap Leeuwin (pointe Sud-Ouest de l'Australie). Après
être passé sous les Kerguelen hier, Thomas a croisé
cet après-midi dans le Nord des Iles Heard et MacDonald, ces montagnes
volcaniques plantées au milieu de nulle part. Comme promis, le
trimaran a retrouvé des allures portantes, une mer rangée
et des conditions de vie plus supportables. Le plus difficile, cest
ce froid glacial et cette mer à 4 degrés aujourd'hui. Cela
puise beaucoup dans lénergie du marin qui arrive à
manger régulièrement mais peu à dormir. D'autant
que cette nuit, Thomas a manuvré sur le pont. Le skipper
a du dabord prendre le troisième ris de la grand-voile de
Sodebo pour le relâcher peu de temps après lorsque le vent
a de nouveau baissé. ...Baissé, cest vite dit, puisque
Sodebo file quand même avec 23 à 27 nuds de Sud-Ouest,
sauf à proximité des îles aujourdhui, où
le dévent des grands reliefs a fait chuter brièvement la
moyenne du trimaran. Un ralentissement de courte durée, puisquil
avançait à 24,5 nuds à 17 heures ce soir. Le
solitaire doit continuer à descendre au Sud et profiter au mieux
de ce vent qui adonne.
19 février 2011
Sud Kerguelen
La température de l'eau ne dépasse plus les 7 degrés.
Sur le pont, le froid est amplifié par la vitesse et on ne pense
même plus manoeuvrer sans gants ni cagoule. Bienvenus à bord
de Sodebo qui est entré aujourd'hui dans les Cinquantièmes
Hurlants. Souvent Thomas appelle cela « être dans le dur
». Et il faut dire que depuis quatre jours quil progresse
au près dans un Océan Indien triste et mal pavé avec
ce bateau qui cogne sans arrêt dans la mer, le marin commence à
avoir les traits tirés, signe quà lintérieur,
le stress fait son travail. Sodebo plonge actuellement sous larchipel
des Kerguelen afin d'éviter la puissante tempête qui sévit
plus au Nord. Il navigue par 51 degrés Sud. Il est rare de passer
si Sud dans cette région désertique, habitée par
des cachalots et quelques pêcheurs de haute mer comme celui croisé
par Tom avant-hier. Sil évite le gros de la dépression,
le solitaire sattend à toucher quand même jusquà
30 à 35 nuds de vent pour la fin du week-end. En revanche,
le maxi trimaran commence à retrouver des allures portantes lui
permettant douvrir ses voiles, tendance qui va s'accentuer cette
nuit et surtout dimanche. La houle résiduelle de face qui met "lenfer
sur mer" à Tom depuis plusieurs jours va aussi se ranger avec
le vent.
Plus court par le Sud
Entrer dans les 50èmes na rien danodin pour un
marin et pourtant, se frotter à cette nature devenant toujours
plus hostile est aussi gage de performance. En effet, le parcours du tour
du monde à voile tourne autour du Pôle Sud et de lantarctique,
raccourcir le virage signifie logiquement gagner du temps. Pas question
non plus dêtre trop extrême car plus on descend Sud,
plus lisolement devient total en cas de problème et plus
les risques de rencontrer des morceaux de banquise à la dérive
augmente. Là encore, tout est question déquilibre,
de stratégie, de curseur que lon place au bon endroit mais
aussi de courage lorsque l'on mène là-bas un trimaran de
cette taille. Rappelons quà ce jour, seulement trois marins
ont réussi à faire le tour du monde en solitaire et en multicoque
: Francis Joyon a été le premier (2004 et il réédite
en 2008) suivi dEllen MacArthur (2005) puis de Thomas Coville (2009).
Avec cette progression des plus efficaces dans des conditions pourtant
peu propices à la vitesse et avec ce gain au Sud, Sodebo a repris
une centaine de milles depuis 23 heures vendredi soir sur la route de
Francis Joyon qui croise ce soir à 1200 milles devant son "chasseur'.
18 février 2011
Baston, droit devant
On les dit creuses, ces méchantes dépressions autour
desquelles s'enroule ce vent fort, très fort, qui démonte
la mer et déchaine les éléments. Celle qui est
née sous les tropiques de lOcéan Indien et bombe très
sérieusement le torse en arrivant dans le Nord des Kerguelen, lève
déjà plus de 7 mètres de vagues. Aujourdhui,
Thomas progresse au près dit "océanique" sous
grand-voile à deux ris et ORC dans un vent de Sud-Sud Est de 25
à 30 nuds. Sodebo passe actuellement au vent des îles
Crozet. Le skipper trinitain a échangé par radio ce matin
avec un pêcheur vendéen qui croisait dans ces latitudes hostiles
à bord dun bateau immatriculé à Concarneau
! Doux hasard et joli moment pour notre tourdumondiste solitaire qui a
aussi réussi à se reposer un peu cette nuit avant que la
tension remonte dun cran.
