Maud Fontenoy
 
"Maud Fontenoy dans le grand bain"
Maud Fontenoy

 

Elle est née le 7 septembre 1977 à Meaux en Seine-et-Marne (77).

L'historique de son exploit sur le Pacifique Sud

Elle a réussi

Pour suivre son aventure en direct (finie)

Son tour du monde à l'envers ici (fini)

Disparue des écrans marins en 2005
 

Son bateau

 

Détails

   
 

Son Palmarès

   

Portrait

À vingt-cinq ans, parrainée par Gérard d’Aboville, elle a été la première femme, en 2003, à réussir la traversée de l’Atlantique Nord à la rame et en solitaire. Un combat de quatre mois entre St-Pierre-et-Miquelon et La Corogne en Espagne. Maud est une véritable passionnée de l’océan. Sept jours après sa naissance, embarquée sur la goélette familiale, elle traverse pour la première fois l’Atlantique à la voile. Suivront quinze merveilleuses années à naviguer dans les îles, le hamac entre les deux mâts du bateau, tout en suivant sa scolarité par correspondance... Revenue vivre à terre, elle n'a eu de cesse de compléter sa formation de navigatrice à l'école

Devenue responsable d’une agence immobilière, elle fut la présidente - fondatrice de la Fédération française des bateaux à voile et avirons traditionnels - et a créé par passion une association dont le but est de faire naviguer des jeunes de quartiers difficiles sur une yole de Bantry ...

   
Dernières news

Le 12 janvier 2005

Mercredi 12 janvier 2005, à 17h 15 heure Lima (23h 15 Paris), Maud Fontenoy a quitté le ponton du Yacht Club de Puerto Callao pour partir affronter seule l’océan Pacifique sur Océor, son bateau à rame de 7,50 m. Devant elle, un immense désert maritime de 8 000 km, qui la sépare de sa destination, la Polynésie.

Le 13 janvier 2005

Début difficile du point de vue "amarinage", la houle et le stress du départ ont rendu malade Maud, malgré la visite d'une poignée d'otaries. Jours passés en mer : 1 jours Distance parcourue : 35 km - 18,90 miles

Le 14 janvier 2005

Maud prend son rythme de croisière, Jours passés en mer : 2 jours Distance parcourue : 58 km - 31,32 miles

Le 15 janvier 2005

J’enrage sur mes avirons car malgré tous mes efforts pour avancer vers l’ouest, je monte injustement vers le nord à cause des courants, du vent et de la houle. Cela me rappelle les Grands Bancs de Terre Neuve : un mois à être scotchée dans un pot de miel. Jours passés en mer : 3 jours Distance parcourue : 84 miles - 155,57 km

Le 16 janvier 2005

Jours passés en mer : 4 jours Distance parcourue : 142 miles - 262,98 km

Le 17 janvier 2005

Jours passés en mer : 5 jours Distance parcourue : 183 milles - 338,92 km

Le 18 janvier 2005

Jours passés en mer : 6 jours Distance parcourue : 221 milles - 409,29 km Maud a très chaud.

Le 19 janvier 2005

Vrai départ Ça y est, on est dedans ; 3 mètres de creux et plus de 15 nœuds de vent. OCÉOR se débat, je suis cognée dans tous les sens, l’océan gronde, ça tape et retape sur la cloison, rude nuit. Je suis enfermée à l’intérieur. Tout se casse la figure. Les capots sont clos. J’étouffe un peu. Je me cale avec mes genoux dans ma petite couchette et j’attends. Jours passés en mer : 7 jours Distance parcourue : 248 milles - 459,30 km

Le 20 janvier 2005

Montagnes Russes Quand nous sommes en haut de la vague, j’en profite pour regarder si un bateau n’arrive pas. Je me tiens à mes avirons et passe mon temps à maintenir l’équilibre. Jours passés en mer : 8 jours Distance parcourue : 286 milles - 529,67 km

Le 21 janvier 2005

Ça va Je n’ai ni mal aux dents, ni mal aux pieds, ni mal aux genoux, ni mal aux oreilles d’ailleurs….pour tout vous dire, c’est surtout ma cuisse droite qui commence à me faire souffrir ; sûrement un début de tendinite. Jours passés en mer : 9 jours Distance parcourue : 334 milles - 618,57 km

Le 22 janvier 2005

Ablutions Cette traversée est une école de simplicité, de patience et de persévérance. Voilà ce à quoi je pensais ce matin au réveil. Je suis si petite et si dérisoire sur cet océan que cela remet en cause bien des choses. L’horizon fuit encore et encore sous mes yeux ; lorsque nous sommes sur la crête d’une vague, mon regard se précipite au loin, mais l’océan s’étire toujours de plus belle. L’espace semble infini et mes coups de rame me paraissent être des pas de fourmi. Jours passés en mer : 10 jours Distance parcourue : 382 miles - 707,46 km

Le 23 janvier 2005

Pêche ou pas ? Quelques pétrels fendent l’air à toute vitesse vers la surface de l’ océan q’ils percent vivement du bec. Il doit bien y avoir du poisson ! Je décide de mettre une ligne à la traîne ; qui sait si une bonite ne s’y attardera pas ? Jours passés en mer : 11 jours Distance parcourue : 431 miles - 798,21 km

Le 24 janvier 2005

Poissons Volants Impossible de fermer l’œil de la nuit. Je me cramponne et me cale sans grand succès avec mes genoux. Ma tendinite me lance et j’enrage de ne pas pouvoir m’endormir. Il faut dire que tous les capots sont fermés et il fait une chaleur étouffante. Ce matin j'aperçois : un petit poisson volant, suicidé dans mon cockpit, les ailes grande ouvertes. Je le regarde sous toutes les coutures ; il est trop petit pour être mangé, et puis au réveil, ça ne me dit rien. A midi, j’installe une ligne de pêche : il est l’appât ! Jours passés en mer : 12 jours Distance parcourue : 485 miles - 898,22 km

Le 25 janvier 2005

Pleine lune J’ai ramé tard ; le soleil s’est d’abord couché comme pressé de rejoindre la fraîcheur de l’océan. La chaleur qui se dégage est telle que tous les éléments semblent en effervescence. La mer bouillonne, des nuages de condensation semblent se former sur l’horizon, la lumière est encore si forte qu’elle m’éblouit. Jours passés en mer : 13 jours Distance parcourue : 540 miles - 1000,08 km

Le 26 janvier 2005

Tempête / Déferlantes / Ciel couvert d'une très épaisse couche nuageuse. Le jour a disparu. Une chaleur humide gène la respiration. Je suis fatiguée. Vivement que ça se calme. Jours passés en mer : 14 jours Distance parcourue : 591 miles - 1094,53 km