Un mastodonte
En effet, cette dépression frôle le gigantisme. Au plus
fort, ce "coup de chien" pourrait sétaler sur une
surface grande comme plusieurs fois la France. Passer dans son Nord est
à oublier, trop de route, attendre quelle passe semble exclu
aussi, cela représente une perte de temps mais surtout le vent
disparaît derrière, comme aspiré par la dep'. Reste
la solution de passer dessous, une option qui aujourdhui semble
simposer au skipper de Sodebo comme à ses routeurs qui doivent
aussi prendre en compte la question des icebergs."Il faut bien
se rendre compte qu'affronter des vents annoncés à 45 ou
50 nuds sur les fichiers, cest à dire de 50 à
60 en rafales dans la réalité, face à une mer avec
des creux de 7 à 8 mètres, est inenvisageable en solitaire
à bord dun multicoques de 32 mètres. Cest se
jeter dans la gueule du loup et risquer de chavirer loin de tout. Thomas
pourrait donc descendre sous les iles Kerguelen puis passer ensuite sous
la zone des glaces que dérivent actuellement dans lEst de
larchipel entre le 48 et le 52e degré Sud," explique
Christian Dumard, routeur de Sodebo. "Passer sous les glaces représente
aussi un certain risque mais, depuis plusieurs semaines, aucune autre
importante zone dicebergs na été repérée
sous celle que je viens de mentionner. Pour la suite de lOcéan
Indien, nous n'avons pas d'alerte majeure. Nous surveillons évidemment
cela de très près, CLS Argos nous envoie très régulièrement
les dernières observations satellites." Les marins qualifient
souvent lOcéan Indien comme le plus imprévisible et
le plus malfamé des trois
LApache semble déterrer
une nouvelle fois la hache de guerre
17 février 2011
Tour du "proprio"
Alors qu'il file dans l'Océan Indien sous la longitude de
Madagascar, en approche de celle des îles du Prince Edward et sur
la route des îles Crozet, Thomas témoigne d'un froid pinçant
et nous offre malgré tout une jolie visite guidée, en son
et en images, de son "home sweet home" !
L'électronique de Sodebo victime d'une éruption
solaire ?
Thomas témoignait ce matin de problèmes de compas et de
GPS survenus cette nuit vers 3 heures GMT (4h HF). Tout est rentré
dans l'ordre progressivement sans explication limpide et il se pourrait
bien que la fautive soit une éruption solaire, la plus forte survenue
depuis quatre ans. Tout commence comme dans un bon film daction
américain
Selon un communiqué publié mercredi
sur le site de la Nasa : "Le Soleil a produit sa première
éruption de catégorie X (la plus forte sur l'échelle)
en plus de quatre ans à 01H56 GMT le 15 février." Jusquici
tout va bien
.Attendez la suite ..."Cette forte éruption
a été accompagnée d'une éjection de masse
coronale, une puissante explosion magnétique dans la couronne du
soleil qui projette à environ 900 km/seconde du plasma ionisé
dans l'espace et qui, dans ce dernier cas, devrait atteindre l'orbite
terrestre jeudi à 03h GMT (exactement à lheure où
Thomas a vu ses instruments électroniques perdre la tête
!). Les éruptions solaires de cette puissance peuvent provoquer
de graves perturbations des télécommunications au sol et
dans l'espace ainsi que de systèmes de distribution électrique,"
conclue lagence spatiale américaine. Cette information relatée
par lAgence France Presse ce 17 février à Washington
est complétée par ceci : "Les services météorologiques
chinois ont ainsi indiqué que les communications radio par ondes
courtes ont été perturbées dans le sud du pays. En
1972, une tempête magnétique résultant d'une éruption
solaire avait plongé dans l'obscurité six millions de personnes
au Québec."
Excès de magnétisme à bord de Sodebo
Dune part, Thomas a constaté que son compas qui compense
déjà par défault les 30 degrés de déclinaison
terrestre dans cette zone du globe, sest mis dun seul coup
à varier dune trentaine de degrés et de façon
anarchique. Dautre part, ses deux récepteurs GPS se sont
eux aussi mis à dysfonctionner sans raison apparente. Ces systèmes
fournissent une base dinformations cruciales pour les pilotes automatiques
et comme il le disait en "live" ce matin, Thomas sest
retrouvé "dans une situation délicate en pleine nuit,
sans savoir précisément où jallais ni où
jétais. Cela ne ma pas duré très longtemps
grâce à toutes les "redondances" de systèmes
que nous avons à bord de Sodebo et la situation sest améliorée
relativement rapidement." Sans avoir de certitudes à 100%
sur l'origine de ces problèmes à bord de Sodebo, il semblerait
néanmoins que cette nuit, les systèmes de télécommunication
utilisant les satellites aient été perturbés comme
des liaisons Internet transatlantiques. Ce soir, le skipper confirme par
mail à son équipe n'avoir plus aucun problème sur
ses deux GPS ni sur le compas du bord.
16 février 2011
D'un océan à l'autre
"Je suis au près dans une transition pas facile,
on est très aérien avec une mer de travers, le bateau monte
haut sur un flotteur, si vous entendez l'alarme c'est que je dois aller
choquer un peu d'écoute de grande voile," voilà
pour l'introduction de Thomas à la vacation radio de ce matin.
Après avoir franchi la longitude de Bonne Espérance
hier en début de soirée, puis le Cap des Aiguilles à
20h50 (heure française) signant lentrée officielle
dans lOcéan Indien, le skipper explique ce matin quil
fait actuellement "la jonction météorologique entre
lAtlantique et lIndien en longeant une dorsale anticyclonique.
Même si dans mon Sud, il y a une forte concentration de glaces,
nous aurions bien aimé descendre un peu plus mais nous devons faire
avec la météo que nous avons et, pour l'instant, je dois
serrer ce vent de Sud au près débridé et ça
avance bien."
En forme après un premier tiers
La sortie de lAtlantique sest effectuée avec tambours
et trompettes, Sodebo enchaînant plusieurs journées et plusieurs
nuits à haut
voire très haut régime ! Tom entame
désormais le second tiers de ce tour du monde quil ne fait
pas "en convoyage" rappelle-t-il, le sourire aux lèvres.
Il a encore pas mal manuvré cette nuit mais les 24 à
36 prochaines heures pourraient lui permettre de se reconstituer un petit
capital sommeil. Pourtant, même si ces 8 000 premiers milles se
ressentent dans les muscles endoloris du marin, celui-ci sétonne
de sa "fraicheur" à ce stade du voyage : "Avant,
javais de vraies carences alimentaires et avec le stress, je narrivais
pas à manger. Alors que là, je mange ce quil faut
tous les jours et le travail effectué avec Sodebo là-dessus
paie vraiment. Physiquement, je me sens dans le bon tempo, même
encore cette nuit où jai manuvré 5 à
6 fois de grosses et lourdes voiles demandant de leffort dans la
durée et j'avais vraiment de l'énergie." Le bateau
lui aussi garde la forme : "outre les bricoles quotidiennes que
jai réussies à régler au fur et à mesure,
Sodebo est à 100% !" Un point très rassurant pour Thomas
qui avoue se sentir aussi « porté au quotidien par mon équipe
et mes routeurs qui font un travail fabuleux."
Tic-tac
Le tableau serait idéal sil ny avait pas ces 1227
milles de retard sur le détenteur du record en ce début
de 18e jour de navigation. "Un chiffre frustrant qui ne donne
pas la teneur de ce que jai donné et le niveau du bateau
mais cest ainsi. Etre en retard pousse aussi à être
tout le temps à lattaque. Nous savions que nous serions sûrement
en retard sur ce tronçon là. Une journée aurait été
idéale, là, cest presque deux mais cela aurait pu
être bien pire avec Saint-Hélène étalée
de la sorte dans lAtlantique Sud. Pour la suite, nous savons que
nous pouvons gagner sur la remontée de lAtlantique de Francis.
Notre objectif est donc de doubler le Cap Horn avec au maximum 1000 milles
de retard
pas simple. Mais vraiment, je me concentre sur mon plaisir
au jour le jour, cest important pour avancer et lheure des
comptes nest pas venue."
Rappel du tableau de marche de Sodebo depuis son départ
de Ouessant le 29/01/11
Avance/retard sur la référence / Vitesse moyenne sur 24h
/ Distance parcourue sur 24h
JOUR 1 30/01 : + 0,5 milles - 21,4 nds 532 milles
JOUR 2 31/01 : + 58,9 milles - 20,4 nds 489 milles
JOUR 3 01/02 : + 35,9 milles 21,6 nds 519 milles
JOUR 4 02/02 : + 106,7 milles 24,4 nds 585 milles
JOUR 5 03/02 : + 126,9 milles 23,5 nds 564 milles
JOUR 6 04/02 : - 27,70 milles 13,5 nds 323 milles
JOUR 7 05/02 : - 134,5 milles 10,5 nds 251 milles
JOUR 8 06/02 : - 277,5 milles 11,6 nds 279 milles
JOUR 9 07/02 : - 199 milles 21,2 nds 509 milles
JOUR 10 08/02 : - 310,6 milles 23,2 nds 555 milles
JOUR 11 09/02 : - 378,8 milles 20 nds 478 milles
JOUR 12 10/02 : - 691 milles 10,1 nds 243 milles
JOUR 13 11/02 : - 833 milles 19,6 nds 469 milles
JOUR 14 12/02 : - 1041 milles 16,3 nds 391 milles
JOUR 15 13/02 : - 1057 milles 23,4 nds 561 milles
JOUR 16 14/02 : - 1086 milles 23,3 nds 559 milles
JOUR 17 15/02 : - 1145 milles 22,1 nds 530 milles
JOUR 18 16/02 : - 1227 milles 21,6 nds 517 milles
15 février 2011
Espérance dans le sillage
Sous une pluie battante et dans 32 noeuds de vent de Sud-Ouest,
Sodebo a franchi le Cap de Bonne Espérance aujourd'hui mardi à
18h02 (heure française) après 17 jours, 5 heures, 54 minutes
et 32 secondes de mer. Thomas a parcouru 8405 milles à la vitesse
moyenne de 20,31 noeuds et entre désormais dans l'Océan
Indien, ce grand méchant désert liquide sournois et redouté.
Avec ce tour obligé dans lOuest de lanticyclone
de Saint-Hélène, lécart de 9 heures et 27 minutes
au passage de léquateur il y a dix jours sest logiquement
creusé. Depuis le départ, Idec avait parcouru 1005 milles
de moins que Sodebo mais avait été aussi moins rapide avec
20,12 nuds de moyenne. Ainsi, très honorablement et dans
des conditions météo peu conciliantes, le « challenger
» de Francis passe ce premier des trois grands caps de ce tour du
monde avec moins de deux jours de retard sur le temps de référence,
soit précisément 1 jour, 22 heures et 41 minutes d'écart.
Depuis quatre jours qu'il file vers l'Est, les heures ont été
éprouvantes pour Tom qui a tenu plus longtemps que prévu
en avant d'un front dépressionnaire très actif. Le skipper
se souviendra longtemps de la rotation radicale du vent ce matin et de
cette « claque » à près de 50 nuds qui
a littéralement soulevé de bateau : un shoot dadrénaline
sans précédent pour le Trinitain (lire la news de ce soir
« Belle Frayeur !»)... Toujours entre 22 et 23 nuds
de moyenne dans des conditions quil décrit comme «
sauvages », Thomas regarde la nuit tomber à bord de Sodebo.
Sur le compteur, encore plus de 540 milles engloutis depuis hier à
la même heure !
Temps de passage et record ?
Il nexiste pas de record intermédiaire entre Ouessant et
Bonne Espérance, uniquement un temps de passage qui permet de faire
une photo de la progression de Thomas à ce stade du parcours. Le
vrai record, celui qui pourra être validé par le très
officiel WSSRC (World Sailing Speed Record Council), est celui de lOcéan
Indien, pris entre le Cap des Aiguilles, non loin de Bonne Espérance,
par 20 degrés Est, et le Sud de la Tasmanie, cette île du
bout du monde sous lAustralie. Entre ces points, Francis avait effectué
un temps de 9 jours, 12 heures et 6 minutes. Les autres records possibles
sur ce tour du monde sont ceux de lOcéan Pacifique, entre
la Tasmanie et le Cap Horn, puis celui de lEquateur à lEquateur.