Le 27 janvier 2005

Ça bouge ! Au réveil une vague impressionnante recouvre OCÉOR par l’arrière et vient s’écraser sur la bulle ; je sursaute, je me force à croire que la mer commence néanmoins à baisser ; les nuages voilent toujours le soleil et l’écume blanche et mousseuse des déferlantes m’annonce que le calme n’est pas pour tout de suite. Je sors dans le cockpit et m’étire aussi difficilement qu’un fil de fer rouillé.. OCÉOR semble rassuré de me voir. Jours passés en mer : 15 jours Distance parcourue : 637 miles - 1179,72 km

Le 28 janvier 2005

Enfin le redoux Seuls quelques nuages blancs et gris en forme d’enclume ( des cumulonimbus ) perchés sur l’horizon, trahissent ce qui s’est passé ces derniers jours. Le ciel, partout ailleurs, est d’un bleu presque blanc et le soleil est redevenu des plus éblouissants. L’air est chaud. Assise à mes avirons, je regarde mes jambes et mes bras asséchés par le soleil. Il est loin le temps des bonnes douches à l’eau claire et de la crème hydratante une fois par jour. Tout à l’heure, France Info m’a appelé pour faire un direct avec Ellen Mc Arthur ( tentative de record du tour du monde à la voile ) et Vincent Riou ( leader du Vendée Globe ) ; Ça m’a fait drôle de les entendre. Quelle merveille ce téléphone satellite ! Jours passés en mer : 16 jours Distance parcourue : 680 miles - 1259,36 km

Le 29 janvier 2005

Rien en vue Voilà plus de deux jours que je n’ai plus croisé de cargo. L’océan semble aujourd’hui totalement déserté ; pourtant, au milieu de la nuit, je suis réveillée par des voix et des rires... Les bruits ne sont autres que ceux de Pétula qui vient de regagner notre bord et qui est en pleine discussion avec OCÉOR. En sortant, je constate que des algues commencent à pousser dans le fond du cockpit et sur la ligne de vie qui y séjourne. Nous commençons à faire corps avec l’océan ; peut-être qu’à l’arrivée j’aurai les pieds palmés, qui sait ? Mes avirons, au fil des jours sont devenus des nageoires qui inlassablement tentent de nous rapprocher de la Polynésie. Jours passés en mer : 17 jours Distance parcourue : 723 miles - 1339,00 km

Le 30 janvier 2005

Catastroumpf Il n’est pas plus stroumpf que 11 heures quand c’est arrivé. Je ramais stroumpfement bien, mon Ipod dans la poche et mon stroumpf tout doux sur les oreilles ; C’est alors qu’une vague, plus grande que trois stroumpfs sur un buisson de salsepareille, stroumpfa en grognant sur le bâbord d’ OCÉOR. Mon Ipod eu beau se sauver ventre à terre, il n’échappa pas à l’effroyable stroumpf et poussa son dernier cri sans même laisser à Johann Pachelbel le temps de terminer un de mes canons préférés. L’océan, sentant bien que la stroumpf me montait au nez, préféra se faire discret. Jours passés en mer : 18 jours Distance parcourue : 776 miles - 1437,15 km

Le 31 janvier 2005

Mouvement perpétuel Ce matin le ciel très nuageux est taché d’encre. L’ océan semble avoir la migraine ; nous sommes deux. Une grosse houle s’est formée pendant la nuit ; OCEOR tangue, roule, s’agite comme s’il était en proie à d’horribles cauchemars. Les vagues sont agressives. La tête haute, elles défient tout ce qui se trouve sur leur passage. Nous nous faisons tout petits... J’aimerais être un poisson pour me réfugier dans les entrailles de l’océan, au calme des profondeurs. Jours passés en mer : 19 jours Distance parcourue : 835 milles - 1546,42 km

Le 1er février 2005

Nuit houleuse De toute la nuit, ça n’a jamais cessé de taper. Emporté par les flots, OCEOR semble rouler sur du gravier. Tout tremble à l’intérieur, et pour ajouter un peu à ce tintamarre, l’axe de la barre claque avec insistance. Pas facile de fermer l’œil. A plusieurs reprises, les vagues submergent le cockpit et se glissent malicieusement à l’intérieur par les quelques centimètres de hublot laissé entr’ouvert pour respirer. Jours passés en mer : 20 jours Distance parcourue : 886 milles - 1640,87 km

Le 2 février 2005

Grands espaces Il neige à gros flocons, je suis dans un épais brouillard blanchâtre et n’y vois pas plus loin que le bout de mon nez, comme un navire perdu en plein hiver sur les Grands Bancs de Terre Neuve. Tout à coup, nous heurtons une terre ; je me réveille..non, nous ne sommes pas arrivés, ce n’est qu’une vague de plus qui gifle OCEOR. Jours passés en mer : 21 jours Distance parcourue : 938 milles - 1737,18 km

Le 3 février 2005

Plancton Cette nuit encore j’observe la mer. Le ciel presque entièrement dégagé ( tout arrive ! ) diffuse une douce lumière qui, à chaque mouvement d’OCEOR rend autour de lui l’océan phosphorescent. Comme si la fée Clochette était passée par là, on croirait qu’il est dans un écrin de lumière fait de millier d’étoiles scintillantes. Assise sur le rebord de mon capot, je m’émerveille de cette coulée de diamants... Jours passés en mer : 22 jours Distance parcourue : 993 milles - 1839,04 km

Le 4 février 2005

Et Voilàààààà ! Non, je sais, Vous n’allez pas me croire, pourtant SI…et après le coup du plancton d’hier, c’est une drôlement belle revanche. Enorme qu’il était mon premier poisson ! Allez, je vous raconte :Il était environ 13 heures, j’avais faim. Un petit poisson volant ayant atterri dans la nuit à côté de Pétula, je décide de mettre en place une ligne de pêche. Trois quarts d’heure plus tard ; ça mord ! Je n’y crois pas ! Avec le bol que j’ai, s’il y a une seule vieille paire de chaussures ou un sac poubelle déchiré, il est pour moi... Jours passés en mer : 23 jours Distance parcourue : 1057 milles - 1957,56 km

Le 5 février 2005

Migraine Le ciel est complètement couvert, la lumière est blanchâtre, presque pâteuse. Il fait une chaleur étouffante, épuisante. Mes mains collent aux poignées des avirons. Je suis cassée, j’ai mal au dos, à ma jambe bien sur, mais pire que ça ; j’ai la migraine. Un essaim d’abeilles semble bourdonner dans ma tête. Je serre les dents. Jours passés en mer : 24 jours Distance parcourue : 1110 milles - 2055,72 km