Reste aussi le record de la plus grande distance parcourue en 24 heures
que Thomas a battue en approchant des îles Kerguelen lors de sa
dernière tentative avec 628,51 milles avalés à 26,19
nuds de moyenne.
Rappel des temps de passages Brest Bonne Espérance
IDEC en déc. 2007 : 15 jours, 7 heures, 13 minutes, 7 400 milles
à 20,12 nds
SODEBO le 05/12/08 : 16 jours, 13 heures, 31 minutes, 8 147 milles
à 20,50 nds
Ecart : 1 jour, 6 heures, 18 minutes
14 février 2011
Saint-Valentin sportive, les albatros pour compagnie
Le skipper de Sodebo nous raconte le week-end physique qu'il vient
de passer à presque 25 noeuds de moyenne et par 45 noeuds de vent
dans les "Quarantièmes Rugissants". Et comme il le
rappelle : "Ce nest que le début. Jentre dans
le vif du sujet. Le temps est désormais grisâtre, il pleut
et il commence à faire froid. Jai dailleurs vu mon
premier albatros." Cela doit être carrément rageant
de devoir ralentir son bateau quand, comme tous les recordmen, on court
après le temps ! Et pourtant ,Thomas Coville qui vient dessuyer
ce week-end son premier coup de vent depuis son départ de Brest
il y a deux semaines, a choisi dépargner son bateau : "Jusquà
25 nuds de vitesse, tu gères bien. Tu es dans le bon "range",
dans la bonne cadence. Au delà, quand il y a 45 nuds de vent,
cest épuisant pour le bateau comme pour lhomme. Quand
ça cogne, on se demande ce qui va lâcher. Cest stressant
davoir toujours ça en tête. Tu nes jamais totalement
serein."
13 février 2011
Ça carbure !
Seul sur la piste de l'Atlantique Sud, Thomas se paie depuis hier
soir un sacré "Saturday Night Fever" en compagnie d'une
dépression des "Quarantièmes" particulièrement
en forme. Hier avant la nuit, le skipper nous faisait vivre en images
une discussion VHF avec un navire de commerce qui croisait, comme lui,
pas 40 Sud (voir dans la vidéothèque) ; sûrement l'un
des derniers contacts que le marin solitaire aura avant de retrouver dans
quelques semaines des mers plus empruntées. Depuis et comme prévu,
les conditions se sont intensifiées. Avec une vitesse moyenne de
25,6 nuds entre 6 heures et midi ce dimanche, et 561,5 milles parcourus
en 24 heures, autant dire quil en faut de lénergie
pour tenir la mesure. Et de lénergie, le marin de 42 ans
en a à revendre. Il attendait avec impatience de pouvoir dégainer,
même si les conditions de navigation restent très acrobatiques.
Sous deux ris et ORC (plus petite voile davant), travers à
un vent de Nord de 26 à 30 nuds avec des rafales à
35, le trimaran se fait balloter dans 2 à 3 mètres de creux,
opposés au vent. Thomas doit sentir presque dans sa nuque la force
du front actif qui pousse dans le sillage de Sodebo. Cest lui qui
met lambiance et donne le rythme. Celui-ci traverse cap à
lEst comme notre solitaire, mais il est difficile destimer
sa vitesse exacte de déplacement. Parfois les deux dansent de concert,
parfois le marin avance dun pas, parfois cest le front. Combien
de temps durera ce rock endiablé, seulement quelques heures ou
plus ? Le skipper pourrait se faire rattraper et gérer des conditions
moins caressantes en arrière du front chaud. Par ailleurs, une
seconde dépression fusionne avec la première, apportant
encore du vent fort et portant jusqu'au Sud du continent africain.
Cadense à la hausse, retard à la baisse
En ce 15e jour de mer, Francis Joyon abordait la longitude de Bonne
Espérance. Le détenteur du record effectuait un contre-bord
au Sud et sa vitesse descendait légèrement autour des 20
nuds. Le retard de Sodebo est monté jusquà 1088
milles en milieu de nuit mais la tendance sinverse avec une cinquante
de milles repris depuis. Quoi quil en soit, à ce stade et
jusquà Crozet puis les Kerguelen, Idec a enchaîné
les journées à plus de 500 milles. Grappiller aujourdhui
est une chose mais impose un engagement sans concession de la part de
Thomas qui est particulièrement en forme physiquement et dans sa
tête. Le skipper sait à quelle cadence infernale il doit
vivre dans les prochaines semaines pour rivaliser avec la performance
de Francis. Ces conditions sont également un premier grand test
du bateau dans sa configuration actuelle, c'est à dire avec les
foils, des voiles plus puissantes et l'ensemble des optimisations apportées
depuis le tour du monde d'il y a deux ans. Thomas n'ignore pas non plus
que, dans ces contrées isolées, la nature est brutale, les
dépressions aussi rapides que violentes et la mer dangereuse. En
liaison permanente avec CLS Argos, société spécialisée
dans lobservation des glaces et partenaire du projet Sodebo, le
marin et ses routeurs mesurent à quel point les champs dIcebergs
présents dans lHémisphère Sud peuvent venir
gâcher la fête ou, tout au moins, peser dans la balance des
choix stratégiques. S'il n'y a pas de portes de sécurité
imposées comme sur les courses et que le terrain de jeu de ces
records est ouvert, savoir où dérivent les glaces, particulièrement
Nord cet hiver, influence forcément les trajectoires, même
si plonger pour couper au Sud s'avère néanmoins séduisant.
12 février 2011
On dirait le Sud
Changement radical d'ambiance à bord de Sodebo qui entre
dans les Quarantièmes. "Hier c'était l'été,
aujourd'hui, il fait un peu froid et très humide, mon duvet est
déjà gorgé d'humidité et c'est bientôt
l'hiver, " raconte le skipper filant vers l'Est dans l'attente, ce
soir, du premier coup de vent du Grand Sud. Après deux semaines
de mer et alors que son trimaran vient de passer sous la barrière
mythique du 40e parallèle sud, le skipper avoue avoir changé
de mode. "Ça yest, je suis entré dans autre
chose. Lété brésilien sen est allé
dun coup. Il ne fait pas encore très froid avec ce régime
de Nord-Ouest mais dehors cest gris et pluvieux. Je commence à
ajouter quelques couches de polaires, j'ai sorti la combinaison intégrale
et je ressens cette longue houle de Sud-Ouest qui ne trompe pas."
11 février 2011
Le souffle du front chaud
Ce matin, Sodebo aborde le contournement d'une cellule anticyclonique
glissant dans son Est. Thomas met le clignotant à gauche et joue
finement avec un front chaud lui promulguant un vent un peu plus fort
que prévu, entre 17 et 22 noeuds. La lutte avec Saint-Hélène
touche à sa fin et cest la bonne nouvelle du jour. Cette
semaine, Thomas a fait preuve dune grande patience durant ce long
bord obligé entre limmense anticyclone étalé
au milieu de lAtlantique et les côtes dAmérique
Latine. Sous grand voile à un ris et trinquette, le trimaran négocie
donc actuellement cette transition à la vitesse de 25 nuds.
Tom pourrait ralentir encore un peu dans les heures à venir, avant
de toucher les effets de la dépression à suivre ce week-end
et appuyer plus franchement sur laccélérateur.
10 février
2011
Poésie et humour à travers un Atlantique
coupé en deux par Saint-Hélène
Comme l'expliquait ce matin avec poésie le skipper de Sodebo,
"chaque nuage est un vendeur de rêve". Entre
la cinématique globale et les phénomènes locaux qui
ont une influence incroyablement disproportionnée, la route à
travers lAtlantique Sud se révèle une nouvelle fois
pleine dembuches. "Le ciel est encore très instable.
Je vois les grains qui se forment sous mes yeux en une heure et demie
ou deux heures. Ces grains aspirent lair et il faut attendre quils
bougent ou quil pleuve pour laisser passer le vent synoptique."En
résumé, ces petits grains sont terriblement puissants. Ils
sont capables de détruire un système et les scénarios
envisagés à partir des prévisions. En route pour
son 6ème tour de la planète à la voile et le troisième
en solo, le marin expérimenté avoue que cest à
chaque fois la même chose : "En quittant lEurope,
on se dit que Saint Hélène va vous laisser passer et que
vous pourrez la couper en deux ! Quand on part, on est plein despoir.
Mais quelle est la probabilité pour quun système qui
est né au dessus de la forêt amazonienne vienne couper exactement
ta route ? Aujourdhui, une dépression sort du Brésil
à tribord et va venir scinder en deux lanticyclone de Saint-Hélène
ce qui devrait me permettre de raccrocher un système plus sud."
Ce serait alors pour Sodebo comme prendre une autoroute pour Bonne Espérance.
Mais la route nationale entre les deux est étroite, pleine de nuages
et pas très bien balisée. « Mais que fait la DDE
! » concluait avec humour le skipper joint ce matin en visio.
Heureusement, Thomas reconnaît quil a un bateau ultra rapide
ce que confirme les images quil nous envoie régulièrement
et à voir sur le site www.sodebo-voile.com. "Sinon ces
phénomènes ont de quoi rendre nimporte qui complètement
fou !"
9 février
2011
Gagner au Sud
Sodebo descend plein vent arrière dans un flux de secteur
Nord mollissant qui souffle désormais sous les 15 noeuds. Une allure
d'équilibriste pour Thomas qui jongle avec des grains épars
encore très actifs et notamment un grand "tueur de vent"
qu'il a négocié vers 9 heures ce matin. Contraint dallonger
la route par rapport à Francis Joyon afin de contourner lanticyclone
de Sainte-Hélène, Thomas poursuit dans lobjectif de
gagner au plus vite dans le Sud. Une dépression se forme sur les
côtes brésiliennes. Elle se gonfle et débute son déplacement
vers lEst. Le scénario nest pourtant pas si limpide.
Dune part, il va devoir se glisser entre une dorsale anticyclonique
et le front de cette dépression pour accompagner ensuite son mouvement.
Ce type de transition nest jamais évident. Malgré
les outils informatiques dont il dispose, Thomas devra sadapter
à la réalité du terrain et tirer au mieux son épingle
du jeu au milieu de ces systèmes météo instables.
Dautre part, lorsqu'il se sera placé en avant de cette dépression,
il pourra commencer à infléchir sa route vers lEst
dici 500 milles environ. Cependant, reste ensuite à savoir
si la vitesse de déplacement du système lui permettra de
glisser avec lui longtemps en direction du Cap de Bonne Espérance
ou si la dépression ira plus vite que lui et le doublera. Il devra,
dans ce cas, continuer sa progression en arrière du système
dans un vent de Sud-Ouest très perturbé. Une réelle
partie déchec sannonce avec « Mother Nature »
comme Thomas aime la baptiser. Chacun avance ses pions. Le gain ? Un passage
de Bonne Espérance avec le moins de retard possible sur le tableau
de marche vertigineux d'Idec.
8 février
2011
Faites le tour !
C'est bien parti pour le grand tour de la paroisse. Décidément,
cette Hélène n'est pas une sainte ! Pour tous les marins
lancés à la conquête de Bonne Espérance et
de l'océan Indien cet hiver, cela se fait dans la longueur, avec
efforts et beaucoup de patience. Ce mardi, après 10 jours de
mer, Thomas Coville cumule 300 milles de retard sur son prédécesseur
Francis Joyon. Rien dalarmant, un cinquième seulement du
parcours théorique du tour du monde vient dêtre avalé.