Le 6 février 2005

Et si… C’est toujours un vrai spectacle que d’ assister au réveil de Pétula. Je lève la tête vers le cockpit; le ciel est encore plus noir qu’hier. Elle est là qui se frotte les yeux puis qui tend les pattes vers le ciel en s’étirant comme un chat. Elle fait une grimace qui pourrait bien ressembler à un bâillement et dans la foulée, elle se met à chanter Alexandrie Alexandra. Jours passés en mer : 25 jours Distance parcourue : 1153 milles - 2135,36 km

Le 7 février 2005

A.N.I. ( Animal Non Identifié ) Tout d’un coup la ligne se tend à rompre. Apparemment, la tête de poisson volant a fait son effet, trop, je dirais même. Je saute de mon siège et attrape la ligne devenue aussi dure qu’un câble. Je suis contente de sa solidité. L’hameçon n’ a pas été mis à l’eau depuis cinq minutes qu’il a déjà attiré quelque chose,… quelque chose de très gros, d’énorme même : mon cœur bat la chamade. OCEOR pâlit et se demande si le monstre ne va pas nous entraîner dans les profondeurs. Jours passés en mer : 26 jours Distance parcourue : 1216 milles - 2252,03 km

Le 8 février 2005

Alarme Il s’est mis à pleuvoir et la nuit est tombée aussitôt. Je n’aime pas trop quand le ciel est si nuageux. Au milieu de la nuit, mon alarme se déclenche : comme dans une caserne de pompiers, ni une, ni deux, tout le monde est sur le pied de guerre. OCEOR a mis sa lampe frontale et scrute l’horizon, Pétula est en équilibre sur la bulle avec les jumelles...Ah ! le voilà, derrière nous ; il était caché par une vague : un porte-containers illuminé comme un sapin de Noël. Ça fait drôle de voir un de ces monstres de fer de si près. Il se dirige dans la même direction que nous. « Pourvu qu’il ne nous rase pas trop » supplie Océor... Jours passés en mer : 27 jours Distance parcourue : 1272 milles - 2355,74 km

Le 9 février 2005

A.N.I . Bis ...Constatant que des algues avaient encore poussé dans le cockpit, je me suis décidée à me pencher pour voir l’état de la coque. C’est alors que, le nez au ras de l’eau, j’ai vu sortir à peine deux mètres de moi, un aileron. Mon sang n’a fait qu’un tour ( dixit Chantal ). Je me suis redressée comme un ressort, le souffle coupé. J’ai d’abord cru que c’était un requin, mais l’aileron est sorti beaucoup plus de l’eau : il faisait plus de cinquante centimètres de hauteur, très pointu, dentelé sur l’arrière et ressemblait plus à un aileron d’espadon géant. Je n’ose pas imaginer de quelle taille devait être l’animal . Et vous ? ça vous donne envie de vous baigner ? ! ! ! Jours passés en mer : 28 jours Distance parcourue : 1314 milles - 2433,53 km

Le 10 février 2005

Un mois : le bilan Assise comme à l’habitude sur mon siège à coulisse, le dos calé contre le capot avant, mon regard se perd. Sous mes yeux, une mer bleu velours, immense, qui semble respirer à travers une multitude de vaguelettes écumantes. Chaque jour j’ai le sentiment de faire un peu plus corps avec elle à la poursuite commune d’un mystérieux horizon qu’il semble impossible de rattraper...C’est dans cet univers que se joue cette traversée heure après heure… s’adapter, c’est peut-être ça le secret ! Jours passés en mer : 29 jours Distance parcourue : ?

Le 11 février 2005

C’est reparti ! A un moment, j’y ai cru, mais c’était trop beau. N’ayant aucune échappatoire, je vois le vent forcir, balayant avec lui tout espoir d’une bonne nuit tranquille. L’océan est comme ça, il ne vous demande pas votre avis. A tout moment vous devez être prêt à laisser au vestiaire votre corps d’humain pour vous habiller du plus simple instinct animal : tenir, sans regarder sa montre, et sans chercher des raisons à tout cela ! Voilà en quoi consisteront mes prochaines heures... Jours passés en mer : 30 jours Distance parcourue : 1412 milles - 2615,02 km

Le 12 février 2005

En croûte de sel ! La mer est hachée ; conséquence : je ne sais plus comment me protéger des vagues qui viennent de tous cotés. OK, quand je laisse mon petit capot arrière ouvert au mauvais moment, j’admets. Mais là, c’est par mon capot avant à peine entr’ouvert la nuit que se faufile l’océan. Et pourtant, il faut bien que je respire un peu tout de même ! Bref, mon oreiller est trempé et quand je dis trempé, je ne veux pas dire humide. Alors, certes, il y a le soleil, je suis d’accord, mais tout tenir à bout de bras au-dessus de sa tête pour éviter une nouvelle douche, ce n’est pas très pratique. Et puis reste le problème du sel... Jours passés en mer : 31 jours Distance parcourue : 1461 milles - 2705,77 km

Le 13 février 2005

Stimulus Pas d’autre couleur que le bleu et le blanc. Le même tube de peinture semble avoir peint tout mon univers. L’océan s’est mis à respirer plus lentement. OCEOR, fier comme un paon, se dandine sur les vagues. Les poissons volants sont partout, par petites troupes, ce sont des rayons argentés qui sautent hors de l’eau. Les jours s’enchaînent, parfois la solitude me pèse. Jours passés en mer : 32 jours Distance parcourue : 1510 milles - 2796,52 km

Le 14 février 2005

Étoile filante Le soir venu, assise dans l’embrasure de mon capot arrière, j’ai entre les mains un bol de soupe en sachet dites "aux légumes " ( entre nous ; délicieuse ), les yeux vers le ciel, j’admire les étoiles apparaissant les unes après les autres comme pour habiller la nuit, au grand plaisir de la lune qui déteste se sentir seule. Pourtant à des millions d’années lumière de moi, ici, au milieu de ce si grand océan, j’ai l’impression qu’elles sont toute proches. La nuit ne va pas être trop sombre ; je suis contente... Vers une heure du matin, j’ouvre les yeux et à travers la bulle vois passer une étoile filante : vite, vite, un vœu ! Pourvu que le Grand Univers ne dorme pas... Jours passés en mer : 33 jours Distance parcourue : 1562 milles - 2892,82 km

Le 15 février 2005

Sourire Le ciel est régulièrement balayé par d’épaisses masses nuageuses. Ce matin le plafond était bas, plutôt gris. Il a beaucoup plu cette nuit. A midi, tout c’est miraculeusement dissipé. La voûte au-dessus de moi est à nouveau d’un bleu tendre uniforme à faire pâlir un été en Provence. La mer chantonne sous mes pieds. OCEOR transpire, je rêve de me baigner et pourtant je sais que cela n’est pas sérieux. Terrible tentation du diable….les requins sont là ! Je rame plus fort du bras gauche pour compenser la houle ; je me demande si je vais arriver difforme en Polynésie. Jours passés en mer : 34 jours Distance parcourue : 1627 milles - 3013,20 km (la plus grosse journée depuis le début avec 120km)