A 12h00, le Maxi Trimaran filait sous un ris dans la grand voile et trinquette
dans une quinzaine de nuds de vent d'Est. Par 20 degrés Sud
le long du Brésil, la mer devient vraiment difficile depuis cette
nuit : une houle de Sud-Ouest par le travers de Sodebo croise avec la
mer du vent de Sud-Est, rendant la vie à bord inconfortable, dautant
que des grains épars persistent. /Les vitesses moyennes restent
néanmoins très élevées. Sodebo descend à
plus de 24 nuds et a enquillé pas moins de 554 milles sur
les 24 dernières heures ! Preuve sil en fallait du potentiel
du bateau et de la capacité du skipper à maintenir ce rythme
élevé en solitaire.
7 février
2011
Plein gaz !
« Je ne vous cache pas que vous
me sortez du lit, » lance Thomas en caleçon sous le soleil
du Brésil alors que Sodebo file à plus de 30 noeuds au moment
de la liaison vidéo de ce lundi matin. Encore une nuit
sans Lune pour le skipper qui glisse dans la chaleur de lalizé.
"Je nai pas arrêté, un ris, deux ris, choquer,
reprendre, les alizés sont toujours capricieux mais on ne leur
en veut pas car ils sont toujours là, fidèles, et nous font
aller vite. Hier soir, sous les étoiles à plus de 30 nuds,
il ny avait pas grand monde aussi heureux que moi ! Ce matin, ça
va même un peu trop vite à mon goût. Jai 23 nuds
de vent et je suis à 31 nuds. Attendez, je remets en marche
mon système de larguage découte automatique qui fonctionne
très bien." A chaque changement de caméra, on découvre
un peu plus ce bateau lancé "pleine balle" sous la lumière
généreuse des tropiques. Sodebo dessine son sillage sur
cette mer dun bleu profond et ça fume sous les coques. "Je
suis en super forme," poursuit Tom. "Jai vite récupéré
de ce passage déquateur très fatiguant. Jai
fait un gros travail hier de petite maintenance sur le bateau et je profite.
Jai une chance incroyable dêtre sur leau. Je fais
exactement ce dont je rêve : le tour du monde en solitaire à
bord dun multicoque fantastique. Avec Sodebo, cest ce que
lon voulait faire depuis toujours. Il faut se raccrocher à
ce qui est beau. Quand cest difficile, je me demande où je
vais trouver mon énergie, et bien là, cest celle que
me donne ce bateau magique."
Moins de 200 milles de retard : Certes, lavance accumulée
lors des premiers jours a été engloutie par les calmes du
Pot au Noir mais déjà, avec le rythme maintenu par Sodebo
depuis hier, le retard sur le temps de référence de 279
milles dimanche à 13h15 a réduit de 87 milles aujourdhui
à la même heure. "Lorsque lon effectue des bords
parallèles avec Francis, jarrive à être plus
rapide que lui, peu importe les conditions," analyse le skipper.
"Mais la différence c'est qu'avec lenchaînement
météo fabuleux dont il a bénéficié,
Francis a réalisé la route la plus courte que tu puisses
imaginer sur ce même parcours. De Brest à Bonne Espérance,
Idec est quasiment imbattable, il a été même plus
rapide que Groupama 3 lhiver dernier avec 10 marins à bord.
Son trajet sur ce tronçon là est idéal et on se bat
contre lidéal. Pour vous donner un exemple, lorsque nous
avions 160 milles davance dans lAtlantique Nord, nous avions
déjà parcouru 130 milles de plus. Et là, avec Sainte-Hélène
en travers de la route, cela va sûrement se répéter.
Après, ce ne sera plus la même chose quand on attaquera locéan
Indien ou le Pacifique."
6 février
2011
Près brésilien
A l'issue de sa première nuit sous
l'équateur, Thomas approche déjà de la latitude de
l'archipel de Fernando de Noronha, ce bijou turquoise au large de Natal
et de la pointe Nord-Est du Brésil. Sodebo est entré
dans un régime dalizé de Sud-Est stable, soufflant
autour de 15 nuds. Face à la houle, le trimaran retrouve
de la vitesse avec une moyenne de plus de 17 nuds sur les six dernières
heures. Tom peut effectuer un près océanique assez rapide,
au moins jusquau 15e Sud. Lécart sur le temps de référence
se creuse avec 275 milles de retard ce dimanche.
5 février
2011
Thomas revient sur cette première semaine
bien remplie !
Alors qu'il dégouline littéralement
avec une température de 45 degrés à l'intérieur
de son Sodebo qui a franchi l'équateur cet après-midi, Thomas
revient sur ces sept premiers jours de record particulièrement
denses ainsi que sur l'abandon de Banque Populaire V dans le Trophée
Jules Verne, suite à ce choc avec un OFNI qui a endommagé
très sérieusement la dérive de 600 kilos.
A l'équateur en 7 jours : "Nous venons de couper léquateur
et cela a été une semaine très riche. J'ai du mal
à croire que ce ne soit quune semaine dailleurs. Quand
tu utilises 24 heures dans une journée, cela multiplie forcément
ce que tu peux en faire. Ce qui ma marqué, cest une
jolie trajectoire avec des transitions bien vues et bien négociées,
une mer formée et difficile à gérer entre les Canaries
et le Cap Vert, puis un tronçon agréable et rapide jusquau
5e degrés Nord. Par contre, depuis 48 heures, cest un peu
lenfer. On est coincé dans une zone de calme autour du Pot
au Noir. Cest assez décevant davoir beaucoup uvré
pour que cela soit anéanti en deux jours, cela fait partie du jeu
mais ce nest jamais facile à vivre. Cest dommage de
ne pas avoir un chiffre qui reflète mieux le travail fait jusquici.
Jai pris un super pied à aller vite. Sodebo est un bateau
sain et très tolérant. Nous avons un très beau bateau
pour battre le record, encore faut-il passer entre les mailles du filet
que représente de la météo."
La traversée éprouvante du Pot au Noir : "Ce sont
des endroits qui font péter les plombs. Heureusement que jaime
manuvrer ! Hier, jai pris et largué quatre fois un
ris, jai déroulé et roulé autant de fois le
gennaker, idem en changements de voile davant. Et puis, il faut
le faire dans la minute parce que tas un nuage ou une risée.
Jai aussi cassé trois lattes et à léchelle
dun bateau comme Sodebo, cela demande énormément dénergie
pour les remplacer tout seul. Si dans le Sud, on est mieux sur un gros
bateau, là j'ai eu un moment de doute. Globalement, jai bien
géré physiquement, je ne suis pas aussi éprouvé
quau même endroit il y a deux ans. Jai aussi bien mangé.
Nous avons bien travaillé là-dessus et comme cest
bon, tu ne rechignes pas à te préparer quelque chose."
La suite du parcours : "Le prochain rendez-vous météorologique,
cest Sainte-Hélène qui fait du mal aux marins ces
derniers temps entre les concurrents de la Barcelona World Race (tour
du monde en monocoque et en double) puis léquipage de Banque
Populaire qui est descendu le long des côtes brésiliennes
pour passer sous lanticyclone. Francis avait fait un très
bon parcours et cest un moment que je redoute forcément mais,
pour lheure, jai arrêté de me projeter. Depuis
deux jours, je vis dans linstant au milieu des grains dans cette
atmosphère humide, nuageuse et très grise où tu es
impuissant face à la beauté des éléments et
au désert qui t'entoure. Il y a des énormes nuages dans
lesquels tu entres comme dans un tunnel. "
Labandon de Banque Populaire V : "Je suis très déçu
pour léquipage de Pascal Bidégorry. Percuter quelques
chose à 37 nuds, ça doit être monstrueux, moi,
jai eu une collision à 28 nuds avec un groler (morceau
de glace) à bord de Sodebo lors de ma première tentative
(2007/2008) et javais trouvé cela déjà très
violent mais alors à 10 noeuds de plus, c'est un choc digne d'un
accident de voiture. Cest un merveilleux projet et, quoi quil
arrive, il y aura un avant et un après Banque Populaire en terme
de performance autour de la planète. Ils y retourneront et ce bateau
a un tel potentiel quil marquera forcément lhistoire.
Jai déjà été très impressionné
de leur vitesse moyenne avec peu de vent et par la vélocité
du bateau en général. Pascal avait fait en plus un super
équipage. Comme quoi, un tour du monde ce nest pas anodin.
Tu nes jamais sûr de pourvoir le terminer, tu fais un pari.
Je ne suis même pas sûr quun bateau ait réussi
à battre le Trophée Jules Verne dès sa première
tentative."
4 février
2011
Fichu "Pot" !
Que cette zone du globe est rageante ! Thomas
qui a franchi dans sa carrière une quinzaine de fois le Pot au
Noir et en connaît ses « délices », mange son
pain noir, blanc et de toutes les couleurs.Et oui, la photo
« sat » (voir illustration) en dit long sur lactivité
nuageuse et orageuse dans la région en cette veille de week-end.
Bien évidemment, comme il est impossible de savancer sur
les prévisions et quil ny a que la réalité
sur le terrain qui vaut, difficile de dire aujourdhui à quelle
sauce le skipper de Sodebo sera mangé avant léquateur,
encore distant de 215 milles à 16 heures ce vendredi après-midi.
La bonne nouvelle est que Thomas a retouché du vent depuis le
milieu de matinée. Très étonnamment, ce dernier souffle
du Nord Ouest, ce qui nétait pas franchement prévu.
Le skipper a donc empanné pour amorcer un bord rapprochant au Sud.
Avec ce vent de 8 à 10 nuds, Sodebo maintient une vitesse
de 11 nuds moyens sur les six dernières heures, ce qui est
plutôt encourageant. Néanmoins, ce flux reste très
instable, oscillant du 320 au 20. « Limportant est de gagner
au Sud, » explique Thierry Douillard qui suit cela heure par heure
avec le team routage de Sodebo. « Comme actuellement les systèmes
gonflent et se dégonflent au-dessus de toi, mais ne se déplacent
pas vraiment, rien ne sert de chercher à suivre un nuage ou un
autre. Il faut utiliser au mieux ce faible vent de Nord-Ouest en faisant
le cap le plus Sud possible. Avec la tension que ces situations procurent,
il est difficile pour Tom de dormir, ni même de fermer les yeux.
Il faut rester calme et patient car devant, cela sannonce encore
complexe. » Thomas tente de se faufiler entre deux masses nuageuses
et une nouvelle zone de grains s'annoncent devant les étraves de
Sodebo dans la soirée.
3 février
2011
A l'entrée du Pot au Noir
Sodebo entre dans le Pot au Noir. Sa cadence
reste très correcte avec à 21 heures ce jeudi soir une moyenne
de 21,4 noeuds sur les 6 dernières heures. Malgré
tout, les signes sont là, les grains senchaînent, le
vent mollit, pas de doute, cest bien cette zone de convergence intertropicale.
Ce redouté « no wind land » où les systèmes
météo de lHémisphère Nord et Sud sannulent
en approche de léquateur. Les grains menaçants, au
comportement imprévisible, prennent les marins en otage qui vivent
condamnés à veiller sur le pont, prêts à vêtir
ou dévêtir leur bateau à chaque nuage.
2 février
2011
Extrême la vie de marin !