Le 16 février 2005

Comme au printemps « Forcément, si tu attends qu’il n’y ait plus de creux pour te laver, c’est pas demain la veille » clame OCEOR. Je passe ma main dans mes cheveux collés par le sel. Pas de soleil aujourd’hui. Le ciel est uniformément gris, il bruine de temps à autre, la lumière semble poussiéreuse. L’océan est parcouru de spasmes qui rendent mes coups de rame difficiles. « C’est un jour à rester planqué dans le coffre au trésor au fond de l’aquarium » ronchonne Pétula. Peu importe, c’est décidé : je me lave... Jours passés en mer : 35 jours Distance parcourue : 1685 milles - 3120,62 km

Le 17 février 2005

Rencontre La mer est formée et on distingue mal l’horizon. Mon détecteur de radar se met à sonner. Je crois avoir mal entendu. Ici, en plein milieu, je ne m’attends pas à avoir de la compagnie ( de terriens j’entends ). Mais non, voilà qu’un nouveau son strident retentit... Ah ! le voilà ; il était caché par les vagues. Une masse métallique dans laquelle se reflète le soleil se dirige vers nous... J’enfile à toute vitesse mon pantalon ( je ne l’ai pas remis depuis le départ, il y a encore des soles péruviens dans les poches ) et je sors mes jumelles. Il n’y a pas de doute : un engin flottant surdimensionné de couleur grise s’approche. Dans des moments comme celui là, j’ai toujours le cœur qui bat plus vite. Je fais les cent pas dans mon cockpit!!!. Je suis sidérée par la taille de ce bateau... Tranquillement, l’immense robot de fer avance ; il ne semble pas nous voir. Sommes-nous donc devenus invisibles à force de faire corps avec l’océan ? ? ? Déterminé et tout puissant il nous passe sous le nez sans nous jeter le moindre regard... Les Humains, c’est en Polynésie qu’ils m’attendent. Jours passés en mer : 36 jours Distance parcourue : 1729 milles - 3202,11 km

Le 18 février 2005

Mahi Mahi Ces derniers temps, l’océan semble avoir oublié OCEOR, comme s’il faisait maintenant presque partie de la famille, se mêlant le plus discrètement possible aux éléments. Il est vrai que nous ne voulons pas nous faire repérer, chaque coup de rame s’efforçant de ne pas briser l’harmonie avec la mer. Nous nous adaptons au mouvement des vagues et je crois qu’il va bientôt me pousser un troisième bras ( toujours utile pour se tenir ). Aujourd’hui, nous avons la visite de dorades coryphènes. Elles se glissent sous le bateau, à l’abri du soleil. Jours passés en mer : 37 jours Distance parcourue : 1773 milles 3283,60 km

Le 19 février 2005

Mi-parcours J’ai une migraine à me taper la tête contre les murs, mais passons…. Le bleu profond de l’océan se mélange avec celui du ciel. Nous avons l’impression, OCEOR et moi, d’être suspendus dans l’espace, notre seul point de repère étant l’astre doré et brûlant au-dessus de nos têtes. Jours passés en mer : 38 jours Distance parcourue : 1833 milles - 3394,72 km

Le 20 février 2005

Creux de 4 mètres Des jours comme aujourd’hui on préférerait être bien tranquillement au port. La météo s’est considérablement dégradée cette nuit. J’ai, bien sur, toujours la migraine et y’en a marre d’être secouée dans tous les sens. On m’annonce un cyclone plus au sud. Jours passés en mer : 39 jours Distance parcourue : 1901 milles - 3520,65 km

Le 21 février 2005

Sur le rail Invasion des robots de fer au milieu du Pacifique. Entre deux déferlantes, rencontre avec cinq cargos cette nuit, deux au réveil et encore trois dans la journée. Autant vous dire qu’il n’y a pas que cette mer croisée qui perturbe mes nuits. Me voient-ils ? Pour ce qui est des deux derniers, la réponse est assurément négative : ils n’avaient pas leur radar branché. Jours passés en mer : 40 jours Distance parcourue : 1950 milles - 3611,40 km

Le 22 février 2005

Liberté Vous aussi vous regardez la carte, et certains se demandent…à quoi on pense au milieu du Pacifique ? Sur mon petit OCEOR, ici, minuscule face au gigantesque paysage, dix mille mètres de profondeur en dessous de nous, de l’océan à perte de vue, sous un ciel bleu infini ; j’ai la tête qui tourne. Comment ne pas se sentir à la fois seule au monde et si libre. Libre des chemins tout tracés, libre de l’engagement qu’on s’est fait d’en arriver là, libre des amarres de plomb dont on se croit à tort prisonnier. Si le bonheur, comme je le pense, c’est d’être là où l’on a rêvé d’être ; alors je suis heureuse. Jours passés en mer : 41 jours Distance parcourue : 2005 milles - 3713,26 km

Le 23 février 2005

Poissons pilotes Je suis réveillée par le cliquetis de la pluie de plus en plus fort sur la bulle. Ce bruit est l’un de mes préférés. Il me rappelle mon enfance sur la goélette... La pluie m’appelle. Puis très vite, comme si l’horloge de la cuisine venait de sonner, le soleil sort de son lit et d’un revers de main, sans laisser à la pluie le temps d’un arc-en-ciel, repeint tout de lumière. L’océan scintille à nouveau et nous avons la visite de poissons pilotes : une dizaine, en forme de cigares, tout zébrés, que je regarde s’agiter à travers l’eau transparente. OCEOR a remis son masque, je le charge de surveiller Pétula qui pourrait bien avoir envie d’en croquer un. Ils n’ont pas l’air de raffoler des céréales que je leur tends, mais nous suivent néanmoins toute la journée. Jours passés en mer : 42 jours Distance parcourue : 2103 milles - 3894,76 km

Le 24 février 2005

Dauphins Fascinés, OCEOR et moi sommes complètement sous le charme. Pétula, elle, joue la blasée, prétextant qu’elle en a déjà vu. Autour de nous, sous un soleil brûlant, gambade une famille de dauphins, enfin, vu leur taille, je pense que ce sont plutôt des marsouins. Debout dans le cockpit, je les observe bouche bée. Une bulle de magie se forme autour de nous. Je tape dans mes mains, fait claquer ma langue, siffle, et aussitôt, ils se mettent à faire des cabrioles. Jours passés en mer : 43 jours Distance parcourue : 2165 milles 4009,58 km

Le 25 février 2005

Soleil couchant Pétula, les jumelles en mains, recherche un arbre sous lequel nous pourrions nous abriter de la chaleur, mais rien en vue pour le moment. Elle guette alors les premiers coups de fatigue du soleil, OCEOR s’impatiente, tout le monde a hâte d’une petite pause. Quelques heures plus tard, l’astre brûlant baisse enfin sa garde, il cligne des paupières. Je réouvre les yeux doucement, l’air devient moins sirupeux, le vent se fait caresse sur mes épaules crispées. Un rideau de nuages tombe sur l’horizon comme pour clore la journée. Nous n’avons pas eu beaucoup d’entracte aujourd’hui et cette fin d’acte est un soulagement. Jours passés en mer : 44 jours Distance parcourue : 2244 milles - 4155,89 km

Le 26 février 2005

Ailleurs Soleil, rafales de vent, orages, puis re-soleil, re-nuages qui recouvrent tout ; la météo est des plus instable. Pour tout vous dire, votre Petit Point Rouge a la tête en fromage blanc aujourd’hui, il a du attraper une sorte d’insolation. J’attends avec impatience ce soir pour un peu de fraîcheur. Il y a des jours comme ça où l’on aimerait fermer les yeux et se réveiller ailleurs. Je souhaiterais laisser mon corps ici un moment. Jours passés en mer : 45 jours Distance parcourue : 2319 milles - 4294,79 km

Le 27 février 2005

27 ° sous les pieds Ça fourmille de jolis petits poissons au dos bleu électrique. On croirait qu’OCEOR s’est vu pousser des nageoires pendant la nuit. Au premier regard ce matin j’ai l’impression que l’eau n’a pas la même couleur que d’habitude. Elle arbore une teinte beaucoup plus translucide, un bleu presque tendre ; je regarde sa température : 27 °…waouh, et dire que tout le monde part au ski en France ! Je suis dans une veine de courant, ça souffle et la mer est loin d’être celle qui lèche le pied des cocotiers. Elle se lève, toute puissante, grince des dents, et dans un râle vient s’écraser à nos pieds. Jours passés en mer : 46 jours Distance parcourue : 2337 milles - 4328,12 km

Le 28 février 2005

Horizon et mystère Dans la nuit, je me retrouve nez à nez avec un poisson volant ; il vient d’atterrir sur mon oreiller : une complicité dont – avouons le – je me passerais bien ! Ils sont partout et semblent apprécier notre hospitalité. Petit à petit, je m’adapte à cette nouvelle vie, avec ces charmantes surprises, mais surtout sans horloge, sans fioriture ni tricherie. Quarante sept levers de soleil que j’ai dit au revoir à mes amis péruviens. Jours passés en mer : 47 jours Distance parcourue : 2394 milles - 4433,69 km

Le 1er mars 2005

Requin « UN REQUIIIIIIN ! ! ! ! » hurle Pétula debout sur la cabine arrière. Il est environ 12h20, le soleil tape dur, et je suis, les yeux mi-clos, en train de terminer nonchalamment une de mes « délicieuses » purées-jambon lyophilisées. Je suis tellement surprise que le petit sac en aluminium contenant mon repas fait un bond dans mes mains. Sans faire de bruit l’aileron s’approche doucement. Ma respiration s’accélère, je tente de rester le plus tranquillement possible les fesses sur mon siège. Je ne le quitte pas du regard. Jours passés en mer : 48 jours Distance parcourue : 2448 milles - 4533,70 km

Le 2 mars 2005

Coriolis A chaque coup de rame un petit tourbillon se crée. Pétula se demande si la mer n’est pas en train de se vider. Ça tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre : nous sommes bien dans l’hémisphère sud. Toujours sur mes avirons, je compte dans ma tête : 1, 2, 3, 4….jusqu’à 10 pour me donner un repère. Parfois je me retourne, comme persuadée qu’un début d ‘ombre de terre va enfin se présenter, mais l’horizon reste pur, imperturbable, semblant me chuchoter à l’oreille que rien ne presse. Jours passés en mer : 49 jours Distance parcourue : 2508 milles - 4644,82 km

Le 3 mars 2005

Gravure OCEOR est malmené par les flots. Je ne parviens pas à me caler dans ma couchette, ma tête me brûle. Bien réveillée au milieu de la nuit, je regarde à travers la bulle la lune qui sourit de toute sa clarté ; on croirait une gravure à l’encre de Chine. Je me laisse envoûter et soigneusement, le sommeil revoile mes yeux. Je rêve… de l’arrivée surtout ... Jours passés en mer : 50 jours Distance parcourue : 2561 milles - 4742,97 km

Le 4 mars 2005

Rythme solaire Les jours se succèdent. Je me lève avec le soleil, vis au rythme de sa progression dans le ciel, et ne suis pas longue à me coucher quand lui-même, fatigué, décide de se retirer. Mon désalinisateur me fabrique tous les jours un peu plus d’eau que nécessaire pour « au cas où » ; c’est ma petite réserve de sécurité, un genre de pied de pilote, quoi ! Jours passés en mer : 51 jours Distance parcourue : 2614 milles - 4841,13 km

Le 5 mars 2005

Tentation C’est le milieu de la nuit, le ciel est entièrement dégagé et je décide pour fêter ça d’aller m’asseoir dans le cockpit. « Attention à ne pas réveiller Pétula » me chuchote OCEOR. Des myriades d’étoiles font vibrer le plafond d’encre au-dessus de nous ; je n’en ai jamais vu autant. Elles sont si nombreuses que certaines ne trouvent une place qu’à l’approche de l’horizon... Ce matin le temps s’est calmé, la chaleur est étouffante ; je décide de mettre les pieds dans l’eau. Les rayons du soleil pénètrent la surface, disparaissent dans les profondeurs en dessinant comme un cône de lumière. J’ai l’impression d’être au-dessus d’un gouffre ; à la moindre ombre suspecte je relève mes jambes. Diable, qu’il est tentant ce plongeon qui rafraîchirait mes brûlures ! Jours passés en mer : 52 jours Distance parcourue : 2660 milles - 4926,32 km

Le 6 mars 2005

Du pied gauche Quelques gros nuages menaçants traînent dans le ciel comme des blousons noirs en quête d’un mauvais coup. L’océan semble avoir été recouvert par un souffle de poussière, ça lui rend la mine triste. Il a la respiration saccadée des jours difficiles, ses ongles grincent sur la coque d’ OCEOR qui sursaute à chacun de ses brusques mouvements... Jours passés en mer : 53 jours Distance parcourue : 2705 milles - 5009,66 km