Extrême la vie de marin sur l'Atlantique
ces temps-ci ! Au 4ème jour de son tour du monde, face à
une mer courte et formée, le skipper de Sodebo garde la cadence
et vient "d'enquiller" pas mois de 585 milles en 24h à
la vitesse moyenne de 24,4 noeuds ! A 18h, Sodebo comptait 111 milles
d'avance sur Idec. En fin daprès-midi, Tom négociait
son approche du Cap Vert, admirablement puisque le trimaran filait à
plus de 24 nuds dans lOuest de Santo Antao, lîle
la plus Nord de larchipel. Après Madère et les Canaries,
Sodebo laissera cette nuit les îles du Cap Vert dans son sillage,
porté par ce fidèle flux de Nord-Est qui ne fait que se
renforcer depuis le départ de Ouessant.
1er février 2011
25 degrés, 25 noeuds de vent, 25 noeuds
de moyenne
Peu de marins solitaires ont rejoint les
Iles Canaries en si peu de temps. Parti de Brest samedi dernier à
l'heure du déjeuner, Thomas Coville a dépassé la
latitude des Canaries aujourd'hui mardi à midi soit 1643 milles
en trois jours à la vitesse moyenne de 23 noeuds. On
pense au plaisir du skipper de SODEBO quand il regarde sur la carte sa
magnifique trajectoire depuis son départ samedi dernier, pas une
ligne complètement droite cest vrai mais une belle descente
qui sest bien enchaînée avec une bonne gestion des
bascules et des rotations du vent. Ce quon découvre en off,
ce sont les efforts, le manque de sommeil à peine quatre
heures en 72 heures ! - des conditions de navigation éprouvantes
dans une mer hachée avec un vent instable qui sollicite les pilotes
quil a du mal à régler. Ce soir, on sentait au ton
de sa voix que ça lénervait. A 25 nuds de moyenne
sur un foil, il na pas dautre choix que dêtre
attentif. Du coup, il a du mal à sendormir et ça aussi,
ça lénerve. Comme il a de lexpérience,
le marin solitaire sait aussi que ça ne va pas durer et quil
va finir par prendre le rythme : « Cest toujours comme
ça la première semaine car tu pars forcément avec
une fenêtre exigeante ». Avec une avance denviron
50 milles sur le record de Francis Joyon, ce qui est beaucoup en trois
jours mais ne représente que deux heures à 25 nuds
de moyenne -, SODEBO descend vers léquateur cap au 200. Dans
ces conditions tordues - entre 22 et 28 noeuds - , Thomas a hissé
le petit gennaker et navigue avec 1 ris dans la grand voile. Il fait une
route à 140 ° du vent. A cette latitude, le skipper de SODEBO
était déjà en retard en 2008. Daprès
Christian Dumard, « à conditions égales, Thomas est
de 1 à 1,5 noeuds plus rapide. En 2007, Francis avait eu un système
un peu similaire à celui de Thomas aujourdhui. Les conditions
étaient simplement un peu plus avantageuses pour le skipper de
IDEC avec un anticyclone qui descendait derrière lui, » expliquait
ce matin le routeur de Thomas.
Thomas devrait arriver dans un temps correct à l'équateur,
moins de 7 jours à priori si le Pot au Noir est gentil.
31 janvier 2011
Pasta, lyophal et Handball sur la route de Madère
Plus de 1000 milles parcourus en 48 heures,
le paysage file pour Tom qui a passé la latitude de Gibraltar et
arrive dans le Nord de Madère. Avec une cinquantaine
de milles davance sur le temps de référence, Sodebo
effectue un long bord tribord depuis la hauteur de Lisbonne. Le prochain
empannage est programmé en fin de journée pour piquer au
Sud, toujours poussé par ce généreux vent de Nord-Est,
assez instable depuis hier, mais bien présent.
30 janvier 2011
Tobogan Portugais
Pas de perte de temps sur Sodebo qui descend
plein Sud avec un marin déjà dans le rythme. Après
24 heures en mer, 532 milles parcourus à 21,4 nuds de moyenne,
une heure de sommeil volé au petit matin, quelques bouchées
de tagliatelles au poulet assaisonnées à lhuile dolive
et parfumées au basilic, le tout avalé entre deux réglages,
le marin solitaire se trouve déjà au sud du Cap Finisterre
et dévale « le toboggan des alizés portugais »
à la vitesse de 20-25 nuds. Il glisse le long des côtes
portugaises sous gennaker et grand voile à un ris poussé
par un vent dune vingtaine de noeuds.
Au programme, un empannage en fin de journée qui lui permettra
de mettre le cap sur le Nord de Madère.
29 janvier 2011
Top départ de Brest
Thomas Coville a coupé la ligne de départ du
record du tour du monde en solitaire devant le phare de Créac'h
de l'île de Ouessant ce samedi 29 janvier à 12h07'28'' heure
française. Le trimaran Sodebo s'est élancé en tribord
avec un vent de Nord-Est de 20 à 25 nuds, sous grand-voile
à deux ris et « string » (petit gennaker). Le skipper
doit empanner environ une demi-heure après la ligne pour passer
l'après-midi et une bonne partie de la nuit prochaine en bâbord
dans la mer assez courte du Golfe de Gascogne. Thomas empannera à
nouveau pour négocier la pointe du Cap Finisterre avant de descendre
rapidement le long des côtes Portugaises dans des conditions toniques
mais stables.
Après avoir accompli ce parcours de plus de 40 000 kilomètres
autour des trois grands caps, Bonne Espérance, Leeuwin et le Horn,
le skipper de Sodebo doit revenir couper la ligne à Ouessant avant
le 28 mars à 1h4034 (heure française),
soit une minute de moins que le temps de référence de Francis
Joyon (Idec) qui est de 57 jours, 13 heures, 34 minutes et 6 secondes.
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