Le 7 mars 2005

Règles du jeu Le ciel a enfilé un épais manteau de laine ; le gris anthracite des jours où il veut tout laver…il pleut…cela semble nous isoler encore plus du reste du monde. Océor marmonne entre ses dents quelque chose comme « Forcément, quand Pétula se met à chanter !.. » Mon siège à coulisse grince, on dirait que lui non plus n’aime pas ce temps. De grosses déferlantes nous surprennent et me voilà trempée... Jours passés en mer : 54 jours Distance parcourue : 2748 milles - 5089,30 km

Le 8 mars 2005

Inondation Je suis allongée sur ma couchette ; j’écope avec mon bol l’eau de mer qui vient d’ inonder ma cabine. Une vague impressionnante nous roule en une seconde sur le côté. OCEOR n’a pas le temps de me prévenir que déjà ma tête vient heurter la cloison. Par réflexe je me précipite de l’autre côté comme je commence à avoir l’habitude pour rétablir l’équilibre et éviter un chavirage. Tout s’est cassé la figure... Jours passés en mer : 55 jours Distance parcourue : 2798 milles - 5181,90 km

Le 9 mars 2005

Le redoux ...Je constate que le cockpit se vide mal ; les dalots ont l’air d’être bouchés. Après un travail de ramonage, je découvre les fautifs : des anatifes. Ça laisse présager l’état de la coque. Je me penche alors au maximum vers l’extérieur, mais le bateau suit mon mouvement et je ne peux rien voir. Un plongeon va-t-il être indispensable ? Jours passés en mer : 56 jours Distance parcourue : 2842 milles - 5263,38 km

Le 10 mars 2005

Deux galères Vous y croyez, vous, aux anges gardiens ? Et bien moi, si j’en ai un, il a du pain sur la planche pour les prochains jours. J’ai réussi à tendre une main et un bras sous la coque : pas de chance ; j’en ai retiré un anatife à multiples pieds de plus de trois centimètres ! Plus de doute, nous avons des passagers clandestins qui ralentissent OCEOR. Je vais donc devoir descendre faire du nettoyage... et mon gouvernail ... Jours passés en mer : 57 jours Distance parcourue : 2877 milles - 5328,20 km

Le 11 mars 2005

Plongée sous-marine J’y vais ? J’y vais pas ? Je suis assise sur le bord d’ OCEOR, les pieds dans l’eau, vêtue de mon seul harnais qui, grâce à ma ligne de vie, me relie au bateau. Le souvenir des derniers jours à galérer sur mes avirons me donne du courage. « Allez Maud » me lance Pétula.
Je mets mon masque et je saute. Je me retrouve dans un banc de poissons pilotes rayés blanc et noir de toutes tailles qui ne semblent pas effrayés par ma présence. Plus bas, au-dessus d’un trou noir impressionnant, des dizaines de bonites m’observent. J’ai le cœur qui bat la chamade ; je pense aux 5000 mètres de profondeur. Armée de mon plus grand couteau ( pour le cas d’une pieuvre géante, on ne sait jamais ! ) je coupe à la base les centaines de pieds d’anatifes soudés à la coque. Ils tombent en tourbillonnant et disparaissent très vite dans les abysses. Les poissons pilotes viennent tout près de mes doigts pour attraper un peu de cette nourriture fraîche. Les tout petits viennent jusqu’à taper au carreau de mon masque. « Navrée, je n’ai vraiment pas le temps de discuter »
Un côté terminé, ma ligne de vie trop courte, je suis contrainte de remonter à bord pour mieux redescendre de l’autre côté. J’ai beaucoup de mal à sortir de l’eau, OCEOR bascule avec moi. Des images de requins me passent malgré moi dans ma tête. Je m’aide d’un bout. Arrivée en haut, il faut maintenant redescendre sur tribord. Inutile de prendre le temps de philosopher : je me lance. Des rémoras sont agrippés au tuyau d’aspiration d’eau du desalinisateur ; je les fais fuir. Je suis drossée par les vagues qui restent importantes. Enfin, au bout d’une demi-heure, mon travail terminé, je me hisse de nouveau à bord en m’écorchant le ventre avec la dame de nage. Je tremble un peu… mais quel bonheur ! La vie est belle ! Bisous tout plein, Maud Jours passés en mer : 58 jours Distance parcourue : 2917 milles - 5402,28 km

Le 12 mars 2005

Ça se couvre Une mer hachée – stop – grosses déferlantes – stop – OCEOR est brinquebalé dans tous les sens – stop – je me cogne partout – stop – mal à la tête et au ventre – stop – espoir que ça aille mieux demain – stop -Maud Jours passés en mer : 59 jours Distance parcourue : 2992 milles - 5541,18 km

le 13 mars 2005

Moins une Je m’accroche…à mes avirons, aux poignées, aux filières, à tout ce qui me tombe sous la main. OCEOR bascule tant et plus. Je rampe dans mon cockpit pour ne pas être entraînée à l’eau. Le vent souffle et soulève de grosses vagues qui déferlent bruyamment, tous mes muscles sont tendus, quand tout à coup nous manquons de chavirer le capot ouvert. Je rattrape le coup en m’agrippant du coté opposé. OCEOR serre les dents et se rétablit tant bien que mal. Nouvelle inondation, mais ça a bien failli être pire. Jours passés en mer : 60 jours Distance parcourue : 3042 milles - 5633,78 km

le 14 mars 2005

Dans le creux de la vague. La mer reste très forte. Je regarde les déferlantes se former; les creux augmentent, des montagnes d’eau surgissent en quelques minutes ; elles courent à perdre haleine, écumant de rage, puis, à bout de souffle, s’écrasent dans un bruit sourd, ne laissant derrière elles qu’une longue traînée blanche. Mon ventre se vide. Jours passés en mer : 61 jours Distance parcourue : 3090 milles - 5722,68 km

le 15 mars 2005

Pluie apaisante Et il se mit à pleuvoir… le ciel semble être venu à mon secours afin d’adoucir l’océan. Je regarde inlassablement la pluie rebondir sur la surface de l’eau comme sur une terre desséchée. L’océan joue au dur, mais les gouttes d’eau sont patientes, elles redoublent d’effort. Je vois déjà la mer se faire plus tendre, une longue houle s’installe, le ciel a tourné la page et a tout redécoré de bleu clair. Pétula, étonnée de voir l’horizon toujours aussi vierge de terre ferme, est partie faire un petit tour devant. Jours passés en mer : 62 jours Distance parcourue : 5833,80 km Reste : 1064,90 km

le 16 mars 2005

Baleine Là-bas ! Là-bas !… à moins de 40 mètres devant nous, un puissant geyser déchire la surface de l’océan. Mon estomac se noue, mon cœur se met à battre plus fort, mes jambes se font coton ; une baleine, un gigantesque cétacé croise notre route. Je suis totalement subjuguée. Vite, se rapprocher. Une petite voix à mon oreille me supplie de m’inquiéter, mais je ne l’écoute pas...
Doucement, je glisse ma main dans l’eau, espérant secrètement que l’océan lui transmettra mes bonnes intentions. Si mes doigts pouvaient parler, ils lui diraient sûrement : « Tout doux ma belle, tout doux »...
Nous ne sommes plus qu’à une quinzaine de mètres. Elle sort discrètement la tête. Complètement sous le charme, je retiens mon souffle. Je voudrais que le temps s’arrête. Comme un rêve, elle pause quelques infimes secondes, puis dans une tendre caresse à l’ océan, replonge sereinement.
J’ai les larmes aux yeux. Suis-je devenue plus sensible ? Mon armure d’humain est-elle devenue perméable ? Quoiqu’il en soit, j’ai l’impression que l’océan vient de me susurrer un secret, et quelque en ait été le prix, ce moment en valait la peine. Souffle du Pacifique
Maud Jours passés en mer : 63 jours Distance parcourue : 5933,81 km Reste : 964,89 km

le 17 mars 2005

Grain sur le Pacifique Pétula est rentrée bredouille, la terre est encore trop loin…..faut ramer ! Le ciel est devenu progressivement tout noir ; je regarde l’ombre menaçante s’approcher, la lumière s’est presque éteinte, la mer se lève, comme attirée par la voûte immense au-dessus d’elle. Bien décidée à rester dehors, je tiens ferme mes avirons ; tout à coup il se met à pleuvoir ; un vrai déluge, l’océan devient tout blanc ; il semble en ébullition et fume sous mes yeux, l’eau me fouette le visage. Jours passés en mer : 64 jours Distance parcourue : 6033,82 km Reste : 864,88 km

le 18 mars 2005

De la visite Imaginez ma surprise, quand, alors qu’isolée, seule dans mon grand univers bleu depuis si longtemps, je vois arriver sur moi un hélicoptère. Il tourne bruyamment autour d’ OCEOR, visiblement très satisfait de nous avoir enfin dénichés dans cette immensité. A la VHF on m’annonce ; « La frégate PRAIRIAL sera sur vous dans à peine vingt minutes. Nous faisons route sur CLIPPERTON pour retrouver Jean Louis ETIENNE, nous voulons savoir si tout va bien de votre côté »
Eh ben ! ! ! Je suis tout sourire, terriblement heureuse de voir enfin du monde. Voilà bientôt l’impressionnante frégate avec à son bord quatre vingt dix personnes ; ça en est presque surréaliste. Mon étonnement n’a plus de limite quand je les vois mettre à l’eau un canot, puis venir faire des photos. On me regarde avec des grands yeux ; je savoure cette délicieuse rencontre. Ils ont à peine regagné leur bord qu’à Paris on a déjà reçu les clichés ; c’est pas magique tout ça ! ! Ils repartent doucement comme si tout cela n’avait été qu’un rêve et je me retrouve à nouveau bien seule. Jours passés en mer : 65 jours Distance parcourue : 6126 km Reste : 750 km

le 19 mars 2005

Il parait que "macarons chauds" ca n'existe pas, mais moi ça me plait bien comme titre Aujourd'hui le ciel est comme un macaron. Une épaisse couche nuageuse craquelée de toutes parts laisse transparaître un bleu presque fondant. J'en ai l'eau à la bouche. L'océan gourmand vient lécher l'horizon fuyant toujours devant moi. Appuyée sur mes avirons, je repense à la journée d'hier. Drôle de sensation que cette rupture dans ma solitude. De retour dans mon monde, l'océan respirant tranquillement sous mes pieds, j'observe le vol de quelques pétrels et j'ai encore plus l'impression que ce n'était qu'un mirage. Cette rencontre inattendue me prépare peut être doucement à l'arrivée. Des poissons volants me sortent de mes rêveries. Pétula les attire avec des grains de riz. La mer ne m'est jamais parue aussi belle, brillante comme un soulier verni, elle joue innocemment avec le vent qui la fait écumer par endroit. Des sourires, Jours passés en mer : 66 jours Distance parcourue : 6237,54 km Reste : 661,16 km

le 20 mars 2005

Rappel à l’ordre Chavirage le capot à demi ouvert pour pouvoir respirer = frayeur assurée.
Depuis hier soir, l’océan redouble de violence, bien décidé à me montrer que rien n’est gagné ; lui seul est le maître. Les côtes ont beau n’être plus très loin, le danger reste le même. Je suis cloîtrée dans ma petite cage une main pour me cramponner, l’autre prête à refermer le capot en cas de problème. L’oxygène me manque mais je sais qu’il n’y a rien à faire. Je tente de faire le vide dans ma tête pour que les heures passent plus vite. Une migraine me tient sournoisement éveillée malgré la fatigue. Brutalement, un rugissement terrible se fait entendre. Une déferlante de taille démesurée nous engloutit OCEOR et moi. Je bande tous mes muscles, saute sur le capot mais la mer est déjà entrée. Je m’agrippe sur les fermetures ; une peur glacée m’envahit, ma tête vient heurter la bulle, mon estomac me remonte dans la gorge, ma respiration se coupe, mon poids sert de balancier. OCEOR tourne sur lui-même comme broyé par la vague. Je tremble de partout… puis tout s’arrête. Nous venons de chavirer. J’ai le cœur qui tambourine dans ma poitrine. Ne pas se laisser aller, surtout rester zen. Je respire un grand coup, me force à déglutir, une vive douleur au niveau de ma côte fêlée me crispe, une petite voix à mon oreille me force à relever la tête vers mon nez de clown rouge toujours accroché. Allez Maud, un sourire !
Seule solution : régler un à un les problèmes comme un automate. Je compte :
1 : un seau pour vider
2 : sortir les vêtements trempés
3 : …
mon téléphone satellite a pris l’eau, il ne marche plus Un étrange silence se fait autour de moi. Deux heures plus tard : assise sur ma couchette gorgée d’eau de mer, trempée, exténuée, je cajole mon téléphone, coton tige après coton tige… Je serre les dents…Je le branche à la batterie : il n’affiche plus rien. Je suis lasse. J’appuie sur une touche : bip… bip… une douce chaleur m’envahit. Miracle ! J’y vois là un signe du Grand Univers. Je tente d’appeler la terre… Ca sonne timidement… Chris décroche… et va savoir pourquoi, des larmes coulent sur mon visage. Ah les filles !! Jours passés en mer : 67 jours Distance parcourue : # 6330 km Reste : # 568 km

le 21 mars 2005

Sur le fil Mon téléphone ne marche plus une fois sur dix. L'écran n'affiche plus rien, la touche ON/OFF ne répond plus et je ne sais pas s'il charge convenablement. La procédure avec la Terre est la suivante: dans le cas où il s'éteint définitivement je branche ma deuxième balise ARGOS et rendez-vous à l'arrivée! La nuit fut rude, sans air; allongée sur ma couchette autant gorgée d'eau que mon duvet et mon oreiller, je grelottais. De grosses déferlantes soulèvent sans cesse OCEOR, qui retombe à chaque fois plus violemment sur les flots. J'ai mal partout. La peur d'un nouveau chavirage me hante. Impossible de faire sécher quoi que ce soit avant que l'océan ne se calme. Je fais le gros dos. Jours passés en mer : 68 jours Distance parcourue : 6424,59 km Reste : 474,11 km

le 22 mars 2005

Dans ma bulle ...Le soleil se lève, Pétula mon petit coq des mers a retrouvé sa voix. Dans le cockpit elle fixe des yeux quelques moelleux nuages, édredons de l'aube qui, à l'horizon se maquillent d'une douce et tendre lumière rose. OCEOR y voit là d'appétissants marshmallows. Décidément on a envie de sucre à bord. Il va faire beau et chaud, je sors enfin mes affaires pour qu'elles sèchent. Dans la journée le ciel se dégage complètement et prend une teinte si pâle qu'il m'apparait presque blanc. Jours passés en mer : 69 jours Distance parcourue : 6533,86 km Reste : 364,84 km

le 23 mars 2005

Trève Ce midi, coucous lyophylisé (c’est quelque chose !) et petite discussion avec l’océan. Nous avons conclu une trève. De combien d’heures, de jours... je ne sais pas mais je vois néanmoins d’un bon oeil le répit accordé. A chaque pause je scrute attentivement l’horizon comme si je m’attendais à voir bondir le début d’une Terre. Mais rien ! Toujours aucun signe des îles Marquises. Je regarde la carte. La civilisation semble maintenant si proche. Je vise un petit point ocre sur un fond bleu, île bien connue d’Hiva Oa. Je fredonne déjà des airs de Brel en rêvant aux toiles de Gauguin. Je pense y être Samedi ou Dimanche si tout va bien. J’ai du mal à y croire. Je redouble de vigilance et de prudence. Jours passés en mer : 70 jours Distance parcourue : 6650,53 km Reste : 248,17 km

le 24 mars 2005

Survol de Yelling Delta Deux mètres de creux, vingt noeuds de vent, mer croisée...courte trêve ! OCEOR serre les dents, tandis que je fais très attention de ne pas passer brusquement par dessus bord. Un avion de la Marine doit me survoler ; c’est super sympa mais entre nous je suis un peu ennuyée parce que je voudrais bien me laver. Ben oui, avant l’arrivée quoi. Je joue donc ma carte chance. Enfin, soyons honnêtes, disons plutôt que je mise sur le fait qu’ils vont avoir, je pense, du mal à me localiser.
Me voila toute propre et toujours aucune trace du Guardian.
De grosses vagues déferlent, le soleil cogne dur, je m’enduis à nouveau d’une bonne couche de crème solaire quand, parmi les oiseaux, je distingue un petit point qui m’a tout l’air d’être un avion. J’allume aussitôt ma VHF, Yelling Delta me cherche. A plusieurs reprises nous tentons d’établir un contact, mais n’ayant pas une assez longue portée, ils ne m’entendent pas. Au bout d’une heure d’essais, victorieux ils me survolent. Je leur fais de grands sourires mais je ne suis pas certaine que de là-haut ils les voient. Il semble que tout le monde m’attend à Hiva Oa. Ca tombe bien, j’arrriiiive ! Jours passés en mer : 71 jours Distance parcourue : 6778,32 km Reste : 120,38 km

le 25 mars 2005

Toujours rien en vue! Ca en devient presque rageant. Les côtes n’ont tout de même pas pu disparaître du jour au lendemain, saperlipopette !? Oui, il y a bien une multitude d’oiseaux autour de moi, c’est un signe je vous l’accorde. Mais où la terre ? La chaleur est cuisante. J’ai l’impression d’être sous un grill dans un four géant. Impossible de régler le thermostat. Je toaste littéralement. Je vois bien quelques nuages à l’horizon, peut-être que les Marquisiens se cachent dessous pour s’abriter du soleil !? Je rame toujours. Jours passés en mer : 72 jours Distance parcourue : 6893,14 km Reste : 5,56 km

le 26 mars 2005

C'est pour aujourd'hui Au pointage de 7h54 ce matin, il ne restait que 0 km à parcourir ? Entendu à la radio elle est arrivée

Je me retourne encore une fois timidement... Ca y est, je la vois !
Une étouffante émotion m'envahit aussitôt. Là, devant moi, à portée de mes avirons, derrière un léger voile blanc de condensation, un trait de crayon presqu'invisible se dessine. Je suis comme un enfant la veille de Noel et trépigne d'impatience devant cette forme bleutée qui se distingue peu à peu du ciel. Le soleil tombe lascivement jusqu'à l'océan. Tout se colorie d'orange et de rouge. Une nouvelle terre dorée semble être en train de naître sous mes yeux ébahis. Dire qu'il y a à peine quelques heures, seul l'infini Pacifique se dressait devant moi. Je dévore des yeux cette île miraculée qui s'ourle complètement de rose. OCEOR, caressé par ces lumières rougit lui aussi. C'est pleine lune ce soir, comme le jour de mon arrivée de l'Atlantique Nord. Je me laisse envoûter par l'astre laiteuxdans lequel semble déjà se refléter la cime des cocotiers et les toits des petites maisons que j'imagine sur l'île. Hiva Oa sort doucement de la mer. La Tapageuse, bateau de la Marine Nationale, m'attend patiemment, presque maternellement. J'ai envie de me jeter dans leurs bras. Il est 2h32 du matin, dans ma main droite brûle un éblouissant feu de bengale rouge. J'ai la gorge nouée de bonheur. Bientôt le terre ferme.

le 27 mars 2005

Arrivée Pas beaucoup de commentaires sur le site de Maud, mais trois belles photos de son arrivée triomphale. Elle l'a bien méritée.

 

 

Positions en direct  
  La dernière position : carte
Le parcours
   

La route vue de loin

le 25 mars 2005

   

 

 

Le point chaque jour,

enfin presque !

 

Arrivée ce soir

 

26 mars 20h

Ses livres  
Son livre sur la traversée de l'Atlantique Nord
Son livre sur la traversée du Pacifique Sud
Bientôt un livre sur son Tour du Monde à Contre-Courant